(Moniteur belge n°37, du 6 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.
M. de Renesse fait connaître l’objet d’un mémoire adressé à la chambre.
« « La dame veuve Brondt, née Hagens, demande qu’on lui continue la pension qu’elle recevait comme veuve d’un homme mort en combattant pour l’indépendance nationale. »
- Ce mémoire est renvoyé à la commission des pétitions.
M. le président. - La chambre a renvoyé à la séance d’aujourd’hui la discussion des amendements présentés par M. le ministre aux articles 142, 144 et 146 du projet du gouvernement.
L’article primitif du gouvernement était ainsi conçu :
« Art 142. Le conseil municipal se réunit chaque année, le premier lundi du mois de septembre, à l’effet de délibérer sur le budget des dépenses et des recettes de la commune pour l’année suivante. »
La section centrale avait proposé l’amendement suivant :
« Le conseil municipal se réunit chaque année, le premier lundi de septembre, à l’effet de délibérer sur l’apurement des comptes de l’exercice précédent et sur le budget des dépenses de la commune pour l’année suivante. »
Voici la dernière proposition faite par M. le ministre :
« Le conseil municipal se réunit chaque année, le premier lundi du mois de mai, pour procéder au règlement provisoire des comptes pour l’exercice précédent.
« Il se réunit le premier lundi du mois d’août pour délibérer sur le budget des dépenses et des recettes de la commune pour l’année suivante. »
M. Legrelle. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de faire observer à M. le ministre et à l’assemblée qu’il me paraissait impossible de fixer le premier lundi de mai pour procéder au règlement provisoire des comptes de l’exercice précédent. D’après ce qui s’est constamment pratiqué dans toutes les localités, les comptes d’un exercice restent ouverts jusqu’au 30 juin de l’année suivante. Il est certain que si on réduisait le temps de l’ouverture des crédits, on jetterait la perturbation dans la comptabilité des grandes villes. Il est impossible d’apurer les comptes d’un exercice avant cinq mois après cet exercice. Je m’en rapporte à toutes les personnes qui ont quelque expérience de la comptabilité des grandes localités.
On pourrait fixer, par exemple, au 1er août de chaque année l’époque du règlement provisoire des comptes ; car, comme ils sont clos le 1er juillet, le receveur aura un mois pour les rédiger, et je crois que ce temps sera suffisant.
Le règlement provisoire des comptes étant fixé au 1er août, il va sans dire qu’une autre époque devra être fixée pour l’examen du budget. Or, un mois suffisant pour le règlement provisoire des comptes, on pourra prendre le 1er septembre pour s’occuper de l’examen du budget de l’année suivante.
M. Fallon. - Je ne sais en vertu de quelle disposition la régence de la ville d’Anvers prolonge l’ouverture d’un exercice jusqu’à la fin du mois de juin de l’année suivante. Ce n’est pas ainsi qu’on procède dans ma province, et je ne sache pas que le mode qu’on y suit ait donné lieu au moindre inconvénient.
Voici ce que porte le règlement de la province de Namur :
« Les receveurs rédigeront chaque année dans le courant du mois d’avril un compte de leurs recettes et dépenses de l’année précédente.
« Ce compte sera dressé conformément au modèle ci-joint sous la lettre D, en double expédition pour les villes, et en triple pour les communes rurales.
« Afin de donner plus de facilité pour parvenir au recouvrement complet de toutes les ressources de l’exercice, on comprendra dans le compte les recettes et les dépenses faites jusqu’au 1er avril, pour autant cependant qu’elles appartiennent à l’exercice précédent et à ceux antérieurs ; celles concernant l’exercice courant devront être réservées pour le compte suivant. »
C’est en suite de cette disposition que les comptes se rendent dans cette province le 1er mai, époque que propose de fixer M. le ministre.
Je le répète, ce mode n’a présenté aucun inconvénient pour ce qui concerne la province de Namur ; s’il en devait présenter ailleurs, on pourrait adopter une autre époque.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, ce qui a été établi pour la province de Namur, l’a également été pour la province du Brabant, en vertu d’une circulaire du 2 septembre 1825. Les administrations communales ont été invitées à arrêter leurs comptes au premier lundi du mois de mai, et à s’occuper de leur budget dans les premiers jours de septembre. Les motifs pour lesquels j’ai proposé un intervalle entre le règlement des comptes et l’examen du budget, sont pour que non seulement l’administration communale connaisse les comptes de l’année précédente, mais aussi pour qu’ils aient été auparavant approuvés par la députation provinciale.
