(Moniteur belge n°124, du 4 mai 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure un quart.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen communique à la chambre les pièces suivantes qui lui ont été adressées.
« Le sieur J.-M. Canot, assesseur de la commune de Tegelen, demande qu’il soit adopté dans la loi communale une disposition qui oblige les administrations locales de tenir un registre dans lequel seront inscrits les faits mémorables qui se passeront dans la commune. »
« Le sieur Figue-Bourlat, à Hornu, demande que la chambre adopte une disposition qui prohibe l’exportation par terre des os. »
« Les notaires de campagne de l’arrondissement de Charleroy demandent à pouvoir instrumenter dans tout l’arrondissement judiciaire. »
M. Van Hoobrouck de Fiennes annonce a la chambre que l’indisposition grave de M. de Mooreghem, son beau-père, l’empêche d’assister aux délibérations.
M. le président. - L’ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif aux frais des chambres de commerce.
M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Oui, M. le président.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je demande la parole pour présenter le rapport de la section centrale chargée d’examiner la loi communale renvoyée par le sénat.
- Plusieurs membres. - L’impression ! l’impression !
M. Dubus. - La chambre a fixé la discussion de ce projet à un jour très rapproché ; si on se borne à en faire le dépôt, le temps qu’il faudra pour l’imprimer et le distribuer fera que nous ne le connaîtrons au plus tôt que demain soir, tandis que si nous en entendons la lecture, nous saurons au moins qu’elles sont les propositions de la section centrale.
M. le président. - La chambre est-elle d’avis qu’il soit donné lecture du rapport ? (Oui !oui !)
La parole est à M. le rapporteur.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - (Nous publierons son rapport dans un prochain numéro.)
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le président. - M. le ministre ayant déclaré se rallier au projet de la section centrale concernant les frais des chambres de commerce, la discussion est ouverte.
M. Rogier. - Messieurs, c’est pour combattre le système proposé par la section centrale que j’ai demandé la parole.
Elle s’exprime dans son rapport de la manière suivante :
« La section centrale est convaincue qu’il importe d’assurer des ressources suffisantes et certaines à des institutions stables, et qui, érigées dans l’intérêt de la prospérité publique, ont une mission aussi importante qu’honorable à remplir. Mais, en assignant à l’industrie sa part contributive à des frais qui, d’après le régime existant, incombent exclusivement aux communes, le projet a-t-il équitablement concilié les différentes exigences ? C’est, messieurs, la question que vous êtes appelés à résoudre. »
Il est regrettable que la section n’ait pas cherché à résoudre cette question importante de savoir s’il est bien équitable de mettre à la charge de l’industrie des institutions formées dans l’intérêt de la prospérité publique. Quant à moi, je pense qu’il n’est pas équitable d’en agir de cette manière, et que dans aucun cas les industriels ne doivent supporter de nouvelles charges à raison des établissements des chambres de commerce. Ce n’est pas à dire pour cela que je considère la dépense comme devant être exclusivement communale. Je pense qu’elle doit être mise à la charge de l’Etat, comme l’entretien de beaucoup d’autres établissements d’intérêt général. C’est là l’opinion que je tâcherai de faire prévaloir.
Messieurs, les impôts spéciaux destinés à entretenir des établissements utiles à ceux qui paient ces impôts, sont, sans doute, les plus justes. C’est ainsi que le droit de barrière, qui sert à l’entretien des routes, est très équitablement payé par ceux qui fréquentent ces routes. Mais ce système d’impôts spéciaux, avec affectations spéciales, ne peut pas s’étendre à toutes choses ; on est obligé d’y renoncer dans une multitude de circonstances. Il ne viendra, par exemple, à la pensée de personne de mettre les institutions, fondées dans l’intérêt des arts, à la charge des artistes, de faire payer les dépenses dans l’intérêt de la salubrité publique par les médecins ou par les malades. Ces dépenses, comme une foule d’autres qui sont dans l’intérêt général, doivent être supportées par le trésor public.
Les chambres de commerce ne sont pas établies dans l’intérêt exclusif des industriels de la localité où elles ont leur siège. Les chambres de commerce sont des institutions d’intérêt général, nous en avons chaque jour la preuve sous les yeux. Ne les avons-nous pas consultées dans toutes les grandes questions d’intérêt matériel qui se sont présentées depuis la révolution ? Ce sont des commissions d’enquête permanente, constamment en rapport avec les chambres et avec le gouvernement, et qui, à ce titre, méritent d’être traitées comme tous les établissements d’intérêt général.
L’industrie est déjà passablement chargée ; elle contribue, pour une forte part, à toutes les dépenses de l’Etat. Cependant jusqu’ici on a été très sobre de dépenses en faveur de l’industrie et du commerce. On entretient aux frais de l’Etat des universités, des collèges latins, des écoles primaires, et il n’y a dans tout le royaume qu’une seule école industrielle entretenue aux frais de l’Etat, celle de Gand. Vainement chercherez-vous ailleurs des institutions dans l’intérêt du commerce et de l’industrie.
Cependant, je le répète, le commerce et l’industrie contribuent pour une bien forte part aux revenus de l’Etat par les patentes, par les accises, par les droits d’entrée, de sortie et de transit. Et Dieu veuille que bientôt le commerce soit déchargé des droits trop élevés qu’il paie au transit, droits qui ont subi une réduction notable en Hollande, ce qui rend plus difficile encore la concurrence de notre commerce avec celui de la Hollande sur les marchés d’Allemagne.
Je saisis cette occasion pour presser le gouvernement de présenter le projet de loi sur le transit qui vous a été promis à plusieurs reprises depuis l’ouverture de la session.
Le gouvernement a senti la difficulté de répartir sur tous les industriels le centime additionnel aux patentes. Il a exempté un très grand nombre d’industriels de cette contribution. Et cependant, si on parcourt le tableau de ceux qui doivent la supporter, on en verra encore un assez grand nombre qui ne sont pas directement intéressés à l’existence des chambres de commerce.
Ce système, si vous l’adoptez, soulèvera des réclamations de la part de patentables, qui déjà paient assez et ne se résigneront pas facilement à ajouter un nouveau centime à leur patente. D’ailleurs, dans beaucoup de localités, ce centime ne suffirait pas pour couvrir les frais de la chambre de commerce.
On dira que la commune devra parfaire la somme nécessaire pour couvrir ces frais. Mais quelles contestations ne naîtra-t-il pas de là entre les chambres de commerce et les communes, entre les communes et le gouvernement ? Si les communes ne veulent pas compléter les budgets des chambres de commerce, quel moyen aura le gouvernement de leur forcer la main, en cas de résistance de leur part ?
Les chambres de commerce ne sont pas des institutions d’intérêt local, créées dans l’intérêt de la commune où elles existent. Cela est si vrai qu’il y a telle localité qui a demandé la suppression de la chambre de commerce, tellement elle trouvait peu d’intérêt à avoir cette institution.
Il est telle ville entourée d’un arrondissement très industriel, lequel aura le désir d’avoir une chambre de commerce, tandis que la ville ne s’en soucierait pas et se refuserait à en payer les frais. C’est en faveur des industries rurales que je demande que les chambres de commerce ne soient pas considérées comme des institutions locales.
Au moyen des communications qui se multiplient tous les jours, au moyen du chemin de fer surtout, beaucoup d’industries vont pouvoir s’établir dans les campagnes ; les centres de consommation pouvant être plus facilement atteints, on ne sera plus aussi intéressé à y établir les centres de production, on les établira au-dehors. Il ne faut donc pas faire payer par les villes les frais des chambres de commerce, en cas d’insuffisance du centime additionnel. Et je vous prie d’observer que cette insuffisance arrivera dans beaucoup de petites localités, qui par elles-mêmes sont peu importantes, mais qui auraient une chambre de commerce, à cause de l’importance de leur ressort.
Il est à remarquer que la dépense qu’occasionne une chambre de commerce, qui pour certaines communes peut être considérable, n’est rien pour l’Etat, rien surtout si on la compare à ce que produit le droit de patente. La dépense de toutes les chambres de commerce du royaume ne s’élève qu’à 25,000 fr., et le produit des patentes est de 1,800,000 fr. Ce ne serait donc que la 75ème partie environ du produit des patentes que l’on consacrerait à l’entretien d’institutions formées dans l’intérêt général.
C’est dans ce sens que je voudrais voir adopter un projet de loi. On mettrait ainsi fin aux discussions qui se sont élevées dans certaines communes à l’occasion du budget des chambres de commerce.
Voici comment je proposerai de le formuler :
« Art. 1er. Les frais des chambres de commerce sont à la charge de l’Etat. »
Je supprimerais l’article 2.
L’article 3 pourrait être maintenu.
Et je proposerais de rédiger ainsi le quartrième :
« L’établissement d’une chambre de commerce pourra être autorisé par un arrêté royal. »
M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion émise par l’honorable préopinant, que les patentables ne doivent pas supporter les frais des chambres de commerce. Je préférerais sans doute le système qu’il a proposé à celui du projet de la section centrale. Cependant je ne vois pas de motif pour abandonner le système actuel. Ce système existe depuis dix-huit ans, et je ne vois pas qu’il nous soit arrivé de pétitions de plaintes pour en demander le changement.
