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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 mars 1835

(Moniteur belge n°79, du 20 mars 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procèx-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne connaissance de la pièce suivante adressée à la chambre.

« Les propriétaires du polder de Ste-Anne et Hectesse réclament le paiement de l’indemnité qui leur revient pour les pertes essuyées par l’inondation.

- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée d’en faire le rapport.


M. Berger demande un conge de 15 jours.

- Accordé.

Projet de loi sur les remplacements militaires

Discussion générale

Article additionnel (article 6)

M. le président. - M. Pirson a présenté une disposition additionnelle : La voici. Elle formerait l’article 6 :

« Le milicien qui, ayant droit à l’exemption, conformément au paragraphe mm de l’article 94 de la loi du 8 janvier 1817, n’aurait pu obtenir cette exemption du conseil de milice, parce que le remplaçant d’un frère aîné aurait déserté, rentrera dans tous ses droits d’exemption, aussitôt qu’un second remplaçant dudit frère aîné aura été accepté conformément à la loi. »

M. Pirson. - Messieurs, le gouvernement a reconnu que, dans l’état actuel des choses, dix classes de la milice se trouvant encore passibles d’un service actif, les remplacements allaient venir d’une difficulté qui approcherait de l’impossible. Il vous a présenté un projet de loi dont le but est de procurer des remplaçants à prendre dans certaine classe. Déjà vous avez adopté les articles qui accordent plus de latitude à ceux qui voudront user de la faculté du remplacement.

L’article nouveau que je soumets à votre décision a pour objet de ne point rendre le remplacement illusoire dans certains cas.

Lorsqu’un remplaçant déserte dans les 18 mois qui suivent son incorporation, le remplacé doit fournir un second remplaçant dans les délais déterminés par la loi, ou servir lui-même en personne.

Mais il peut arriver des circonstances telles qu’il ne trouve point un nouveau remplaçant dans le terme fixe de la loi. Il le trouve cependant quelques jours plus tard, il le présente, il est reçu par le gouverneur et la députation des états, il est incorporé, on en a le certificat ; eh bien, l’on ne veut pas que ce second remplaçant puisse exempter du service un frère puîné qui a droit à l’exemption d’après le paragraphe mm de la loi du 8 janvier 1817 ; parce que ce frère puîné pendant l’intervalle des démarches occasionnées par la désertion du premier remplaçant de son frère aîné, a été immatriculé, on veut lui appliquer toute la rigueur que la loi prononce envers le replaçant déserteur.

Voici comment on agit envers celui-ci :

Si le déserteur est repris et rendu à son corps dans le délai accordé au remplacé pour fournir un second remplaçant, le remplacé en est quitte pour payer les frais ; mais si le déserteur est repris après les délais écoulés, sa présence tardive au corps ne libère plus le remplacé, qui doit continuer à servir pour son propre compte s’il a été appelé.

La loi ne dit rien du tout du cas où le remplacé aurait mis mais tardivement, un second remplaçant.

Eh bien, ce cas existe et peut se représenter plus d’une fois, puisque les remplaçants continueront à être rares, nonobstant la loi que nous discutons.

Je vous ai dit l’extension forcée qu’au ministère on veut donner à la loi, qui ne s’explique point du tout sur le cas en question.

On veut, je le répète, qu’un second remplaçant fourni tardivement par un frère aîné, dont le premier remplaçant a déserté, ne procure point à un frère puîné l’exemption à laquelle il a droit d’après le paragraphe mm de la loi du 8 janvier 1817.

Pour rendre la chose plus sensible, j’avais commencé hier l’historique d’un fait auquel l’article que je vous propose serait applicable.

Il était tard, j’ai été interrompu par le besoin qu’éprouvait la chambre de lever la séance.

Si vous m’avez bien compris aujourd’hui, je ne recommencerai point cet historique. En le faisant, je n’avais point à me plaindre du ministère, puisqu’une première décision trop sévère avait été réformée, puisque hier encore, à la veille de l’expiration d’un premier congé de trois mois, on a en rendu un d’un an ; mais toutes ces démarches, quoique fructueuses, prouvent la nécessité d’une explication légale.

J’ai remarqué que mon article était incomplet. Voici la rédaction définitive que je propose :

« Article nouveau (qui sera l’article 6 de la loi) :

« Le milicien qui, ayant droit à exemption, conformément au paragraphe mm de l’article 94 de la loi du 8 janvier 1817, n’aurait pu en temps utile, et pour des circonstances indépendantes de sa volonté, obtenir cette exemption du conseil de milice, parce que le remplaçant d’un frère aîné aurait déserté, rentrera dans tous ses droits d’exemption aussitôt qu’un second remplaçant dudit frère aîné aura été accepté conformément à la loi, et il sera renvoyé par le ministre de la guerre devant le conseil de milice, ou en son absence devant le gouverneur et la députation provinciale, pour être statué d’après la position réelle du réclamant. »

M. de Brouckere. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Mon intention n’est pas de m’élever contre l’amendement ; je suis tenté de le croire bon ; mais pour que la chambre soit conséquente avec elle-même, il faut faire subir à cet amendement le même sort qu’on a fait subir aux amendements de MM. Gendebien et Seron, c’est-à-dire qu’il faut le renvoyer aux sections. Vous avez décidé qu’aucune disposition nouvelle ne serait introduite dans le projet présenté par le ministre de la guerre. Si vous revenez sur cette résolution, beaucoup d’amendements vous seront présentés aujourd’hui, et vous ne terminerez pas le vote de la loi dans cette séance ni même dans celle de demain.

M. Lebeau. - Messieurs, je serais tenté d’adopter la motion d’ordre, si elle était basée sur les motifs exposés hier par M. Fleussu, pour appuyer celle que cet honorable membre a présentée hier. M. Fleussu a demandé le renvoi des propositions faites aux sections, parce qu’elles n’avaient aucun rapport à la loi actuelle, qui a pour but unique de faciliter les remplacements.

Ici, il est évident qu’il s’agit d’une question relative au remplaçant. Je voudrais donc qu’avant de prononcer sur la motion d’ordre, M. le ministre de la guerre s’expliquât, et dît jusqu’à quel point l’amendement de M. Pirson demande un examen ultérieur.

Il s’agit d’appliquer la loi sur la milice dans son esprit. Il y a justice à placer le frère de celui qui a fourni un nouveau remplaçant dans la situation où il serait si son frère aîné avait marché lui-même car, au lieu de servir, il sert par un remplaçant.

M. Pirson. - Je voulais soumettre à la chambre précisément les mêmes réflexions que l’honorable préopinant vient de présenter. Ma proposition ne ressemble pas à celle de mon honorable ami M. Seron ; je fais une proposition concernant les remplaçants. Je montre comment la loi doit être entendue. Il est fort difficile de trouver des remplaçants, et on peut fort bien manquer les délais de deux ou trois jours.

M. de Brouckere. - S’il faut en croire M. Lebeau, l’amendement rentre dans l’esprit de la loi ; alors il deviendrait inutile ; c’est la loi que l’on doit interroger et non la chambre.

M. Jullien. - Laissez-le discuter.

M. Pirson. - Si le ministre déclare que la loi sera exécutée dans ce sens, je le retire.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les lois relatives à la milice sont très volumineuses, et toutes leurs dispositions s’enchaînent mutuellement. A la première vue, à la simple lecture d’un amendement, il est difficile de voir si les dispositions ne contrarient pas celles qui sont dans les lois.

La question est celle-ci : un milicien qui se fait remplacer exempte le frère qui le suit immédiatement ; mais la loi porte que, lorsque le remplaçant a déserté, le remplacé doit, dans un délai voulu, fournir un remplaçant. Quand un tirage survient dans l’intervalle où le frère aîné est sans remplaçant, si le frère puîné est désigné par le sort, il doit marcher, parce que son frère n’est pas remplacé.

Dans le cas exceptionnel pour lequel on présente un amendement, le tirage a eu lieu ; le premier frère cherche un remplaçant ; ce remplaçant ne reste pas sous les drapeaux ; le second frère tire ensuite ; mais comme il ne peut produire le certificat de présence du remplaçant sous les armes, le conseil de milice est dans la nécessité de le comprendre dans le contingent.

On demande que lorsque le premier frère sera parvenu à obtenir un second remplaçant, le second frère soit exempt : on doit remarquer ici que la loi n’a accordé qu’un délai de deux mois pour fournir le remplaçant. Lorsque le tirage a lieu après ce délai, le conseil de milice est obligé de désigner le second frère ou le frère de celui qui n’a pas de remplaçant, et de déclarer qu’il n’a pas droit à l’exemption.

Je dois déclarer qu’il y a une infinité de cas exceptionnels qui se présentent tous les jours et sur lesquels il faut que le ministre de la guerre ou de l’intérieur ait à prononcer. Celui qui fait l’objet de l’amendement s’est présenté quelquefois, et il y a eu décision. Si l’on voulait régler tous les cas exceptionnels il ne faudrait pas qu’un seul article additionnel ; il en faudrait un bien grand nombre.

L’article additionnel que l’on présente n’a d’ailleurs pas pour but direct la facilité des remplacements et ne rentre pas dans la loi que vous discutez. Je pense qu’il faut le renvoyer aux sections. Je ne suis pas en mesure de prononcer actuellement sur la valeur de l’amendement, s’il faut l’adopter ou le rejeter,

M. Jullien. - Je m’étais fait inscrire pour parler sur le fond de la question. Cependant je vais parler sur la motion d’ordre.

La demande de M. Pirson est tellement juste, et l’abus dont il se plaint se renouvelle si souvent, que je ne vois aucune difficulté à mettre sa proposition en discussion, J’adhère à cet égard à ce qu’on dit MM. Lebeau et Pirson pour repousser la motion d’ordre fait par M. de Brouckere. Je connais beaucoup de familles dans lesquelles on a été obligé de remplacer et l’aîné et le puîné des fils ; les remplaçants sont très coûteux et ont occasionné la ruine de plusieurs familles. Il s’agit d’une loi transitoire ; l’amendement est dans le sens de cette loi ; ainsi pourquoi l’ajournerait-on ? Je demande que l’amendement soit mis immédiatement en discussion.

M. de Brouckere. - Je retire ma motion d’ordre, car je vois qu’elle va donner lieu à un débat aussi long que serait celui sur le fond.

M. Simons. - Si l’on discute la proposition au fond, je prouverai combien elle est incomplète. Il est extrêmement dangereux d’adopter des amendements de cette nature.

On parle d’un remplaçant qui déserte ; mais le frère aîné ne peut-il pas déserter lui-même ? S’il revient au corps, le puîné se trouve dans le même cas que celui qui, ayant un premier remplaçant qui déserte, en fournit un second. Je pourrais citer d’autres cas. Tout se lie en fait de milice. Si vous attaquez le système sur un point, il n’y aura plus d’ensemble. Ce qu’il y a de mieux à faire ici, c’est de renvoyer la proposition aux sections, afin qu’elles examinent la chose de près, et qu’elles présentent des dispositions complètes.