D’après la proposition de M. Legrelle, il faudrait reculer l’examen du budget au mois d’octobre, si l’on veut que les comptes soient au préalable approuvés par la députation provinciale. On arrive à la fin de l’année avec le budget de la députation provinciale qui se trouve dans l’impossibilité de faire quelque changement sous peine de voir commencer l’année sans que le budget ait été arrêté.
Aujourd’hui il arrive souvent que les budgets ne peuvent pas être approuvés avant le 1er janvier ; ce qui entraîne de très graves inconvénients.
A moins qu’on ne me démontre qu’il n’y a empêchement d’arrêter les comptes à l’époque que j’ai proposée, cette époque me paraît devoir être préférée.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la parole pour faire une observation sur le deuxième paragraphe de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Je ferai observer que le premier lundi du mois d’août, pour délibérer sur le budget des recettes et des dépenses de l’année suivante, est une époque très peu convenable pour les campagnes, car c’est le moment où les cultivateurs sont occupés aux travaux de l’agriculture, à la récolte, et dans les communes rurales ce sont les agriculteurs qui composent le conseil communal.
Je proposerai, si le ministre n’y trouve pas d’inconvénient, de fixer au premier lundi de septembre la réunion du conseil pour l’examen du budget.
Mais, dit-on, le premier lundi de septembre on ne trouvera pas dans les villes les conseillers parce qu’à cette époque ils sont à la campagne. Eh bien, qu’on fixe la réunion des conseils au premier lundi du mois d’août pour les villes et au premier lundi de septembre pour les campagnes.
M. Fallon. - Je ne sais si M. le ministre de l’intérieur a rencontré quelques inconvénients dans l'usage établi dans la province de Namur où le budget est voté le premier lundi d’octobre.
« Les conseils municipaux s’assemblent le premier lundi du mois d’octobre pour rédiger le budget de l’année suivante. Ils appellent leurs receveurs à cette séance pour que ces comptables donnent tous les éclaircissements et les renseignements nécessaires. »
Le conseil se réunit le premier mai pour examiner les comptes et le premier octobre pour examiner le budget.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le motif pour lequel j’ai proposé de changer l’époque fixée pour l’examen, c’est que si le conseil ne s’occupe du budget qu’en octobre, comme il doit être publié avant d’être envoyé à l’autorité provinciale, il est évident que l’autorité provinciale se trouve saisie trop tard pour pouvoir l’examiner avec fruit et le renvoyer à l’autorité communale, si elle juge à propos d’y apporter des modifications.
Je crois qu’on pourrait concilier tous les intérêts en adoptant, comme le propose M. Eloy de Burdinne, une époque différente pour les communes et pour les villes, par exemple, le premier lundi d’août pour les villes et le premier lundi de septembre pour les campagnes. De cette manière, on aurait obvié aux principaux inconvénients signales.
M. de Nef. - J’appuie fortement l’amendement de M. le ministre. Je pense que le premier lundi de septembre convient infiniment mieux pour les communes rurales que le premier lundi d’octobre, parce que la députation provinciale aura le temps d’examiner et d’arrêter le budget avant le 1er janvier suivant.
M. Legrelle. - Messieurs, il faut faire une distinction entre un budget de quelques mille francs et un budget de plusieurs millions. Il est des budgets de commune qui s’élèvent de deux à trois millions : comment voulez-vous fixer l’apurement des comptes d’un pareil budget au premier lundi de mai ? Il est impossible que tous les paiements aient pu être effectués. L’expérience a démontré qu’il fallait six mois pour régler un exercice.
Je suis persuadé que M. le ministre des affaires étrangères, à qui je crois voir faire un signe affirmatif, en est convaincu comme moi. Si tous les administrateurs des villes étaient présents, aucun ne combattrait mes observations. Si vous adoptez la proposition du ministre, si vous apportez des changements à ce qui s’est pratiqué jusqu’à ce jour, vous jetterez la perturbation dans la comptabilité des grandes villes. Si vous croyez que les villes de moindre étendue n’ont pas besoin d’autant de temps pour liquider leurs comptes, fixez pour ces villes une époque différente.