On dit que les villes qui possèdent des chambres de commerce ne retirent de cela aucun avantage ; c’est une erreur. J’avoue que l’avantage n’est pas très grand, mais il existe. On n’a pas signalé les inconvénients qu’il y aurait à faire supporter les frais de ces institutions par les villes où elles se trouvent ; dès lors je ne vois pas pourquoi on veut les mettre à la charge des contribuables.
S’il s’agissait de sommes excessives dont on dût augmenter le budget des communes, je concevrais que des plaintes pussent s’élever ; mais comme on nous l’a déjà dit, les dépenses de toutes les chambres de commerce du royaume ne s’élèvent qu’à 25 mille francs, ce qui fait 1,800 fr. terme moyen par chambre de commerce.
L’honorable préopinant a parlé des usines qui sont dans les environs des villes, et qui sont aussi intéressées que celles de l’intérieur à l’existence des chambres de commerce. Je lui répondrai, à cet égard, que dans toutes les grandes villes il y a des octrois excessifs, et que, lorsque les industriels de l’extérieur veulent y introduire leurs produits, ils sont obligés de payer des droits énormes de consommation, tandis que quand les citadins vont dans les campagnes, ils ne sont assujettis à rien de semblable.
Si vous ne maintenez pas les choses dans leur état actuel, état qui n’a donné lieu à aucune plainte, vous verrez que bientôt on viendra aussi demander qu’on mette les conseils de prud’hommes à la charge des patentables ou de l’Etat.
Cependant, si mon opinion ne prévalait pas, je préférerais voir mettre les frais des chambres de commerce à la charge de l’Etat qu’à la charge des patentables.
M. Verdussen. - Messieurs, avant que le premier orateur que vous avez entendu n’eût pris la parole, j’avais l’intention de la demander afin de déclarer que quoique mon nom figure au bas du rapport, comme ayant fait partie de la section centrale chargée d’examiner cette loi, le hasard a voulu que je ne pusse pas assister à ses délibérations.
Je me trouvais dans ce moment à Anvers, et j’étais nanti du rapport de la première section qui n’a pas pu être examiné par la section centrale. Je fais cette déclaration parce que mon intention est de défendre ici l’opinion de la première section.
Je conçois qu’il y avait de la difficulté à mettre à la charge des villes un impôt qui ne peut et ne doit pas être local. Mais si on pense que ce soit là ce qui doit continuer à exister, pourquoi déroger à ce système par la loi actuelle ? Si au contraire on trouve que ce système est une injustice, pourquoi prendre une demi-mesure ? Il est évident que c’est une demi-mesure que vous propose.
Dans l’exposé des motifs du ministre, nous avons trouvé que le total des chambres de commerce monte à 25,000 fr., et pour faire face à ces 25,000 fr., on vous propose de mettre un centime additionnel sur le principal du droit de patente. Déjà ici il y a déficit, en supposant que le centime additionnel soit perçu sur toutes les patentes, car le total du droit de patente ne s’élève qu’à 1,800,000 francs. Or, le projet ministériel a proposé et la section centrale a maintenu des exceptions en faveur de plusieurs patentables.
Autant que j’ai pu calculer les tableaux qui accompagnent le projet, j’ai reconnu, sans cependant pouvoir garantir tout à fait l’exactitude des chiffres, que le principal de 1,800,000 fr., par suite des exceptions proposées à l’article premier, se réduirait au moins à 1,200,000 francs.
Dans cette hypothèse, le centime additionnel ne couvrirait que la moitié des frais des chambres de commerce. La mesure qu’on vous propose n’est donc qu’une demi-mesure. Ensuite, la répartition serait inégale, car il y a telle localité où la chambre de commerce a des frais quatre fois plus considérables que dans telle autre ville plus importante par elle-même, parce que le ressort de la première est plus étendu et plus industriel.
On vient de dire que les villes où se trouvent des chambres de commerce, ont un intérêt à posséder ces institutions. Je suis à me demander en quoi consiste cet intérêt. Si je prends par exemple la ville que j’habite, je trouve que dans la ville d’Anvers, qui semble être le point central des opérations commerciales de la province, la chambre de commerce n’est pas seulement composée de négociants de cette ville ; Lierre, Malines, Turnhout y sont représentées.
Elles le sont moins sans doute que la ville d’Anvers, mais c’est parce que les membres étrangers à la localité où se réunit la chambre de commerce, ne s’y rendraient pas aussi exactement, et que la chambre se trouverait aussi privée de leurs lumières.
Les chambres de commerce, comme je viens de le prouver, n’étant pas un objet d’intérêt local, si le centime additionnel des patentes laisse un déficit, il faut que tous ceux qui sont intéressés à l’institution concourent à en couvrir les frais ; cependant, dans la province d’Anvers, Lierre, Malines et Turnhout ne devraient pas contribuer d’après le projet à combler le déficit que laisserait le produit du centime additionnel.
Mon intention était de repousser toute demi-mesure, et de proposer de doubler le centime additionnel, parce que je trouvais qu’il était très dangereux d’exposer les chambres de commerce à être envahies par un esprit exclusif de localité, ce qui pourrait arriver, si la dépense de cette institution était mise à la charge du budget communal.
Les observations présentées par l’honorable M. Rogier me dispensent de m’étendre davantage sur ce point ; et je déclare me rallier à son opinion, qui est de mettre cette dépense à la charge de l’Etat, et de la comprendre dans le budget général.
M. Eloy de Burdinne. - Les chambres de commerce trouvent dans cette enceinte beaucoup d’échos en leur faveur. Moi aussi je veux les favoriser. Cependant je ne veux pas que pour cela on vienne frapper d’autres branches d’industrie, telles que l’agriculture.
De quoi s’agit-il dans ce moment ? Il est question de trouver le moyen de dispenser les communes de faire face aux dépenses des chambres de commerce.
Lorsqu’en 1819 on a établi les commissions d’agriculture, on a voulu que les frais de ces institutions, toutes en faveur de l’agriculture, fussent couverts. Qu’a-t-on fait ? on a établi un impôt sur le bétail, non seulement pour faire face à la dépense annuelle, mais pour avoir le capital intégral de ce qui était nécessaire pour indemniser les commissions d’agriculture qui se réunissent tous les ans.
Mais, messieurs, on vous a dit tout à l’heure que ces chambres de commerce étaient établies dans l’intérêt général ; moi je dirai que c’est simplement dans l’intérêt du commerce. Ces chambres de commerce, vous a dit M. Rogier, sont consultées quand il s’agit d’enquête ; mais c’est dans leur intérêt, c’est pour savoir si telle ou telle disposition légale ne viendrait pas contrarier leurs intérêts.
On a paru vous dire aussi qu’on ne faisait rien pour le commerce, ou peu de chose ; je crois que quand on considère la dépense qui est faite pour la construction du chemin de fer, on ne pourra soutenir cette opinion. (Interruption.) Je prie M. Lardinois de vouloir bien me laisser continuer : je sais que je ne suis pas très fort en matière d’éloquence ; mais comme j’ai toujours grand plaisir à l’écouter, je lui demanderai la même complaisance. On ne fait rien pour le commerce, dit-on, ni pour l’industrie ; mais en vérité, quand on repasse le budget, on trouve bien des articles en faveur de cette industrie.
Je crois que les 25,000 fr. dont il est question doivent rester imputables aux communes où se trouvent établies les chambres de commerce. Je ne puis ni partager l’opinion de l’honorable M. Rogier, ni celle des membres qui ont attaqué le projet de loi, que je crois équitable et auquel je donnerai mon assentiment.
M. Legrelle. - Appartenant à la caste des industriels, j’éprouve quelque répugnance à prendre la parole ; mais il est telle assertion que je ne puis laisser passer sous silence.
Mon honorable ami M. Eloy de Burdinne a fait une distinction entre le commerce et l’agriculture, en ce sens qu’il semblerait que l’agriculture est entièrement étrangère aux bienfaits des chambres de commerce. Il n’en est pas ainsi, et les intérêts agricoles sont intimement liés aux intérêts du commerce.
Je vous demanderai si la garance, le colza, les huiles et produits du sol ne font pas partie intégrante du commerce. C’est incontestable ; et par là vient à tomber d’elle-même l’opinion de l’honorable préopinant. Le chemin de fer, selon lui, semble avoir été construit seulement dans l’intérêt du commerce ; je soutiens que l’agriculture en profitera, et en admettant que le commerce seul en profite, c’est le commerce qui le paiera, puisque ce sont ceux qui s’en serviront qui en supporteront les péages.
Il y a encore une opinion qui est peu fondée : c’est celle qui avance que c’est aux chambres de commerce plutôt qu’à l’Etat à supporter les frais dont il est question. Cela n’est pas équitable. Est-il naturel que ce soit la commune où est établie la chambre de commerce qui supporte les frais de tout l’arrondissement auquel sert cette chambre de commerce ? Je demanderai si la ville de Malines ou celle de Tournay doivent supporter seules les frais de l’archevêché ? si Bruxelles doit seule soutenir les frais de l’école vétérinaire ? Gand, ceux de l’université, et cela parce que ces établissements sont renfermés dans les murs de ces villes ? Il en serait ainsi de toutes les cours d’appel et autres tribunaux. Un objet d’intérêt général doit être supporté par le trésor ; et je voterai dans le sens de la proposition de l’honorable M. Rogier.
