(Moniteur belge n°70, du 11 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dechamps fait lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes envoyées à la chambre :
« Le colonel A. de Pontécoulant demande à être réintégré dans l’armée. »
« Les sieurs Dehemptinne et Vanalher informent la chambre qu’une assemblée générale des industriels cotonniers de Gand a choisi une commission permanente qui se mettra à la disposition de la chambre pour fournir les renseignements qu’on jugera à propos de leur demander. »
« Le recteur de l’université de Louvain envoie à la chambre cent exemplaires d’un mémoire sur l’instruction publique.
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
M. Bosquet, représentant de Bruxelles, est admis à prêter serment.
- Il est donné acte de la prestation du serment de M. Bosquet.
M. Desmet. - Je demande que le projet de loi présenté par 24 députés des Flandres soit mis à l’ordre du jour dans les sections.
M. le président. - Les présidents des sections se sont réunis dernièrement pour régler le travail des sections.
M. Dubus. - J’étais présent à la réunion de présidents des sections dans laquelle s’est agitée la question de savoir quels seraient les projets de loi à mettre à l’ordre du jour des sections.
L’on a fixé d’abord les projets qui ont paru les plus urgents à tout le monde. Quant à la proposition des 24 députés des Flandres, les présidents des sections ont pensé qu’il était extrêmement à désirer que non seulement la chambre et la section centrale, mais que les sections aussi, pussent se prononcer à cet égard en pleine connaissance de cause. Plus le travail des sections sera circonstancié, plus celui de la section centrale et de l’assemblée sera facilité. Nous avons donc pensé qu’il était opportun d’obtenir auparavant les renseignements demandés par la chambre au gouvernement ainsi qu’à la commission d’industrie.
Cette manière de voir nous a paru d’autant plus admissible, que la commission d’industrie aura terminé dans quelques jours le travail dont elle est saisie. Je demande si, dans un pareil état de choses, c’est le cas de mettre à l’ordre du jour des sections le projet de loi sur l’industrie cotonnière, alors que nous sommes à la veille d’être saisis du résultat des investigations faites par la commission d’industrie et des renseignements promis par le gouvernement ; c’est comme si vous vouliez proclamer qu’il faut décider en aveugles et se passer de renseignements.
M. Desmet. - L’investigation entamée par la commission d’industrie sera finie le 15 de ce mois. Je propose donc qu’après le 15 le projet de loi sur l’industrie cotonnière soit mis à l’ordre du jour des sections.
M. Dubus. - Il sera temps le 15 de prendre une décision à cet égard.
M. Dumortier. - L’honorable M. Desmet se trompe en disant que l’investigation entamée par la commission d’industrie sera terminée le 15. C’est au contraire pour le 15 que la commission a invité les personnes auxquelles elle a des renseignements à demander. L’investigation se fera du 15 au 20. Vous comprendrez que le 15 de ce mois la commission d’industrie ne pourra présenter son rapport.
Il faut bien laisser à la commission d’industrie quelques jours pour faire son rapport, à moins que la chambre ne veuille s’en passer. Il faut un temps moral. Il faut, comme je l’entends dire à l’honorable M. Lardinois, le temps d’imprimer les documents qui nous seront fournis sur la proposition de M. Desmaisières.
Je sais bien qu’il est nécessaire que l’on mette cette proposition à l’ordre du jour des sections puisque la chambre prise en considération. Mais il est convenable d’attendre que la résolution prise par l’assemblée d’attendre les renseignements de la commission d’industrie et du gouvernement puisse être mise à exécution. Avant le 20 de ce mois la commission d’industrie ne pourra faire son rapport. Encore ce terme est-il très rapproché. J’invite donc l’honorable M. Desmet à retirer sa motion et à ne la reproduire que le 15 de ce mois.
M. Desmet. - La soi-disant enquête commencera le 10 et finira le 15. Je propose que la proposition de M. Desmaisières soit mise à l’ordre du jour des sections après le 20. Je demande en outre qu’au rapport de la commission d’industrie soient joints tous les renseignements que l’assemblée aura reçus sur la question.
M. A. Rodenbach. - On pourrait, ce me semble, fixer au 25 la mise à l’ordre du jour que demande l’honorable M. Desmet. Ce laps de temps sera suffisant pour la rédaction du rapport de la commission d’industrie et l’impression des pièces qu’elle aura reçues.
J’espère que la commission d’industrie se hâtera de faire son rapport. Je rappellerai que la chambre a trouvé trop éloigné le terme de six semaines que l’on avait demandé pour entourer l’assemblée de tous les renseignements. Il y a donc nécessité de se hâter pour se rendre aux vœux exprimés par la législature.
M. de Brouckere. - La motion d’ordre de l’honorable M. Desmet est évidemment prématurée. A quoi bon mettre à l’ordre du jour des sections un projet sur lequel tous les renseignements demandés par la chambre n’ont pas été complètement recueillis ? Je lui conseille d’attendre, pour renouveler sa motion d’ordre, que la commission d’industrie ait fait son rapport.
M. Desmet. - En conséquence des observations qui viennent d’être faites, je me bornerai à demander que la commission présente son rapport le 25.
M. Dumortier. - Cela peut se faire.
- La proposition de M. Desmet n’a pas d’autre suite.
M. le président. - La discussion est continuée sur l’article 4 et les amendements présentés dans la séance précédente. Ils sont ainsi conçus :
« Amendement de M. Gendebien. Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral, sont éligibles dans la commune du domicile du père, ou de la veuve, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. »
« Amendement de M. Dumortier. Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral, sont éligibles dans la commune où leurs parents paient ce cens ou bien sont éligibles, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. »
« Amendement de M. Dewitte. Sont éligibles dans les communes où le père l’est, ou dans la commune que la mère habite, pourvu, etc. »
« Amendement de M. Milcamps. Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral sont éligibles, les premiers, dans la commune où le père exerce ses droits politiques, et les seconds, dans celle où la mère a son domicile. »
« Amendement de M. H. Dellafaille. Les cens électoral requis dans la commune. »
« Amendement de M. le ministre des affaires étrangères. Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral sont éligibles dans le lieu du domicile du père ou de la mère veuve, etc., etc.
« Amendement de M. Dubus. Les fils d’électeurs ou de veuves sont éligibles en justifiant que leur père ou leur mère paie le cens électoral exigé pour la commune où se fait l’élection, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. »
M. de Brouckere. - La question à laquelle se rapportent les différents amendement présentés dans la séance d’hier a été soulevée par moi. J’ai lu attentivement tous les amendements présentés, et je dois déclarer que je n’en ai trouvé qu’un seul qui remplisse mes intentions. Celui de l’honorable M. Dubus. C’est pour l’appuyer que j’ai demandé la parole.
D’après cet amendement les fils des électeurs ou des veuves sont éligibles lorsque leur père ou mère, si elle est veuve, paie le cens électoral exigé par la loi pour la commune où se fait l’élection. Cela me paraît parfaitement juste. Il importe fort peu que le père ou la mère dont le fils réclame le droit d’éligibilité habite la même ville que ce fils. Il suffit que le père ou la mère paie le cens d’éligibilité exigé pour la ville où le fils se présente.
Ainsi, si le père ou la veuve paie une contribution de 120 fr., le fils sera éligible dans quelque commune du royaume que ce soit où il est domicilié, pourvu qu’il remplisse les autres conditions d’éligibilité. Il importe fort peu que le père ou la veuve soit domicilié dans la commune.
Si vous n’adoptiez pas ce système, voyez ce qui en résulterait : un fils habite la même ville que son père. Son père y paie le cens nécessaire pour que son fils soit éligible dans cette ville. Au bout d’un certain laps de temps, il quitte cette ville et va s’établir ailleurs. La position du fils est-elle changée ? Elle reste la même. Quelle raison y a-t-il que le fils, par un acte de la volonté de son père, perde les droits qu’il avait à l’éligibilité ? Cela me paraît une anomalie, une singularité qui n’est motivée sous aucun rapport. J’adopterai l’amendement de l’honorable M. Dubus.
M. Gendebien. - J’ai fait comprendre à l’assemblée qu’il fallait que le troisième paragraphe de l’article 4 fût changé. Il s’est présenté alors deux systèmes. J’ai proposé, de mon côté, un amendement dans le sens qui me semblait le plus généralement admis par l’assemblée. Mais je n’ai pas de raisons pour tenir à ce système plus qu’à l’autre.
J’ai rédigé mon amendement dans le sens de la volonté générale à ce qu’il me semblait, dans l’intention seulement de ne pas faire perdre du temps. Mais je préfère personnellement l’amendement de l’honorable M. Dubus au mien, non pas qu’il présente une traduction meilleure de l’intention manifestée par la chambre, mais parce qu’il comprend à la fois et une rédaction claire et un système qui me paraît préférable au mien. Son système est plus large. Il obvie en certaines parties aux inconvénients graves signalés dans la séance d’hier et qui peuvent résulter de la nécessité de payer un cens. Je me rallie donc à l’amendement de l’honorable M. Dubus.
M. Dumortier, rapporteur. - Il y a en ce moment trois systèmes en présence, représentés par les différents amendements proposés dans la séance d’hier au deuxième paragraphe de l’article 4.
Par le premier système, les fils des électeurs seraient éligibles dans la commune du domicile de leurs parents.
Par le second, les fils d’électeurs seraient éligibles dans la commune qu’ils habitent quoique leurs parents n’y paient pas de contributions. C’est l’amendement de mon honorable ami M. Dubus.
Enfin, par le troisième système, les fils d’électeurs seraient éligibles dans la commune qu’ils habitent, pourvu que leurs parents y paient le cens électoral.
Voilà donc trois systèmes en présence. C’est à la chambre à se décider sur la question de savoir auquel des trois systèmes elle donnera la préférence.
Je ferai observer que vous avez admis en principe qu’il faut payer un cens pour être éligible aux fonctions de conseillers communaux. Vous avez à la vérité dérogé à ce principe, en admettant à l’éligibilité les fils d’électeurs dans un cas déterminé.
Mais, messieurs, comme c’est une exception, il importe que les fils d’électeurs présentent une garantie aux électeurs de la commune dont le choix peut tomber sur eux. Si le cens électoral n’est pas payé dans la commune de leur domicile soit par les parents, soit par les éligibles eux-mêmes, on sent bien que la garantie qu’a voulu imposer la loi n’existe plus. Je pense donc pour ma part que le seul système rationnel est celui qui résulte, soit de l’amendement de l’honorable M. Dellafaille, soit du mien.
Il faut de toute nécessité, lorsque les parents ne sont pas domiciliés dans la commune, que l’éligible au moins paie une partie du cens voulu dans la commune de son domicile. Il arriverait, si cette condition n’était pas exigée, que l’on pourrait nommer aux fonctions de conseiller communal une personne qui n’aurait aucun rapport avec les intérêts locaux. Ceci serait contraire au principe que vous avez admis dans la séance d’hier. Il eût mieux valu admettre la proposition de l’honorable M. Seron, si la chambre adoptait le système que je combats.
Le grand motif pour lequel l’on a rejeté cette proposition, c’est que l’on voulait que le membre d’un conseil communal fût attaché par un lien quelconque d’intérêt à la commune qu’il représente. Je ne vois pas pourquoi le fils d’un électeur serait dans une condition meilleure que le père lui-même. C’est dans le sens de mon amendement, et de celui de M. Dellafaille, que la section centrale a entendu le paragraphe proposé. Elle avait compris que la faculté que l’on accordait au fils de l’éligible était subordonnée à ceci : que le cens électoral fût payé dans la commune du domicile de l’éligible pour garantie de bonne gestion des intérêts communaux.
M. Dubus. - Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer à la fin de la séance précédente a été attaqué par mon honorable ami comme n’étant pas en harmonie avec le projet de loi actuellement remis en discussion.
C’était au contraire dans le dessein de mettre l’article 4 en harmonie avec les autres articles de la loi que j’avais déposé cet amendement. Il m’avait semblé qu’au contraire les autres amendements n’étaient pas en harmonie avec le reste de la loi ; que c’étaient les autres systèmes qui se trouvaient en opposition avec le principe consacré par l’article 19, principe relatif au cens électoral.
L’article 19 exige en thèse générale le paiement d’un cens, et l’on vous a dit que ce cens était exigé afin que l’éligible tînt par quelque chose à la commune. Mais alors on aurait exigé qu’il payât le cens dans la commune même. Mais l’on s’est contenté du paiement du cens dans une commune quelconque,
Voilà le principe général. La disposition qui est proposée par l’article 4 en faveur de fils d’éligibles a eu pour but de leur appliquer les conditions imposées à l’éligible lui-même. Si le père se présentait aux élections de la commune de son domicile, il suffirait qu’il payât le cens dans une commune quelconque du royaume. Il doit suffire de même pour le fils de l’éligible d’avoir son domicile dans la commune. C’est une des conditions imposées pour l’éligibilité. Celle du cens a été exigée non pas pour que l’éligible donne la garantie qu’il sera un homme d’ordre. La chambre n’a pas cru que cette condition cesserait d’exister si l’éligible payait ce cens dans une commune autre que celle de son domicile. La seconde condition, celle de domicile a été exigée pour que l’éligible soit attaché par un lien aux intérêts de la commune.