Je vous prie de remarquer que ce n’est pas seulement mon opinion personnelle que j’exprime ici. Car cette question a été examinée au conseil de régence et tout le monde est convenu qu’il y aurait un grand danger à changer l’époque de l’apurement des comptes pour la fixer au 1er lundi de mai. C’est pourquoi je crois devoir insister pour le maintien de ce qui existe. Si certaines localités peuvent devancer cette époque, qu’elles le fassent. Il me semble que c’est une question qu’on pourrait laisser au règlement. Les villes qui règlent leurs comptes avant la fin de juin pourraient continuer à le faire, ainsi que celles qui ont adopté une époque postérieure.
Je proposerai un paragraphe additionnel.
M. Gendebien. - Il m’avait paru que nous étions d’accord, le ministre et nous, sur la nécessité de changer l’époque du règlement des comptes, non pour la rapprocher de l’exercice des comptes à régler, mais au contraire pour l’en éloigner.
J’avais déjà eu l’honneur de dire que, pour les grandes villes, il était impossible que le règlement des comptes eût lieu le premier lundi de mai. Je connais telle administration qui est loin d’avoir une population et une comptabilité aussi grandes que la ville de Bruxelles, et à qui il faut six mois pour arrêter ses comptes. M. Cornet de Grez pourrait attester ce que j’avance car il fait partie de l’administration. Et c’est avec peine que la personne chargée du travail, qui ne fait que cela et s’en occupe hors des heures de bureau, arrive à présenter ses comptes au bout de six mois.
Pour la ville de Bruxelles, la chose est bien plus difficile encore, puisqu’il s’agit là d’un budget de trois millions et au-delà. Comment voulez-vous qu’on puisse en trois mois de temps régler, apurer des comptes de dépenses, qui s’élèvent à une somme aussi forte, de manière qu’ils puissent servir de base à la discussion du budget de l’année suivante ? Cela n’est pas possible. Si vous voulez faire quelque chose de bien, il faut fixer une époque postérieure aux six mois de l’année qui suit l’exercice dont on doit régler les comptes. Je désire qu’on prenne un terme qui puisse être considéré comme terme de rigueur. Sans cela, les administrations communales feront comme maintenant, elles attendront jusqu’au dernier moment pour présenter leurs comptes et leur budget.
Fixez pour l’examen des comptes la fin de juin ou les premiers jours de juillet, on aura encore le temps de se mettre en règle. Je le dis parce que je le sais par l’expérience. Quant au budget, il n’y a aucun inconvénient à en fixer l’examen au premier lundi d’octobre.
Je suppose que, même dans les villes qui ont des dépenses considérables, deux ou trois jours suffisent pour cet examen. C’est le temps qu’on met ordinairement pour examiner le budget de la ville de Bruxelles. Vous aurez fini, terme moyen, le huit ou le neuf. Les dix jours de publication vous mènent au 20 octobre, époque à laquelle le budget pourra être transmis à la députation provinciale. Elle aura tout le temps de l’examiner. Celui qui connaît le mécanisme de l’administration communale sait que les neuf dixièmes des articles de dépenses sont toujours les mêmes. Toute la besogne consiste à examiner cinq ou six articles principaux d’augmentation de dépenses ou de dépenses extraordinaires.
La députation provinciale aurait assez d’un mois pour faire cet examen et apporter des modifications, si elle le jugeait nécessaire.
Que fait-on maintenant ? On discute le budget à la fin de décembre, et les états-députés sont bien obligés de l’examiner dans deux fois 24 heures.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est pour obvier à cet inconvénient que j’ai présenté une proposition.
M. Gendebien. - Vous n’arriverez pas à votre but, si vous n’établissez pas un terme de rigueur et si vous ne le faites pas de manière que chacun puisse le respecter.
J’avais déjà dit que le mois de septembre était un fort mauvais mois pour la discussion du budget, parce que c’est une époque où les grands propriétaires sont à la campagne et qu’il serait difficile de réunir le conseil communal au complet pour régler le budget, ce qui est l’acte le plus essentiel de l’administration communale. Au mois d’octobre, au contraire, il vous sera facile de réunir tous les membres du conseil.
Je demande donc qu’on fixe au 1er juillet le règlement des comptes, et le 1er octobre pour la discussion du budget.