M. Coghen - Je prends la parole pour appuyer l’opinion de l’honorable M. Rogier. Les chambres de commerce sont établies dans l’intérêt général, et non pas dans celui exclusif de l’industrie et du commerce.
Il y a peu de jours encore que la chambre de commerce de Bruxelles a été consultée sur la culture du tabac. C’est bien là une industrie agricole. Faire supporter les frais par les communes où sont établies les chambres de commerce ne serait pas équitable. Il faudrait que l’Etat les supportât, ou tout au moins tout l’arrondissement.
Si je trouvais juste de faire supporter ces frais par les patentables, la somme est de trop peu d’importance pour que je ne votasse pas dans ce sens ; mais je trouve qu’il serait ridicule de faire contribuer quelques professions au subside pour les chambres de commerce. Quant à ce que l’honorable M. Eloy de Burdinne a dit du chemin de fer, l’honorable M. Legrelle a trop bien répondu pour qu’il soit nécessaire d’y ajouter quelque chose. Ce chemin coûtera 37 à 40 millions mais il rapportera, en raison des péages, non seulement l’intérêt de ce capital, mais encore son amortissement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Déjà trois discussions ont eu lieu relativement aux frais des chambres de commerce. Dans les deux premières, on a agité ces deux questions : Seront-ils supportés par les patentables, comme cela s’est fait jusqu’en 1818, ou par les communes où sont établies les chambres, comme cela s’est pratiqué depuis 1818 ? Dans ces deux discussions, on n’a pas songé à imputer ces frais à la charge de l’Etat. J’ai cru trouver quelque chose de vrai dans les opinions qui ont été émises de part et d’autre, et j’ai essaye de prendre un système de conciliation entre les opinions diamétralement opposées. J’ai donc proposé le projet en discussion, qui a été adopté unanimement par les sections et par la section centrale.
C’est dans cet état de choses que vient se manifester subitement l’opinion de mettre ces frais à la charge de l’Etat. Cela n’est pas fondé en équité. Un fonds général d’agriculture a été établi au moyen des frais perçus sur l’agriculture ; il en est de même pour les mines. N’est-il pas juste que les patentables contribuent pour des institutions toutes en faveur du commerce ? Si ces institutions sont dans l’intérêt général, c’est que le commerce lui-même est dans l’intérêt général.
L’opinion qui vient de se manifester tout à coup ne doit pas prévaloir en cette circonstance : Ce n’est pas le moment de grever le budget de l’Etat. En outre on ne peut se dissimuler que, si ces frais étaient portés à la charge de l’Etat, on verrait disparaître l’économie dans les frais des chambres de commerce ; je ne veux pas dire par là qu’il faille user d’une parcimonie nuisible aux bienfaits de ces institutions, je dis seulement qu’il serait craindre alors qu’on ne dépassât les justes bornes. Je pense donc qu’il serait avantageux et juste d’adopter le projet tel qu’il est présenté.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne suis pas d’avis que, quand on consulte les chambres de commerce, ce soit en faveur de l’agriculture. On ne s’adresse à elles que pour savoir si telle ou telle mesure sera en même temps avantageuse au commerce. En un mot on tremble tant de déplaire à cette branche d’industrie, que jamais on n’ose faire une proposition, sans l’avoir consultée. S’agit-il de planter de tabac, on consulte le commerce. On se demande si cela ne met pas le commerce dans le cas d’en vendre une livre de moins. Voyez un peu quelle sollicitude !
J’ai un mot à répondre à l’honorable M. Legrelle, qui dit que si le chemin de fer est fait pour le commerce, celui-ci le paiera. Si on ne trouve pas assez d’individus pour user ce chemin de fer, je demande à M. Legrelle qui est-ce qui le paiera ? La propriété, qui y sera comprise pour les 13/16. Qu’on ne vienne me dire que le chemin de fer est construit en faveur de l’agriculture. Qu’on ne fasse pas valoir à notre avantage les verges qu’on nous donne pour nous fouetter. Le chemin de fer nuit à l’agriculture. Cette route nuira aussi à nos routes et à nos canaux.
M. Lardinois. - L’interpellation animée qui m’a été adressée par l’honorable député de Waremme, et les considérations lumineuses qu’il a fait valoir, m’engagent, messieurs, à dire quelques mots sur l’objet en discussion.
Cet honorable député trouve très rationnel de faire peser sur les patentables les frais qu’occasionnent les chambres de commerce qui, suivant lui, ne sont d’aucune utilité pour l’agriculture ; il s’appuie aussi sur les bénéfices énormes que font les commerçants et les industriels qui gagnent des centaines de mille francs et même des millions : c’est sans doute pour cela que retentissent souvent ici les plaintes des manufacturiers et l’appel que font chaque jour à votre sollicitude les fabricants de cotons, de toiles, et bientôt les fabricants de draps, si l’on ne réussit pas à leur ouvrir des débouchés.
Il objecte encore que la contribution foncière est très élevée et que les agriculteurs pourvoient eux-mêmes aux frais des commissions d’agriculture. D’abord, je ferai remarquer que le fonds d’agriculture dont il veut parler n’a pas été institué dans le but de couvrir les dépenses de ces commissions, mais bien dans celui d’indemniser les fermiers et autres des pertes éprouvées par les épizooties.
Quant à l’impôt foncier, je ne peux non plus partager son avis, et je lui rappellerai que le revenu net des propriétés foncières d’après le cadastre est estimé à 200 millions, et que si l’on appliquait le principe de l’assemblée constituante, cette contribution pourrait s’élever à 40 millions au lieu de 16 seulement qui figurent au budget de l’Etat. Vous voyez donc que les agriculteurs n’ont pas tant à se plaindre.
Le même orateur a fait valoir sa thèse favorite contre le chemin de fer. Je crois parfaitement inutile de le réfuter à cet égard ; il a été prouvé à satiété que cette entreprise favoriserait les intérêts de l’agriculture aussi bien que ceux du commerce et des manufactures ; mais je vois que les vérités les plus évidentes ne peuvent rien changer à l’opinion invétérée de l’honorable député. J’arrive donc plus directement à la question.
Si je n’avais la conviction que les chambres de commerce recevront les améliorations que cette institution réclame, je serais d’avis de ne rien changer au mode existant pour couvrir les dépenses ; mais je pense que le gouvernement a l’intention de présenter un projet de loi pour donner une meilleure organisation aux chambres de commerce, et dans ce cas il conviendra de porter les frais qui leur incombent à la charge de l’Etat. C’est bien à tort, messieurs, qu’on suppose que les chambres de commerce ne s’occupent que d’intérêts locaux ; depuis notre émancipation politique l’on s’occupe davantage des intérêts matériels, et chaque jour les chambres de commerce sont appelées à se prononcer sur des questions qui concernent le commerce et l’industrie de tout le pays ; elles ont donc un caractère essentiellement d’intérêt général, et le cercle de leurs attributions sera forcément agrandi par l’influence qu’elles doivent exercer sur la prospérité publique.
Le système de la commission ne me semble pas admissible. Remarquez que les dépenses de toutes les chambres de commerce s’élèvent à 25,000 fr., et qu’en imposant un p. c additionnel sur les patentes, on ne percevra d’après le projet ministériel que 18,000 francs, et d’après celui de la commission 10,000 fr. environ, parce qu’elle excepte de cet impôt les patentes de 20 francs et au-dessous.
Maintenant voudra-t-on faire un fonds commun de cet impôt pour frustrer l’un au profit de l’autre ? Non, répond M. le ministre de l’intérieur ; mais alors comment ferez-vous pour les excédants, car à Anvers les frais des chambres de commerce montent à 6,000 francs, tandis qu’à Verviers ils ne s’élèvent qu’à 600 francs.
Je répète que ce système est inadmissible et même inexécutable. En France, l’impôt s’élève depuis 4 jusqu’à 13 centimes additionnels sur les patentes de première et deuxième classe.
Dans ce pays les chambres de commerce y sont un peu mieux rétribuées que chez nous, parce qu’on en comprend toute l’importance. La chambre de commerce de Bordeaux coûte annuellement plus de 50,000 fr. ; celles de Paris, Rouen et autres villes moins considérables dépensent de 7 à 8,000 fr. ; enfin il n’y a pas en France de chambre de commerce qui n’absorbe au moins mille fr. en frais divers.
Je ne pousserai pas plus loin mes observations, messieurs, parce que l’honorable M. Rogier a suffisamment développé son amendement pour prouver la justice et l’utilité de mettre à charge de l’Etat les dépenses des chambres de commerce. Je donne mon assentiment à cette proposition.
M. A. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour réfuter une assertion avancée par les députés d’Anvers et de Bruxelles. Ils ont dit que les villes voisines de celles où siègent les chambres de commerce avaient leur opinion représentée dans ces établissements ; rien n’est moins exact. La ville de Malines n’a pas de représentants dans la chambre de commerce établie à Anvers. Je pourrais citer des villes où les chambres de commerce sont exclusivement composées de personnes prises dans la ville même. Dans les contrées que j’habite il en est ainsi. C’est toujours à la ville où siège la chambre de commerce que l’institution profite. Le député de Verviers dit qu’à Bordeaux la chambre de commerce coûte 50,000 fr., tandis qu’à Paris elle coûte 8,000 fr. ; c’est bien là la preuve que l’institution est toute locale.