Toute la différence qu’il y a dans la différence établie par la loi en faveur du fils de l’éligible, entre celui-là et son père, c’est que celui-là est éligible en vertu du cens payé par son père. Mais il doit être indifférent que le cens soit payé par le père dans la commune même du domicile de son fils, puisque l’on n’exige pas cette condition pour le père. La garantie d’homme attaché à l’ordre public existe dans le cas de paiement du cens par le père, celle d’attachement aux intérêts de la commune dans la nécessité du domicile.
Je crois pour ces motifs que la rédaction que j’ai proposée est véritablement en harmonie avec les articles 4 et 19 de la loi communale. J’attendrai, pour donner de plus amples développements, le résultat ultérieur de la discussion.
M. Dewitte. - Si la chambre trouve qu’il est suffisamment établi par l’amendement de l’honorable M. Dubus que le fils succède à tous les droits de son père éligible ou devient éligible en vertu du cens payé par sa mère, je retirerai mon amendement ; mais si la chambre n’était pas de cet avis, je croirais devoir le conserver.
M. Verdussen. - Je préfère l’amendement de l’honorable M. Gendebien ou celui de M. le ministre de l’intérieur, qui dit la même chose, à tous ceux qui ont été proposés. Voici sur quoi je fonde mon opinion.
Lorsque dans la séance d’hier vous avez rejeté l’amendement de l’honorable M. Seron, vous avez établi en principe qu’un cens payé donnerait à un seul individu le droit de pouvoir être appelé au conseil communal. Si vous adoptez l’amendement de M. Dubus, qu’arrivera-t-il ? Vous donnerez à un cens, une fois payé, le droit pour dix personnes peut-être d’entrer dans dix conseils communaux différents.
Je suppose un père ayant neuf fils, habitant chacun une commune différente. Ce père et ses neuf fils pourront donc faire partie, en vertu d’un seul cens, de 10 conseils communaux différents dans les communes où chacun d’eux aura établi son domicile. Ce n’est certainement pas là l’esprit de la loi. L’esprit de la loi est d’admettre dans le sein d’un seul conseil communal celui qui paie le cens. Si le père n’a ni la santé ni la capacité requise pour être conseiller dans sa commune, vous avez bien voulu qu’il y fût remplacé par un de ses fils, mais rien au-delà, car le fils et le père, ou les deux frères ne pourraient siéger dans le même conseil, puisqu’il y a exclusion pour la parenté. Je crois donc rentrer dans l’esprit de la loi en demandant qu’un cens, une fois payé, ne donne entrée qu’à un seul éligible dans les conseils communaux, que ce soit ou le père ou le fils, et ce but est atteint par l’amendement de M. Gendebien ou de M. le ministre de l’intérieur.
M. F. de Mérode. - Le but de l’amendement de l’honorable M. Dubus est de faciliter aux électeurs le moyen de trouver un plus grand nombre de personnes présentant des conditions d’éligibilité. Il est certain que dans beaucoup de communes l’on a de la peine à trouver des éligibles aptes à faire partie des conseils communaux. La garantie d’ordre public existe chez le fils de l’éligible comme chez le père lui-même en vertu du cens que celui-ci paie. Celui qui appartient à une famille dont le chef paie un tel cens de contributions est présumé partager la manière d’être et de voir de son père. Il n’y a donc pas d’inconvénient à ce que le fils puisse être éligible dans la commune de son domicile, alors même que son père n’y paierait pas le cens. Je n’y vois pas de dommage pour la chose publique.
Il ne s’agit pas de droit à donner aux éligibles, mais d’une facilité de choix à offrir aux électeurs. C’est pour ces motifs que je voterai en faveur de l’amendement de l’honorable M. Dubus.
M. Donny. - J’appuierai l’amendement de M. Dubus ; mais tel qu’il est rédigé, il me paraît exiger une modification, attendu qu’il ne s’applique pas à certains cas qu’il est cependant intéressant de prévoir. Cet amendement ne s’occupe que des fils de veuves et des fils d’électeurs. Il n’est pas applicable au fils d’un homme qui, tout en payant le cens électoral, n’a pas la qualité d’électeur. Ainsi la qualité d’éligible est refusée au fils d’un étranger non naturalisé, et au fils d’un homme en état d’interdiction. Car, aux termes des article 19 et 28, l’étranger et l’interdit ne peuvent être électeurs. Il me paraît cependant qu’il conviendrait de rendre l’amendement applicable à ces personnes.
D’après ces considérations, je crois pouvoir proposer utilement un changement de rédaction à l’amendement de M. Dubus.
Je demanderai qu’il soit modifié ainsi :
« Sont éligibles ceux qui justifient que leur père ou leur mère paient le cens exigé pour la commune où se fait l’élection, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. » (Aux voix ! aux voix !)
M. Pollénus. - Je demanderai ce que deviendra le droit d’éligibilité qu’on accorde au fils, si le père vient à décéder.
M. de Brouckere. - Rien !
M. Pollénus. - Ainsi vous accorderez plus à l’expectative qu’à la réalité.
Je voterai contre l’amendement.
M. F. de Mérode. - L’honorable préopinant vient de signaler une lacune.... (Non, non ! Aux voix !) Il faudrait dire que celui qui sera élu restera en fonction jusqu’à nouvelle élection.
M. A. Rodenbach. - C’est sous-entendu !
M. Dubus. - On vient de signaler une prétendue lacune dans mon amendement ; mais là un inconvénient bien faible en comparaison de l’inconvénient plus grave qui résulterait de la restriction du droit d’éligibilité. (Aux voix ! aux voix !)
- La rédaction proposée par M. Donny, mise aux voix, n’est pas adoptée.
L’amendement de M. Dubus, mis aux voix, est adopté et remplacera la troisième disposition de l’article 4.
M. le président. - Le paragraphe 4 est ainsi conçu :
« Paragraphe 4. Nul ne peut être membre de deux conseils communaux. »
M. Rogier. - Mon intention n’est pas de retarder l’adoption définitive de la loi communale en proposant fréquemment des modifications au projet en discussion ; si je viens maintenant demander le retranchement du dernier paragraphe, c’est dans l’espoir que ma proposition n’entraînera pas de longues discussions, ; car je préférerais voir la loi moins parfaite que de la voir trop longtemps retardée.
Le paragraphe dont je demande la suppression résulte d’un amendement présenté par M. Doignon et admis sans débat. Le Moniteur ne mentionne aucune discussion sur cet objet.
Messieurs, il peut être utile que le même individu siège dans deux conseils communaux à la fois. Du moment qu’il a des intérêts dans deux communes différentes, on peut l’admettre à représenter et à défendre ces intérêts. Remarquez que la faculté d’être membre du conseil dans plus d’une commune n’aura lieu que pour les communes de moins de 400 habitants, puisque dans les autres il faut y être domicilié pour les représenter.
M. de Robaulx. - Je n’adopte pas ce principe, qu’il vaut mieux faire une mauvaise loi que de la discuter longuement : je préfère prolonger la discussion pour améliorer la loi et perdre du temps que de la laisser vicieuse, si toutefois c’est perdre son temps que d’améliorer les lois.
Le dernier paragraphe a pour but d’empêcher qu’il n’existe de ces électeurs généraux exerçant leur influence sur une certaine étendue territoriale : on a vu de ces individus être bourgmestres de sept ou huit communes et être encore membres des états de plusieurs provinces. On dit qu’on ne peut faire partie des conseils communaux de plusieurs grandes villes ; mais l’influence qu’on exerce dans les grandes villes n’est pas aussi redoutable que celle qu’on exerce dans les petites localités. Evitons que des hommes promènent leur influence fâcheuse d’une commune à l’autre, et aient une action sur des intérêts étrangers aux communes.
M. Dubois. - J’appuie la proposition faite par M. Rogier. Sans doute que, si l’on voulait pousser l’argumentation aussi loin que le fait le préopinant, il y aurait des abus par l’admission de cette proposition. On prétend que des individus sont bourgmestres de sept ou huit communes : pour moi j’ignore absolument l’existence d’un tel fait ; mais je sais qu’il est des arrondissements où on trouve difficilement des bourgmestres ; et je préfère qu’un même individu soit bourgmestre dans deux communes que de voir ces localités mal administrées.
Le gouvernement ne nommera pas la même personne dans sept ou huit communes ; il comprendra que dans l’intérêt même des localités il ne peut nommer un même individu que dans deux communes. Messieurs, il doit être ici moins question de théories que de fait. Or il est évident que ce qui existe aujourd’hui à cet égard est bon et que les communes qui sont administrées par un même bourgmestre s’applaudissent en général de la manière loyale et intègre avec laquelle on les régit.
M. Rogier. - Il n’est pas encore question des bourgmestres ; il ne s’agit que des membres des conseils communaux. L’abus signalé par M. de Robaulx peut exister, cependant je n’en connais pas d’exemple. Cet abus serait réel pour les fonctions de bourgmestre, mais il est nul pour les fonctions de conseiller. Au reste, je restreindrai ma proposition à ceci : « Nul ne peut être membre de plus de deux conseils communaux. »
Je trouve fort naturel qu’un propriétaire qui habite la ville et qui a maison de campagne, puisse être à la fois conseiller et dans la ville qu’il habite et dans la commune où il a sa propriété. Il ne faut pas craindre que des hommes se chargent de plusieurs fonctions qui ne rapportent rien que des ennuis.
M. Fleussu. - J’ai été frappé des inconvénients signalés par M. de Robaulx : on les avait déjà signalés lors de l’adoption de l’amendement présenté par M. Doignon ; et c’est par suite de l’impression qu’ils ont faite sur l’assemblée que cet amendement a été admis. Ces abus existaient sous l’ancien gouvernement. Il n’est pas étonnant que M. Rogier n’en ait pas vu d’exemple depuis qu’il est administrateur, car dans l’arrêté du 8 octobre, pris par le gouvernement provisoire, il est dit que nul ne peut être conseiller que dans la commune qu’il habite. Quant à moi, je connais l’exemple d’un monsieur de Liége, bourgmestre dans l’endroit ou il avait sa campagne, échevin dans une commune voisine, et conseiller dans trois autres communes. Quand le moment des élections arrivait, il les dirigeait à son gré, il était omnipotent dans le canton.
M. Doignon. - J’insiste pour le maintien de l’amendement que j’ai proposé. Cet amendement n’est d’ailleurs que la reproduction de l’article 3 du règlement du plat pays. Il est constant que, sous le régime ancien, il fallait être habitant de la commune pour la représenter dans son conseil. En principe, la commune est une famille ; et il n’est pas dans l’ordre qu’on appartienne à deux familles différentes : on ne peut bien faire les affaires que de la famille à laquelle on appartient.
Il peut arriver que deux communes aient des intérêts opposés ; alors, il serait dangereux qu’un même individu fît partie des deux conseils.
M. Dubois. - Je ferai observer que dans mon district le gouvernement provisoire a accordé des dispenses pour que le même individu fût bourgmestre dans deux communes, et il y existe quatre communes qui sont administrées par deux bourgmestres, en vertu de ces dispenses. Les règlements du plat pays permettaient aussi au roi d’accorder des dispenses pour être bourgmestre dans deux communes.
Que la crainte de voir la même personne diriger quatre ou cinq conseils communaux ne vous arrête pas, puisque l’amendement de M. Rogier ne permet d’être conseiller que dans deux communes.
M. de Robaulx. - On craint de manquer d’éligibles ; cependant au commencement de la révolution on a fait des élections partout, et je ne crois pas qu’on ait vu l’exemple d’une localité manquant d’individus capables de l’administrer et obligée de recourir aux habitants des autres communes. Il faut que les défenseurs des intérêts d’une commune l’habitent ; sans cela comment voulez-vous qu’ils en connaissent les intérêts ?
M. F. de Mérode. - Messieurs, depuis la révolution il a été permis d’être bourgmestre dans plus d’une commune.
- Une voix. - Non !
M. F. de Mérode. - Je connais des faits positifs à cet égard ; je connais des personnes qui sont bourgmestres dans trois communes.
Ce serait un abus de permettre d’être bourgmestre dans 4 ou 5 communes : mais il y a de petites communes, où on ne pourrait trouver d’hommes vraiment capables de les administrer, et ce serait nuire à l’intérêt de leurs habitants que de les empêcher de choisir un administrateur dans d’autres communes. On peut dire, pour éviter tout abus, que la faculté d’être conseiller ne pourra s’étendre à plus de deux communes.
- La proposition de M. Rogier mise aux voix n’est pas adoptée. Le paragraphe 4 mis aux voix est adopté.