M. Legrelle. - Je proposerai un paragraphe additionnel ainsi conçu : « Néanmoins il sera loisible aux administrations communales de fixer une autre époque. »
Je préfère la proposition de la section centrale. Je n’ai présenté mon amendement que pour le cas où celui de la section centrale serait écartée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant préfère l’époque fixée par la section centrale pour l’examen du budget et l’apurement des comptes. Je dirai que déjà la chambre paraît s’être suffisamment prononcée sur cette proposition. On a fait remarquer qu’il y avait des inconvénients à examiner en même temps le budget et les comptes ; c’est pour cela qu’on a exprimé le désir que l’examen des comptes fût anticipé. Vous avez entendu un député de Namur vous dire que dans cette ville qui a une population assez forte, puisqu’elle compte plus de vingt mille habitants, on n’avait trouvé aucun inconvénient à ce que l’apurement des comptes fût fixé au mois de mai.
Pour toutes les communes de peu d’importance, cette époque ne peut pas avoir d’inconvénients. Je conviens que pour les grandes villes elle pourrait en présenter. Je crois qu’on satisferait à toutes les exigences en autorisant les députations provinciales à fixer une autre époque quand le besoin du service l’exigerait. De cette manière les députations provinciales pourraient faire des exceptions pour les principales villes où l’époque fixée par la loi rencontrerait des obstacles.
Je demanderai, pour éviter tout arbitraire, que l’amendement de M. Legrelle fût sous-amendé dans ce sens, que pour toutes les villes dépassant 20,000 âmes la députation provinciale pourrait fixer d’autres époques.
La loi serait la règle générale pour toutes les communes, et la députation pourrait y déroger pour les grandes villes.
M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur ne veut pas de la proposition de la section centrale, cela est clair ; mais je crois aussi qu’il ne sait pas ce qu’il veut. Voilà la troisième proposition qu’il fait sur cet article. Je demande qu’il prenne une résolution. Hier il avait une volonté, on nous l’a remise imprimée, et aujourd’hui voilà deux fois qu’il change d’opinion. Moi, messieurs, je me lève pour maintenir le projet de la section centrale. Je crois pouvoir démontrer qu’il est le meilleur de ceux soumis à la chambre. Je ferai remarquer qu’il est fondé sur l’expérience, et l’expérience peut compter pour quelque chose quand on fait une loi.
Nous demandons que le conseil municipal se réunisse chaque année le premier lundi de septembre à l’effet de délibérer sur l’apurement des comptes de l’exercice précédent, et sur le budget des recettes et dépenses de la commune pour l’année suivante.
Deux objections sont produites contre cette proposition, l’une par M. le ministre, qui dit qu’il y a de graves inconvénients à examiner les comptes et les budgets en même temps.
Je voudrais qu’on signalât ces graves inconvénients. Pour mon compte je ne les vois pas. Il est certain que le conseil communal n’examinera pas en même temps les comptes et le budget, mais qu’il rédigera son budget après avoir arrêté les comptes. Comme vous avez admis que les séances de la discussion des comptes et du budget seraient publiques, le public assistera aux séances du budget après avoir assisté à celles où l’examen des comptes aura eu lieu. C’est là un grand avantage qui résulte des dispositions admises précédemment.
Que dit-on encore ? il faut que les comptes soient apurés par l’autorité provinciale afin que le conseil communal puisse porter au budget l’excédant que les comptes présentent.
La réponse est facile. Il n’est pas nécessaire qu’on porte au budget l’excédant définitif du compte de l’exercice précédent. Le conseil de régence arrêtera les comptes, établira un excédant provisoire qui ne sera définitif que quand la députation aura approuvé les comptes.
Mais que fera alors le conseil communal ? Après avoir arrêté provisoirement le compte, il portera en recette l’excédant provisoire du compte, et cela se fera du jour au lendemain et formera le premier article du budget des voies et moyens. La députation provinciale procédera de la même manière que le conseil communal. Elle prendra le premier article des comptes pour en faire le premier article des recettes. Cela est extrêmement simple.
Maintenant on demande que le 1er mai soit l’époque où se réuniront les conseils communaux pour vérifier les comptes des communes. Comment voulez-vous que dans les grandes villes on apure les comptes au commencement du mois de mai ? Toutes les personnes qui ont assisté à des délibérations des conseils communaux conviendront que cela n’est pas praticable. Au contraire, en admettant la proposition de la section centrale, l’autorité communale aura tout le temps pour pouvoir fournir ses comptes à l’époque du 1er septembre. D’un autre côté, je pense que la proposition de l’honorable M. Gendebien qui tend à remettre cette vérification au premier lundi d’octobre n’est pas admissible, parce qu’alors les députations provinciales n’auront pas le temps qui leur sera nécessaire pour leur examen.