M. Smits. - Ce n’est pas moi qui suis partisan du système de grever l’industrie ou le commerce par des taxes extraordinaires. Je l’ai prouvé en combattant la proposition de mettre 10 centimes additionnels à la charge de l’industrie et du commerce.
Dans la question qui nous occupe, je crois qu’il est bon de rappeler certains faits.
Les chambres de commerce sont une institution française. Elle ont été établies par la loi de ventôse de l’an II. Cette loi avait mis les frais à la charge des patentables. En 1818, le roi Guillaume, changeant cet ordre de choses, a mis les frais des chambres de commerce à la charge des communes. Jusqu’en 1832, l’arrêté du roi Guillaume n’a donné lieu à aucune plainte. Une seule ville s’est refusée au paiement en invoquant l’article 110 de la, constitution. C’est à cause de ce fait unique que le gouvernement avait proposé de mettre dans la loi communale une disposition qui consacrait le principe de l’arrêté de 1818, en mettant les frais des chambres de commerce à la charge des communes.
Lorsqu’il s’est agi de délibérer sur cette disposition, une vive discussion s’est élevée dans cette enceinte. Ou a prétendu que l’arrêté de Guillaume était arbitraire ; que la loi de l’an II existait encore ; qu’il fallait faire supporter les frais des chambres de commerce par les patentables. D’autres opinions furent aussi soutenues. C’est en conséquence des opinions qui ont été émises que le gouvernement a présenté la loi dont nous nous occupons.
M. Rogier propose de mettre les frais à la charge de l’Etat ; (erratum inséré au Moniteur belge n°125, du 5 mai 1835 :) mais cette mesure, bonne en elle-même, pourrait entraîner quelques inconvénients.
Il existe, comme l’a fait remarquer M. le ministre de l’intérieur, d’autres institutions analogues et dont les frais sont prélevés sur des fonds spéciaux. Si l’on mettait les frais des chambres de commerce à la charge de l’Etat, toutes ces institutions voudraient également être à la charge de l’Etat. Ce n’est pas là le seul embarras que l’on ferait naître. Beaucoup de districts qui n’ont pas de chambres de commerce en voudraient avoir, et l’on grèverait le trésor.
Voilà les observations que j’ai cru devoir soumettre à l’assemblée. Je les abandonne à votre appréciation.
M. Lardinois. - Messieurs, si les districts qui n’ont pas de chambres de commerce en réclamaient, c’est qu’ils sentiraient le besoin de cette institution. Et si l’utilité n’en était pas reconnue par le gouvernement, il ne donnerait pas l’autorisation de les ériger.
En France, on suit un autre système qu’ici. Chaque année une ordonnance royale détermine les sommes nécessaires aux frais des chambres de commerce. J’ai dit qu’à Bordeaux la dépense s’élevait à 50,000 fr. ; mais remarquez que la somme n’est pas payée par la ville seule, elle est payée en partie par le département ; les chambres de commerce n’agissent pas dans un intérêt restreint de localité, elles agissent dans un intérêt plus général. Les départements sont toujours compris pour environ moitié des dépenses.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger la discussion. Déjà dans d’autres occasions j’ai émis mon opinion sur cet objet et je l’ai alors assez longuement développée. C’est surtout quand il s’est agi de délibérer sur l’article 127, je pense, de la loi communale, que je l’ai fait connaître.
On voulait insérer dans cet article une disposition portant obligation pour les villes de porter à leur budget les dépenses des chambres de commerce : j’ai démontré l’injustice de cette disposition. Il est des villes où existent des chambres de commerce et où il ne se trouve aucun établissement industriel ou commercial. Charleroy est dans ce cas ; toutes les usines sont hors de cette ville. A Namur il en est à peu près de même. Je pose en fait qu’à Bruxelles même la plupart des établissements industriels ne sont pas dans la ville. On a paru assez généralement adopter mon opinion. J’ai soutenu qu’il fallait prélever sur les patentes la somme nécessaire pour subvenir aux frais des chambres de commerce ; mais je n’ai pas demandé de centimes additionnels.
L’amendement que je proposais était ainsi conçu :
« En attendant qu’il y soit autrement pourvu, ces frais seront payés au moyen d’un prélèvement sur les patentes. »
On m’a objecté qu’il valait mieux prendre directement dans les caisses de l’Etat ; J’ai répondu affirmativement. J’ai fait remarquer que je ne voulais qu’indiquer un moyen de revenir, par un amendement, sur ce qui avait été voté précédemment ; que je voulais dégrever les communes, sans grever les patentables. J’ai toujours la même opinion, et j’estime, ainsi que mes honorables collègues, qu’il y a lieu à faire supporter les frais des chambres de commerce par l’Etat.
Je ne répéterai pas ce que j’ai dit précédemment, je ne ferai qu’une seule observation.
Il me semble que l’impôt ne doit se percevoir sur les citoyens qu’en raison de la protection qu’ils reçoivent de la société. Or, le négociant, l’industriel paie ses contributions comme les autres citoyens ; il en paie même de plus fortes, car il est forcé d’avoir de plus vastes bâtiments, un domestique plus nombreux. Eh bien, quelle protection-lui accordez-vous de plus qu’aux autres citoyens ? Aucune.
Pour quelle raison lui imposez-vous donc le droit de patente ? Ce droit est évidemment une injustice. Pouvez-vous aggraver encore cette injustice ? Pourquoi voulez-vous rendre sa position pire que celle des autres citoyens ? Est-ce parce qu’il est plus actif, plus industrieux que les autres ? S’il y avait lieu à imposer une patente sur certaines classes de citoyens il faudrait le faire de manière à ne pas frapper le producteur, mais de manière à atteindre celui qui consomme sans rien produire.
Il faut, dit-on, chercher l’argent où il se trouve ; mais, en général, ce sont ceux qui ne font rien qui ont de l’argent. Je soutiens que les citoyens qui travaillent, qui produisent, méritent seuls une protection spéciale du gouvernement, Je la demanderai quand on en viendra à modifier notre système d’impôts. Je demanderai que l’on fasse tomber les contributions sur la fainéantise, sur ceux qui consomment sans rien produire ; ceux-là font un véritable tort à la société et lui doivent une indemnité de ce chef.
Mais, vient-on de nous dire, avec une patente on gagne des millions... Les industriels gagnent des millions ou se ruinent. Ecoutez sur ce point les négociants qui ont de l’expérience, et ils vous diront combien réussissent. Depuis 25 ans que j’habite Bruxelles, j’ai vu beaucoup de maisons de commerce ruinées ; je ne sais même si parmi les plus anciennes il en existe aujourd’hui encore un douzième. Il n’y en a peut-être pas un vingtième qui puisse se maintenir pendant un demi-siècle dans la position où elles étaient.
Si vous voulez surcharger ceux qui gagnent des millions au moyen d’une patente, je le veux bien, mais indemnisez aussi ceux qui au moyen d’une patente ont perdu dans leurs entreprises industrielles, et vous verrez ce qui vous restera après le décompte. Les propriétaires vivent tranquillement dans d’élégantes et de commodes habitations ; ils ne se donnent d’autre peine, ils n’ont d’autre industrie que de pressurer tous les neuf ans un peu plus fort les malheureux locataires, afin d’ajouter à leurs jouissances ; sans se donner la moindre peine, leurs terres augmentent de valeur chaque année, précisément en raison des progrès de l’industrie et du commerce ; ils ne se donnent pas même la peine de s’en apercevoir, tandis que les négociants qui ont usé leur vie dans une grande activité, et en employant toutes les ressources de leur intelligence, finissent trop souvent par se ruiner.
Je le répète, je considère comme une injustice tout impôt sur le travail, sur l’industrie. Chaque citoyen possède un capital intellectuel, qu’il dépend de lui de mettre à profit et pour lui-même et pour la généralité, qui profite toujours des profits individuels. S’il en fait usage, s’il augmente ce capital intellectuel, vous lui faites subir une charge plus forte alors même qu’il n’aurait tiré aucun profit, tandis que vous épargnez celui qui laisse inerte, sans valeur et sans fruits pour personne, son capital intellectuel.
J’espère que ces idées ne seront pas perdues quand on en viendra à modifier le système de nos impôts.
J’appuie l’amendement de M. Rogier qui est la traduction de ma pensée, la reproduction de celui que j’ai proposé lors de la discussion de la loi communale.
M. Dubus. - C’est à tort que, dans le cours de cette discussion, on a attribué à la section centrale l’opinion que les frais de chambres de commerce étaient à la charge des communes.
Dans l’état actuel de la législation, je crois que légalement cette charge ne doit pas peser sur la commune. A la vérité, on a cité un arrêté du roi Guillaume, qui mettait cette dépense au rang des dépenses communales ; mais il a été démontré que cet arrêté était illégal, et on n’a rien eu à répondre à cette démonstration. Cet arrêté de 1818 frappait les patentés d’une manière arbitraire.
Quel est le caractère de la dépense dont il s’agit ? Est-elle communale, provinciale, ou d’intérêt général ? Le projet que nous discutons n’en dit rien. Il semblerait que l’on ne caractérise pas la dépense, afin d’échapper aux principes de la constitution qui veut le contrôle de la commune, ou de la province, ou de la législature, selon la nature de la dépense.