M. Doignon. - Je proposerai ici un paragraphe 5 additionnel. Il est relatif aux bourgmestre et échevins :
« Nul ne peut être bourgmestre ou échevin d’une commune s’il ne l’habite. »
M. de Brouckere. - Il ne peut trouver place ici ; vous le présenterez à l’article 6. Si l’article 6 reste, le paragraphe additionnel est inutile puisqu’il y est dit qu’on ne peut être bourgmestre ou échevin que si l’on est conseiller ; or, les conseillers doivent être pris dans la commune.
M. Doignon. - D’après ces considérations, j’ajourne mon amendement.
- L’ensemble de l’article 4, mis aux voix, est adopté.
M. Gendebien. - J’ai fait remarquer hier que le paragraphe 3 devait devenir le second, sans quoi on en changerait la généralité.
- Cet avis est adopté.
Les amendements adoptés par un premier vote à l’article 5 sont admis définitivement sans discussion.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’amendement introduit à l’article 6 ainsi conçu :
« Le Roi nomme le bourgmestre et le choisit dans le sein du conseil. »
M. de Brouckere. - Je désire qu’il soit bien entendu que l’amendement adopté par la chambre lors du premier vote ne porte pas sur le choix du bourgmestre dans le sein du conseil communal, mais sur le choix hors du sein du conseil. Il ne s’agit donc en ce moment que de savoir si le Roi pourra choisir un bourgmestre en dehors du conseil. (Approbation.)
M. Seron. - Messieurs, après le rejet de ma proposition d’hier relative à l’article 4 de la loi que vous discutez, je ne puis guère espérer que vous accueillerez favorablement un amendement rédigé dans le même esprit et s’appliquant à l’article 6. Cependant la question est si importante, sa solution si décisive que je croirais manquer à mon devoir si je gardais le silence en cette occasion.
Suivant le projet du ministère, le Roi nomme et révoque les bourgmestres ; il les choisit dans le conseil ou en dehors. Dans ce dernier cas, ils n’ont que voix consultative au conseil.
Avec un pareil système, quand il plaît au Roi de prendre hors du conseil le premier magistrat de la commune, celui-ci n’est plus qu’un simple faiseur d’observations, un donneur bénévole d’avis que personne n’est tenu d’écouter, et n’ayant pas de vote à émettre dans les décisions d’une assemblée dont il est cependant le président et le chef. Cette conception, dont je ne vois pas le but, est singulière et neuve. Le gouvernement, s’il ne l’abandonne pas, nous l’expliquera sans doute. Il nous dira quelle influence il espère obtenir dans les conseils municipaux avec des bourgmestres qui seront moins que de simples conseillers.
Quoi qu’il en soit, la section centrale pense et avec raison que le bourgmestre doit avoir toujours voix délibérative. Mais elle ne veut pas en confier la nomination directe au peuple, elle préfère le voir choisir pour le Roi dans le sein du conseil. A son avis, et pour exprimer ici non ce qu’elle dit, mais ce qu’elle a voulu dire, « le bourgmestre doit tenir sa nomination du pouvoir royal et du pouvoir communal, puisque ses fonctions se rapportent à l’un et à l’autre pouvoir. »
La même idée se trouve dans l’ouvrage d’Henrion de Pansey, intitulé : « du pouvoir municipal et de la police intérieure des communes. » Les maires, y est-il dit, sont tout à la fois les mandataires de leur commune, les agents de la loi et les délégués du gouvernement, » De là l’auteur tire cette conséquence qu’ils doivent être nommés soit par la commune, sur une liste de présentation dont la formation appartiendra au gouvernement, soit par le gouvernement lui-même d’après le tableau des candidats que les habitants auront élus.
L’opinion d’un magistrat aussi célèbre, aussi éclairé, aussi consciencieux est assurément très respectable. Mais elle ne peut avoir d’influence sur la discussion actuelle, si l’on considère que s’occupant, non de théories pour tous les temps, pour tous les lieux et pour toutes les constitutions, mais d’un véritable traité pratique à l’usage seulement de la France, où la charte donne au Roi la nomination à tous les emplois publics, Henrion de Pansey a dû coordonner ses idées avec cette disposition positive et fondamentale, Il les eût lui-même jugées inapplicables à la Belgique. On ne voit pas pourquoi la section centrale s’en empare et prétend s’en étayer.
En effet, l’article 108 de votre constitution dit que les institutions communales sont réglées par des lois ; que la loi consacre le principe de l’élection directe, mais qu’elle peut établir des exceptions à l’égard des chefs des administrations communales. Ces dispositions me paraissent extrêmement claires.
J’y vois, d’une part, le peuple investi seul du droit d’élire les échevins et les conseillers municipaux, car ni les uns ni les autres ne sont chefs des administrations communales, et d’un autre côté, j’y vois la législature chargée d’accorder ou de refuser au Roi la nomination indirecte des bourgmestres qui sont les véritables chefs des municipalités. Si les amis de la prérogative royale voient autre chose dans l’acte constitutionnel, s’ils ne partagent pas mon opinion, je n’entreprendrai pas de leur prouver qu’ils sont dans l’erreur, car on ne démontre pas l’évidence et je les crois décidés à ne pas m’écouter.
Que s’il vous est loisible de laisser au peuple le droit dans lequel il a été réintégré en 1830, d’élire directement ses bourgmestres, pourquoi l’en dépouilleriez-vous aujourd’hui ?
Ces magistrats, dit-on, ne sont pas seulement les mandataires, les administrateurs de la commune, ils sont, en outre, commissaires du Roi ; ils remplissent des fonctions d’officiers de police judiciaire et d’officiers de l’état-civil. Ils s’occupent de quelques opérations relatives à la milice. Cela est vrai ; mais s’ensuit-il que le Roi doive nécessairement participer à leur élection ? Les états provinciaux sont aussi chargés de l’exécution des lois ; cependant le peuple les élit directement, Pourquoi non, puisque c’est de lui que la constitution fait émaner tous les pouvoirs ?
Les fonctions des juges de paix sont également mixtes ; mais elles ont bien plus souvent pour objet les rapports des citoyens entre eux que les rapports des citoyens avec l’Etat. Toutefois, le peuple n’intervient pas dans la nomination des juges de paix, elle est exclusivement réservée au monarque. Sans doute personne de vous, messieurs, n’expliquera cette disposition de votre charte par la maxime anglaise, que toute justice vient du roi.
En accordant un nouveau privilège au pouvoir, vous restreignez les libertés publiques dont vous êtes les gardiens et les défenseurs nés. Cependant il n’est déjà que trop porté par sa nature à les détruire, et l’expérience vous l’a prouvé. Croiriez-vous agir dans l’intérêt de l’ordre, prétexte banal de toutes les mesures liberticides, toujours mis en avant par tous les ministères passés, présents et futurs ? Mais, depuis leur révolution, les Belges n’ont pas vécu dans l’anarchie, et si des scènes déplorables ont contristé les bons citoyens, ce n’est pas au peuple, ce n’est pas aux élections populaires qu’il faut les attribuer. Espéreriez-vous obtenir de meilleurs magistrats ? Mais les commissaires de district sont-ils plus capables de faire de bons choix que le peuple lui-même ?
Voyez les maires du temps de Bonaparte et les bourgmestres du temps de Guillaume. Je dis les commissaires de district, messieurs ; car si le Roi nomme, ce ne sera que sur leur présentation. Enfin, on ôtait au peuple l’élection directe du chef de la municipalité. vous ne diminuez pas l’influence que les gens d’église sont en possession d’exercer sur les nominations ; au contraire, car ils ont plus de crédit dans les bureaux ministériels où l’on n’ose rien leur refuser que dans les assemblées populaires où souvent ils échouent malgré leurs lettres pastorales, leurs prédications et leurs manoeuvres.
Craint-on que les élus du peuple résistent au pouvoir exécutif même quand il aura raison, qu’ils contrarient et entravent sa marche, qu’ils négligent leurs devoirs les plus essentiels, qu’ils se montrent incapables de les remplir, qu’ils se rendent même coupables de prévarications ? Eh bien n’existe-t-il pas des agents pour les poursuivre et des lois à leur appliquer ? Vos codes noirs si volumineux, si compliqués, si barbares ont prévu tous les cas, tous les crimes ; ils n’ont oublié aucune peine. Indépendamment de ces moyens bien suffisants pour tenir les bourgmestres en bride, la loi en discussion donne au gouvernement le droit de les suspendre et de les révoquer. Que faut-il de plus ?
Veut-on augmenter le nombre des agents de surveillance ? Mais le gouvernement n’en a-t-il pas déjà assez à sa disposition ? N’a-t-il pas des gouverneurs, des commissaires de district, des procureurs du Roi, des substituts, des juges d’instruction, des commissaires de police, des gendarmes, des gardes forestiers et des gardes champêtres, armée qu’il peut augmenter d’une nouvelle recrue dans laquelle seront nécessairement compris les commissaires près les nouvelles justices de paix ? N’a-t-il pas, en outre, à ses ordres, M. l’administrateur général de la police et l’armée de M. l’administrateur général dont l’effectif est bien plus considérable qu’on ne croit ?
Enfin, messieurs, que doit vouloir le gouvernement ? Si ses projets n’ont rien d’hostile à la liberté, il doit vouloir l’exécution pleine et entière de la constitution et des lois organiques de la constitution. Or, il atteindra ce but avec des magistrats élus par le peuple. Mais s’il est assez inconsidéré pour oublier son origine, s’il veut marcher sur les traces des van Maanen, s’il veut des extraditions et des expulsions, alors je conçois qu’il lui faille à la tête des municipalités du royaume des hommes dévoués, disposés à se prêter à tous ses caprices, à faire toutes ses volontés, rêvant et voyant des conspirations partout, ayant incessamment la plume à la main pour signaler les anarchistes les factieux, les républicains. Mais, si telles étaient ses vues, devriez-vous les favoriser ?
Messieurs, en vous soumettant ces réflexions, je ne fais que rendre, en moins de mots, ce que j’avais déjà dit lors de la discussion sur l’ensemble de la loi. Elles motiveront l’amendement par lequel je vais conclure.
Je demande que l’article 6 de la loi communale soit conçu en ces termes :
« Le bourgmestre est élu directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que l’amendement proposé par l’honorable M. Seron doit être repoussé par la question préalable. C’est une conséquence de l’opinion émise par l’honorable M. de Brouckere ; il a très bien fait comprendre à l’assemblée que l’amendement tel qu’il a été adopté par la chambre dans un premier vote, se trouve conforme à la première partie de la disposition présentée par le gouvernement.
Si je fais cette observation, ce n’est pas que je pense que l’amendement proposé ait des chances de succès. C’est afin que cet amendement ne nous entraîne pas dans une discussion inutile. J’ajouterai à l’appui de cette opinion qu’il a été rejeté par la chambre au premier vote à une immense majorité.
L’honorable M. Seron a critiqué la proposition primitive du gouvernement en ce que le bourgmestre qui aurait été nommé par le Roi hors du sein du conseil n’aurait pas eu de voix délibérative, et se serait trouvé dans une position fausse, c’est cette considération qui m’a engagé à déposer l’amendement déposé sur le bureau.
Il est ainsi conçu :
« Néanmoins, il peut, pour des motifs graves, le nommer hors du conseil, parmi les éligibles. »
Vous voyez que d’après le projet primitif du gouvernement, le bourgmestre nommé hors du sein du conseil n’avait pas voix délibérative.
Le choix du gouvernement était illimité. J’ai pensé qu’il était plus raisonnable de limiter ce choix parmi les éligibles et d’accorder voix délibérative au bourgmestre. Cette proposition n’a rien de contraire au reste de la constitution. La constitution laisse à cet égard toute latitude. Elle ne prescrit l’élection que pour les membres du conseil.
Il existe une autre différence entre la rédaction que j’ai proposée et la rédaction primitive. Le gouvernement pouvait nommer le bourgmestre hors du sein du conseil sans qu’il y eût des motifs spéciaux. C’est précisément en face de l’extension illimitée de cette faculté qu’il avait cru devoir poser comme garantie que le bourgmestre n’aurait pas voix délibérative. Ayant admis aujourd’hui que le bourgmestre nommé hors du sein du conseil aurait voix délibérative, j’ai cru poser le principe de la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil comme la règle, et le choix hors du sein du conseil comme l’exception.
L’honorable député de Philippeville a invoqué l’autorité de M. Henrion de Pansey sur le choix du bourgmestre. Vous voyez qu’en règle générale nous adoptons volontiers l’opinion de ce publiciste, mais nous ne l’avons pas adoptée sans exception. Je ferai remarquer à la chambre que l’opinion de M. Henrion de Pansey ne reçoit d’ailleurs pas d’application régulière en Belgique, par le motif tout simple qu’en France il n’y a pas un collège des bourgmestre et échevins, que le maire est le seul organe de la commune et du gouvernement. En Belgique le pouvoir du bourgmestre se trouve constamment tempéré par l’adjonction des échevins, lesquels doivent être pris dans le sein du conseil. L’amendement tel qu’il a été présenté est entièrement conforme aux anciens règlements des villes.