Il faut coordonner les systèmes. L’article 137 est en corrélation avec l’article 140 de la section centrale. Par l’article 137 nous stipulons que, le premier lundi de septembre, les conseils communaux s’assembleront pour l’examen des budgets et des comptes ; et par l’article 140, nous disons que les budgets et les comptes doivent être transmis à la députation provinciale avant le 4 novembre de chaque année, de façon que nous laissons deux mois aux administrations des villes pour faire leurs opérations, et deux mois à la députation provinciale pour approuver ces comptes et budgets. Remarquez bien, messieurs, que dans l’article 140 nous n’avons pas dit que ce que le 4 novembre que les travaux des conseils communaux devaient être soumis à la députation provinciale ; si une commune a terminé ses comptes dans le courant de septembre, elle les enverra sans intervalle de temps, et les états provinciaux pourront s’en occuper avant le 4 novembre. Si vous changez le texte de la section centrale, vous tomberez dans de graves inconvénients, ou vous ne laisserez pas de temps à la commune pour former le budget, ou vous n’en laisseriez pas assez à la députation provinciale pour l’approuver.
M. le ministre vient de vous proposer un troisième amendement, c’est-à-dire l’amendement du sous-amendement de l’amendement. Par ce nouvel amendement il vous propose de laisser à la députation provinciale le soin de fixer quelle sera l’époque à laquelle les communes pourront faire leurs comptes de budgets. Voici quels inconvénients résulteraient de cette proposition.
L’administration provinciale peut varier d’une année à l’autre tellement qu’une ville ou commune comptant sur l’époque fixée se trouvera tout d’un coup au dépourvu et n’aura pas préparé ses comptes. Ce système est impraticable, et cet inconvénient avait tellement été reconnu que les anciens règlements avaient fixé une époque pour former le budget, et actuellement vous devez faire de même, et je vous prie d’examiner que vous avez fixé que les séances des conseils communaux seraient publiques ; vous devez donc fixer un jour pour que chaque citoyen sache à quelle époque, à quel jour il doit et peut assister à ces séances. Il doit en être de même pour le budget que pour l’élection. La publicité doit être aussi authentiquement observée. Il faut de l’ordre dans une loi, et vous n’arriverez jamais à en introduire dans celle-ci où vous ne jetez que confusion et chaos.
M. Gendebien. - Je suis persuadé que si l’honorable M. Legrelle veut bien y faire attention, il se convaincra que son système peut entraîner à de funestes conséquences. Il n’y a pas d’année que les grandes villes ne demandent une prolongation de terme pour présenter leur budget. Si l’on a espoir d’obtenir des facilités de la complaisance de la députation provinciale, il n’y a pas de raison pour que l’on n’arrive, non pas au mois d’août ni de septembre, mais au mois de novembre et décembre même, avant de discuter les budgets. Il faut un terme fixe, invariable, afin que les administrations communales sachent bien, dès le 1er janvier qu’elles ont à s’occuper des comptes et de leur budget qui doit être vérifié et approuvé le premier octobre.
Ensuite comme l’a dit l’honorable M. Dumortier, il faut dans l’intérêt de la publicité que chaque citoyen sache positivement à quelle époque fixe les délibérations sur le budget de la commune à laquelle ils appartiennent auront lieu.
Je crois maintenant que l’époque du premier lundi d’octobre est la meilleure tant pour les villes que pour les campagnes., Pour les campagnes, parce que le premier ou le deuxième lundi d’octobre il y a moins de besogne, moins de travaux qui appellent les habitants hors des communes. Dans les villes c’est le moment où on revient de la campagne. C’est tout le contraire au mois de septembre, car alors chacun s’éloigne de la ville, soit parce qu’on a des voyages à faire, soit parce que l’on va chercher à la campagne le repos nécessaire après les travaux de l’année. Si vous ne choisissez pas l’époque du 1er octobre, vous courez le risque de ne pas avoir à vos délibérations le nombre de personnes suffisant. Si vous vous en rapportez à la députation provinciale, vous rencontrerez d’autres inconvénients. Dans les grandes villes où le budget est considérable, on ne le discutera qu’à la fin de l’année.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable M. Dumortier va peut-être trouver mauvais que je fasse une nouvelle proposition ; je le ferai pourtant encore parce que j’ai toujours compris qu’on discutait pour s’éclairer. Je crois que tout sera concilié si on admet le 1er mai pour les campagnes ; quant aux villes, le 1er août pour l’examen des comptes et le 1er octobre pour le budget. Par ce moyen je pense que tout sera concilié.