Quand vous adopteriez l’amendement de M. Pirson, il ne pourrait être appliqué cette année ; on ne pourrait prononcer d’exemption au détriment de droits acquis. Mais peut-être qu’en examinant l’amendement, vous y trouverez d’autres inconvénients qui vous détermineront à le rejeter.

M. Legrelle. - Je suis fâché que M. de Brouckere ait retiré sa motion d’ordre et je la fais mienne et la reproduis. Il est incontestable que la proposition de M. Pirson doit être renvoyée aux sections, ainsi que l’honorable député du Limbourg vous l’a fait remarquer, elle est incomplète. De plus la proposition qui vient d’être lue n’est pas la même que celle qu’on nous a lue hier, et je me sens incapable dé prononcer sur le mérite de celle qu’on nous présente aujourd’hui. Ce qu’il y de plus simple à faire, c’est de l’examiner dans les sections ; la loi que nous allons voter n’est pas une loi finale : elle a trait uniquement à la facilité qu’il faut donner pour obtenir des remplaçants ; il ne faut pas embrasser d’autres cas.

Je reprends la motion d’ordre.

- La motion d’ordre mise aux voix est adoptée.

En conséquence la proposition de M. Pirson est renvoyée aux sections.

Article 6

M. le président. - Il reste à mettre aux voix l’art. 6 ainsi conçu :

« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble

- Plusieurs membres. - Procédons de suite au second vote, il y a urgence.

M. Fallon. - Les amendements adoptés par le premier vote ne sont que des changements de rédaction et ne changent rien aux principes ; je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’on procède au second vote.

M. Gendebien. - Il y a urgence !

- La chambre consultée décide qu’il y a urgence.

M. Dubus. - Le procès-verbal constatera que la chambre déclare l’urgence.

M. Gendebien. - La loi est urgente, c’est sa nature !


M. le président donne une seconde lecture des six articles adoptés et qui composent toute la loi ; ils sont de nouveau adoptés et sans débat, ainsi que les modèles de certificats qui sont annexés.

- La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté à l’unanimité des 66 membres présents.

Projet de loi communale

Second vote des articles

Titre I. Du corps communal

Chapitre premier. De la composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section I. De la composition du corps communal
Article 10

M. le président. - L’article 9 a été adopté dans une précédente séance. L’article 10, auquel le gouvernement s’est rallié, n’est pas mis en discussion ; il est ainsi conçu :

« Le bourgmestre, pendant la durée de ses fonctions, cesse de faire partie de la garde civique, »

Article 11

M. le président. - « Art. 11. Les membres du conseil ne peuvent être parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement ; et si des parents ou alliés à ce degré sont élus au même tour de scrutin, celui qui a obtenu le plus de voix est seul admis ; en cas de parité de suffrages le plus âgé est préféré.

« Il en sera de même pour ceux dont les épouses seraient parentes entre elles jusqu’au deuxième degré inclusivement.

« L’alliance survenue ultérieurement entre les membres du conseil n’emporte pas révocation de leur mandat.

« L’alliance est censée dissoute par le décès de la femme du chef de laquelle elle provient.

« Dans les communes au-dessous de 1,200 habitants, la prohibition s’arrêtera au deuxième degré. »

M. de Brouckere. - Je crois qu’au mot « épouses » dans le deuxième paragraphe il faut substituer le mot « femmes », reçu dans le langage légal.

- L’amendement de M. de Brouckere est adopté. L’article 11 est adopté, avec cet amendement.

Article 12

M. le président. - L’article 12 n’ayant pas été amendé n’est pas mis aux voix ; il est ainsi conçu :

« Art. 12. Il y a dans chaque commune un secrétaire et un receveur. »

Article 13

M. le président. - « Art. 13. Il y a, dans la même commune, incompatibilité entre les fonctions de receveur et de secrétaire ; il y a également incompatibilité entre les fonctions de secrétaire ou de receveur et celles de bourgmestre, d’échevin ou de membre du conseil communal ; néanmoins, dans des communes de moins de 3,000 habitants, le Roi pourra, pour des motifs graves, autoriser le cumul desdites fonctions, sauf celles de bourgmestre qui ne pourront, dans aucun cas, être cumulées dans la même commune avec aucun desdits emplois. »

- Adopté.

Article 11 (qui devient l’article 14)

« Art. 14. Ne peuvent exercer les fonctions de secrétaire ou de receveur communal, les employés du gouvernement provincial et du commissariat d’arrondissement. »

- Adopté.

Section II. De la durée des fonctions des membres du corps communal
Articles 14 et 15

M. le président. - Les articles 14 et 15 auxquels le gouvernement s’est rallié ne sont pas mis en délibération ; ils sont ainsi conçus :

« Art. 14. Les conseillers communaux sont élus pour le terme de 6 ans ; ils sont toujours rééligibles.

« Les conseils sont renouvelés par moitié tous les 3 ans.

« La première sortie sera réglée par le sort, dans la séance prescrite à l’article 68, l’année qui précédera l’expiration du premier terme.

« Les échevins appartiendront par moitié à chaque série, le bourgmestre à la dernière. »


« Art. 15. Le bourgmestre et les échevins sont également nommés pour le terme de 6 ans ; toutefois ils perdent cette qualité si, dans l’intervalle, ils cessent de faire partie du conseil. »

Article 16

« Art. 16. La démission des fonctions de conseiller est adressée au conseil communal, qui en délibère, et soumet sa résolution à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial.

« La démission des fonctions de bourgmestre doit être adressée ou notifié au conseil ; elle n’aura d’effet que 30 jours après qu’elle aura été notifiée au conseil, à moins que le Roi ne l’ait acceptée auparavant.

« La démission des fonctions d’échevins doit être adressée à l’autorité qui l’aura nommé, et être notifiée au conseil communal.

« Elle n’a d’effet que 30 jours après cette notification, à moins que cette acceptation n’ait eu lieu auparavant.

« Le bourgmestre ou l’échevin qui désirera donner sa démission comme conseiller ne pourra l’adresser au conseil communal qu’après avoir préalablement obtenu du Roi sa démission comme bourgmestre ou échevin. »

M. Dubus. - Messieurs, cet article doit nécessairement être modifié par suite du changement que la chambre a introduit dans un article antérieur. Il est évident que le troisième portant que « la démission de fonctions d’échevin doit être adressée à l’autorité qui l’aura nommé, » doit être supprimé maintenant que l’échevin est nommé directement par les électeurs de même que les conseillers.

Vous devez à présent, ainsi que l’avait fait la section centrale dans sa proposition, mettre sur la même ligne les conseillers et les échevins. Pour cela, il convient de supprimer le premier paragraphe, et de commencer ainsi le premier : « La démission des fonctions d’échevin et de conseiller, etc. » Il me semble que ces changements viennent également à tomber.

Le quatrième paragraphe vient également à tomber par suite du retranchement obligé du troisième, et je crois que pour atteindre le but que l’on s’était propose dans ce paragraphe, il faudra dire à l’article 17 : « Les échevins et conseillers, etc. »

Enfin le dernier paragraphe me paraît être retranché en ce qui concerne les échevins. Vous ne pouvez pas admettre que l’échevin qui n’a pas été nommé conseiller, qui est seulement échevin, ait à diviser son mandat et sa qualité.

Vous ne pouvez pas même maintenir ce paragraphe en ce qui concerne le bourgmestre car, puisque le bourgmestre pourra être pris en dehors du conseil, vous n’avez plus de motifs pour exiger qu’il ne donne sa démission comme conseiller qu’après avoir obtenu la démission de ses fonctions de bourgmestre.

S’il est à la fois bourgmestre et conseiller, ce n’est plus un cumul obligé de ces deux fonctions, c’est uniquement parce qu’il a convenu et aux électeurs de le nommer conseiller, et au Roi de le nommer bourgmestre. Il n’a pas besoin de l’autorisation du gouvernement pour renoncer à un mandat conféré par les électeurs.

Je demande la suppression des trois derniers paragraphes de l’article 16, et je demande que l’on dise dans le premier paragraphe : les démissions d’échevins et de conseillers.

Je ferai une autre observation relativement à la manière dont est conçu le premier paragraphe de l’article 16. Je rappellerai une observation faite lors du premier vote.

J’avais fait remarquer que, de la manière dont est conçue cette disposition, il me semble qu’un conseiller n’ait pas le droit pur et simple de donner sa démission, et qu’il faille que le conseil accepte cette démission.

L’article porte que le conseil reçoit la démission et en délibère. Cela veut dire que s’il lui convient, il l’accepte ; s’il ne lui convient pas, il la refuse. Ainsi, dans le cas de refus, un élu du peuple serait obligé de continuer les fonctions d’un mandat en vertu de la volonté d’une autorité qui ne le lui a pas conféré. J’avais soutenu qu’il était impossible que l’on voulût forcer un conseiller à exercer ses fonctions du moment qu’il voudrait les résigner.

Tout le monde était d’accord sur ce point.

La section centrale elle-même l’avait tellement reconnu, que, si elle avait retranché du projet du gouvernement une disposition qui posait le principe de l’acceptation, dans tous les cas, de la démission d’un conseiller, elle ne l’avait fait que parce qu’elle avait pensé que ce principe était de droit.

En effet, je trouve à l’article 16, qui est maintenant l’article 14, que le gouvernement avait proposé la disposition suivante :

« Toutefois, les membres du conseil peuvent donner leur démission avant l’expiration de ce terme, » c’est-à-dire du terme fixé pour la durée des fonctions de conseiller.

Je lis dans le rapport de la section centrale :

« Le dernier paragraphe a été écarté comme étant de droit. »

Ainsi, ce n’est pas parce qu’elle voulait refuser aux conseillers le droit de renoncer à leur mandat quand ils le jugeraient convenable que la section centrale a supprimé ce paragraphe, c’est parce qu’elle a jugé inutile de faire mention de ce droit.

Si vous adoptez sans modification la dernière disposition de l’article 16, l’on pourra contester ce droit ; l’on pourra voir dans ces expressions : « Le conseil en délibère et soumet sa délibération à la députation, » le droit conféré au conseil d’accorder ou de refuser la démission de l’un de ses membres. Il serait donc nécessaire de reproduire l’article que la section centrale avait écarté, ou du moins de modifier la rédaction du premier paragraphe.

Je rappellerai qu’à l’occasion des observations que j’avais présentées contre la rédaction proposée par l’honorable M. Jullien, l’on avait dit que ce paragraphe serait voté sauf rédaction.

M. Legrelle. - Je viens appuyer la suppression proposée par l’honorable M. Dubus ; mais je trouve que cette suppression rendrait l’article incomplet.

J’ai soutenu dans le sein de la section centrale qu’il semblait par la rédaction admise que le conseil fût libre d’accepter ou de ne pas accepter la démission d’un conseiller.

Messieurs, voilà un principe contre lequel nous devons nous élever. Si vous forcez un conseiller de remplir son mandat pendant tout le temps pour lequel il aura été élu, beaucoup d’honorables citoyens refuseront les fonctions de conseiller. Tout homme qui veut occuper un poste gratuit ne l’accepte qu’à condition qu’il pourra s’en démettre si les circonstances ultérieures ne lui permettent pas de le remplir selon sa conscience. Que devient la liberté dont tout le monde doit jouir si vous accordez au conseil la faculté d’accepter ou de ne pas accepter la démission d’un de ses membres ? Quelle utilité, d’ailleurs, y aurait-il pour le conseil lui-même, puisqu’un homme qui ne voudra plus être conseiller n’assistera plus aux séances ? Ce sera en définitive un conseiller municipal de moins.