Il est absolument nécessaire de déterminer la classification de la dépense ; la constitution nous en fait un devoir afin qu’il y ait contrôle. Sous aucun rapport les propositions faites par le gouvernement ne sauraient être admises puisqu’il garde le silence sur cet objet.
La dépense est-elle dans l’intérêt communal ? alors elle doit être supportée par la commune ; mais alors aussi à la commune seule appartient le droit de la voter.
Si l’on adoptait le projet de loi du gouvernement, qu’en résulterait-il ? que la dépense serait imposée à la commune, et le gouvernement pourrait l’augmenter à son gré : peut-on admettre un tel état de choses ?
La dépense est-elle dans l’intérêt provincial ? c’est le conseil de la province qui doit la voter et la maintenir dans de justes limites.
Si la dépense est dans l’intérêt général, c’est à vous, membres de la législature, à la voter, et à en surveiller l’emploi.
On évalue la dépense à 25 mille francs ; mais si vous adoptez le projet du gouvernement, et qu’il veuille la porter à 50 mille francs, qui en empêchera ? Sous quel régime sera la dépense ? Vous serez de toutes les manières en dehors de la constitution ; la dépense ne sera ni communale, ni provinciale, ni d’intérêt général.
Selon l’exposé des motifs du projet de loi, on paraît reconnaître qu’il n’est pas juste de faire tomber la dépense sur la commune ; et tout en proposant, par la première partie de l’article 3, de faire déclarer que les frais des chambres de commerce continueront à être supportés par les villes, on indique un moyen de les indemniser.
Le ministre de l’intérieur suppose, dans son exposé des motifs, que le centime additionnel couvrira à peu près la dépense ; ainsi il montre un moyen d’indemniser les villes presque entièrement.
Il est vrai que l’on a démontré que ce centime ne produirait que la moitié de la dépense ; il y aura donc injustice dans le projet, puisque les villes seront obligées de supporter l’autre moitié, quand la dépense ne doit peser sur elles que proportionnellement. Et en effet je ne vois pas les avantages particuliers que retirent les villes des chambres de commerce qu’elles possèdent : ces chambres existent dans l’intérêt du commerce qui n’est pas concentré dans ces villes-là ; elles existent pour le commerce en général, dans l’intérêt de l’Etat, ou au moins dans l’intérêt d’une province entière. Si vous examinez les renseignements que l’on demande à ces chambres, vous verrez que presque toujours les questions qu’on leur adresse sont relatives à l’intérêt général. Il ne me paraît donc pas possible de justifier, sous aucun rapport, la proposition de mettre les frais de ces établissements à la charge des communes.
Il resterait à examiner si l’on doit en faire une dépense provinciale, ou une dépense générale : dans le premier cas, je l’ai déjà dit, la dépense doit être portée devant le conseil de la province ; dans le second cas, c’est nous qui la voterons.
Si la dépense est déclarée communale, il faudra laisser à la ville le choix d’avoir ou de n’avoir pas une chambre commerciale, et le droit d’en limiter la dépense. Par exemple, la ville de Tournay paie 1,200 francs pour la chambre de commerce ; elle préférerait renoncer à cette institution plutôt que de payer le double. Cependant, selon l’arrêté inconstitutionnel du roi Guillaume, non seulement on pourrait porter la dépense à 2,000 francs, mais on pourrait même la porter à 2,000 florins ; ainsi on imposerait à la ville une dépense quadruple sans qu’elle puisse se refuser à payer ; elle serait contrainte de pourvoir à la dépense. Le système du projet de loi ferait disparaître toutes les garanties constitutionnelles accordées à la commune, à la province, et à l’Etat lui-même. Je ne saurais donc admettre ce projet de loi tel que nous le présente la section centrale.
M. Rogier. - Je crois que la question de savoir qui paiera les frais des chambres de commerce se réduit à celle de connaître ce que c’est que cette institution.
Si l’on ne voit dans les chambres de commerce que la représentation de l’intérêt local, il est juste que l’intérêt local subsidie les chambres de commerce. Mais si, comme on doit le faire, les chambres de commerce sont considérées comme des établissements représentant l’intérêt général, je soutiens que c’est à l’intérêt général à supporter les charges qu’ils entraînent.
Il serait impossible, sans dénaturer l’origine des chambres de commerce, de les considérer comme des corps appelés à délibérer dans leur propre intérêt. Si nous les envisagions sous ce point de vue, elles seraient complètement inutiles, puisqu’elles donneraient des avis dans leur propre cause. Les chambres de commerce sont presque toujours consultées pour des objets qui n’intéressent pas directement la localité qu’elles représentent. Cela est tellement vrai, qu’alors que l’on peut supposer que l’intérêt local se trouve engagé dans une question sur laquelle une chambre de commerce est appelée à se prononcer, l’avis de cette chambre cesse une influence sur nos esprits, parce que nous pouvons croire qu’il est motivé par l’intérêt particulier.
D’ailleurs l’avis des chambres de commerce n’est pas seulement demandé dans l’intérêt du commerce et de l’industrie ; mais on consulte aussi ces institutions dans l’intérêt même des consommateurs. L’intérêt des producteurs et celui des consommateurs sont si intimement liés, que c’est toujours avec peine que je vois s’établir dans cette enceinte une opposition entre le commerce et d’autres branches de l’activité sociale, l’agriculture, par exemple. Je ne sais quelle idée l’on se donne du commerce, et je ne comprends pas comment il peut être hostile à l’agriculture. Nous qui sommes appelés à alimenter toutes les sources de la prospérité nationale, nous savons que le commerce et l’agriculture sont nécessaires l’un à l’autre. Ce n’est pas à nous à les mettre en hostilité vis-à-vis l’un de l’autre. Une telle manière d’envisager les choses est véritablement erronée.
Je ne sais pas pourquoi un esprit d’ailleurs aussi sain que l’est M. Eloy de Burdinne vous a représenté l’agriculture comme étant aux prises avec le commerce. Le commerce n’est-il pas indispensable à l’agriculture ? Sans le commerce comment celle-ci transporterait-elle ses produits du lieu de production au lieu de consommation ? Car c’est à cela que se bornent les opérations du commerce. En un mot, sans le commerce, je ne sais pas ce que deviendrait l’agriculture. Ce sont là des principes tellement élémentaires que l’on se trouve jusqu’à un certain point embarrassé d’être obligé de les reproduire dans cette enceinte.
J’ignore si le fonds d’agriculture créé dans le temps était destiné à indemniser les commissions provinciales d’agriculture. Si je m’en rapporte à ce que l’on me dit, il paraîtrait qu’en effet ces commissions n’étaient pas payées sur le fonds d’agriculture. Dans tous les cas, tout ce que je puis affirmer, c’est que depuis la révolution les frais de ces commissions ont été imputés sur les dépenses générales de l’Etat. D’ailleurs ce serait un antécédent que l’on ne pourrait invoquer, puisqu’il ne reposerait pas sur de bonnes bases.
La proposition que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’assemblée me paraît plus rationnelle que celle de la section centrale, et surtout beaucoup moins compliquée. Si je voulais entrer dans le fond de l’examen du projet de la section centrale, je pourrais démontrer qu’il y aurait des inconvénients matériels dans la mise à exécution du système qu’il consacre.
En effet, un certain nombre de patentables, à qui on imposerait l’obligation de payer des centimes additionnels, ne seraient intéressés que très indirectement à l’existence des chambres de commerce. Cette institution est évidemment établie pour défendre les intérêts matériels du pays. Or, comme ce sont les intérêts matériels du pays qui font rentrer le plus d’argent dans les caisses de l’Etat, c’est à l’Etat à en supporter les frais. Si je voulais aborder les détails de la loi, je pourrais démontrer que chaque article renferme une difficulté à résoudre, difficulté qui prolongerait la discussion.
Ainsi, dans l’article premier, on parle de toute l’étendue du ressort des chambres de commerce. Je ne sais trop ce que c’est que le ressort d’une chambre de commerce.
Par l’article 4 il dépendrait d’un conseil communal de décider que toute une province devra se passer d’une chambre de commerce ; car il faut, par cette disposition, l’avis affirmatif de la commune, pour qu’une pareille institution existe.
Il est certain que l’on ne peut pas établir une chambre de commerce au milieu de la campagne. Le conseil d’une ville, autour de laquelle seraient situés plusieurs établissements industriels, pourrait se refuser à avoir la chambre de commerce dans son sein. Je n’aurais aucune objection à ce que l’on dît que les fonds destinés à couvrir les frais des chambres de commerce seront pris sur le produit des patentes, s’ils ne se trouvaient confondus avec les autres fonds dans le trésor public. Il y aurait une espèce de niaiserie à établir une distinction pour la dépense des chambres de commerce.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant a dit qu’il fallait définir de quelle nature sont les chambres de commerce pour déterminer à la charge de qui doit tomber leur dépense.
Tout en posant cette question, l’honorable membre ne l’a pas résolue, il n’a pas établi que ces dépenses fussent plutôt d’un intérêt général que d’un intérêt commercial, que d’un intérêt communal.