Ces règlements admettaient aussi en principe la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil, et comme exception, pour motifs graves, hors du sein du conseil.
Cependant, messieurs, je ne pense pas que l’on ait signale des abus que le gouvernement précédent aurait commis de ce chef. Quant à l’administration des communes rurales, la faculté de l’ancien gouvernement était illimitée. Il nommait le bourgmestre comme il l’entendait.
D’après les règlements du plat pays, il n’y avait pas même d’élection pour les conseils communaux.
Aujourd’hui notre constitution, notre loi communale, réclament l’élection directe de tout membre d’un conseil communal. (Erratum au Moniteur belge n°72, du 13 mars 1835 :) Cette dernière loi consacre le principe du choix du bourgmestre parmi les élus de la commune sans aucune exception. Cette proposition ne pouvait être acceptée par le gouvernement. Nous demandons des exceptions à ce principe, lorsqu’il y a des motifs graves. Il est évident que le gouvernement doit échapper à l’obligation de s’imposer un agent qui lui serait hostile, dans lequel il ne pourrait mettre sa confiance. Cependant, s’il était obligé de choisir cet agent dans le sein du conseil, il se trouverait souvent (Erratum au Moniteur belge n°72, du 13 mars 1835 :) dans l’impossibilité d’être convenablement représente dans la commune. Or, messieurs, vous conviendrez qu’il est impossible que le gouvernement soit dépourvu de tout agent pour l’application des lois nombreuses que le bourgmestre applique dans les communes.
Je pense avoir suffisamment expliqué et qualifié mon amendement.
M. de Robaulx. - Messieurs, je croyais que le vote émis dans une séance précédente, lorsque l’on avait rejeté la question préalable dans une occasion semblable, devait servir de précédent.
Mais, comme je n’ai pas l’habitude de m’étayer des précédents de la chambre, je préfère m’en rapporter au règlement et aux propositions admises par l’assemblée.
Chaque fois qu’un article a été rejeté ou un amendement admis, l’on peut amender de nouveau l’amendement ou l’article comme conséquent du premier vote.
Que demandait le gouvernement ? Il demandait dans le premier projet le droit pour le Roi de nommer le bourgmestre partout où il jugerait à propos de le choisir, soit en dehors, soit au-dedans du conseil. Telle était la prérogative royale que l’on demandait sans égard pour les prérogatives populaires.
La section centrale vous a présenté et vous avez adopté un amendement auquel M. le ministre ne s’est pas rallié ; c’est un amendement moins libéral que celui que j’avais présenté, qui consistait à demander l’élection directe par le peuple. La section centrale a au moins proposé que l’élection ait une part dans la nomination du bourgmestre ; mais voulant donner aussi une part à la prérogative royale, elle consentait à une élection indirecte.
Elle a voulu que le gouvernement ne pût choisir le bourgmestre en dehors des élus de la commune. Ainsi vous avez admis par votre première délibération que l’élection aurait une part dans la nomination du bourgmestre. Vous avez circonscrit le choix du Roi dans les élus de la commune. Nous, nous voulons être plus libéraux que la section centrale. Nous vous proposons un système plus complet, plus absolu que celui que vous avez admis comme amendement. Nous proposons l’élection directe. Le système du gouvernement qui tendait à donner au Roi la faculté de nommer le bourgmestre en dehors du sein du conseil a été écarté définitivement. Nous voulons faire un pas de plus. Ce que nous demandons n’est pas un amendement à la proposition adoptée par la chambre. Non, nous désirons qu’elle aille plus loin, qu’elle s’écarte dans un sens plus libéral de la proposition primitive du gouvernement. Libre à vous de ne pas adopter notre système, mais au moins laissez-nous la faculté de développer nos moyens.
Je ne puis m’empêcher de relever quelques expressions échappées à M. le ministre de l'intérieur, expressions qui ne devraient jamais sortir de la bouche d’un ministre. Il a dit, en expliquant les motifs qui lui faisaient désirer l’élection du bourgmestre hors du sein du conseil, dans le cas de motifs graves, par des raisons qui ne m’ont pas touché, que c’était là une concession que nous faisait le gouvernement. Une telle manière de s’exprimer n’est pas parlementaire. Nous n’avons pas de concessions à demander au gouvernement. Le gouvernement a des droits que lui donne la constitution. Mais il n’en donne pas à la nation.
C’est vous, MM. les ministres, qui venez mendier des concessions pour le pouvoir royal, en sollicitant une déviation au pouvoir démocratique dont vous proclamiez hautement les droits aux jours de la révolution. Aujourd’hui vous avez changé de rôle, c’est le pouvoir royal que vous défendez. Mendiez des concessions à la législature, mais ne prétendez pas lui en accorder. Nous n’avons pas à en recevoir de vous.
Circonscrit que je suis dans la question préalable, je n’entrerai pas dans la discussion du fond ; je pense que l’on ne peut pas, sans une injustice criante, refuser de nous entendre quand il s’agit d’accorder au gouvernement la plus large des facultés que vous lui ayez données.
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer à l’assemblée que M. le ministre de l’intérieur aurait dû étendre la question préalable qu’il demandée à l’égard de la proposition de M. Seron, à celle qu’il a présentée lui-même. Si la proposition de MM. Seron et de Robaulx a été rejetée lors du premier vote, celle de M. le ministre l’a été également. Vous avez admis un système. C’est l’exclusion nécessaire de tout autre. Ce système consiste en celui-ci : que les bourgmestres seront pris dans le sein du conseil et nommés par le Roi.
Vous avez écarté la proposition du gouvernement qui voulait que le bourgmestre fût choisi par le Roi en dehors du sein du conseil. Si vous admettiez la question préalable sur la proposition de MM. de Robaulx et Seron je demanderais qu’elle fût également prononcée sur la proposition de M. le ministre. Car si elle peut s’appliquer à l’une, elle doit s’appliquer à l’autre.
Mais je dirai que je n’adopte pas la question préalable quand il s’agit d’une des plus importantes questions que la chambre ait jamais traitées, de la question peut-être la plus importante qui lui ait jamais été soumise. Le congrès n’a pas laissé de solution plus grave, plus sérieuse à la législature future que ce qui est relatif à l’organisation des communes, et à la nomination du bourgmestre et des échevins dans les communes. Je regarde cette nomination comme le pouvoir le plus considérable, le plus important que nous aurons jamais mis entre les mains du gouvernement si nous ne revenons pas de notre première décision.
Ce n’est par la question préalable, ce n’est pas par une fin de non-recevoir que l’on peut décider de pareilles questions, que l’on se joue de la constitution. La chambre ne doit pas, lorsqu’il en est temps encore, se priver des moyens de revenir sur le premier vote d’une proposition aussi importante.
J’ai l’espoir que, mieux éclairée, elle n’hésitera pas à rendre aux électeurs la nomination des bourgmestres. Jamais on ne persuadera au peuple que la constitution n’interdit pas formellement toute intervention du gouvernement dans la nomination de ses administrateurs communaux.
La question préalable rendrait non seulement impossible tout amendement au mode de nomination des bourgmestres, mais aussi à celui des échevins. Voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue. Libre à la chambre de persister dans sa première décision.
Toujours est-il vrai qu’elle ne peut, sans manquer à ses devoirs, passer aussi légèrement sur une pareille question et l’écarter par une fin de non-recevoir.
Je m’oppose en conséquence à la question préalable.
M. Jullien. - Je repousserai la question préalable, parce qu’en l’adoptant, on violerait le règlement au lieu de le suivre, comme quelques-uns le prétendent.
D’après l’article 45 du règlement : « Lorsque des amendements ont été adoptés ou des articles d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été adoptés.
« Dans la seconde, seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. »
Voici maintenant la partie de l’article à laquelle je vous prie de faire attention :
« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. »
Messieurs, le gouvernement, comme on vous l’a dit tout à l’heure, vous a proposé de donner au Roi la nomination et la révocation des bourgmestres. Cela est incontestable ; mais on a ajouté cette disposition : qu’il les choisit dans le conseil ou en dehors du conseil. Je vous prie de faire attention à la rédaction qui était proposée ; on commençait par demander qu’on attribuât au Roi la nomination et la révocation des bourgmestres. La disposition était absolue mais on ajoutait : Il les choisit dans le conseil ou en dehors du conseil. C’était la une superfluité. En accordant au Roi, d’une manière absolue, la nomination et la révocation des bourgmestres, il était inutile de dire qu’il peut les choisir dans le conseil ou en dehors du conseil, puisqu’il peut les choisir partout. C’était un véritable leurre ; on voulait faire croire que probablement le Roi choisirait toujours les bourgmestres dans le sein du conseil.
Mais la proposition telle qu’elle était conçue, établissant d’une manière absolue que le Roi, ayant la nomination et la révocation des bourgmestres, pouvait certainement les choisir dans le sein du conseil ou en dehors du conseil comme il le voulait, il était inutile de dire qu’il avait cette faculté. Je regardais cela, de la part de ceux qui ont fait la proposition, comme une certaine adresse, afin de faire dire à certaines personnes : Soyez tranquilles, ce sera toujours là que le Roi les prendra ; et ce qu’on n’a pas manqué de faire lors de la première discussion.
Maintenant la modification apportée à l’article est-elle un véritable amendement, un changement de système ? Je dis que oui, et la raison en est simple, car la modification décide d’une manière absolue que l’élection directe fournira au Roi les éléments de la nomination des bourgmestres ; elle impose au Roi l’obligation de prendre les bourgmestres dans le sein du conseil municipal.
Voilà un amendement qui aux termes du règlement permet d’en présenter d’autres, et par conséquent de produire celui proposé par M. Seron. Il vous dit : Je ne me contente pas que l’élection fournisse au Roi les éléments de la nomination, je veux que le principe de l’élection directe soit observé tout à fait. Cet amendement est dans le sens de l’article 45 du règlement, vous ne pouvez pas le rejeter par la question préalable, par une fin de non-recevoir ; ce serait méconnaître le règlement lui-même.
M. Dubus. - J’avais demandé la parole pour m’opposer à la question préalable ; trois orateurs ayant déjà parlé dans ce sens, si quelque membre voulait parler pour la question préalable, je lui céderais volontiers mon tour de parole, me réservant de lui répondre.
- Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Dubus. - Puisque personne ne demande la parole pour soutenir la question préalable, j’ajouterai quelques mots à ce qu’on a dit pour la repousser. D’abord, je remarque qu’il est extrêmement fâcheux qu’on veuille combattre par une fin de non-recevoir une proposition aussi importante que celle qui vous est soumise. En définitive, c’est une question de liberté communale, et c’est un moyen peu convenable et peu loyal que de lui opposer une fin de non-recevoir.
On paraît avoir le désir d’écarter une discussion que l’on regarde comme inopportune. Mais je vous prie de considérer d’un autre côté quel est le précédent fâcheux que vous allez poser car, de la manière dont vous interpréterez le règlement, vous devrez l’interpréter encore à l’avenir, à moins d’avoir deux poids et deux mesures.
Selon le ministre qui a proposé la question préalable, on ne peut pas reproduire aujourd’hui, au second vote, une proposition qui, lors du premier vote, aurait été faite par un autre honorable membre et aurait été rejetée.
Je suppose d’abord que réellement la disposition ait été formellement rejetée, c’est-à-dire que la chambre ait voté lors du premier vote sur l’article reproduit aujourd’hui : je ferai voir tout à l’heure qu’il n’en est pas ainsi ; mais je suppose que l’article qui avait été formulé par M. de Robaulx ait été mis aux voix et rejeté par la chambre. Est-il vrai que, dans ce cas, on ne puisse pas le reproduire aujourd’hui ? Cela serait vrai si, lors du premier vote, la chambre avait admis la proposition du gouvernement, parce qu’alors il y aurait un vote irrévocable. Mais il n’en est pas ainsi, si la chambre a rejeté virtuellement l’amendement, car c’est virtuellement, par voie de conséquence, qu’elle a rejeté la proposition de M. de Robaulx et plusieurs autres. Et elle a rejeté tout aussi virtuellement la proposition du gouvernement en adoptant la proposition de la section centrale. Aux termes du règlement, cette proposition de la section centrale doit être remise en discussion.
Puisqu’on la remet en discussion, il faut bien pouvoir l’admettre ou la rejeter ; si on la rejette, il faut qu’on puisse mettre quelque chose à la place. Que mettrez-vous à la place de la disposition de la section centrale, si elle est rejetée ? Selon le ministre, en cas de rejet de la disposition de la section centrale, on ne pourrait mettre à la place que la proposition du gouvernement ; la question se trouverait rétrécie de telle manière que l’amendement adopté au premier vote était rejeté au second, on n’aurait plus que l’alternative d’adopter ou la proposition du gouvernement ou des amendements non encore soumis à la chambre. Je ne pense pas que le règlement puisse raisonnablement être entendu ainsi.