Evitons cet inconvénient. La section centrale n’a pas voulu que l’on entendît par le mot délibérer la faculté accordée au conseil de refuser ou de ne pas refuser la démission. Je crois que la rédaction est vicieuse et qu’il vaut mieux reprendre la rédaction du gouvernement en ajoutant que l’avis doit être donné au conseil et à l’autorité supérieure.

« La démission de conseillers et d’échevins doit être adressée au bourgmestre qui en donne avis au conseil et à l’autorité supérieure. »

De cette manière la démission sera notifiée non seulement au bourgmestre, mais au conseil. Je demande également le maintien du deuxième paragraphe.

M. Jullien. - Messieurs, j’appuie la suppression du troisième et du quatrième paragraphe, mais je ne puis admettre celle du cinquième paragraphe.

Ce dernier paragraphe a été introduit dans la loi après des délibérations assez longues.

Voici comment il est conçu : « Le bourgmestre ou l’échevin qui aura donné sa démission, ne pourra l’adresser au conseil communal qu’après avoir préalablement obtenu du Roi sa démission comme bourgmestre ou comme échevin. »

Il n’y a à supprimer que le mot échevin. Mais je ne vois pas pourquoi l’on supprimerait, en ce qui regarde le bourgmestre, une disposition qui a été déjà admise dans un but d’utilité.

Le bourgmestre qui avait été investi de la qualité de conseiller, ayant eu besoin d’être nommé par le Roi pour avoir la qualité de bourgmestre, il y avait nécessité de lui faire soumettre au conseil sa démission comme conseiller communal, après avoir obtenu sa démission du Roi comme bourgmestre. Il me semble que cette disposition ne peut être supprimée.

Quant au premier paragraphe par lequel la démission des fonctions de conseiller est adressée au conseil qui en délibère, etc., je rappellerai à la chambre que cette disposition n’a été adoptée qu’après une longue discussion.

Il ne s’agit pas ici de donner au conseil communal le droit d’accepter ou de rejeter la démission du conseiller ou de l’échevin.

Tout le monde comprend, sans que M. Legrelle ait besoin de le dire, que l’on ne peut forcer un homme à être conseiller malgré lui. Mais, lorsqu’un fonctionnaire public donne sa démission, il faut que l’on examine si c’est véritablement une démission, si c’est un acte que l’on peut qualifier de démission. Vous savez que lors du premier vote, nous avons délibéré sous l’influence d’un débat élevé à Liége, qui avait eu une conséquence assez grave.

L’on avait considéré comme démission définitive la démission d’un échevin (M. Dejaer, je crois), qui n’était que conditionnelle. Eh bien, pour empêcher qu’une pareille circonstance ne se présente que nous avons mis le conseil en délibéré afin qu’il examine si la démission en est réellement une. C’est alors que la rédaction, combattue par l’honorable M. Dubus, a été adoptée sur ma proposition comme faisant mieux connaître ce que l’on demandait au conseil communal. Si la démission est véritable, le conseil l’acceptera ; si la démission est conditionnelle, il l’examinera. Il verra si la condition peut lui convenir, si elle peut suspendre l’effet de la démission donnée par le conseiller. Adopter la suppression demandée, c’est vouloir ouvrir la porte aux inconvénients que l’on a signalés à l’occasion de la démission donnée par un échevin de Liége.

M. de Brouckere. - Je partage l’opinion émise par l’honorable orateur qui a parlé le premier sur la question, et j’appuie la suppression qu’il a demandée, y compris celle que vient de combattre l’honorable M. Jullien.

Le premier paragraphe statue que la démission des fonctions de conseiller et également de celles d’échevin devra être adressée au conseil qui en délibère et qui soumet sa résolution à l’approbation de la députation.

Comme on l’a dit avec raison, quand une démission est envoyée par un échevin ou par un conseiller communal, il ne peut y avoir lieu pour le conseil de délibérer. Il suffit que la démission ait été donnée.

Il peut arriver, a dit l’honorable M. Jullien, que la démission n’en soit pas véritablement une, qu’elle ne soit que conditionnelle. Cela est vrai. Mais remarquez bien qu’il n’est pas nécessaire de statuer dans la loi que, toutes les fois qu’il y aura une démission de conseiller, il y aura lieu de délibérer. Il est certain que s’il arrive une pièce douteuse, le conseil l’examinera. S’il est décidé que c’est une véritable démission, l’on passera outre, de manière que les mots « qui en délibère, et transmet sa résolution à la députation, » sont absolument inutiles.

Il est encore une disposition dont on n’a pas parlé, que je regarde comme ne devant pas avoir de résultat. L’on dit que la démission du bourgmestre n’aura d’effet que 30 jours après la notification au conseil. Veut-on qu’après qu’un bourgmestre aura donné sa démission, on le force à remplir ses fonctions pendant 30 jours encore ? Quel moyen prendra-t-on si le bourgmestre s’y refuse ? Vous ne pouvez employer des moyens de violence. Il est inutile d’insérer dans la loi une disposition qui ne pourra avoir d’effet, à laquelle les bourgmestres démissionnaires pourront toujours se soustraire. Vous avez beau dire dans la loi que le bourgmestre démissionnaire exerce ses fonctions 30 jours après la notification de sa démission, s’il veut se retirer, il se retirera.

L’honorable M. Jullien demande le maintien du premier paragraphe, je n’en vois pas la nécessité. je crois que tout l’article peut être supprimé, sauf deux dispositions qui seraient ainsi conçues :

« La démission des fonctions d’échevin et de conseiller est adressée au conseil communal.

« La démission des fonctions de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil. »

Voilà tout ce que doit contenir l’article. Ce qu’il y a de plus est absolument inutile et n’aurait aucun effet.

M. le président. - Je vais donner lecture de l’amendement de M. de Brouckere ; il est ainsi conçu : « La démission des fonctions de conseiller et échevin est adressée au conseil communal.

« La démission des fonctions de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil communal. »

M. Dubus vient de faire parvenir un autre amendement au bureau. Il remplace par une nouvelle disposition le premier paragraphe de l’article ; il conserve le deuxième et supprime les trois derniers.

Voici comment est conçue la disposition qu’il propose de substituer au premier paragraphe de l’article :

« La démission des fonctions d’échevin ou de conseiller est adressée au conseil communal qui, dans le cas où il s’élèverait quelque doute sur la partie de l’acte considéré ou présenté comme démission, en délibère et soumet sa résolution à la députation permanente du conseil provincial.

M. Jullien. - Cet amendement rentre dans l’explication que j’ai donnée tout à l’heure à la chambre ; il prévoit le cas où la démission ne serait pas pure et simple, et dit que dans ce cas il faudrait délibérer.

Mais il m’a semblé que chaque fois qu’un acte quelconque est adressé à une administration, et surtout si cet acte doit avoir pour objet de la priver d’un de ses membres, la première chose qu’elle doit faire, c’est d’examiner, de voir si c’est ou non un acte pur et simple par lequel un des membres veut résigner ses fonctions. Dès que vous admettez cette opération de la part du corps auquel l’acte est envoyé, il y a déjà délibération ; vous ne pouvez pas faire que ce corps n’apprécie pas la qualité de l’acte, vous ne pouvez pas faire qu’il n’en délibère pas.

Quand vous avez dit : « La démission des fonctions d’échevins ou de conseiller est envoyée au conseil, le conseil en délibère, » vous n’avez pas dit autre chose que le conseil examine, apprécie la portée de l’acte qui lui est adressé. Cet acte est-il une démission pure et simple, la démission sera acceptée, le conseil ne peut pas faire autre chose. Si, au contraire, la pièce est conçue en termes ambigus, si elle suppose des conditions comme celles dont je parlais tout à l’heure, le conseil prendra une résolution, il pourra dire : « Je ne regarde pas cela comme une démission. »

Il est une autre observation qui peut-être ne vous a pas frappés, et que je demande la permission de vous soumettre.

Il arrive quelquefois que, dans un moment de mauvaise humeur, à la suite d’un débat où son opinion n’aura pas prévalu, un fonctionnaire envoie sa démission. Cette démission ainsi envoyée, le conseil devra-t-il dire : J’en prends acte et je l’accepte ? Dans un cas semblable, les collègues de ce fonctionnaire font des démarches auprès de lui pour l’engager à retirer sa démission. Laissez le conseil délibérer et prendre le parti que sa sagesse lui dictera dans l’intérêt de la commune.

Je ne vois pas grande difficulté à adopter l’amendement de M. Dubus, mais je ferai observer qu’il allonge singulièrement une disposition qui, selon moi, valait mieux que ce qu’on veut substituer.

M. Legrelle. - Je demande pardon à la chambre, si je prends deux fois la parole en si peu de temps ; mais je désire répondre à quelques-uns des arguments présentés par l’honorable M. Jullien qui ne me paraissent pas fondés.

Il croit qu’il est tel cas où le conseil devra délibérer sur la nature d’une démission donnée. Le cas ne me paraît pas probable. Un conseiller donne sa démission, c’est qu’il veut renoncer à ses fonctions. Si le conseil était appelé à délibérer sur la question de savoir si une démission est réellement une démission ou n’en est pas une, on pourrait décider que tel conseiller a donné sa démission, sur une lettre qu’il aurait adressée au conseil.

C’est ce qui a eu lieu à Liége : le collège a décide qu’un échevin avait donné sa démission, tandis qu’il n’y avait pas songé. Je ne conçois pas de délibération possible sur la question de savoir si une démission est ou pas une démission. Une démission doit être donnée en termes tels qu’on ne puisse pas élever de doute sur la question de savoir si c’est une démission ou non. C’est pour cela que je m’oppose à l’amendement de M. Dubus pour me renfermer dans les termes de la proposition primitive du gouvernement ou adopter l’amendement de M. de Brouckere.

« La démission des fonctions de conseiller et d’échevin est adressée au conseil communal.

« La démission des fonctions de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil. »

Voila ce que veut M. de Brouckere, c’est aussi ce que je veux moi-même.

Vous avez beau vouloir délibérer sur la démission d’un conseiller ou d’un échevin, vous n’arriverez à aucun résultat : si la démission a été réellement donnée, le conseiller ou l’échevin ne siégera plus ; si au contraire on a attribué à tort ce caractère à une lettre adressée au conseil, il continuera d’assister aux séances. Il serait inconvenant de délibérer sur un pareil objet, ce serait même dangereux, car, comme je le disait tout à l’heure, on pourrait par ce moyen donner la démission à qui on voudrait. C’est pousser les choses à l’absurde, mais on arriverait là avec la proposition de M. Dubus.

S’il y a doute sur une démission donnée, il sera facile de lever ce doute en demandant à l’échevin ou au conseiller démissionnaire s’il a voulu ou non donner sa démission.