Je dirai d’abord que lorsque pendant un aussi grand nombre d’années, c’est-à-dire depuis l’institution des chambres de commerce, l’on n’a pas reconnu la nécessité de porter les dépenses qui en résultent au budget de l’Etat, il y a à l’égard de l’opinion que nous soutenons un préjugé favorable que ce n’est pas l’Etat qui en est le débiteur, surtout quand nous nous rappelons que les intéressés, soit les patentables, soit les communes, ont toujours soutenu que ces dépenses étaient d’intérêt général.
Je ferai remarquer que des exemples tout récents prouvent que les communes elles-mêmes reconnaissent qu’il est de leur intérêt de faire cette sorte de dépenses. Dernièrement la ville de St-Nicolas a demandé l’autorisation de posséder une chambre de commerce et d’en faire elle-même la dépense. J’ajouterai qu’il n’est pas à ma connaissance que, lorsque les frais des chambres de commerce étaient payés par les patentables, ceux-ci aient demandé la suppression de ces institutions.
Aujourd’hui, en général, les villes ne demandent pas non plus la suppression des chambres de commerce. Il est donc incontestable que les villes et les patentables ont des intérêts réels à l’existence des chambres de commerce. Dès lors, messieurs, je ne vois pas pourquoi nous changerions un ordre de choses qui existe depuis aussi longtemps.
Ainsi que je l’ai déjà dit, je reconnais que les frais des chambres de commerce sont des frais généraux. Mais aussi il n’est pas moins incontestable que c’est une spécialité, et que si l’on ne peut soutenir que les chambres de commerce donnent des avis exclusivement dans l’intérêt de leur ressort, il n’en est pas moins vrai que quand il s’agit de les consulter sur des intérêts qui ne sont pas exclusifs au ressort, ces intérêts se rattachent toujours à l’intérêt commun du commerce. Chaque ressort prend part à tous ce qui intéresse le commerce en général. De quelque manière que l’on envisage la question, l’on est forcé de reconnaître que c’est surtout le commerce qui est intéressé à l’existence des chambres de commerce.
Il est certain que les villes où siègent les chambres de commerce ont un grand intérêt à conserver ces établissements, qui tendent à protéger l’industrie et le commerce des localités. Je crois que les honorables membres de cette assemblée qui veulent à tout prix dégager de cette dépense le gouvernement et les patentables, portent leur sollicitude beaucoup trop loin. Ils perdent de vue que ceux qu’ils veulent dégrever sont les plus directement intéressés à cette dépense. S’ils les dégrèvent, il faudra nécessairement grever d’autres à leur place. Voilà le résultat inévitable de leur opinion.
Je persiste donc à penser qu’il conviendrait mieux d’adopter la proposition de la section centrale à laquelle le gouvernement s’est rallié.
M. A. Rodenbach. - M. le ministre de l’intérieur, en vous signalant ce fait de la demande adressée par la ville de St-Nicolas, vous a prouvé que les communes ne regardaient pas comme une charge onéreuse les dépenses des chambres de commerce. Il est certain que dans toutes les villes où il existe des chambres de commerce, ce sont les régences elles-mêmes qui ont demandé l’autorisation de les créer ; ce n’est jamais le gouvernement qui les leur a imposées. Il est certain que si l’on demande l’autorisation d’avoir une chambre de commerce, c’est que l’on consent à en payer la dépense.
Les frais des chambres de commerce sont par conséquent d’un intérêt local. Il y a donc lieu de laisser les dépenses à charge des communes.
- La discussion générale est fermée.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier. Il est ainsi conçu :
« Les frais des chambres de commerce continueront à être supportés par les villes où elles sont établies.
« A partir de l’année qui suivra la promulgation de la présente loi, il sera prélevé, au profil de ces villes, un p. c. additionnel sur les patentes de 20 fr. et au-dessus, dans toute l’étendue du ressort de la chambre de commerce. Ce centime additionnel ne sera néanmoins perçu que sur les patentes des personnes indiquées aux tableaux n°1, 2, 5, 9, 10, 11 et 14, annexés à la loi du 21 mai 1819, sauf sur celles mentionnées aux n°21 et suivants de ce dernier tableau.
« Dans les arrondissements où le produit du centime additionnel excéderait le budget des dépenses de la chambre de commerce, cet excédant vaudra aux contribuables sur l’impôt de l’année subséquente. »
M. Rogier a présenté l’amendement suivant :
« Les frais des chambres de commerce sont à la charge de l’Etat. »
M. Lardinois. - Je crois que M. le ministre de l’intérieur a entre les mains le tableau des frais de toutes les chambres de commerce du royaume. Je le prierai de vouloir bien nous le communiquer.
Au surplus la dépense totale des chambres de commerce du royaume monte à 25.000 fr. D’après le projet de M. le ministre de l’intérieur, le produit des centimes additionnels sur les patentes serait monté à 18,000 fr. Le déficit à combler par les villes n’aurait été que de 7,000 fr.
Le projet de la section centrale a diminué ce produit, car si je suis bien informé, ce sont les patentes au-dessus de 20 francs qui sont les moins nombreuses, et elles ne rapportent guère plus de 8,000 francs. Il y aura donc 17,000 francs qui tomberont à la charge des villes.
La ville d’Anvers a une chambre de commerce qui lui coûte annuellement 6,000 francs. Le centime additionnel sur la patente rapportera 1,500. La caisse municipale supportera encore une charge de 4,500 francs. Il en sera de même de Gand, de Bruxelles ; à Verviers le cas sera tout différent. La chambre de commerce coûte annuellement 600, et le rôle des patentes rapportera 1,200.
Il y aura donc un excédant de 600 francs ; je demande ce que l’on fera de cet excédant.
M. d'Hoffschmidt. - Lisez le deuxième paragraphe.
M. Lardinois. - « Dans les arrondissements où le produit du centime additionnel excéderait le budget des dépenses de la chambre de commerce, cet excédant vaudra aux contribuables sur l’impôt de l’année subséquente. »
Je crains bien qu’au lieu de valoir aux contribuables pour l’année suivante, l’excédant ne serve à augmenter les dépenses des chambres de commerce.
M. Lebeau. - Je demande la parole pour faire une simple observation, que me suggère la lecture du deuxième paragraphe de l’article premier. Je demanderai comment l’excédant de la contribution vaudra l’année suivante à celui qui à cette époque ne sera plus patentable. Il est évident qu’il aura payé pour deux années ou un an et demi par exemple, tandis qu’il n’aura été intéressé à l’existence de la chambre de commerce que pendant un an. C’est là une difficulté que présente l’exécution du deuxième paragraphe de l’article premier, et qu’il ne me paraît guère possible de résoudre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que le centime additionnel demandé ne présentera d’excédant dans aucune localité. Si cependant contre toute attente il y avait un excédant, au lieu de percevoir un pour cent de plus, l’on ne ferait les rôles de répartition que pour percevoir 75, 50 p. c., selon les besoins. L’exécution de la loi ne pourra donc présenter aucune difficulté.
Quant aux renseignements demandés par l’honorable M. Lardinois, les voici :
Les frais de la chambre de commerce
- d’Anvers montent à 6,000 fr.
- de Bruxelles, à 5,000 fr.
- de Louvain, à 1,600 fr.
- de Gand, à 2,000 fr.
- de Bruges, à 2,500 fr.
- d’Ostende, à 500 fr.
- d’Ypres, à 700 fr.
- de Courtray, à 1,200 fr.
- de Mons, à 2,000 fr.
- de Tournay, à 1,200 fr.
- de Charleroy, à 500 fr.
- de Verviers, à 600 fr.
- de Namur, à 700 fr.
- de Ruremonde, à 150 fr.
- de Venloo, à 100 fr.
- de Luxembourg, à 600 fr.
Total : 27,350 fr.
Manque Liège ? $
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Rogier.
- Deux épreuves sont douteuses.
On procède à l’appel nominal,
65 membres sont présents.
63 prennent part au vote.
2 membres s’abstiennent.
32 ont répondu oui.
31 ont répondu non.
En conséquence l’amendement de M. Rogier est adopté et remplacera l’article premier proposé par la section centrale.
Ont répondu oui : MM. Brixhe, Coghen, Corbisier, Dautrebande, de Behr, de Brouckere, de Nef, Desmaisières, Desmanet, de Biesme, Desmet, Doignon, Dubus, Dumortier, Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Nothomb, Rogier, Seron, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderheyden, Verdussen, Verrue-Lafrancq, (erratum inséré au Moniteur belge n°125, du 5 mai 1835 :) Vergauwen, .
Ont répondu non : MM. Berger, Coppieters, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Renesse, de Sécus, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Eloy de Burdinne, Ernst, Jadot, Liedts, Milcamps, Olislagers, Polfvliet, Raikem, Simons, Thienpont, Trentesaux, Vanderbelen, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Wallaert.
Se sont abstenus : MM. Bekaert et A. Rodenbach.
M. Bekaert. - Je me suis abstenu parce que, comme rapporteur de la section centrale, je ne pouvais voter en faveur d’un amendement qui représente cependant mon opinion individuelle.
M. A. Rodenbach. - Je me suis abstenu parce que je crois que la législation actuelle était suffisante et qu’il n’en fallait pas d’autre.