M. Dumortier, rapporteur. - Je m’étonne fort que M. le ministre prétende que je trouve mauvais que l’on cherche à éclairer la chambre. Il n’y a personne dans cette assemblée qui demande plus que moi à discuter et à être éclairé, mais je ne serai pas de l’avis de ceux qui présentent quatre amendements à la suite les uns des autres, qui marchandent avec la chambre, le tout pour ne pas se rallier à la proposition de la section centrale. Il est indigne, selon moi, de marchander avec la chambre.
Il est de toute nécessité que l’époque pour la formation des comptes et budgets soit fixée dans la loi, et je crois pour mon propre compte que le 1er septembre est l’époque préférable. Les moissons alors sont terminées ; il ne se présente plus à faire de travail d’agriculture. Il reste quatre mois aux états provinciaux, et en quatre mois ils peuvent fort bien examiner les comptes et les budgets, je crois donc que le projet de la section centrale vaut bien mieux que tout autre.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Gendebien : « Le conseil municipal se réunira le 1er lundi de juillet pour la formation des comptes et budgets, et se réunira ensuite le 1eroctobre pour la vérification, etc., etc. »
M. Fallon. - Mon honorable ami M. Gendebien n’a pas fait attention que le premier lundi de juillet est la réunion des conseils provinciaux.
M. Gendebien. - Mettez le troisième lundi.
M. Legrelle. - Je ferai remarquer à l’honorable M. Gendebien qu’il faut laisser quelque temps au receveur pour rédiger ses comptes ; le premier lundi du mois d’août serait une époque convenable.
M. Gendebien. - Volontiers.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’il faut nécessairement maintenir la distinction entre les villes et les campagnes parce qu’il serait impossible que la députation provinciale revît tous les comptes qui arrivent à la fin de l’année.
Je propose donc cette distinction entre les villes et les campagnes. Dans les communes rurales, le conseil municipal se réunit le premier lundi du mois de mai, pour procéder au règlement provisoire des exercices précédents ; il se réunit le premier lundi de septembre pour délibérer sur le budget des dépenses de l’année suivante. Dans les villes, le conseil municipal se réunit le premier lundi d’août pour procéder au règlement des comptes des exercices précédents, et le premier lundi d’octobre pour délibérer sur le budget des dépenses et recettes pour l’année suivante.
M. Legrelle. - Je me rallie à la proposition de M. le ministre
M. Gendebien. - Je suis prêt à m’y rallier aussi, mais je lui ferai remarquer que ce qu’il désire ne s’accomplira pas, car l’article 140 fixe au 4 novembre l’examen de la députation provinciale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Nous modifierons cet article.
M. Gendebien. - C’est que la députation provinciale sera fort heureuse si elle a ces comptes au 4 novembre, car il est de la nature de l’homme d’attendre jusqu’au dernier moment pour terminer ce qu’il a à faire. Je me rallie cependant à l’amendement du ministre, quoique j’eusse désiré qu’il n’y eût pas de différence entre les villes et les campagnes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’époque du 4 novembre n’est pas encore fixée, nous l’avons laissée en blanc. Si la chambre adopte l’amendement, elle fixera une autre époque.
M. Gendebien. - L’époque est fixée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Mais elle n’est pas adoptée.
M. Dumortier, rapporteur. - Nous pouvons proposer un sixième sous-amendement à l’article de la section centrale, beaucoup plus simple que le feu de file d’amendements que l’on nous a proposés. D’abord, je ferai remarquer encore une fois que la section centrale a mûrement examiné la question, et qu’à coup sûr nous n’avons pas improvisé des amendements à mesure qu’il s’élevait une discussion. Comment, en fixant l’époque dont vous parlez, voulez-vous avoir les budgets au 4 novembre ?
Cela n’est pas exécutable : vous ne pouvez dans l’intervalle d’un mois terminer les budgets, terminer la copie des pièces nécessaires. J’entends M. Legrelle, bourgmestre d’Anvers, dire que cela n’est pas possible ; dans un mois on ne peut pas faire la discussion du budget, apprêter tous les documents nécessaires et tout préparer pour le transmettre à la députation provinciale, surtout parce qu’il y a publicité ; car les séances alors seront plus longues.
M. Gendebien. - Au contraire.
M. Dumortier, rapporteur. - Je pense moi qu’elles seront plus longues. Il sera donc impossible que tous ces travaux soient finis. C’est pourquoi je dis que tous ces amendements successifs ne valent pas la proposition de la section centrale.