L’honorable M. Jullien a dit qu’une démission pourrait être donnée dans un moment de vivacité, d’humeur et qu’il fallait laisser au conseil la faculté d’engager le fonctionnaire qui aurait ainsi donné sa démission à la retirer. Je ferai observer que la démission étant adressée au président du conseil, au bourgmestre qui en prend connaissance avant le conseil, le bourgmestre peut, avant de transmettre la démission au conseil, si elle a été envoyée dans un moment de mauvaise humeur, faire une démarche auprès du démissionnaire, lui faire entendre que l’intérêt de la commune exige qu’il retire sa démission, que le conseil serait heureux de conserver un conseiller dont le talent et les travaux lui font honneur. Personne ne peut trouver cela mauvais. Si le démissionnaire persistait, le bourgmestre communiquerait la démission au conseil. L’inconvénient signalé par M. Jullien n’existe donc pas.

Je persiste à me prononcer pour l’amendement de M. de Brouckere.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne comprends pas les inconvénients qu’on veut faire résulter de l’adoption du paragraphe premier de l’article actuellement en discussion, ou de l’amendement de l’honorable M. Dubus. Il est incontestable qu’un échevin, quand il veut donner sa démission, est en droit de se retirer, et personne n’a le pouvoir de lui faire conserver ses fonctions malgré lui.

Les mots « qui en délibère » ne peuvent porter sur les cas où il y a démission positive. Mais il peut y avoir doute sur la question de savoir si l’acte parvenu au bourgmestre ou au conseil emporte la démission du fonctionnaire. L’honorable député du Bruges vous a cité un cas, je pourrais en citer d’autres.

Je suppose qu’un échevin écrive qu’il n’assistera plus aux séances tant qu’on délibérera sur tel objet ; je vais plus loin, je suppose qu’un conseiller écrive qu’il n’assistera plus aux séances du conseil tant et si longtemps que tel autre membre en fera partie ; cet acte entraîne-t-il démission ? Evidemment il y a doute.

Il faut donc que le conseil en délibère. Mais, dit-on, cela ne mène à rien. C’est qu’on ne fait pas attention que ces mots : « La démission est adressée au conseil communal qui en délibère, » ne se trouvent pas dans l’article isolément, qu’ils sont suivis de ceux ci : « et soumet sa résolution à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial. »

Il faut deux choses, comme vous voyez : d’abord que le conseil ait délibère sur la question de savoir si l’acte dont il s’agit emporte avec lui une démission, et en outre, que la délibération ait été approuvée par la députation permanente du conseil provincial.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler que ce cas s’est présenté pour une lettre écrite par un échevin, qui a été considérée comme une démission par le conseil de régence, tandis que cet échevin n’avait pas l’intention de se démettre de ses fonctions.

Je suppose un échevin qui déplaise à la majorité, que la minorité ait intérêt à éliminer de son sein : toute lettre par laquelle il refuserait d’assister à l’une ou l’autre séance, pourrait être considérée comme une démission. C’est cet abus que nous avons voulu prévenir, c’est pour cela qu’on a exigé que le conseil délibérât sur la question de savoir si l’acte emportait démission, et que cette délibération fût soumise à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial.

Je le répète on n’a eu en cela qu’un seul but, de prévenir qu’un acte n’emportait pas démission pût être considéré comme tel par le conseil.

La disposition ne présente du reste aucun inconvénient ; il est incontestable que celui qui voudra résigner ses fonctions sera toujours en droit de le faire. Si sa démission ne présente aucun doute, si elle est écrite en termes formels, le conseil sera obligé de l’accepter.

Je ferai observer encore qu’il y aurait de graves inconvénients à supprimer ces mots : « et soumet sa résolution à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial ; » car on pourrait voir se représenter ce qui a eu lieu dans une grande ville, où une simple lettre d’un échevin fût considérée comme une démission, quoiqu’il ne fût nullement dans les intentions de ce fonctionnaire de donner sa démission.

M. Gendebien. - En législation, on doit toujours chercher la rédaction la plus simple, celle qui, en moins de mots, exprime une idée nette.

L’amendement de l’honorable M. de Brouckere me paraît réunir ces conditions.

« La démission des fonctions de conseiller ou d’échevin est adressée au conseil communal.

« La démission des fonctions de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil communal. »

Voilà tout ce qu’il faut. Il suffit de déterminer à quelle autorité on doit s’adresser pour déclarer qu’on renonce à ses fonctions. Ceux qui sont nommés par le peuple envoient leur démission aux délégués du peuple ; ceux qui sont nommés par le Roi envoient leur démission au Roi.

A quoi bon dire que le conseil délibère sur les doutes qui pourraient s’élever sur la question de savoir s’il y a ou non démission donnée ? Mais est-ce que le conseil ne délibère pas toujours quand il y a doute ? A moins qu’on ne suppose qu’il n’est là que pour délibérer sur les questions qui ne présentent pas de doute, vous devez admettre que le conseil délibérera si l’acte réputé démission présente du doute. Inutile donc de le dire. Ce serait même dangereux ; mais si vous maintenez les autres parties de l’article, il en résulte cette conséquence qu’après une délibération, vous pouvez contraindre un échevin ou un conseiller à rester en fonction malgré lui. C’est évident ; car qui délibère peut décider affirmativement ou négativement.

L’amendement de M. de Brouckere contient tout ce qu’il faut. Si vous ajoutez les mots : qui délibère, il n’y a pas de raison pour que vous ne les insériez pas dans chaque article de la loi.

Si vous disiez : « Le conseil délibère sur la question de savoir s’il y a démission oui ou non, » je concevrais la disposition, car au moins la délibération ne pourrait pas avoir pour résultat de contraindre l’échevin à conserver ses fonctions. Mais l’amendement est inutile, car il serait absurde de supposer qu’un conseil ne délibère pas sur une démission qui présente des doutes.

Après tout, c’est au fonctionnaire qui donne sa démission à savoir si son intention est bien de la donner oui ou non. Si elle est donnée en termes clairs, la chose est simple ; si au contraire elle n’est pas conçue en termes positifs, tant pis pour lui si le conseil la regarde comme une démission bien et dûment donnée.

Un autre orateur a dit que dans un moment d’humeur, à la suite d’une discussion vive, un membre du conseil pourrait envoyer sa démission, et qu’il fallait laisser à ses collègues la faculté de faire des démarches auprès de lui pour l’engager à la retirer. Je ferai observer que cela sort des prévisions de la loi et rentre dans les bons procédés qu’on doit observer entre collègues. Toutes les fois que pour des motifs futiles, après une discussion vive, un membre de l’administration donne sa démission, ses amis s’emploient pour la lui faire retirer. Mais c’est une chose qu’il est inutile d’insérer dans la loi.

Je conclus donc qu’en disant ce que M. de Brouckere vous propose de dire, vous dites tout ce que légalement vous devez et pouvez dire. Le surplus est une affaire de convenance qu’il faut abandonner au collège des bourgmestre et échevins.

M. le président. - Voici un nouvel amendement présenté par M. Dewitte : « Toute démission de fonctions doit être expresse. Celle des échevins et conseillers est adressée au conseil communal. Celle des bourgmestres doit être adressée au Roi et notifiée au conseil. »

M. Dewitte. - On élève toujours des doutes sur la réalité des démissions. On a cité des exemples, des inconvénients qui en étaient résultés. Il me semble qu’en disant que toute démission doit être expresse, tout doute deviendra impossible.

M. Lebeau. - Je demande à proposer un amendement. Je crois en principe que l’amendement de M. de Brouckere doit être admis. Mais il me semble indispensable d’y ajouter un sous-amendement.

Je crois que la rédaction de M. Dewitte n’obvierait pas aux inconvénient dont vous avez gardé le souvenir, et qui doivent être dans vos prévisions ; car je crois que, dans le cas qui s’est présente, ceux qui ont déclaré que l’échevin avait donné sa démission n’auraient pas été arrêtés par cette formule, que la démission doit être expresse ; ils auraient probablement déclaré que, dans leur opinion, il y avait démission expresse.

On doit donner toute latitude aux conseillers et aux échevins qui veulent résigner leurs fonctions, mais ce n’est pas là la question. La question est celle-ci : Il faut empêcher qu’un acte qui n’aurait pas, dans la pensée de son auteur, le caractère d’une démission, soit considéré comme tel par le conseil.

J’en trouve la nécessité, non seulement dans les discussions, qui ont eu lieu devant la chambre à propos de l’affaire de Liége, mais dans d’autres faits qui sont à ma connaissance. En voici un qui s’est passé dans une commune rurale de la province que j’ai l’honneur d’administrer.

Des expressions plus ou moins irritantes, prononcées à la suite d’une discussion où le bourgmestre avait succombé, avaient été considérées par le conseil comme une démission. Il y avait à la fois demande du conseil au gouverneur de convoquer les électeurs pour pourvoir au remplacement d’un conseiller démissionnaire, et réclamations du conseiller réputé démissionnaire, prétendant qu’on avait mal interprété ses paroles. Il s’agissait d’une démission verbale, affirmée par les uns, contestée par les autres.

Je crois qu’il faut d’abord admettre en principe que quand il n’y a pas de doute sur la volonté d’un fonctionnaire municipal de résigner ses fonctions, il peut à l’instant se retirer ; mais s’il y a de sa part réclamation, il faut qu’une autorité quelconque puisse en délibérer.

Je soumettrai à la chambre, plutôt comme canevas que comme amendement définitif, la proposition suivante :

« L’échevin ou le conseiller qui contestera le fait de sa démission pourra se pourvoir devant la députation du conseil provincial qui prononcera au plus tard dans le mois qui suivra le recours. »

- MM. de Brouckere et Dubus se rallient à l’amendement de M. Lebeau.

M. Dumont. - Je déclare me rallier à l’amendement de l’honorable M. Lebeau. Il me semble, en effet, indispensable de désigner l’autorité à laquelle on aura recours pour adresser la démission. Ayant la parole, je vais aussi soumettre à la chambre quelques observations sur le dernier paragraphe de l’article. Je crois que cette disposition doit être maintenue quant au bourgmestre. Il me paraît qu’avant qu’il puisse donner sa démission de conseiller, il faut que sa démission de bourgmestre soit donnée. J’ai seulement voulu faire sentir la nécessité de cette mesure ou d’une équivalente.

M. de Brouckere. - L’hypothèse dans laquelle raisonne l’honorable préopinant ne peut se réaliser et il est complètement inutile de la prévoir dans la loi.

Quel est le bourgmestre qui voudra abandonner la première de ses qualités et conserver l’autre ? Quel est le bourgmestre qui voudra rester à la tête d’un conseil, dont il dédaigne d’être membre. Le bourgmestre, de son plein gré, renoncera-t-il à avoir voix délibérative, et consentira-t-il à présider ce conseil ? Je le déclare, cela me paraît impossible.

M. le président donne une seconde lecture de l’amendement de M. de Brouckere et du sous-amendement de M. Lebeau.

M. Dubus. - Je prends la parole pour une observation que je dois faire depuis qu’il a été fait une nouvelle lecture de l’amendement de l’honorable M. de Brouckere.