M. Dumortier. - Je demande à pouvoir présenter un amendement qui sera la conséquence du vote que la chambre vient d’émettre, et qui me paraît indispensable.
J’ai voté pour la proposition de l’honorable M. Rogier, parce que du moment que c’est le contribuable qui paie, il me semble qu’il importe fort peu de désigner sur quelle catégorie de fonds ce qu’il paie sera prélevé. Je pense qu’il est plus régulier que ce soit le budget de l’Etat. Mais je ne puis pas me dissimuler que le mode actuel a produit de grandes réductions en matière de chambres de commerce. Je pourrais citer telle ville où, depuis que le montant des frais est charge de la commune, l’on a trouvé moyen de réduire la dépense des deux tiers. Cependant, les chambres de commerce n’en marchent ni plus ni moins bien qu’auparavant.
Il me semble que du moment que nous reportons la dépense des chambres de commerce au budget de l’Etat, nous devons quelque chose aux contribuables. Nous devons stipuler que dans aucun cas les frais des chambres de commerce ne pourront être plus élevés qu’ils ne le sont maintenant. Il est indispensable, pour éviter que les dépenses n’aillent en augmentant comme elles n’en ont que trop la tendance, que nous adoptions une disposition rédigée, si l’on veut, de la manière suivante :
« Dans aucun cas les frais des chambres de commerce ne peuvent être plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui. »
M. Gendebien. - Je désirerais savoir si l’honorable M. Rogier, dont l’amendement vient de détruire la base du système de la section centrale, a complété le sien.
M. le président. - M. Rogier propose de rédiger l’article 4 de la manière suivante :
« L’établissement de nouvelles chambres de commerce devra être autorisé par arrêté royal. »
M. Verdussen. - Bien loin d’adopter l’amendement de l’honorable M. Dumortier, je viens me prononcer contre, parce qu’il me paraît nuisible à l’intérêt public. Nous avons envisagé l’existence des chambres de commerce dans un sens général. Dire qu’aujourd’hui il faudrait limiter les frais de ces institutions à 25 mille francs, c’est arrêter la propagation des lumières, c’est-à-dire que là où vous devrez avoir des chambres de commerce pour représenter les localités, si tant est qu’elles représentent les localités, vous n’en aurez pas. Il n’y a dans le royaume, tel qu’il sera un jour, que sept provinces qui auront des chambres de commerce. C’est dans l’intérêt de l’avenir que je demande l’établissement de chambres de commerce dans les deux provinces de Limbourg et de Luxembourg.
L’institution des chambres de commerce doit pouvoir être étendue dans tout le pays. Il me semble que l’amendement de l’honorable M. Dumortier est contraire à ce que je viens de dire. Aussi pour ma part désirerais-je que les frais des chambres de commerce fussent plus élevés l’année prochaine qu’ils ne le sont maintenant, parce que ce serait une preuve que les intérêts industriels et commerciaux seraient plus complètement représentés.
M. Gendebien. - Il est impossible d’admettre l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Je vais vous citer un exemple qui, s’il ne se rapporte pas directement à l’amendement de M. Dumortier, vous prouvera l’inconvénient qu’il y a à fixer irrévocablement certains traitements, certaines dépenses.
Dans le Hainaut où l’on a observé scrupuleusement, tant qu’elle a duré, l’ancienne constitution du pays, l’on avait dans le temps réglé les traitements des échevins, par exemple. En 1795, époque où les lois particulières du Hainaut ont disparu, les sommes évaluées primitivement par la constitution du pays ne représentaient plus que la millième partie de leur valeur première.
Je sais bien que la législature pourra modifier plus tard ses décisions à mesure que le besoin s’en fera sentir. Mais l’exemple que j’ai cité prouve qu’il est toujours impossible d’arrêter une base invariable pour l’avenir. Je crois que maintenant que nous avons mis à la charge de l’Etat les frais des chambres de commerce, il est nécessaire que nous votions une loi constitutive de ces institutions. Du reste, quand nous voterons le budget, nous pourrons examiner quelles sont les sommes nécessaires, pour le moment, aux chambres de commerce. Ce sera un examen à renouveler tous les ans. Mais nous ne pouvons rien fixer d’invariable actuellement. Je ne pense donc pas qu’il y ait lieu d’adopter l’amendement de l’honorable M. Dumortier.
M. Dumortier. - Il est incontestable que, si nous ne fixons pas un chiffre dans la loi qui nous occupe, chaque année nous verrons se renouveler la question des frais des chambres de commerce. Chacun voudra, du moment qu’il n’en coûtera rien aux localités, créer des chambres de commerce. Chacun voudra en avoir une dans sa ville, et même, comme l’a dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, dans son village. Si l’on ne peut contester l’utilité des chambres de commerce dans certaines localités, ce serait tomber dans un excès ridicule que d’en créer partout. N’existe-t-il pas déjà pour les petites localités des commissions d’agriculture, qui représentent les intérêts de l’industrie ?
Les chambres de commerce sont en assez grand nombre pour les besoins actuels du pays. Je conviens qu’il pourra y avoir lieu d’en créer dans deux des principales villes des provinces dont une partie retournera à la Hollande. Mais je suis convaincu que le chiffre actuel qui fixe la dépense des chambres de commerce est plus que suffisant pour toutes les chambres de commerce que l’on pourrait établir dans le pays.
Si j’en juge par la chambre de commerce de la ville que j’habite, je vois que la dépense est si restreinte qu’avec le total de la somme actuellement consacrée à ces institutions l’on pourrait subsidier un nombre bien plus considérable de chambres de commerce. A Tournay les frais de la chambre de commerce montent à 1,200 fr. ; à Anvers ils montent à 6,000 francs.
Je le demande, messieurs, y a-t-il proportion dans une pareille dépense ? Non sans doute. Avec ce que vous diminuez sur les frais des chambres de commerce qui coûtent trop, vous pouvez en établir de nouvelles pour les localités qui n’en possèdent pas.
Il faut reconnaître une chose, c’est que les frais des chambres de commerce ne consistent qu’en deux dépenses principales : le traitement du secrétaire et les frais de bureau. Quant aux frais de commis, il n’y en a pas ; s’il y en a, c’est abusivement. Le secrétaire, qui a 800 fr. pour assister à une séance par mois, doit tenir lui-même son procès-verbal. On a calculé que chaque séance du secrétaire à Tournay lui vaut soixante fr. Je suis persuadé qu’à Anvers elle coûte 2 à 300 fr.
Il me semble que du moment que vous venez de charger l’Etat de la dépense des chambres de commerce, il y a lieu de poser une limite afin qu’elle ne puisse chaque année s’accroître progressivement. Il me semble qu’un secrétaire qui reçoit 800 fr. de traitement et 200 fr. pour frais de lumière peut se charger de toute la besogne. Sous le gouvernement déchu la subvention accordée aux chambres de commerce ne servait guère qu’à payer les dîners de MM. les membres. C’est un fait historique. Je me rappelle avoir lu dans les journaux du temps que les membres des chambres de commerce s’occupaient beaucoup plus de gastronomie que d’industrie. Aussitôt que les frais des chambres de commerce ont été mis à la charge des communes, celles-ci ont trouvé le moyen de réduire les sommes qu’elles avaient à payer de ce chef. Profitons du bon exemple qu’elles nous ont donné, et ne consentons dans aucun cas à augmenter les frais des chambres de commerce.
M. Lebeau. - Je ne comprends pas l’importance que l’honorable préopinant attache à son amendement. Car si jamais proposition fut illusoire, c’est bien la sienne. Je concevrais que cet amendement fût présenté si nous avions une constitution à faire. Mais quand vous aurez fixé un maximum que l’on ne pourra dépasser, pourrez-vous empêcher le pouvoir législatif, non seulement de déroger à votre décision par une disposition spéciale, mais même chaque année par le vote du budget (murmures d’assentiment), car le budget est une loi qui peut abroger une loi antérieure. Voila en droit de quoi, ce me semble, faire justice de l’amendement de l’honorable M. Dumortier.
En fait, si l’on pouvait attendre quelque effet d’un pareil amendement, il ne pourrait être adopté qu’après une investigation sévère sur l’état des besoins de notre industrie. Il faudrait savoir si à l’époque actuelle, là où il y a des provinces complètement déshéritées d’une représentation spéciale des intérêts commerciaux, dans les villes où il y a des besoins à satisfaire, si dans de telles villes il n’y a pas des motifs tout aussi légitimes pour accorder des chambres de commerce que pour maintenir celles qui existent. En supposant même que les besoins n’existent pas actuellement, rien ne nous dit qu’ils ne se feront pas sentir dans quelques années. Car rien au monde n’est plus mobile que l’industrie.
Telle ville est aujourd’hui insignifiante sous le rapport d’intérêt matériel, et il n’y aura rien d’étonnant à voir se manifester chez elle un foyer d’industrie. On a vu en Angleterre des villes, n’être que des villages il y a trente ou quarante ans et qui se trouvent aujourd’hui en première ligne : Manchester et Birmingham, par exemple, dont la population est décuplée. En droit l’amendement de M. Dumortier est inadmissible, et nous consacrerions en l’admettant des inégalités pour le présent et pour l’avenir.