Si vous remettiez la disposition en question, la chambre peut non seulement la maintenir ou la rejeter, mais elle peut l’amender. Si elle peut l’amender, la porte est ouverte à tout amendement, soit qu’il renverse le système adopté, soit qu’il s’en écarte plus ou moins. Dès lors, vous ne pouvez plus opposer la question préalable à aucune disposition présentée pour remplacer celle précédemment admise. Il me semble que telle est la manière dont le règlement doit être entendu.
Je sais bien qu’on a motivé de différentes manières la disposition du règlement dont il s’agit. Il y en a qui ne l’ont considérée que comme un moyen de réparer une erreur résultant d’un vote sur un amendement improvisé.
Si tel était le sens de la disposition du règlement, on ne pourrait ici rien remettre en question, car l’amendement adopté par la chambre n’avait pas été improvisé, il avait été élaboré par la section centrale, qui dans son rapport en avait développé les motifs ; il a été longuement discuté, et chacun en était saisi depuis longtemps avant la discussion ; il n’était pas plus improvisé que la proposition du gouvernement.
Mais si au contraire le but de la disposition du règlement a été de remettre en question le vote de la chambre, lorsqu’il n’y a pas eu harmonie parfaite entre le vote et la proposition du gouvernement ou la proposition du membre qui en est l’auteur, quand la proposition n’émane pas du gouvernement, si vous établissez que dans ce cas la disposition adoptée doit être remise en discussion, la question doit être tout aussi entière qu’elle l’était au premier vote.
Remarquez le précédent que vous poseriez si vous admettiez la doctrine du ministre.
Vous ne devez pas seulement considérer la chose dans l’espèce actuelle où il y a une proposition du gouvernement. Mais vous devez la considérer dans le cas où la proposition principale émanerait d’un membre de la chambre et où l’amendement de la section centrale aurait été admis. Vous ne pouvez pas alors être réduits à la simple alternative entre l’une et l’autre de ces deux propositions, sans pouvoir en admettre de différente, plus ou moins éloignée de l’une ou de l’autre de ces deux propositions, car la disposition de l’article 45 ne distingue pas. Je vous prie de ne pas perdre de vue que le précédent que vous poseriez en adoptant la question préalable, serait extrêmement grave.
Il est dit formellement à l’article 45 : « Lorsque des amendements ont été adoptés ou des articles d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été adoptés.
« Dans la seconde, seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. »
L’amendement de la section centrale que vous avez adopté doit donc être soumis à une discussion et à un vote définitif. Cela implique le droit d’amender cet amendement et de faire telle proposition qu’on juge convenable, pourvu qu’elle se rattache à l’objet en discussion.
D’ailleurs, voici une autre considération qui milite encore contre la question préalable : vous avez à vous prononcer sur un article isolé, mais cet article fait partie d’une loi qui connaît un grand nombre de dispositions ayant des rapport intimes les unes avec les autres.
L’article que nous discutons, notamment, a un rapport très intime avec plusieurs articles où sont délimitées les attributions du bourgmestre, des échevins et du conseil. Tous ces articles ont été amendés ; et par suite du rapport intime qui existe entre ces articles et celui que nous discutons, qui oserait dire que les amendements admis au chapitre des attributions ne doivent pas exercer d’influence sur la conviction de plus d’un membre de l’assemblée relativement à la nomination du bourgmestre ? Dès lors vous ne pouvez pas écarter par la question préalable une proposition sur la nomination du bourgmestre, vous devez prendre en considération les raisons qui seront données pour faire admettre ou rejeter cette proposition.
J’ai dit tout à l’heure qu’il n’y avait pas eu rejet formel de telle ou telle proposition. En effet, comme, à l’appui des propositions faites, plusieurs systèmes avaient été mis en avant, la chambre, pour arriver à une solution plus prompte, s’est posé des questions et n’a résolu que des questions.
C’est après cela qu’on a fini par mettre aux voix et adopter l’article de la section centrale. On n’a mis aux voix ni la proposition de M. de Robaulx, ni celle de M. Doignon, ni celle de M. Dumortier, ni d’autres propositions qui auraient été faites sur le même objet ; mais on a formulé différentes questions pour savoir à laquelle la chambre accordait la préférence. Ainsi on a posé cette question : Le bourgmestre sera-t-il nommé directement ? Elle a été résolue négativement. Ce n’était pas un article de loi, mais une question de principe qui devait servir de base à une disposition. Ensuite on a posé cette autre question ; Le bourgmestre sera-t-il nommé par le Roi ? Solution affirmative. En troisième lieu, on a demandé si le bourgmestre serait nommé sur une liste de candidats choisis par les électeurs. On a répondu négativement.
M. le président. - D’après le procès-verbal on n’aurait posé que cette question : Le bourgmestre sera-t-il nommé exclusivement dans le sein du conseil ?
M. Dubus. - Je n’ai consulté que le Moniteur où j’ai trouvé qu’avant la question que vient d’énoncer M. le président, on avait résolu celles que j’ai rappelées, après lesquelles vient celle-ci : Le bourgmestre sera-t-il nommé exclusivement dans le sein du conseil ? qui a été résolue affirmativement et par appel nominal. La proposition du ministre était directement contraire à ce vote.
Je ne lui oppose pas la question préalable, cependant il est tout aussi vrai qu’elle a été rejetée par la chambre que celle reproduite par M. Seron. Le bourgmestre sera-t-il nommé sur une liste de candidats élus par les électeurs ? Suivant le Moniteur, cette question aurait été résolue négativement. On aurait aussi résolu négativement la question de savoir s’il serait nommé sur une liste de trois candidats présentés par le conseil, et enfin on aurait mis aux voix l’article de la section centrale, comme celui auquel la priorité était accordée par la chambre par suite de la solution donnée aux diverses questions posées, et c’est cet article de la section centrale qui a été admis.
Maintenant je vous demande si cet article de la section centrale n’avait pas été adopté, ce qu’aurait fait la chambre, si elle se serait passé d’article. A coup sûr, non ; on aurait formulé un nouvel article qui se serait trouvé rejeté d’avance virtuellement par une des solutions de la chambre, mais sur lesquelles on eût été forcé de revenir, parce qu’aucun article formulé n’avait été mis aux voix. Remarquez une chose, c’est que si l’article de la section centrale avait été rejeté, la chambre n’était pas liée, même pour le premier vote, par le vote émis sur de simples questions ; et un article nouveau basé sur ces questions résolues négativement aurait pu être présenté, car il eût fallu remplacer l’article de la section centrale par un autre article qui déterminât de quelle manière serait nommé le bourgmestre.
Je crois en avoir dit assez pour démontrer que la question préalable ne peut pas être admise.
M. Gendebien. - Je ne sais si je dois prolonger encore cette discussion. Si la chambre était décidée à rejeter la question préalable, je renoncerais à la parole ; mais si on persistait à vouloir la faire adopter, je croirais de mon devoir d’ajouter quelques observations à celles qui ont déjà été présentées.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai quelque regret qu’on ait porté la question sur ce terrain, car je crains que la discussion actuelle n’absorbe plus de temps que la discussion de la question principale. Toutefois, il est à remarquer que ce débat acquiert un certain degré d’importance par le système que semble avoir professé un des honorables préopinants, système d’après lequel tous les articles de la loi communale pourraient de nouveau être mis en délibération.
Si cette opinion était admise par la chambre, le premier vote n’aurait eu aucun résultat ; on pourrait successivement revenir sur tous les articles précédemment adoptés. C’est par cette dernière considération que je prendrai la liberté de soumettre quelques observations à la chambre.
En effet, que porte l’article 45 ? Que, lorsque des amendements auront été adoptés ou des articles d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre séance.
Je vous prie de faire attention à ces mots : « Lorsque des amendement auront été adoptés ou des articles d’une proposition rejetés. » C’est dans ces deux cas seulement qu’il y a lieu de remettre le vote sur l’ensemble à un autre jour.
Dans la seconde séance, ajoute le règlement, seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. Il faut donc, pour qu’il y ait lieu de remettre à un autre jour le vote définitif, qu’il y ait eu un amendement adopté ou un article rejeté.
M. Dumortier, rapporteur. - Et le paragraphe suivant ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Nous allons y arriver. Voyons la fin de l’article : « Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivé sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendement étrangers à ces deux points sont interdits. » Voilà les mots de l’article : « Les nouveaux amendements qui seront motivés sur cette adoption ou sur ce rejet. »
Qu’est-ce que le gouvernement a proposé ? Il a fait une proposition complexe. Il a proposé d’autoriser le Roi à choisir le bourgmestre dans le conseil ou hors du conseil. Voilà la proposition du gouvernement. Elle se composait de deux parties, la première d’autoriser le Roi à choisir le bourgmestre dans le sein du conseil, la seconde de l’autoriser à le choisir par exception en dehors du conseil.
La proposition a été divisée. Quant à la première partie elle a été définitivement adoptée par la chambre ; cette proposition primitive du gouvernement n’a subi aucune modification. Le gouvernement avait proposé d’accorder au Roi la faculté de choisir le bourgmestre dans le conseil ou hors du conseil. La chambre a décidé, quoi ? Que le bourgmestre serait choisi dans le sein du conseil. Il n’y a donc pas d’amendement, quant à la proposition adoptée par la chambre ; il y a rejet d’une partie de la proposition du gouvernement, de celle d’après laquelle le Roi eût eu la faculté de choisir le bourgmestre hors du conseil.
Aux termes de l’article 45, les nouveaux amendements doivent être motivés uniquement sur ce rejet ; il ne peut y avoir d’amendement proposé qu’aux amendements adoptés : or, il n’y en a pas eu, mais il y a eu une proposition ou partie de proposition rejetée ; donc les amendements doivent se rapporter « à cette partie de proposition rejetée, à la partie qui concerne le choix du bourgmestre hors du conseil. » On peut présenter sur ce point tous les amendements qu’on jugera convenable, parce que cette partie de la proposition du gouvernement a été rejetée par la chambre et qu’aux termes de la dernière partie de l’article 45 du règlement vous pouvez discuter de nouveau tous les amendements qui se rapportent à un article rejeté.
Eu adoptant la première partie de la proposition du gouvernement, vous avez décidé que le bourgmestre serait pris dans le conseil, et vous avez ainsi irrévocablement décidé qu’il ne serait pas nommé par l’élection directe, car à cette partie de l’article il n’y a eu aucun amendement ; la proposition de la section centrale est la même que celle du gouvernement, et la chambre l’a adoptée. Aux termes de l’article 45, aucun amendement quelconque ne pouvant être présenté au second vote s’il ne se rapporte à un amendement adopté ou à un article rejeté, la chambre doit adopter la question préalable sur la proposition dont il s’agit, sauf à discuter les amendements relatif à la seconde partie de la proposition du gouvernement qui a été rejetée par la chambre.
C’est à tort qu’on a prétendu que M. le ministre de l’intérieur était en contradiction avec lui-même. Il a proposé la question préalable sur la proposition de l’honorable M. Seron, parce qu’elle tend à remettre en question ce qui a été irrévocablement décidé par la chambre ; c’est-à-dire que l’élection des bourgmestres ne serait pas directe. Mais une autre partie de l’article du gouvernement a été rejetée par la chambre, la partie qui conférait au Roi le pouvoir de choisir le bourgmestre hors du conseil : voilà un rejet sur lequel, aux termes de la disposition finale de l’article de votre règlement, vous pouvez proposer tel amendement que vous jugerez convenable.
M. Gendebien. - Depuis deux heures nous nous traînons sur une question préalable ; hier encore nous avons perdu notre temps à discuter une question oiseuse. Nous aurions examiné le fond de la question depuis que nous discutons le règlement au lieu de nous occuper de la loi communale. Si quelquefois les ministres nous accusent de faire perdre du temps à la chambre en prolongeant les discussions, il faut bien qu’ils acceptent le reproche de nous en faire perdre, car depuis deux heures nous nous traînons sur une question d’interprétation du règlement, et quelque temps que dure cette discussion incidente, elle ne jettera aucune lumière sur la question principale qu’il faudra bien après tout aborder bon gré mal gré, car tout ce qu’on dira sur l’amendement du ministre amènera des discussions sur le point qu’on veut écarter par la question préalable. Je tâcherai d’être le plus bref possible. Mais il m’est indispensable d’aborder la question.
D’après l’article 45 du règlement, il est positif que lorsqu’un article a été rejeté, il est remis en question ; que lorsque des amendements ont été adoptés, ils sont remis en question au second vote.