Il paraît qu’on veut supprimer la phrase suivante qui s’applique à la démission des bourgmestres : « Elle n’aura d’effet que 30 jours après cette notification, à moins que cette acceptation n’ait eu lieu auparavant. »

Je ferai remarquer à la chambre que cette disposition a été introduite après une discussion assez longue au premier vote, afin qu’il fût bien entendu que le bourgmestre, agent du gouvernement, pût répudier ces fonctions, quand il le jugerait à propos et qu’on ne pût l’obliger à demeurer agent du gouvernement malgré lui. Il a été établi que lorsqu’on pouvait le révoquer du jour au lendemain, il pouvait aussi se démettre de ses fonctions avec la même facilité. On a voulu fixer un terme, mais on a trouvé juste qu’après ce terme, si la démission n’avait pas été acceptée, elle pût l’être. Je ne crois pas qu’il y ait lieu à retirer cette disposition ou au moins il faudrait alors rédiger un amendement qui ne présentât aucun doute sur ce point : que le bourgmestre a le droit de donner sa démission, et n’est pas forcé de garder ses fonctions pendant 6 ans.

J’ai fait remarquer que ce pouvait être pour lui une question d’honneur et de conscience. On veut en faire un instrument du gouvernement, mais il peut lui répugner de souscrire à toutes les instructions qui lui seront données par les instruments aveugles du pouvoir. On veut faire des bourgmestres des moyens de gouvernement, mais on ne peut forcer personne à être moyen de gouvernement malgré soi.

Je propose par forme de sous-amendement de maintenir la phrase dont il s’agit après l’amendement de l’honorable M. de Brouckere à moins qu’on ne trouve une rédaction meilleure.

M. de Brouckere. - J’ai déjà répondu. en partie par avance à l’observation de l’honorable préopinant. M. Dubus pense que la phrase qu’il veut faire conserver dans la loi y est nécessaire parce que, dit-il, il est tel bourgmestre qui ne consentira pas à garder ses fonctions pendant six ans et qu’on ne pourra l’y forcer. Il est impossible que le bourgmestre ait le moindre doute à cet égard, quand il sera dit : La démission pourra être adressée au Roi. Voilà bien la garantie que le bourgmestre a droit de se démettre avant l’expiration des 6 années. J’ai fait voir que la disposition, inutile en ce sens, l’était encore sous cet autre rapport que, bien que vous mettiez un délai de 30 jours, vous ne forcerez jamais ce magistrat à remplir ses fonctions plus longtemps qu’il ne le voudra.

M. Lebeau. - Je crois que l’honorable député de Tournai n’a pas bien compris l’honorable député de Bruxelles. Il est certain que l’amendement de M. de Brouckere est restrictif de la disposition adoptée. Il me paraît qu’il doit en être d’un bourgmestre, considéré comme agent du gouvernement, comme de tout autre fonctionnaire public, je ne pense pas que vous puissiez astreindre les bourgmestres à une obligation, à laquelle ne sont pas même soumis les ministres. Croyez-vous qu’on puisse forcer un ministre à demeurer en fonction 30 jours de plus qu’il ne le veut ? Sa démission est aussi parfois une question d’honneur, de conscience.

S’il s’agit de prêter les mains à une mesure illégale, inconstitutionnelle, le devoir du bourgmestre est de donner sa démission.

M. Dumortier, rapporteur. - Ou de résister.

M. Lebeau. - Non pas, car s’il résiste, le ministre qui croira agir utilement en soutenant la mesure qu’il aura prescrite le destituera.

Je dois protester ici contre l’interprétation trop extensive que l’on a donnée à quelques-unes de mes expressions. Je n’ai pas dit que les bourgmestres seuls fussent simplement des moyens du gouvernement.

J’ai dit que généralement tous les fonctionnaires amovibles sont des moyens de gouvernement, car c’est par eux qu’on administre, soit dans les provinces, soit dans les communes. Voilà ce que j’ai entendu et ce qu’on doit entendre par ces expressions, en écartant le caractère odieux que l’on a voulu lui prêter. Les bourgmestres sont un moyen de gouvernement, comme le sont les ministres, les gouverneurs, les commissaires de district, les procureurs-généraux ; c’est un moyen de faire exécuter les lois, ce qui est le devoir du gouvernement.

Je demande pardon à la chambre de cette digression, mais j’ai cru devoir répondre à une interprétation erronée, et j’avais à coeur de faire remarquer que l’initiative n’avait pas pris naissance sur mon banc.

M. Jullien. - Il y a des circonstances où la chambre veut avoir des articles très longs, d’autres où elle veut les avoir très courts. Elle est aujourd’hui disposée au laconisme, je suis toujours de l’avis de ceux qui prétendent qu’une loi ne peut jamais être trop claire : quand on a passé de longues journées pour organiser une loi telle que celle qui nous occupe, on regrette cependant que certaines dispositions qui ont été longuement méditées lors du premier vote disparaissent tout à coup, comme inutiles. Ce que je dis s’applique à la partie de cet article relatif aux 30 jours de délai.

« La démission des fonctions de bourgmestre doit être adressée au Roi et notifiée au conseil. »

Personne ne conteste cette première disposition ; voici la seconde :

« Elle n’aura d’effet que 30 jours après qu’elle aura été notifiée au conseil, à moins que le Roi ne l’ait acceptée auparavant. »

Quel est le but de cette disposition ? De faciliter le bourgmestre à donner sa démission. Si le Roi accepte tout de suite, c’est une affaire finie ; ses fonctions cessent. Mais si le Roi tarde, vous décidez qu’elles pourront cesser 30 jours après, parce que vous supposez que pendant ce délai le gouvernement aura le temps de se décider sur la démission.

Mais, dites-vous, vous allez forcer un bourgmestre à continuer ses fonctions malgré lui. Cela arrive tous les jours, répondrai-je. Un magistrat donne sa démission, peut-il cesser ses fonctions sur-le-champ ? Assurément non. On a parlé des ministres en ce cas. Mais je me rappelle fort bien que l’honorable M. Lebeau et ses collègues sont venus ici pendant un interrègne ministériel et ont déclaré qu’ils n’y venaient pas comme ministres. J’ai entendu dire à cet honorable député de Bruxelles qu’il n’y venait que par dévouement.

Lorsqu’on a accepté une fonction, on l’accepte jusqu’au moment où on pourra la quitter sans mériter de blâme. Il faut continuer à juger, si vous êtes juge ; à administrer, si vous êtes administrateur. C’est ce que disait l’honorable M. Lebeau. Ce ne sont plus les mêmes principes aujourd’hui.

Je crois que vous devez laisser subsister cette partie de la disposition relative aux trente jours. Il ne faut pas exposer une ville à se trouver sans administrateur, un siège sans président, ce sont des précautions naturelles, et je m’étonne qu’aujourd’hui on veuille les méconnaître.

M. Dubus. - L’observation que j’avais faite sur le retranchement proposé du deuxième paragraphe de l’article 16, a provoqué des explications, desquelles il résulte que je suis parfaitement d’accord sur le principe avec les honorables MM. de Brouckere et Lebeau, et je le rappellerai à la chambre, je poussai l’application du principe, au premier vote, aussi loin que ces honorables membres au deuxième. Moi aussi, je disais qu’il ne fallait pas contraindre le bourgmestre à continuer un seul jour les fonctions malgré lui. On a prétendu lors du premier vote que cela présentait des inconvénients et j’ai présenté d’autres inconvénients qui résultaient du système qui a prévalu.

Je faisais remarquer que le bourgmestre pourrait être déterminé à donner sa démission, parce qu’on exigeait de lui des actes qu’il répudiait ; si vous l’obligez à être bourgmestre seulement pour quelques jours, vous le contraignez à concourir à ces mesures. Il va de soi que nous ne pouvons exiger du bourgmestre qu’il exécute des mesures qui ont motivé sa démission.

J’ai déclaré qu’il était nécessaire qu’une disposition fût formulée au deuxième vote. J’ai pensé que le lieu de la formuler était à l’article 84 du nouveau projet, où la loi détermine les moyens de nature à forcer les administrateurs communaux à exécuter les actes, en envoyant sur les lieux et à leurs frais des commissaires. Il me semble que c’est là qu’il faudrait faire exception pour les administrateurs qui auraient donné leur démission et qu’on obligerait à continuer leurs fonctions malgré la démission déjà donnée.

Quoique cet article ait été irrévocablement voté, je crois qu’on pourrait y ajouter cette exception, comme conséquence du vote de l’article 16. Si on maintient la disposition dont l’honorable député de Bruges désire le maintien, je préfère, ainsi que les honorables MM. de Brouckere et Lebeau, qu’on ne fixe aucun terme et que dans tous les cas la démission du bourgmestre ait son effet immédiat.

M. Verdussen. - D’après ce que je viens d’entendre dire à l’honorable préopinant, je crois qu’il a renoncé à sa première proposition, celle de reproduire dans l’article en question que la démission n’aura d’effet que 30 jours après sa notification. L’honorable M. Jullien ne l’a pas reproduite, et je la reprendrai si l’honorable député de Bruges ne l’a pas fait.

Il est à mes yeux nécessaire de la maintenir, on n’a fait valoir contre elle que des raisons qui ne sont pas péremptoires. On vous dit : Pouvez-vous forcer un bourgmestre à conserver sa place, lorsqu’on lui ordonne d’exécuter des mesures qui répugnent à sa conscience ? Si vous donnez au bourgmestre le pouvoir de s’y refuser en se retirant, il faudrait donc le donner à son remplaçant ; cependant, d’après l’article 18, les démissionnaires restent en fonctions jusqu’à ce que les successeurs soient nommés. Voilà donc l’élu du peuple dans une position pire que celui du gouvernement. Je crois que cette considération mérite toute votre attention.

D’après ce qui a été dit par l’honorable M. Dubus, ce serait de conserver la fin de l’article en ce qui concerne les bourgmestres. Le bourgmestre qui désire donner sa démission au conseil ne peut l’effectuer qu’après avoir reçu du Roi l’acceptation de sa démission, soit d’une manière directe, soit d’une manière indirecte, quand le Roi n’a pas répondu endéans les trente jours.

M. Lebeau. - Je persiste à croire qu’il vaut mieux s’en tenir à la proposition primitive du gouvernement.

Je dois d’abord dire deux mots sur l’espèce d’argument ad hominem de l’honorable M. Jullien.

Sans aucun doute, des ministre qui croient devoir donner leur démission n’abandonnent pas leurs bureaux du jour au lendemain, mais c’est là un acte de déférence et de dévouement envers le prince, envers le pays, qui ne peut rester sans administration, car il ne doit entrer dans l’esprit de personne que ce soit une obligation légale. Je ne crois pas qu’il appartienne au Roi (et je parle ici du Roi comme pouvoir), de refuser officiellement la démission d’un ministre ; il ne le pourrait sans s’exposer à compromettre sa dignité, dans le cas où le ministre persisterait dans sa démission.