Si on a tant de défiance dans l’action du gouvernement, que l’on songe que tous les ans on a à voter le budget, et je pense que le ministère ne s’exposera pas à un démenti en portant ces allocations au budget ; il agira avec la prudence qu’il met en toute circonstance ; il y a bien plus de garantie aujourd’hui que dans le système de la section centrale, qui vous livrait les villes pieds et poings liés. Je répète donc qu’il est impossible d’admettre l’amendement de l’honorable député de Tournay.
M. Coghen - J’avais demandé la parole pour m’opposer à l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Il est impossible de préciser dès à présent les frais et le nombre des chambres de commerce ; on n’ignore pas que ces frais se bornent aux émoluments du secrétaire, à l’impression et à l’acquisition des ouvrages nécessaires. Quant aux abus monstrueux dont parle l’honorable M. Dumortier, ils n’existent pas. La loi veut qu’il y ait deux réunions par semaine dans les chambres de commerce. A Bruxelles une réunion a toujours lieu, et il s’y opère de nombreux travaux.
M. Rogier. - Je prends la parole pour rectifier une erreur de l’honorable M. Dumortier qui a présenté les chambres de commerce comme des commissions sinécuristes où l’on n’avait rien à faire qu’à godailler ; cela est très inexact, et je dirai qu’une pareille insinuation suppose chez l’honorable membre bien peu de reconnaissance pour des chambres qui ont procuré à cette assemblée et au gouvernement des lumières très utiles ; je vois la trace de travaux très importants dans les chambres de commerce ; ils ne se font pas seuls, ils sont très volumineux, et faits par le secrétaire ; je ne pense pas qu’on veuille restreindre un secrétaire à se copier lui-même.
Il est possible que sous Guillaume les chambres de commerce étaient peu consultées. Aujourd’hui le système a changé, grâce à Dieu, et on ne manque pas de consulter les corps que l’on croit les plus aptes. Depuis la révolution les chambres de commerce se plaignent de trop de travaux. Je ne sais pas s’il en est ainsi à Tournay, mais à Anvers elle se réunit au moins une fois par semaine. Je crois que les fonctions de secrétaire sont mal rétribuées par 150 ou 200 fr. par mois. Si la chambre veut jeter les yeux sur quelques honorables collègues qui ont rempli les fonctions de secrétaire de chambre de commerce, elle conviendra que de telles capacités ne se paient pas avec 5 ou 600 fr. d’appointements par an. Quand à l’amendement de l’honorable M. Dumortier, je crois qu’on trouvera une meilleure garantie dans le budget annuel.
M. Dumortier. - Je ne suis pas du tout convaincu par ce que viennent de dire les honorables MM. Lebeau et Rogier. On vous dit que chaque année vous aurez le budget pour garantie ; mais, avec cet argument, vous n’auriez jamais réglé par la loi une foule de dépenses telles que l’ordre judiciaire, la cour des comptes, etc.
Il y a beaucoup de travaux fixés, et quand mon amendement n’aurait pour but que d’empêcher une perte de temps, je le trouverais encore très avantageux. J’ai déjà expliqué pourquoi la somme accordée aujourd’hui était plus que suffisante, et même susceptible de réduction ; j’ajoute que si l’amendement était rejeté, je déclare qu’au second vote je voterai pour le projet du gouvernement, parce que la proposition de l’honorable député de Turnhout me semble plus nuisible au trésor que toute autre.
M. Dubus. - Je ne sais pas quel sera le sort de l’amendement de l’honorable M. Dumortier, mais je ne saurais partager son opinion d’en venir purement et simplement au système de la section centrale.
Remarquez que partie des objections faites contre la section centrale avaient précisément le même but que mon honorable ami, d’empêcher la dépense de prendre trop d’extension. Je regrette que les observations de mon honorable ami n’aient pas été présentées dans la discussion générale, elles y auraient été prises en considération.
Je déclare que j’ai adopté l’amendement de l’honorable M. Rogier, parce qu’il faisait disparaître les inconvénients du projet de la section centrale.
M. Gendebien. - L’honorable M. Dumortier, tout en reconnaissant l’injustice de la répartition, veut la justifier par un vote définitif. Anvers est doté de 6,000 fr. et Charleroy de 500. Charleroy est destiné à devenir le Birmingham de la Belgique. Il en est de même de Verviers qui est destiné à devenir plus prospère pour le pays qu’Anvers même.
Je ne suis pas de l’avis d’un honorable préopinant qui vous a dit qu’on pourrait apporter du changement au moyen du budget. Il faudrait commencer par changer la loi. Le budget est une loi d’application, et non pas une loi proprement dite ; sans cela qu’arriverait-il ? On remettrait en discussion tout ce qui a été réglé par la loi.
J’ai cru devoir présenter cette observation afin de faire sentir la portée de l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Je pense que nous devons repousser cet amendement et nous arrêter à l’amendement de M. Rogier tel qu’il vient d’être adopté. Vous avez décidé que les dépenses des chambres de commerce seraient à la charge de l’Etat. Au budget prochain on portera la somme nécessaire pour faire face à ces dépenses. Ne préjugeons rien. Laissons les chambres de commerce organisées telles qu’elles le sont actuellement. A la prochaine session le gouvernement ou un membre de la chambre présentera un projet de loi pour les organiser définitivement.
Si vous voulez maintenant faire un pas de plus, il faut renvoyer le projet dans les sections ou à une commission. Mais ce que vous avez voté satisfait à l’article 127 de la loi communale. Vous avez décidé le principe, la question de savoir par qui devaient être supportes les frais des chambres de commerce ; ce principe sera mis à exécution au prochain budget. On pourra, avant ou après le vote de ce budget, pourvoir à la constitution définitive des chambres de commerce.
M. Dubus. - L’amendement de mon honorable ami M. Dumortier n’a pour but que d’apporter une limite à la dépense totale des chambres de commerce, mais non de faire la dépense particulière de chacune d’elles.
Cet amendement ainsi entendu se présente beaucoup mieux. C’est dans ce sens que je l’ai appuyé et que je le voterai.
Mon honorable ami M. Dumortier ne l’entendait pas autrement.
M. Dumortier. - C’est en effet comme vient de l’expliquer l’honorable préopinant que j’ai toujours entendu mon amendement. Pour faire cesser toute espèce de doute à cet égard on pourrait dire : « La somme totale des dépenses ne pourra, etc. »
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
M. le président. - Quant à l’article 2, je le déclare supprimé en conséquence de l’adoption de l’amendement de M. Roger.
M. le président. - Nous passons à l’article 3.
« Un règlement d’administration publique, portant organisation définitive des chambres de commerce, déterminera l’emploi de la somme mentionnée à l’article précédent. »
M. Coghen - Je demande la suppression des mots « déterminera l’emploi de la somme mentionnée à l’article précédent. »
M. Lardinois. - Il me semble qu’on ne peut pas abandonner à un règlement d’administration publique l’organisation des chambres de commerce. Il faut que cette organisation soit faite par une loi. Je demande la suppression de l’article.
M. Rogier. - Je ne voyais pas d’inconvénient à conserver l’article 3, parce qu’il ne contrariait pas le système que je proposais. Mais on peut borner la loi à la disposition que nous avons votée. On était dans le doute sur la question de savoir par qui seraient supportés les frais des chambres de commerce. Ce doute est levé, tout est décidé. Les autres dispositions de la loi ne sont pas une conséquence directe de notre décision, on peut les supprimer.
Seulement je proposerai d’ajouter au commencement de l’article ces mots : « A partir du 1er janvier 1836, » afin de fixer l’époque à laquelle les frais des chambres de commerce commenceront à être à la charge de l’Etat.
M. Gendebien. - La section à laquelle j’avais l’honneur d’appartenir, avait proposé de supprimer les mots : « portant organisation définitive des chambres de commerce, » pensant qu’il était indispensable que les trois branches du pouvoir législatif intervinssent dans cette organisation.
Maintenant la chambre sentira l’inutilité de cet article qui ne se rapporte plus à rien, car il était le corollaire de l’article premier qui a été changé. Je demande de nouveau qu’on borne le projet à la disposition votée, et que nous nous contentions provisoirement de l’organisation actuelle des chambres de commerce, sauf à la modifier par une loi spéciale.
Je crois que la modification proposée par M. Rogier à l’article que nous venons de voter est utile, je l’appuierai.
M. Coghen - Je me rallie à l’opinion de M. Gendebien, Le principe est décidé. La disposition adoptée suffit avec le complément proposé par M. Rogier.
Le gouvernement proposera une loi d’organisation s’il ne croit pas pouvoir y pourvoir par un règlement particulier.
- L’article 3 est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
« Art. 4. L’établissement de nouvelles chambres de commerce pourra être autorisé par arrêté royal, à la demande du conseil communal du lieu et de l’avis conforme de la députation provinciale. »
M. le président. - M. Rogier propose l’amendement suivant :
« L’établissement d’une chambre de commerce pourra être autorisé par un arrêté royal. »
M. Rogier. - Je le retire.
- L’article 4 est mis aux voix et n’est pas adopté.
M. le président. - D’après la nouvelle modification proposée, voici comment serait conçu l’article : « A partir du 1er janvier 1836, les frais des chambres de commerce seront à la charge de l’Etat. »
- Cet article est adopté.
Le vote définitif de cette loi est fixé à lundi.
La séance est levée à quatre heures et demie.