Si on avait examiné la loi comme elle devait l’être, on en aurait fait une loi raisonnable ; avec tous ces amendements on la rend incohérente, et à tel point que ce sera la plus triste loi qu’on ait jamais vue ; et moi qui ai perdu beaucoup de temps à y travailler, je déclare que je voterai contre, parce que, telle qu’elle sera, elle fera plus de mal que bien.
M. Gendebien. - Il était convenu tout à l’heure qu’on changerait l’époque quand on reviendrait à l’article 40, mais je soutiens que la discussion du budget peut avoir lieu le 1er octobre, et l’on peut très bien l’envoyer le 4 novembre à la députation provinciale. Je puis citer l’exemple d’une grande ville. Quand on discute un budget de grande ville, on a soin de réunir toutes les pièces nécessaires. Copier le budget est l’affaire de sept ou huit heures, et vous avez un mois pour faire un travail de sept heures.
M. Dumortier, rapporteur. - Il y aurait danger à changer l’époque du budget. On cherche à écarter la proposition de la section centrale. Patience, c’est une affaire d’amour-propre ministériel. Si vous fixez l’époque du budget selon la proposition de M. le ministre, vous n’aurez plus assez de tempe pour examiner ce budget et ces comptes. Je maintiens, si vous voulez, que la publicité ne soit pas une chimère, qu’il faut que les deux opérations se suivent. Je ne vois pas quel avantage il y a de fixer deux époques distinctes ; il est préférable qu’elles soient consécutives, comme le veut la section centrale.
Je ne vois pas pourquoi M. le ministre veut scinder deux opérations qui doivent être connexes. Il n’y a pas d’inconvénient dans la proposition de la section centrale, et je ne saurais trop répéter qu’il y en a beaucoup dans celle de M. le ministre.
- L’amendement de M. le ministre est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier, rapporteur. - L’article dont il s’agit a été adopté par la chambre, j’en dirai autant de l’article 140. On ne peut les changer ou les modifier qu’au second vote.
M. le président. - L’article 124 est adopté, sauf la date qui est laissée en blanc.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’étais certain que la date était restée en blanc. Je proposerai maintenant de la remplir. Voici la rédaction que je soumettrai à la chambre :
« Dans les communes rurales les comptes sont en outre publiés dans les dix premiers jours du mois de juin, et les budgets pendant les dix premiers jours de septembre.
« Dans les villes, les comptes sont publiés dans les dix premiers jours de septembre, et les budgets dans les dix premiers jours du mois de novembre. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je dois faire ici plusieurs observations. La première c’est que, l’article ayant été adopté, on ne peut le mettre aux voix qu’au second vote. Le ministre dit qu’on a laissé la date en blanc ; eh bien, qu’on la remplisse, mais qu’on ne change rien à l’article.
Si la chambre admet la proposition du ministre, qu’en résultera-t-il ? C’est que vous ne donnez aux villes de la Belgique que 20 jours pour faire leurs budgets : comment un conseil communal pourra-t-il, en public, délibérer sur son budget et le terminer en 20 jours ?
Mais ce n’est pas 20 jours que vous donnez, c’est 13 jours : car c’est à quoi se réduira l’intervalle dans certains cas. Vous venez d’admettre que c’est le premier lundi d’octobre que le conseil se réunira pour examiner les budgets ; ce premier lundi peut très bien arriver le 6, même le 7 octobre ; et comme vous stipulez par l’amendement du ministre que c’est le 20 du mois d’octobre que doit avoir lieu la publication des budgets, il en résultera que le conseil de régence n’aura que 13 jours pour discuter et formuler son budget.
L’absurdité d’un pareil système saute aux yeux. Je serai fâché que la chambre l’admît. Voilà où l’on arrive en faisant ainsi les lois, en présentant 5 ou 6 amendements à la suite les uns des autres, en tuant nos délibérations sous un feu de file d’amendements non médités. Mais que la chambre fasse comme elle voudra ; car je suis dégoûté de remplir les fonctions de rapporteur : on n’est pas même écouté quand on présente des observations pour empêcher de tomber dans les anomalies les plus choquantes ou même dans l’absurde. Je n’ai plus le courage de faire aucune proposition à l’assemblée.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai très bien écouté le rapporteur de la section centrale, et ce n’est pas par complaisance que j’ai voté l’amendement du ministre. Je ferai une remarque sur la dernière proposition qui nous est soumise. Il est possible que le premier lundi de septembre tombe le 7, alors il y aura trois jours pour faire le budge. ; mais il ne pourra être publié dans le délai demandé ou dans les dix premiers jours…
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’est pas dit les dix premiers jours, mais dans les dix derniers jours
M. Eloy de Burdinne. - Vous me pardonnerez, et ma remarque subsiste.
M. Dumortier, rapporteur. - Ainsi des villes ont trois jours pour faire un budget,. A merveille ! Voilà une singulière manière de faire des lois.