Pour en revenir a l’article qui nous occupe, je dirai que le principal reproche qu’on peut lui faire, c’est d’être inutile. Que ferez-vous contre un bourgmestre qui, le lendemain du jour où il aura donné sa démission, s’absenterait du conseil, du pays ? Que ferez-vous contre lui ? Il y a des cas où on ne peut donner sa démission impunément, c’est lorsqu’elle est le résultat d’un concert pour empêcher l’exécution des lois. C’est un cas prévu par le code pénal.

Il restera seulement à voir, lors de la révision du code pénal, jusqu’à quel point cette disposition est compatible avec nos nouvelles institutions.

Le premier reproche à faire à la disposition en discussion, c’est qu’elle est dépourvue de sanction, qu’un bourgmestre aura le droit de la braver et de la braver impunément.

Ensuite, il faut remarquer une singularité qui résultera de la disposition actuelle ; c’est que la liberté d’accepter ou de répudier les fonctions dont on est investi sera accordée à tous les fonctionnaires publics, les bourgmestres exceptés.

Je n’en excepte pas même les membres des deux chambres qui peuvent se retirer d’un jour à l’autre, quoiqu’ils soient investis d’un mandat et d’un mandat fort respectable. Il n’y a pas de fonctionnaire amovible qui n’ait le droit de donner sa démission du jour au lendemain. Par quelle bizarrerie mettriez-vous le bourgmestre hors de la loi commune et dans une position tout à fait exceptionnelle ?

Si vous adoptez une telle disposition, pour que notre législation soit logique et homogène, imposez les mêmes conditions à tous les fonctionnaires publics y compris les membres des chambres législatives.

Dans la pratique, lorsqu’un bourgmestre veut quitter ses fonctions c’est qu’il croit avoir de justes raisons pour s’en démettre, soit des motifs de santé, soit un changement survenu dans sa position sociale, qui l’empêche de donner aux affaires de la commune le temps ou le soin qu’elles demandent.

Dans aucun cas le bourgmestre ne donnera sa démission avec la brutalité que l’on a supposée ; il continuera d’exercer ses fonctions jusqu’à la nomination de son successeur.

Mais les convictions politiques ou autres du bourgmestre peuvent ne pas lui permettre de continuer ses fonctions. Vous ne devez pas alors priver le bourgmestre du droit qu’ont tous les fonctionnaires publics de donner leur démission. Il peut se trouver dans une position telle qu’il lui répugne d’exécuter une mesure d’administration générale, qui lui paraîtrait contraire aux intérêts de sa commune, ou opposée à la loi. Dans une telle position c’est faire acte de bon citoyen que de donner sa démission.

Il faut que le bourgmestre ait toujours le droit de se retirer, comme l’a toujours un ministre, un gouverneur, un fonctionnaire quel qu’il soit, qui ne veut plus prêter son concours au gouvernement

L’honorable M. Verdussen a cru présenter une objection sérieuse en citant la disposition par laquelle les conseillers sont maintenus en fonctions, jusqu’à ce que les pouvoirs de leurs successeurs soient vérifiés.

L’effet de la loi est de proroger les pouvoirs des conseillers jusqu’à ce qu’un autre conseil ait été convoqué ; mais la loi ne dit pas pour cela que tel ou tel fonctionnaire doive nécessairement rester jusqu’à ce que son successeur ait pris sa place.

Ainsi les membres de la chambre des représentants restent en fonctions, en vertu de la loi électorale, même après l’expiration de leur mandat, jusqu’à ce que leurs successeurs aient pris leur place. S’en suit-il qu’ils ne sont pas libres de donner leur démission, même avant l’expiration de leur mandat, de la donner quand il leur plaît ? Il est évident qu’il n’en est pas ainsi.

Je demande donc que l’on ne place pas les bourgmestres dans une position exceptionnelle, position qui, dans certains cas offre quelque chose d’odieux. Il en résultera ou que ces fonctionnaires seront contraints de donner leur concours à des mesures que réprouve leur conscience, ou de braver la loi qui est dépourvue de toute sanction, ou enfin de laisser inexécutées des lois, des mesures d’administration générale. Voilà, messieurs, les trois alternatives où se trouveraient naturellement placés les bourgmestres disposés à se retirer.

Quant à moi le reproche principal que je ferai à la disposition dont il s’agit, c’est qu’elle est dépourvue de sanction.

Pour le cas où il y aurait concert de fonctionnaires pour paralyser des mesures d’administration générale ou l’exécution d’une loi, ils seraient passibles de poursuites devant les tribunaux criminels ; et cela suffirait pour les arrêter.

M. Dewitte. - Je déclare retirer mon amendement dont le but est rempli par celui qu’a proposé l’honorable M. de Brouckere.

M. Gendebien. - Puisqu’il paraît que la grande majorité de l’assemblée se fait un scrupule d’obliger le bourgmestre à rester en fonctions 30 jours après sa démission donnée, on pourrait dire : « La démission aura son effet du jour de la nomination au conseil. » Car, si vous admettez en principe que le bourgmestre ne peut pas être forcé à rester en fonctions, vous n’avez pas plus le droit de l’y contraindre pour 3 jours que pour 24 heures.

- Le sous-amendement proposé par M. Verdussen à l’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et adopté ; il formera l’article 16.

Articles 17 et 18

M. le président. - « Art. 17. Les conseillers sortants, lors du renouvellement triennal, ou les démissionnaires, restent en fonctions jusqu’à ce que les pouvoirs de leurs successeurs aient été vérifiés. »

- Adopté.


M. le président. - L’article 18 auquel le gouvernement s’est rallié n’est pas mis en délibération ; il est ainsi conçu :

« Lorsqu’une place de membre du conseil vient à vaquer, il y est pourvu à la plus prochaine réunion des électeurs.

« Le bourgmestre, l’échevin ou le conseiller nommé ou élu en remplacement, achève le terme de celui qu’il remplace. »

M. Gendebien. - L’article 17 a été adopté très légèrement. Il faut y revenir. D’un côté, vous parlez des conseillers sans faire mention des échevins. D’un autre côté, vous ne pouvez dire que les démissionnaires resteront en fonctions. Ce n’est pas possible. Vous venez de décider le principe diamétralement opposé.

M. Dubus. - Je ferai observer que l’un des changements demandés par l’honorable M. Gendebien à l’article 17 avait été demandé par moi dans la discussion de l’article 16. C’est celui qui porte sur l’addition du mot échevin, rendue nécessaire par le second vote de la chambre. Si je n’ai pas reproduit mon observation à l’article 17, c’est par inadvertance. J’appuierai également le retranchement du mot démissionnaire. Je ne vois aucun motif pour le conserver maintenant.

M. Verdussen. - L’article 17 a été définitivement admis, il ne peut être remis en discussion. Il est nécessaire de conserver le mot démissionnaire dans cet article. Car si vous en agissiez autrement, il pourrait arriver que le bourgmestre, les échevins, et jusqu’au dernier conseiller, donnassent successivement ou à la fois leur démission, et cette commune se trouverait ainsi tout à coup sans administration. Je demande si la loi peut admettre une pareille éventualité.

M. Legrelle. - Il n’est pas exact de demander la réouverture de la discussion ; car la discussion n’a pas même été ouverte. Nous nous sommes bornés à voter l’article sans discussion. Il est évident qu’il y a lieu de supprimer le mot démissionnaire et d’ajouter celui d’échevin.

M. Jullien. - Tout le monde est d’accord.

M. Dumortier, rapporteur. - Il me semble qu’il ne faut pas retrancher légèrement un seul mot de l’article 17. Je comprends très bien les observations des honorables préopinants. Mais il ne faut pas perdre de vue que, d’après les articles précédemment admis, le conseil ne peut délibérer si la moitié de ses membres ne sont présents. Il ne peut prendre de décision qu’à la majorité des voix. Or, c’est par le nombre des membres du conseil que s’établit la majorité des voix. Il faut donc que les membres démissionnaires restent en fonctions jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par d’autres.

Si la majorité du conseil s’établissait d’après le nombre intégral voulu par la loi, il n’y aurait pas d’inconvénient. Il en serait comme dans notre assemblée, qui, composée de 102 membres, a une majorité invariable de 52 membres pour délibérer, quel que soit le nombre de ceux qui ont donné leur démission. Si nous n’étions que 96 députés, nous ne pourrions prendre de délibération lorsque la séance ne présenterait que 46 membres. Il n’en est pas de même du conseil. La majorité s’établira d’après le nombre des membres effectifs. Il faut donc ne pas se hâter de retrancher le mot démissionnaire de l’article 17.

M. de Brouckere. - Je ne conçois pas que l’on puisse trouver la moindre difficulté à adopter les changements proposés par MM. Dubus et Gendebien. S’il faut en croire l’honorable M. Dumortier, alors qu’un conseiller aura donné sa démission, que tout sera consommé puisqu’il suffit de la notification de la démission pour qu’elle ait son effet, il faudrait que ce conseiller continuât à siéger dans le conseil. Il est impossible d’admettre ce système. Que diriez-vous si l’on vous demandait d’admettre à prendre part à vos délibérations le député qui aurait donné sa démission, jusqu’à ce que les pouvoirs de son remplaçant eussent été vérifiés ?

Pour qu’une démission soit censée accomplie, il faut que le fonctionnaire ait notifié sa démission à l’autorité compétente. Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Verdussen sur la possibilité d’une dissolution complète de l’autorité, je répondrai à sa supposition par une supposition. Que tout un conseil se refuse à siéger, en créera-t-il un autre immédiatement ? Il faut bien qu’il prenne son parti là-dessus, c’est un mal inévitable.

M. Dubois. - Je m’oppose à l’introduction du mot échevin dans l’article 17, parce que le terme général de conseiller n’exclut pas le bourgmestre.

M. Gendebien. - Je demande la suppression de l’article tout entier comme étant inutile.

M. Dumortier, rapporteur. - Les motifs allégués quant à la suppression des bourgmestres et des échevins ne peuvent en aucune manière s’appliquer à la démission des conseillers, parce que, tant qu’il y a un conseil, il y a un bourgmestre et des échevins, en vertu du mode de remplacement que vous avez admis par rang de nomination.

Il peut arriver qu’il n’y ait plus tout à coup de conseil dans des circonstances, par exemple, où le gouvernement, en voulant imposer un bourgmestre de son choix, forcerait les conseillers à se retirer. Il ne faut pas que la commune reste tout à coup privée de ses mandataires. Il faut qu’une personne qui a accepté les fonctions de conseiller communal sache les devoirs qui lui incombent du chef de ces fonctions, Vous devez maintenir la disposition présentée et laisser l’article 18 tel qu’il a été admis.

Le conseil ne peut prendre de résolution si la majorité de ses membres n’est présente. La majorité ne se calculerait pas d’après le nombre intégral des membres du conseil, mais d’après le nombre des membres présents. Dans une grande ville, par exemple, où il y a 30 conseillers, je suppose que la moitié du conseil ait donné sa démission, 8 membres suffiront pour composer une majorité, si l’on supprime le mot démissionnaire de l’article 17. C’est ce que nous ne pouvons admettre. J’insiste sur le maintien de l’article tel qu’il a été adopté.