Eh bien, ici il y a rejet de l’article du gouvernement, et il y a adoption antérieure d’un article de la section centrale. Il s’agit de discuter de nouveau l’un et l’autre. Vous voulez discuter ces deux points, et vous ne voulez pas qu’on discute les objets qui y sont accessoires. Lisez l’art. 45 du règlement, non en entier, mais la seconde partie. « Dans la seconde, seront soumis à une discussion, et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. »
« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous les amendements étrangers à ces deux points sont interdits. » Est-ce que l’amendement de l’honorable M. Seron est étranger à cela ? Il a fait partie intégrante de l’article et vous voulez qu’on l’en exclue. Il s’agit de savoir si l’élection directe, telle qu’elle est posée en principe dans la constitution, sera maintenue dans la loi communale, ou si vous voulez faire un amendement à ce principe.
Vous avez fait au gouvernement cette concession large que la constitution autorise de ne pas user de l’élection directe pour le chef des communes. Et vous voudriez, lorsqu’il s’agit de ratifier cette concession, exclure la faculté de discuter ce point ? J’ai pour moi la règle. Ce n’est donc que par un amendement à ce principe constitutionnel que vous pouvez obtenir la faculté d’intervenir dans le mode de nomination des bourgmestres. S’il y a une circonstance où l’article 45 peut trouver son application, certes, c’est ici. Il y a un article rejeté d’un côté, un amendement adopté de l’autre, circonstances qui suffisent aux termes du règlement. Il s’agit de faire un amendement à la constitution, amendement qu’il est permis de faire. L’élection directe, voilà le principe. Voici l’exception : « sauf les exceptions que la loi peut établir à l’égard des chefs des administrations communales, etc. » N’est-ce pas l’intervention la plus large que l’on puisse donner à l’article de la constitution ?
Le bourgmestre est toujours élu. La question est de savoir s’il le sera directement ou indirectement. Vous avez accordé au gouvernement le droit de le nommer mais dans le sein du conseil, et vous ne pouvez plus revenir là-dessus. En fait de règlement cela me semble évident, et en supposant même que le gouvernement triomphe, il ne peut repousser l’amendement de l’honorable M. Seron par la question préalable.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - On accuse M. le ministre de l'intérieur de vouloir perdre du temps en discussion. Son but au contraire est de les abréger. C’est toujours le but de la question préalable. Maintenant, il s’agit de savoir si elle est conforme au règlement ou non. Evidemment oui.
Pour que l’amendement de l’honorable M. Seron pût être adopté, il faudrait qu’il n’eût pas été rejeté déjà ; qu’il fût motivé sur l’adoption d’un amendement ou le rejet d’un article. Or, cet amendement a-t-il été rejeté ? Cela est incontestable. Deux systèmes étaient en présence au premier vote, l’élection par le peuple ou par le Roi : la question fut posée en ces termes : « Le bourgmestre sera-t-il nommé directement par les électeurs ? » La solution fut négative. Ce système ayant été rejeté, on ne peut pas y revenir.
Remarquez bien les termes de l’article 45 du règlement. En règle générale on ne peut remettre en discussion au second vote qu’un article rejeté, ou un amendement adopté. Cependant il y a exception lorsqu’un nouvel amendement est motivé sur le rejet d’un article ou l’adoption d’un amendement. Or l’amendement déposé par M. le ministre de l'intérieur est dans de cas. En effet, qu’est-ce qui a été décidé la première fois ? Une partie de l’article du projet du gouvernement a été adoptée et l’autre rejetée ; il contenait deux dispositions distinctes. L’une établissait : « Le gouvernement choisit dans le conseil, etc. ; » l’autre : « Il pourra choisir hors le conseil. »
La chambre a admis la première proposition et a rejeté la seconde. Maintenant l’amendement de l’honorable M. Seron est-il motivé sur ce rejet ? Evidemment non. Celui de M. le ministre de l’intérieur, au contraire, l’est-il ? Evidemment oui. Il admet la proposition adoptée, mais il motive sur le rejet de l’autre un amendement nouveau. En deux mots, pour qu’un amendement puisse être soumis à la chambre au second vote, il faut que ce ne soit pas un amendement rejeté, ou il faut le motiver sur l’adoption d’un amendement ou le rejet d’un article. Vous ne pourrez jamais dévier de cette règle, et comme l’amendement de l’honorable M. Seron ne réunit pas ces conditions, il est impossible de le remettre en discussion sans violer le règlement.
M. Dubus. - Je persiste à m’opposer à la question préalable. Toute la théorie dont M. le ministre de la justice vient d’appuyer son raisonnement, est en opposition directe avec le règlement. Pour qu’un amendement puisse être présenté au deuxième vote, on dit qu’il faut ou qu’il n’ait pas été rejeté au premier, ou qu’il soit motivé sur le rejet d’un article ou l’adoption d’un autre amendement. Je nie cette proposition. Il n’est, certes, nullement parlé qu’on ne puisse revenir sur un amendement que lorsqu’il se trouve dans les deux cas suscités. Il a même été ajouté que lorsque un amendement est rejeté, cela est irrévocable et qu’on ne peut plus y revenir. Le règlement ne se prononce en aucune manière à cet égard. L’article 45 ne s’occupe nullement des amendements rejetés. Il ne pose pas la question de savoir si l’on peut revenir ou non sur un amendement rejeté.
Le ministre s’est appuyé sur une fausse base, sur une fausse supposition. Voici ce qui résulte du règlement : que, dès qu’un article du gouvernement est rejeté ou un amendement adopté au premier vote, ces article et amendement seront remis en question au deuxième.
Qu’est-ce qu’un article remis en question ? Est-ce simplement un article sur lequel on peut dire oui on non ? N’a-t-on que l’alternative de l’adoption ou du rejet de même qu’en Hollande on adoptait ou on rejetait les propositions du gouvernement ? Non, le règlement est là : dès qu’un article est remis en question, cela autorise à l’amender ; la porte est ouverte à tous les amendements. Aucun texte ne dit que les amendements rejetés seront exclus au second vote. Il y a eu un article du gouvernement rejeté et un amendement de la section centrale adopté.
Voici quelle était la question posée : « Les bourgmestres seront-ils pris exclusivement dans le conseil ? » Par appel nominal, il fut répondu négativement. On a adopté l’amendement de la section centrale ainsi conçu : « Le Roi nomme les bourgmestres et les choisit dans le conseil. » La proposition du gouvernement et celle de la section centrale sont très distinctes. Le gouvernement disait : « Le Roi nomme et choisit les bourgmestres, » où il voudra, comme l’a fort bien interprété l’honorable M. Jullien, et la section centrale dit « exclusivement dans le conseil. » Ce sont donc deux propositions très différentes. La chambre a rejeté l’une et adopté l’autre, et parce que ce point est remis en question, s’ensuit-il que cette question doive être une simple alternative ?
Nous pouvons faire autrement, la chambre peut les rejeter toutes deux ; mais alors, nous pouvons mettre à la place ce qui nous conviendra. Est-il vrai que, d’après le règlement, on ne puisse rien leur substituer ? Evidemment si : tout ce qu’il plaira à la chambre. La question, quelle est-elle ? Le mode de nomination du bourgmestre ; il est au pouvoir de l’assemblée d’admettre toutes les propositions à ce sujet. On a supposé naturel, lorsqu’on a exigé deux votes, que l’opinion de l’assemblée pouvait se modifier, qu’elle pouvait prendre de nouveaux partis. Pourquoi alors mettre des entraves à cette faculté ? Ne pouvons-nous nous mouvoir que dans un même cercle ? A coup sûr, l’opinion de l’assemblée aurait pu se modifier de manière à se rapprocher du projet du gouvernement, mais rien n’empêchait non plus qu’elle s’en fût écartée davantage, comme l’a fait la section centrale. On doit laisser à la chambre toute latitude.
Dans le deuxième vote l’article rejeté ou l’amendement adopté sont remis en question, et j’attache à ce dernier point la conséquence que tous les amendements qui ont pour but de résoudre la question en un sens quelconque ont le droit d’être discutés. La chambre n’apporte pas de limites au mode dont elle résout la question. De cette manière il me paraît que l’article 45 est entendu dans un sens très raisonnable et il me semble surtout que l’assemblée ne doit pas se donner des entraves à elle-même, et qu’elle ne doit pas admettre que lorsqu’une question est renouvelée, elle ne pourra adopter que telle ou telle résolution, ou une absence absolue de résolution.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’invite la chambre à bien peser les conséquences du vote qu’elle va prononcer. Vous allez décider, messieurs, si les milliers d’amendements de la loi communale pourront tous être remis aux voix. Il y a des entraves très salutaires posées dans le règlement pour écarter les discussions inutiles, et auxquelles il est prudent de se conformer. Je reviens à la question.
L’honorable préopinant s’est plus arrêté à mes expressions qu’à ma pensée. Le règlement dit qu’au deuxième vote il n’y aura de soumis à discussion nouvelle que les amendements adoptés. Quelle conséquence ai-je tirée ? Que les amendements rejetés ne pourront pas l’être. Or, cette conséquence est évidemment en harmonie avec le texte du règlement et l’esprit qui a présidé à sa confection ; la chose est trop claire pour que j’insiste davantage.
Un amendement rejeté pourrait tout au plus être discuté au second vote, quand il est motivé sur l’adoption d’un autre amendement ou le rejet d’un article. Or, le système de l’élection directe du bourgmestre par le peuple a été rejeté, et la reproduction de ce système ne peut se fonder sur l’adoption d’un système absolument contraire. Dans le système de la nomination par le Roi il y avait deux propositions : une a été adoptée, l’autre rejetée. L’amendement proposé par l’honorable M. Seron est-il motivé sur la partie adoptée de l’article ou sur la partie rejetée ? Son amendement n’appartient ni à la première partie, ni à la deuxième ; en deux mots deux raisons s’opposent à ce que cet amendement soit remis en discussion : la première, que cet amendement a déjà été rejeté ; la seconde, c’est qu’il ne se fonde pas sur l’adoption d’un autre amendement, ni sur le rejet d’un article primitif.
M. Dumortier, rapporteur. - Je trouve vraiment fort étrange qu’on veuille faire décider aujourd’hui à la chambre précisément le contraire de ce qu’elle a décidé hier : hier l’honorable M. Seron a proposé un amendement à l’article 4, tendant à rendre éligibles tous les citoyens. Cet amendement avait été proposé au premier vote par l’honorable M. d’Hoffschmidt, et rejeté, si j’ai bonne mémoire, par appel nominal. On a demandé la question préalable, et vous avez eu la sagesse de la repousser. L’honorable M. Dellafaille la demanda, et la chambre vota le contraire. Nous sommes dans une position identiquement pareille ; ainsi M. le ministre voudrait mettre la chambre en contradiction avec elle-même. Au reste, j’ajouterai encore une observation.
Il y a pour la discussion actuelle une décision toute spéciale prise par la chambre. Dans le procès-verbal du 8 janvier, sur la demande du ministre il a été décidé que les articles de la section centrale auxquels le ministre adhérerait ne seraient pas considérés comme amendements et que les articles auxquels il n’adhérerait pas pourraient être mis de nouveau en délibération. Cette décision est claire comme le jour, et la chambre ne peut revenir sur son jugement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le préopinant a invoqué une décision prise hier ; mais elle portait sur un objet différent de celui qui est le sujet du débat actuel. Hier, en effet, je disais qu’il ne fallait pas appliquer la question préalable parce que la proposition de M. Seron était fondée sur un article adopté, tandis que la proposition faite est fondée sur un article qui n’a pas été adopté. Si l’on pouvait agir comme on le propose, on s’exposerait à remettre toute la loi en délibération. Il faut adopter la question préalable.
M. Devaux. - Je crois, messieurs, que cette discussion, quelque longue qu’elle soit, sera une véritable économie de temps. Il s’agit d’une question très importante ; il s’agit de savoir si vous voulez avoir une loi communale dans cette session. Si vous n’interprétez pas le règlement d’une manière sévère, vous mettrez à la seconde délibération dix fois le temps que vous devez y mettre. Ecoutez M. Dubus, il faudra remettre en discussion non seulement les articles amendés, mais même les articles non amendés, pourvu que l’on trouve quelques rapports entre ces articles et ceux qui ont été amendés. Il ne serait pas difficile par ce moyen de remettre en discussion les 150 articles de la loi, sous le prétexte, par exemple, que le dernier article se rapporte à tous ceux qui le précèdent.
On part toujours d’une fausse idée relativement au second vote. On paraît croire que ce second vote est une révision complète de la loi ; cela n’est pas vrai ; vous auriez adopté les dispositions les plus importantes, des dispositions inconstitutionnelles même, eh bien, s’il n’y a pas eu d’amendement, vous ne pourrez pas y revenir.