M. Dubus. - Si la chambre persistait à maintenir le mot démissionnaire, je demanderais au moins que l’on ajoutât le mot échevin. Il en résulterait que l’on pourrait obliger un échevin à continuer ses fonctions 30 jours après qu’il aurait donné sa démission.

Il faut combiner l’art 17 avec l’article 30.

Ce n’est que de trois ans en trois sans que se font les élections, à moins que le gouvernement n’ordonne une réélection extraordinaire ; eh bien, dans le cas où on n’ordonnerait pas de réélection extraordinaire, il résulterait de la proposition de mon honorable ami qu’un échevin démissionnaire serait tenu des années encore à exercer ses fonctions ; évidemment vous ne pouvez pas le placer dans cette situation. Il serait donc absolument nécessaire de voter sur la question de savoir si les mots « les démissionnaires » seront conservés dans l’article.

Dans le cas où ils ne seraient pas supprimés, il faudra ajouter les échevins.

- La suppression des mots « les démissionnaires», est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - On propose de dire : « Les conseillers et échevins sortants, » ou d’ajouter le mot « échevins » au commencement de l’article.

- Cette addition mise aux voix est adoptée.

L’article 17 ainsi modifié est adopté.


M. le président. - L’article 18 est mis en délibération, il est ainsi conçu :

« Lorsqu’une place de membre du conseil vient à vaquer, il y est pourvu à la plus prochaine réunion des électeurs.

« Le bourgmestre, l’échevin ou le conseiller nommé ou élu en remplacement, achève le terme de celui qu’il remplace. »

M. Dumortier, rapporteur. - C’est ici que s’applique l’observation que j’ai faite tout à l’heure, et qu’il est inutile de renouveler.

M. Dubois. - Messieurs, il est certain qu’on n’a pas fait droit à mes observations à l’égard du bourgmestre. Je conçois bien que par le renouvellement triennal, les échevins resteront en place tant qu’ils ne seront pas remplacés ; mais lorsque le terme de six années sera expiré, le bourgmestre sortira-t-il du conseil, ou bien, comme les échevins, sera-t-il obligé de rester en place ?

M. Dubus. - Oui, comme conseiller, s’il est conseiller !

M. Dubois. - S’il n’est pas conseiller, les mêmes raisons subsistent. Vous ne pouvez pas permettre que le conseil reste un mois, deux mois sans bourgmestre. Il faut donc une disposition additionnelle à l’article.

M. Dubus. - Je ne comprends réellement pas la différence que l’honorable préopinant trouve à l’article 17 parce qu’on n’y a pas introduit le mot bourgmestre.

Le bourgmestre peut faire partie du conseil, alors il réunit deux pouvoirs différents : Il est membre du conseil, parce qu’il a obtenu les suffrages des électeurs ; il est bourgmestre par suite de la nomination royale ; si le terme des fonctions de bourgmestre vient à expirer sans qu’il ait été confirmé par le Roi, il doit cesser ses fonctions le jour même de l’expiration ; s’il est conseiller sortant, alors l’article 17 lui est applicable.

M. Lebeau. - Je crois que l’on n’a pas compris la pensée de l’honorable M. Dubois. Cet honorable membre est frappé d’un cas qui doit se présenter comme conséquence de l’article 15, par lequel les bourgmestres et échevins sont nommés pour 6 ans. D’autre part, on déclare que les conseillers sont renouvelés par moitié tous les 3 ans.

Je suppose la mise à exécution de la loi. Le gouvernement, étant intéressé à prendre le bourgmestre dans le conseil, laissera procéder aux élections ; quand elles seront faites, il nommera le bourgmestre et le prendra vraisemblablement, en règle générale, dans le sein du conseil ; et il le nommera pour 6 ans. A l’expiration des 6 ans, il y a nécessité pour le gouvernement de ne pas laisser d’interrègne dans les fonctions de bourgmestre, de continuer le titulaire dans celles dont il a été revêtu, ou d’en choisir un autre ; mais le gouvernement se trouvera fort embarrassé ; car, voulant prendre le bourgmestre dans le conseil, il ne saura pas si celui qu’il veut nommer sera élu membre du nouveau conseil.

Voilà donc le gouvernement obligé de choisir un bourgmestre sans savoir si celui qui sera l’objet de son choix fera ou non partie du conseil. L’honorable M. Dubois voudrait que lorsque le terme de 6 ans est expiré, l’ancien titulaire pût resté en fonction jusqu’à ce que son successeur fût désigné.

Toutefois, je pense que pour formuler une disposition dans ce sens, il faudrait quelque recueillement. J’engage M. Dubois à demander le renvoi de l’article 17, ainsi que de l’article 16 à la section centrale. Il y a une lacune à remplir. Si l’honorable membre présente un amendement, j’en propose le renvoi à la section centrale.

M. le président. - M. Dubois a déposé sur le bureau la proposition suivante :

« Quand le mandat du bourgmestre vient à expirer, ce magistrat restera néanmoins en fonction jusqu’à ce que les pouvoir de son successeur aient été vérifiés. »

M. Dubois. - J’avoue que l’honorable préopinant a eu raison de dire qu’il était difficile de rédiger sur-le-champ un paragraphe additionnel convenable. J’ai indiqué ma pensée dans l’amendement que j’ai déposé ; mais je ne tiens pas à la forme que je lui ai donnée, et je demanderai qu’il soit renvoyé à la section centrale pour qu’elle le mette en harmonie avec la loi.

- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.

Chapitre II. Des élections communales
Première section. Des électeurs communaux et des listes électorales

M. le président. - La chambre passe au chapitre II, relatif aux élections communales.

Article 19

L’article 19 qui énumère les qualités nécessaires pour être électeur est adopté définitivement.

Article 20

M. le président. - « Art. 20. Les contributions payées par la femme sont comptées au mari ; celles qui sont payées par les enfants mineurs sont comptées au père pour parfaire son cens électoral.

« La veuve payant ce cens pourra le déléguer à celui de ses fils qu’elle désignera, pourvu qu’il réunisse les autres qualités requises pour être électeur.

« La déclaration de la mère veuve sera faite à l’autorité communale ; elle pourra toujours être révoquée.

« Le tiers de la contribution foncière d’un domaine rural exploité par un fermier compte au locataire, sans diminution des droits du propriétaire. »

M. Milcamps. - Je voudrais que le dernier paragraphe de cet article fût ainsi rédigé :

« Le tiers de la contribution foncière d’un domaine rural exploité par un fermier, en vertu d’un bail ayant date certaine compte au locataire, sans diminution des droits du propriétaire. »

M. Dubus. - Il est difficile de se prononcer séance tenante sur un pareil amendement. Cependant au premier abord je ne vois pas la nécessité d’exiger un bail ayant date certaine. L’occupation d’un domaine rural est un fait notoire dans une commune. Le fermier cultive ce domaine au vu et au su de tout le monde.

Je ne vois pas comment il pourrait y avoir fraude au moyen de la simulation d’un bail. La fraude serait trop facilement reconnue.

M. Legrelle. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. L’article sur lequel porte l’amendement de l’honorable M. Milcamps a été adopté sans modification au premier vote. Il est donc impossible, aux termes du règlement, d’y introduire un changement de système. Sans cela le second vote deviendrait une discussion nouvelle de tous les principes d’une loi. Je demande l’ordre du jour.

M. Jullien. - L’honorable M. Legrelle aurait dû acquérir des discussions précédentes la conviction que les questions préalables sont devenues des questions de convenance.

L’observation de M. Milcamps n’a pas pour but de changer le système de l’article, mais il tend à l’améliorer. C’est presqu’un changement de rédaction.

L’honorable M. Dubus vient de dire qu’il ne concevait pas trop l’utilité de l’amendement de l’honorable M. Milcamps, attendu que le fait de l’exploitation d’une ferme était trop notoire pour qu’il fût nécessaire d’exhiber un bail. Ce n’est pas là que gît la difficulté. Si le fermier n’est pas nanti d’un bail qui constate la rente qu’il paie annuellement au propriétaire, on ne pourra reconnaître le tiers du prix du bail exigé par la loi. La proposition de M. Milcamps a pour objet de prévenir de pareilles contestations, et les difficultés qui se sont élevées en France à cet égard lui ont dicté son amendement. Je l’appuie donc très volontiers.

M. Dubus. - L’honorable M. Jullien vient d’émettre une assertion erronée. Il ne s’agit pas dans l’article du tiers du prix du bail, mais bien du tiers de la contribution foncière.

Comme le fait de l’exploitation d’un domaine rural est un fait trop constant pour qu’on le révoque en doute, je persiste à dire que je ne vois pas l’utilité de la proposition de M. Milcamps. Ce que j’y vois de très clair, c’est qu’elle restreindrait singulièrement la portée de la disposition votée par la chambre, et réduirait considérablement le nombre des cas que cette disposition prévoit.

Il y a beaucoup de baux qui n’ont pas de date certaine. Il y a beaucoup de baux qui ne sont même pas écrits. Un fermier exploite souvent un domaine rural en vertu d’une convention tacite entre le propriétaire et lui. Ainsi un fermier qui exploitera un domaine depuis de longues années sera privé du droit d’électeur, tandis que son voisin qui aura un bail enregistré dans le courant de l’année en jouira.

Le tiers de la contribution foncière se calculera d’après les rôles de contribution. Rien de plus facile. L’occupation d’une ferme se constatera par la notoriété publique. Que faut-il de plus ? Evidemment l’amendement de M. Milcamps est au moins inutile.

M. Milcamps. - La loi française porte à l’article 14 : « Le tiers de la contribution du domaine exploité par un fermier est compté sans diminution des droits du propriétaire. »

Ce texte a donné lieu à des contestations. L’on a contesté à des fermiers leur qualité de locataires de domaines ruraux. Je sais bien qu’ils pouvaient être admis à faire valoir leurs preuves devant les tribunaux. Mais cette voie est trop longue. Aussi a-t-on décidé en France que le fermier serait tenu de présenter un bail ayant date certaine. De cette manière, il est impossible que l’administration fasse des difficultés. Si vous n’adoptez pas mon amendement, les mêmes inconvénients se présenteront en Belgique, et vous savez que pour recourir aux tribunaux, il faut qu’il y ait un commencement d’exécution.

Mais votre article n’est pas seulement relatif à des fermes. Il s’applique aussi à des parcelles de terre de un et de deux bonniers.

M. Gendebien. - Il me semble que l’amendement de M. Milcamps doit être pris en considération. Vous avez adopté au dernier paragraphe de l’article 20 une disposition exorbitante. Lorsque je critiquais le cens d’éligibilité, on me disait que je travaillais en faveur des anciens seigneurs. Cela n’était ni logique ni rationnel. Je puis à mon tour vous faire cette objection, mais ici elle a de la réalité.

Je dis que vous allez travailler en faveur des anciens seigneurs, des grands propriétaires, si vous n’exigez pas que le bail ait une date certaine, car si vous ne l’exigez pas, celui qui aurait 60 ou 100 bonniers au lieu d’avoir un seul fermier, supposerait huit ou dix locataires, suivant qu’il jugera que dans tel ou tel but il a besoin d’avoir huit ou dix votants en sa faveur.