Pourquoi le second vote est-il institué ? Parce que le règlement a supposé que dans l’adoption des amendements, il pourrait y avoir eu légèreté, précipitation, ou défaut de réflexions : or, de quoi nous occupons-nous ici ? Dans le projet de loi il y a une disposition par laquelle la nomination des bourgmestres est donnée au Roi ; la section centrale a admis ce principe ; cette question a été décidée en toute maturité par la chambre, puisqu’elle était posée depuis la présentation même du projet de loi ; il n’y a donc pas lieu à appliquer le règlement ; car il n’y a pas eu de surprise ici, et il ne pouvait y en avoir.
Une autre question était soumise à la chambre : Le bourgmestre peut-il être pris en dehors du conseil ? Sur cette question il y a eu changement, et le changement peut n’avoir pas été suffisamment examiné ; on peut le remettre aux voix. Si l’article n’avait pas été amendé, il ne serait pas sujet à discussion. Mais remarquez que, relativement à la nomination des bourgmestres, vous n’avez amendé que la question accessoire et non la question principale ; vous n’avez amendé que la question de savoir si le bourgmestre peut être pris en dehors du conseil. Ce qui fait l’objet actuel du débat, est une chose fort importante comme antécédent parlementaire : si vous ne mettez pas d’entraves à ce penchant que l’on a de revenir sur des décisions prises, vous aurez des discussions interminables, et je ne sais pas comment vous parviendrez à faire cette loi.
M. de Robaulx. - Comme auteur de la proposition vous me permettrez de répondre aux deux orateurs qui viennent de vous dire la même chose, MM. Ernst et Devaux.
Ils prétendent que le règlement est fait pour mettre des entraves salutaires contre la longueur de nos discussions. Je savais ce que l’on entendait par rigueurs salutaires dans le sens des doctrinaires ; mais je ne connaissais pas encore ce que c’était que des entraves salutaires pour étouffer toute liberté. Vous voulez des entraves pour le second vote. Est-ce afin de donner au gouvernement le moyen de rappeler dans toutes les administrations ses acolytes ? Est-ce afin d’empêcher que toute pensée patriotique ne puisse se produire ? Que les rhéteurs, les idéologues, les avocats, les professeurs, les pédants, veuillent soutenir que ce qui est blanc est noir, cela n’enlèvera pas aux faits leurs caractères propres.
On a rejeté la proposition par laquelle on voulait donner au gouvernement la nomination des bourgmestres en dehors du conseil comme en dedans ; les sophismes des avocats n’empêcheront pas l’existence de ce fait. La section centrale, revenant à des idées plus libérales, a fait une autre proposition que celle du gouvernement ; on a admis son principe : eh bien, moi, je viens aujourd’hui réclamer l’application complète de ce principe libéral.
L’honorable M. Devaux soutient que la sévérité du règlement est telle que, si vous aviez admis une disposition inconstitutionnelle, vous devriez la respecter, vous ne pourriez l’effacer. Je sais que, dans un pays de chicane, la basse Normandie, il est un adage reçu : « La forme emporte le fond ; » mais je ne croyais pas qu’on pût vouloir faire usage de cet adage dans une assemblée législative.
Quoi ! vous auriez adopté une disposition inconstitutionnelle et vous seriez liés par un misérable règlement ? Vous ne pouvez admettre de pareils sophismes ; ils ne peuvent faire fortune ici ; je l’espère pour de votre intelligence. On a rejeté le système du gouvernement ; On a admis le système de l’élection indirecte ; je propose un amendement sur le principe de l’élection ; vous le mettrez aux voix. La loi communale est là tout entière, (Aux voix ! aux voix ! la clôture ! la clôture !)
M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture. Je voudrais que la chambre me permît de répondre à M. Devaux et d’ajouter quelques explications à ce qui a été dit.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Dans une discussion aussi fatigante par sa longueur, je crois que l’on doit suivre strictement le règlement et empêcher les orateurs de parler plus de deux fois sur la même question.
M. de Foere. - Je demanderai la permission de présenter quelques observations qui jusqu’ici ont été oubliées.
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, on ne peut pas voter légèrement sur une proposition qui après tout n’est qu’une fin de non-recevoir. J’ai des observations à vous présenter ; et il me sera facile de démontrer que la proposition du ministre est contraire à nos usages. (La clôture ! la clôture !)
M. Gendebien. - Veuillez-vous rappeler que l’honorable M. Dubus a mis toute la chambre en demeure de soutenir ou de rejeter la proposition du ministre ; il a demandé à plusieurs reprises si quelqu’un voulait appuyer la question préalable ; personne n’a répondu ; c’est à la fin de la séance qu’on essaie de le réfuter ; pouvez-vous prétendre qu’il n’a pas la permission de vous montrer qu’on a altéré le sens de ses paroles ? Au reste il peut prendre la parole pour un fait personnel, puisque son nom a été cité. Si on prononce la clôture je l’invite à parler en effet pour un fait personnel.
- La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.
On procède à l’appel nominal pour le vote sur la question préalable.
73 membres sont présents.
50 votent l’adoption de la question préalable.
23 votent le rejet.
La question préalable est adoptée.
Ont voté pour : MM. MM. Verrue, Berger, Coghen, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, Dautrebande, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, Deschamps, de Sécus, Desmaisières, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, d’Huart, Dubois, Duvivier, Ernst, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Morel-Danheel, Olislagers, Polfvliet, Pollénus, Raikem, A. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Smits, Bosquet, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Wallaert, Watlet, Zoude.
Ont voté contre : MM. de Foere, de Meer De Moorsel, de Renesse, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Desmet, Doignon, Donny, Dubus, Dumont, Dumortier, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jadot, Pirson, Troye, Rouppe, Seron, Trentesaux, Vergauwen, L. Vuylsteke, Fallon.
M. Gendebien. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai dit que si la chambre adoptait la question préalable sur la proposition de M. de Robaulx, je demanderais aussi la question préalable sur la proposition du ministre.
M. Gendebien. - Le ministre des affaires étrangères a dit : « Il est irrévocablement décidé que le bourgmestre sera nommé dans le conseil communal. » Eh bien, pouvez-vous mettre aux voix un amendement contraire à cette déclaration ? Vous connaissez cet amendement : « Néanmoins il peut, pour des motifs graves, les nommer parmi les éligibles qui ne font pas partie du conseil. » L’expérience nous a appris la valeur de ces mots : « des motifs graves. » Est-ce que l’on voudrait en revenir à l’astuce du gouvernement hollandais qui posait d’abord les principes de la liberté la plus étendue, et qui ensuite établissait des exceptions pour la détruire ?
Dans la loi vous n’exigez pas que le gouvernement fasse connaître les motifs graves ; c’est alors comme si vous disiez : « Le bourgmestre sera pris en dehors du conseil toutes les fois qu’il plaira au Roi d’en agir ainsi. »
Comment pourra-t-on concilier la déclaration du ministre des affaires étrangères avec la proposition du ministre de l’intérieur ? Comment pourra-t-on admettre cette proposition après la décision que vous avez prise ? Quel rapport y a-t-il entre cette proposition et celle qui a été adoptée dans la première délibération ? Voulez-vous donc vous abandonner au bon plaisir du gouvernement pour la nomination des bourgmestres ? Voulez-vous rentrer dans le texte du règlement de 1824 qui parlait aussi de circonstances graves ? Sous le gouvernement de Guillaume, il y avait un reste de pudeur. Quand les bourgmestres étaient nommés, ils étaient irrévocables, tandis que notre gouvernement se réserve le droit de les révoquer.
Messieurs, faites des lois de cette manière tant que vous voudrez ; pour moi, je ne donnerai pas les mains à de pareilles déceptions, et je proteste hautement contre la proposition du ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le projet du gouvernement contient deux parties distinctes : la première a été adoptée par la chambre ; elle est irrévocable ; quant à la seconde, elle a été rejetée et remplacée par un amendement. Que prescrit votre règlement ? « Seront soumis à un second vote les articles rejetés. » Or, la moitié de l’article 7 a été rejetée ; il doit donc être soumis à une seconde discussion. Votre règlement dit encore : « Tout amendement motivé sur un rejet sera mis en discussion » : or, ma proposition est fondée sur le rejet de la proposition primitive du gouvernement ; et vous ne pouvez vous dispenser de vous en occuper.
J’abuserais de vos moments si j’entrais dans de plus longs développements.
M. Dumortier, rapporteur. - Comme je ne veux pas que la chambre se déjuge à chaque instant, je crois que pour son honneur je dois retirer la demande que j’ai faite de la question préalable sur la proposition ministérielle.
M. le président. - Il vient d’être déposé sur le bureau un amendement ainsi conçu :
« Nous proposons d’ajouter à l’article 6 les mots suivants :
« Sur une liste de trois candidats présentés par ce corps. »
M. de Robaulx. - Les développements que je donnerai à la proposition que l’honorable M. Seron et moi avons l’honneur de faire ne seront pas très longs.
Vous avez admis un amendement portant que « le Roi nomme le bourgmestre, et le choisit dans le sein du conseil. » Je demande que l’on complète cette disposition en ajoutant que le choix du Roi aura lieu sur une liste de trois candidats présentés par le conseil communal.
J’espère que cette proposition ne sera pas écartée par la question préalable, à moins que vous ne veuillez adopter tout le projet par la question préalable.
Mon intention est de restreindre le choix du Roi, parce que le choix du Roi c’est le choix des employés du ministre, le choix des commissaires de district qui n’ont pas toujours ma confiance, des buralistes du ministère et du ministre lui-même qui ne l’a pas non plus. (On rit.)
Je préfère que le choix se porte sur des hommes reconnus pour être capables, et avoir la confiance de la commune, par une délibération du conseil de régence. Le conseil communal est assurément bien mieux à même de connaître celui qui est capable d’être bourgmestre que ne le serait le ministre sur le rapport d’un commissaire de district.
M. Dechamps. - Messieurs, je n’ai pas l’intention, à propos du second vote, de rentrer dans le fond de la première controverse et de vous en offrir une simple contrefaçon. Dans mon opinion, messieurs, le premier vote d’une loi est principalement destiné à l’examen partiel de chacun des articles pris séparément ; mais comme il résulte souvent de cette manière de délibérer que la chambre oublie de concilier entre eux ces articles qu’elle avait envisagés isolément, le second vote doit surtout avoir pour effet de corriger ces anomalies, et d’encadrer dans une synthèse générale les articles éparpillés par l’analyse du premier vote.
Souvenez-vous, messieurs, comment nous entamons d’ordinaire la discussion d’une loi : le gouvernement qui nous la présente l’a élaborée naturellement d’après un système. Nous arrivons, nous, dans cette assemblée, chacun avec un principe plus ou moins différent ; nous tâchons, au moyen des amendements, d’arracher quelques lambeaux d’articles au profit de notre opinion particulière ; aujourd’hui un parti triomphe, le lendemain ses adversaires ont leur revanche ; de manière que nos lois ne ressemblent pas mal à ces grands criminels condamnés à être tirés en pièces par quatre chevaux. Vous comprenez, messieurs, combien ce mode de délibération est vicieux ; mais, puisqu’il existe, tâchons d’y remédier selon notre pouvoir, et nous y parviendrions, selon moi, à certain degré, en prenant pour but principal du second vote celui de rétablir l’harmonie, autant que faire se peut, entre les diverses parties de la loi.
Aussi, messieurs, mon intention est-elle la question qui nous est soumise, non plus isolée et en elle-même mais surtout dans ses rapports avec quelques-uns des principes fondamentaux de la loi communale qui ont avec elle une étroite connexité. Je pense que cette manière d’envisager la discussion la mettra bien mieux en lumière.
Messieurs, les questions de nominations, celles relatives aux attributions, et celles qui ont rapport au pouvoir répressif à accorder au gouvernement, sont entre elles dans une corrélation si intime qu’il est impossible de voter sans y comprendre toutes les autres dans son esprit. Le vote que vous allez émettre sur la nomination du bourgmestre en entraînera une suite d’autres qui forment une chaîne avec lui, et cela selon le principe que vous aurez adopté aujourd’hui.
Les partisans du système de la nomination du bourgmestre par le Roi, en dehors du conseil n’ayant échoué au premier vote qu’en présence d’une faible majorité et devant se promettre aujourd’hui leur revanche, je crois nécessaire, messieurs, de m’appesantir un peu sur les principes fondamentaux qu’ils ont émis à cette occasion, et de vous montrer à quelles conséquences nous serions conduits, dans la suite de la discussion de la loi, si nous admettions les prémisses qu’ils ont posées.
En relisant attentivement le Moniteur, je me suis aperçu que deux systèmes bien distincts avaient partagé les membres de la minorité qui ne voulaient pas que l’élection préalable dût précéder le choix du gouvernement. Ces deux systèmes sont ceux qui ont été défendus, l’un par M. Devaux et l’autre par M. Ernst.