Si au contraire, le bail a date certaine, cet inconvénient n’arrivera pas. Dès l’instant que vous admettrez que l’inconvénient peut avoir lieu, il y aura des discussions, des contestations sur la question de savoir si réellement tels et tels individus occupent telles et telles pièces de terre. En n’exigeant pas que les baux aient date certaine, vous donnez au grand propriétaire la faculté de multiplier les hommes qui voteront pour lui.

Messieurs, je crois qu’un honorable membre a dit : Vous allez restreindre le droit électoral. C’est précisément cette raison qui me détermine à appuyer l’amendement de M. Milcamps. Indépendamment des raisons que je vous ai déjà données, je vous dirai que je ne veux pas qu’on puisse multiplier le droit électoral en faveur des grands propriétaires, des anciens seigneurs.

Quant à la motion d’ordre, je n’en dirai rien et je crois qu’il n’y a rien à en dire. La chambre a reconnu qu’il n’y avait pas lieu de la discuter. En permettant de discuter l’amendement, elle a mis la motion d’ordre de côté.

Conviendrait-il après tout d’exécuter le règlement à la lettre, de repousser un amendement alors qu’on signale une disposition incomplète et qu’on démontre qu’il doit en résulter des procès ? La question, ayant été soulevée provoquera des soupçons ; on supposera toujours quel tel propriétaire veut se créer des électeurs en faisant passer des individus pour ses locataires, et de grandes difficultés naîtront. Si vous exigez une date certaine, des baux se feront et l’enregistrement y trouvera son compte, cela fera verser au trésor des contributions que les propriétaires sont toujours disposés à éluder. Si le propriétaire veut étendre son influence électorale, il n’est pas mal qu’il paie quelque contribution pour cela.

M. Verdussen. - Je parlerai sur la motion d’ordre. Mon honorable collègue M. Legrelle l’avait présentée avant que la discussion sur l’amendement fût ouverte. Si on veut remettre en discussion article par article toute la loi communale, vous n’en finirez pas. Rappelez-vous avec quelle emphase vous avez recouru au procès-verbal, dans une autre circonstance, pour savoir si le ministre s’est formellement rallié à la proposition dont il s’agit, et cependant on la remet en question.

Voyez si vous voulez ou non vous conformer au règlement. Si vous ne voulez pas le suivre, déchirez-le. Si vous voulez le consacrer, maintenez-le.

M. Dubus. - Je ne crois pas avoir violé le règlement, en présentant les observations que j’ai émises. Il est vrai qu’il s’agit d’une disposition à laquelle le ministre s’est rallié, d’une disposition définitive ; mais il est vrai aussi que si la disposition n’était pas complète, si elle laissait à désirer une explication quelconque, s’il était nécessaire de déterminer quant à l’exécution un mode de preuve, rien n’empêcherait la chambre de se prononcer à cet égard.

Aussi, remarquez qu’au moyen des observations que j’ai faites, je me suis attaché à repousser l’amendement parce qu’il était plus qu’une explication, parce qu’il tendait à restreindre l’article voté primitivement. Il me semble qu’en parlant de cette manière, je suis resté dans les termes du règlement, car je ne repoussais l’amendement que parce que je le trouvais restrictif et injustement restrictif.

M. Milcamps. - Comme tout le monde prétend que mon amendement viole le règlement et que je tiens à le respecter, je retire ma proposition.

M. Jullien. - Comme je n’ai pas les mêmes scrupules que l’honorable M. Milcamps, car je ne crois pas que sa proposition violait le règlement, je la reprends.

Cet amendement est fondé sur l’expérience. Vous avez pris une disposition de la loi française qui déjà a donné lieu à des procès. Voulez-vous exposer le fermier qui viendra faire valoir ses droits à rencontrer des contestations ? Et il en éprouvera si vous ne modifiez pas la disposition.

Vous dites laconiquement que le tiers de la contribution foncière d’un domaine rural exploité par un fermier compte au locataire. Un individu viendra dire : Je suis locataire ; la première chose qu’on lui demandera sera de justifier qu’il est locataire. S’il n’a pas de bail, on méconnaîtra ses droits ; s’il présente un bail, on pourra l’accepter comme locataire. Vous voyez que l’amendement a pour but d’empêcher des contestations.

Quand vous avez dit locataire, vous avez entendu un individu qui avait un bail. C’est le seul moyen de garantir les droits des locataires.

Pour rendre toute contestation sur ce point impossible, je reprends donc la proposition de M. Milcamps et je demande qu’on la mette aux voix.

- La motion d’ordre de M. Legrelle est mise aux voix et adoptée.

M. Jullien. - Alors je vous rends votre proposition.

Articles 21 et 21bis nouveau

M. le président. - Le gouvernement s’est rallié à l’article 21. Nous passons à l’article 21 bis nouveau, qui est ainsi conçu :

« Les contributions et patentes ne sont comptées à l’électeur que pour autant qu’il ait payé le cens électoral pour l’année antérieure à celle dans laquelle l’élection a lieu.

« Le possesseur à titre successif est seul excepté de cette condition. »

M. Doignon. - Il me semble que cet article n’est pas d’accord avec l’article 19 que vous venez de voter. D’après l’article 19, il suffit, pour être électeur, d’avoir payé le cens pour une année seulement, et d’après l’article 21 qui est en discussion, il faudrait avoir payé le cens pendant deux années consécutives. Il suffirait, pour remplir le but qu’on s’est proposé par l’article, de payer le cens dans l’année où l’élection a lieu et d’avoir été imposé ou patenté l’année précédente, sans avoir payé la somme requise pour être électeur. C’est ainsi qu’est conçu l’article 3 de la loi électorale concernant les chambres.

Il suffit d’avoir été imposé ou patenté l’année antérieure à l’élection, il n’est pas nécessaire d’avoir payé l’intégralité du cens. Cet article a eu pour but d’empêcher qu’on ne se procurât des suffrages par des contributions fictives. La disposition dont il s’agit a eu aussi pour objet d’empêcher les propriétaires de se créer des électeurs pour se faire nommer bourgmestres ou échevins à volonté.

C’est pour rendre cette fraude impossible qu’on a voulu qu’une personne, pour être électeur, ait été imposée pendant deux années, mais non pour la totalité de ce cens. De cette manière, il y a présomption qu’elle est imposée d’une manière sérieuse, qu’il n’y a pas de fraude.

Il est inutile d’exiger qu’on paie la totalité du cens la première année. Si on maintenait l’article tel qu’il est rédigé, je n’y verrais d’autre but que de restreindre le nombre des électeurs. Je demande que l’article soit rétabli tel que je l’avais proposé d’abord et qu’on dise :

« Les contributions des patentes ne sont comptées à l’électeur que pour autant qu’il a été imposé ou patenté pour l’année antérieure à celle dans laquelle l’élection a lieu. »

M. Legrelle. - Je pense et j’ai la conviction que l’honorable membre interprète mal l’article 3 de la loi électorale. Cet article porte : « Les contributions des patentes ne sont comptées à l’électeur que pour autant qu’il a été imposé ou patenté pour l’année antérieure à celle dans laquelle l’élection a lieu. »

Lorsque nous avons voté cet article, j’ai demandé s’il devait être interprété de telle manière qu’il suffisait d’avoir été imposé ou patenté la première des deux années à une somme quelconque pour avoir le droit de suffrage, ou bien s’il fallait avoir payé la totalité du cens. On m’a répondu qu’il ne pouvait y avoir aucun doute sur cette dernière interprétation, et que toute explication ultérieure serait un pléonasme inutile.

C’est aussi de cette manière que la loi a été interprétée dans la plupart des localités, surtout dans la ville que j’habite, où cela n’a jamais fait le moindre doute. J’ai été surpris lorsque le ministre a proposé de rédiger autrement l’article de la loi communale qui vous occupe.

Si l’article 3 de la loi électorale recevait une autre interprétation que celle que je viens d’exposer, on pourrait faire des électeurs à volonté, toute personne qui avant l’élection aurait été imposée pour une somme quelconque pourrait avoir droit de suffrage en lui faisant payer le cens d’une manière simulée.

Ce n’est pas là ce que la loi a pu avoir eu en vue.

L’article 3 qui décrète qu’on devait être imposé ou patenté pour l’année d’avant l’élection a voulu qu’on le fît pour la totalité du cens. C’est une chose dont je n’ai jamais douté ; car quand j’ai demandé qu’on y ajoutât quelque chose pour la rendre plus claire, on m’a répondu que c’était inutile, que la disposition ne pouvait être interprétée comme je viens de le faire.

M. Doignon. - L’honorable préopinant est dans l’erreur. Je pose en fait que généralement la loi est interprétée comme je l’ai fait, c’est-à-dire qu’il suffit d’avoir été imposé ou patenté l’année d’avant l’élection, non pas jusqu’à concurrence de la totalité du cens, mais pour une somme quelconque.

Je citerai à l’appui de cette interprétation une circulaire du ministre de l’intérieur actuel, qui a été adressée aux administrations communales en 1832. La question a été examinée par le gouvernement, et le gouvernement a interprété la disposition comme moi.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, cet article a pour objet d’empêcher la fraude, d’empêcher que par des patentes simulées, données pour une seule année, on ne multiplie les électeurs. Mais quand une personne est patentée depuis deux années, il y a présomption que la patente n’est pas simulée, bien que le chiffre ne soit pas exactement le même. Le cas de fraude n’est pas supposable. Je persiste donc à soutenir qu’il n’est pas nécessaire d’avoir été imposé pendant deux ans pour la totalité du cens pour être électeur. Je persiste dans mon amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai présenté à l’article 21bis l’amendement qui a été adopté, afin qu’on ne pût pas faire pour les élections communales, ce qui se pratique pour les élections de la chambre. Messieurs, j’ai pensé que pour éviter qu’on augmentât à dessein les contributions personnelles, on aurait une garantie que le cens électoral aurait été payé dans l’année précédant celle de l’élection. On ne peut restreindre le droit électoral qu’autant qu’il y aurait des exceptions formulées dans la loi.

M. Dubus. - J’ai pris la parole pour répondre à l’honorable M. Legrelle. Il vous a présenté la loi électorale comme ne présentant aucun doute, et c’est pour cela qu’il s’oppose à l’amendement que nous voulons introduire dans l’article que nous discutons en ce moment.

Quand l’honorable député voit dans l’article 3 de la loi électorale la nécessité qu’on ait payé le cens dans l’année qui précède, selon moi il ajoute à cet article. Je ne pense pas qu’en pareille matière il soit permis d’ajouter à la loi, je crois me rappeler qu’il y a eu une circulaire sur ce point, et que si l’exécution de cet article a été autre qu’il ne devait être dans certaines localités, on s’est écarté du sens indiqué dans cette circulaire.

Maintenant y a-t-il lieu de faire pour l’élection municipale plus que l’on ne fait pour l’élection des représentants et des sénateurs ? En matière pareille, les fraudes ne doivent pas se supposer facilement : n’allez pas exiger encore des conditions qui restreindraient davantage le cercle d’élection.

- L’amendement de M. Doignon est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L’ensemble de l’article est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 5 heures moins un quart.