Voici le principe auquel M. Devaux subordonne non seulement l’article que nous discutons, mais tout l’ensemble de la loi ; je vais citer ses paroles
« Le vrai système représentatif est celui au moyen duquel, par certaines combinaisons les mieux appropriées au pays, on parvient à avoir une représentation nationale, provinciale ou communale, non pas pour agir, pour administrer, mais pour contrôler ceux qui administrent. Un système représentatif, qui fait élire les administrateurs, est à mon avis un chose absurde.
« Le véritable système représentatif est celui où le pays a des organes libres et légaux qui viennent contrôler le pouvoir. »
Vous voyez, messieurs, que dans cette opinion le rôle des corps élus représentant la commune, la province et la nation, se borne à contrôler le pouvoir central qui seul règle et administre les affaires de la nation et le ménage de la province et de la commune. C’est là non seulement modifier ce qui existe dans nos habitudes et dans nos mœurs, mais contredire positivement la constitution qui attribue l’action et l’administration à la commune, et le contrôle seulement au gouvernement, en ne lui conférant que le droit d’approbation de certains actes.
Ce système tout impérial et dont le résultat, si on le généralisait, serait de n’accorder aux chambres qu’un contrôle, qu’un simple veto sur les lois qu’elles ne discuteraient plus ; ce système, si la chambre l’adoptait à l’égard de la nomination du bourgmestre, savez-vous où il nous mènerait, si nous voulons établir une concordance logique dans la loi ? Non seulement nous serions forcés d’attribuer exclusivement au Roi la nomination des échevins, des secrétaires, des receveurs, des commissaires de police, des gardes-champêtres et de tous ceux qui participent à l’administration communale, puisque c’est le pouvoir qui administre et qui agit, selon l’honorable M. Devaux, mais les attributions que nous avons conférées au conseil devraient être totalement modifiées, de manière à ce que son action soit restreinte à un simple contrôle.
Voyez, messieurs, si vous voulez poser un principe qui entraîne de telles conséquences.
Le second des systèmes dont j’ai parlé et qui a été présenté par M. Ernst, revient à ceci :
« Le bourgmestre ne serait plus le chef de l’administration communale que d’une manière accessoire ; il ne tiendrait plus à cette administration que par de très faibles liens lorsqu’il n’aurait que voix consultative, et les véritables agents, les magistrats de la commune, seraient les échevins.
« Quel est l’agent chargé de l’exécution des lois dans la commune et des mesures d’administration publique, se demande l’honorable député de Liège ? Quel est celui qui y représente l’intérêt général ? le bourgmestre. Or, l’homme du gouvernement doit être librement choisi par lui.
« Les échevins, dans mon opinion, poursuit ce député, ne seront pas nommés par le Roi. Ce système concilie tous les intérêts ; il donne satisfaction au gouvernement, et il charge les échevins qui sont les magistrats de la commune, les véritables agents de la commune, de tout ce qui a trait aux intérêts communaux. »
Vous voyez, messieurs, que si ce système opère une séparation un peu moins tranchée entre l’intérêt général et l’intérêt municipal que celui qu’avait établi la constitution de l’an III, il n’en demeure pas moins vrai qu’il a beaucoup d’analogie avec ce dernier. Si le bourgmestre, dans le système de député de Liége, n’est pas complètement un commissaire du pouvoir exécutif, on m’avouera que peu s’en faut qu’il ne le soit.
Les inconvénients de ce principe dont la France a fait l’expérience, se reproduiraient à certain degré, si celui que je combats était soumis à l’application. Le premier des inconvénients est celui de manquer totalement le but qu’on se propose d’atteindre par ce système ; en effet, ce but est de relier plus fortement la commune à l’Etat, tandis qu’il me paraît évident, à moi, que ce système l’en sépare en opérant une division trop tranchée entre ces deux intérêts.
Le système adopté par la chambre, au premier vote, obtient bien mieux l’union qu’on désire effectuer entre la commune et l’Etat, puisque le bourgmestre, homme de confiance de tous les deux, forme l’anneau où ils viennent s’unir.
Mais, à part ces observations, messieurs, l’adoption du système émis par M. Ernst, et qui consiste à laisser au Roi le choix du bourgmestre, en attribuant à la commune celui des échevins, cette adoption nous conduirait à bouleverser complètement ce que la chambre a décidé par rapport aux attributions.
En premier lieu nous ne pourrions plus admettre logiquement le pouvoir collectif que nous avons établi sous la dénomination de collège des bourgmestre et échevins, et nous devrions éloigner plus ou moins complètement le bourgmestre, homme du gouvernement, de ce qui ne serait plus que le collège échevinal. Mais en supposant même que nous puissions laisser ce qui existe à cet égard, encore est-il que les attributions que nous avons conférées au collège des bourgmestre et échevins devraient être profondément modifiées.
Nous avons non seulement toujours considéré dans ses attributions le bourgmestre comme agent de la commune à l’égal des échevins, mais nous lui avons encore donné en certains cas une voix prépondérante ; et quoi que nous décidions dans la loi à cet égard, nous ne saurions jamais détruire ce fait enraciné dans nos mœurs, que le bourgmestre est le premier magistrat, le principal agent de la communauté. Vous concevez, messieurs, que tout cela ne peut s’encadrer avec le principe dont l’honorable député de Liége a étayé son vote.
En me résumant, messieurs, puisque les deux systèmes dont j’ai parlé sont les seuls qu’on ait formulés et qu’on ait pu formuler pour appuyer la nomination exclusive du bourgmestre par le Roi, et puisqu’aucun de ces systèmes ne peut s’harmoniser avec l’ensemble de la loi tel que la chambre l’a dessiné, il me paraît clair, messieurs, que la majorité doit maintenir son premier vote par lequel l’Etat et la commune participent au choix de celui dont les attributions dérivent et de l’un et de l’autre.
Maintenant, messieurs, en n’envisageant le système du double mandat que la chambre a déjà adopté une première fois, en ne l’envisageant que dans ses rapports et dans sa corrélation avec le reste des articles, comme je l’ai fait à l’égard des deux systèmes que j’ai combattus, il me paraît que lui seul s’harmonise avec les autres dispositions fondamentales de la loi.
Examinez les attributions conférées au bourgmestre, considéré soit seul soit dans ses rapports avec les échevins et le conseil, et vous serez convaincus que partout le bourgmestre agit et administre tour à tour comme délégué du gouvernement et comme mandataire de la commune. Vous serez convaincus que toujours le principe du double mandat a été sous-entendu et supposé. Si nous décidions aujourd’hui que le choix du Roi pût se faire hors du conseil, nous ferions jurer ensemble les deux titres de la loi ; nous les placerions dos à dos, de manière à ce qu’ils ne pussent jamais se donner la main et former entre eux un système unitaire ; et cependant messieurs, ce sont les attributions qui doivent déterminer nécessairement notre vote dans les questions de nominations.
Mais, va-t-on me dire, ce choix limité que vous accordez au gouvernement, croyez-vous qu’il suffira pour empêcher la commune de s’isoler trop de l’action du pouvoir central ? Voulez-vous donc relâcher les liens nationaux en donnant trop de prépondérance à une démocratie communale ?
Messieurs, je suis tout aussi éloigné d’une décentralisation fédérative que d’une centralisation administrative, et je n’appuie le système que je défends que parce qu’il se trouve placé à une égale distance de ces deux exagérations. Mais j’avoue que, si nous bornions à cette part de nomination l’influence de l’Etat dans la commune, si nous ne laissions pas dans les mains du gouvernement d’autres moyens nécessaires pour empêcher les abus et réprimer les usurpations, nous aurions certainement peu tenu compte de l’unité nationale.
La question est de savoir de quelle manière nous devons dessiner l’action respective de l’Etat et de la commune ; la question est de savoir si l’influence du gouvernement doit tomber sur les nominations : or, comme mes idées à cet égard diffèrent probablement avec plusieurs qui partageront mon vote dans la question que nous discutons, et comme ce vote est lié étroitement dans mon esprit aux articles relatifs au pouvoir répressif à accorder au gouvernement, la chambre me permettra de lui exposer en peu de mots comment j’ai conçu l’action du pouvoir central sur la commune ; puis elle jugera si les moyens d’ordre et d’unité que je présente ne sont pas aussi puissants et plus rationnels que ceux que M. le ministre veut obtenir.
Messieurs, en examinant attentivement la position et la véritable nature du gouvernement et de la famille municipale, n’est-il pas vrai qu’il ressort de cette nature même qu’à la communale appartient la manutention de ses propres affaires, et des détails de son ménage, tandis que le rôle du pouvoir central sous ce rapport doit être la surveillance et la répression ? Cette définition est tellement élémentaire qu’il est impossible de la dénier.
Eh bien, en jetant un coup d’œil sur l’ensemble de la loi communale, on voit se dessiner d’un côté, dans le cercle des intérêts locaux, les questions de nominations et d’attributions, et de l’autre, dans la sphère du pouvoir, les droits répressifs d’annulation, de révocation et de dissolution.
Il demeure dès lors évident que l’action du gouvernement doit se concentrer plutôt dans les moyens répressifs, et l’action de la commune dans les nominations et les attributions. Pour moi, messieurs, si je ne voulais laisser à l’Etat, dans les nominations des bourgmestres et des échevins, que la part qui lui revient dans le choix du bourgmestre en considération du double mandat, je lui accorderais volontiers et sans défiance les moyens répressifs qui lui sont nécessaires pour empêcher les collisions et pour réprimer les abus.
Ces moyens répressifs sont de deux sortes : les uns tombent sur les actes, et ce sont les droits d’annulation et de coercition mentionnés aux articles 84 et 85 de la section centrale. Les autres tombent sur les personnes, et ce sont la suspension, la révocation et la dissolution.
Une régence ou un conseil sort-il du cercle de ses attributions ou blesse-t-il les lois ? Le Roi annule ses actes. Refuse-t-il de remplir ses obligations et oppose-t-il l’inertie aux ordres légaux ? L’article 85 donne au gouvernement les moyens coercitifs pour l’y contraindre. Mais il peut arriver qu’un bourgmestre se rende indigne de la confiance du gouvernement et de la commune par des vexations, par tous ces moyens despotiques et injustes que sa position lui offre et qui ne rentrent pas dans cette espèce d’actes spécifiés dans la loi et que le gouvernement peut annuler. Je connais des communes qui attendent avec impatience une nouvelle élection pour se délivrer de leurs bourgmestres dont la conduite a jeté le trouble et la zizanie dans leur sein.
On conçoit que dans ces cas rares le gouvernement a le moyen d’atteindre la personne puisqu’il ne peut atteindre ses actes, et de là le droit de révocation. Mais vous sentez aussi que ce droit nécessaire pourrait devenir dangereux dans des mains despotiques, et il faut l’entourer des garanties qui en empêchent l’abus.
Mais, au lieu du bourgmestre dont la conduite arbitraire cause le trouble dans une commune, il peut arriver que ce soit le conseil entier ; il peut arriver qu’une minorité factieuse parvienne à triompher dans l’élection par l’intrigue, et se serve aussi de sa position pour tracasser et opprimer la majorité des habitants qui regrettent de voir le jour d’une nouvelle élection si éloigné, afin de faire justice de ce conseil usurpateur. Vous le savez, messieurs, ces cas sont malheureusement trop peu rares ; et si le gouvernement n’avait pas le droit de dissolution, ne vous paraît-il pas que les moyens répressifs seraient incomplets ? Il est bien entendu que je sous-entends toujours les garanties à établir dans la loi pour empêcher l’abus de ce droit.
Pour moi, messieurs, si la chambre se montre généreuse à l’égard de la commune dans les questions de nominations et d’attributions, je ne craindrais pas d’accorder même au Roi le droit de dissolution circonscrit dans de sages limites.
Je vois, pour ma part, bien moins de dangers dans la prérogative de dissolution que dans le droit de révocation, parce que le gouvernement est le plus intéressé à renouveler le moins souvent possible la fermentation causée par les élections, et qu’en dernière analyse ce n’est qu’un appel au peuple qui prononce définitivement.
Par ce système, messieurs, nous donnerions au gouvernement tous les moyens qui lui sont nécessaires, sans qu’il puisse en abuser, pour maintenir l’unité législative et pour empêcher toute espèce d’abus, et nous aurions ainsi le droit d’exiger une plus grande part de liberté pour la commune
Si cependant, messieurs, la chambre venait à accorder au gouvernement le choix du bourgmestre hors du conseil et si la commune n’avait pas le choix exclusif des échevins, alors toute l’économie de mon système étant brisée, je serais obligé de restreindre plus que je n’aurais voulu les droits répressifs, puisque le droit de nomination conféré à l’Etat serait, dans mon opinion, trop étendu. Je prie l’assemblée de bien peser l’organisme que je viens de lui soumettre, et je suis persuadé que bien des amis de l’ordre ne craindront plus d’accorder plus de liberté à la commune dans les nominations, dans la pensée d’équilibrer cette liberté en laissant plus de moyens de répression dans les mains du pouvoir central.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.