M. le président. - Voici la rédaction que propose M. le ministre de l’intérieur :
« Dans les communes rurales, les comptes sont publiés dans les dix premiers jours de juin, et les budgets le sont dans les dix derniers jours de septembre.
« Dans les villes, les comptes sont publiés dans les dix derniers jours de septembre, et les budgets le sont du 10 au 25 novembre. »
- Cette rédaction mise aux voix est adoptée. L’article 120 mis aux voix est adopté avec cette addition.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur propose une disposition qui se rapporte à l’article 140 présenté par la section centrale. Cet article 140 a été ajourné.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On avait mis par erreur l’article 139 ; c’est le numéro 140 qu’il faut. Voici la proposition que je fais :
« Les comptes doivent être transmis chaque année à la députation provinciale, avant le premier juillet, par les campagnes, et avant le premier octobre pour les villes.
« Les budgets doivent être présentés avant le premier octobre pour les campagnes, et avant le premier décembre par les villes. »
M. Dumortier, rapporteur. - Quoique je sois très malheureux dans mes observations, je ne puis m’empêcher de faire voir que l’amendement n’est pas complet. Dans une grande province, celle du Hainaut, par exemple, où il y a 25 villes, comment voulez-vous que la députation provinciale puisse examiner 25 budgets dans un si court intervalle ? Est-ce que vous voulez réduire les députations provinciales au rôle de simples bureaux d’enregistrement ? S’il faut qu’elles examinent les budgets, un temps plus grand que celui qu’on veut accorder leur est nécessaire.
Changez donc, changez encore votre loi et votre amendement ; quand on commence à changer quelque chose, il faut aller rondement ; quant à moi je ne ferai aucune proposition.
- La proposition de M. le ministre de l’intérieur, mise aux voix, est adoptée.
M. le président. - Nous allons nous occuper de la proposition faite par MM. Pirson et Dechamps et sur laquelle il a été fait un rapport.
La proposition de M. Dechamps est ainsi conçue :
« Pour les délibérations soumises à l’approbation du Roi, et dont les objets sont mentionnés aux numéros 1° et 3° (de l’article 74 du projet de la section centrale) :
« Le collège des bourgmestre et échevins sera obligé de convoquer un comité de commune, composé des plus forts contribuables domiciliés dans la commune, en nombre égal à celui des membres du conseil, et choisis hors de son sein.
« Le comité et le conseil délibèrent à part, et leurs délibérations sont soumises conjointement aux autorités compétentes. »
Le sous-amendement de M. Pirson est rédigé comme suit :
« L’information dont parle le second paragraphe de la disposition précédente sera toujours ordonnée dans les cas prévus par les paragraphes 1, 2, 4, 5 et 6 du présent article. »
La section centrale propose l’article suivant :
« Dans les cas d’aliénation de biens immeubles ou droits immobiliers, d’emprunt, et du principe d’une dépense qui aurait pour résultat de grever l’avenir de la commune, la députation provinciale, avant de donner son avis, sera tenue de procéder à une information, et, à cet effet, de réunir en comité consultatif les citoyens les plus imposés, domiciliés dans la commune, en nombre égal au moins à celui des membres du conseil communal et étrangers à ce conseil. »
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je viens combattre la proposition de M. Dechamps ; loin de la trouver utile, je la crois très nuisible.
L’on veut un comité de commune, et on veut qu’il soit composé des habitants les plus imposés. Ce comité serait chargé, dans plusieurs circonstances, de donner son avis à la députation. C’est là un privilège qu’on veut établir en faveur des gros propriétaires ; privilège contraire à l’esprit de notre constitution. Je trouve d’ailleurs ce comité inutile, et voici pourquoi.
Les informations prises près de ce comité tendraient, dit-on, à éclairer la députation, laquelle ne devrait prononcer qu’après les avoir reçues ; mais la députation a un autre moyen de s’éclairer, si les lois et reglemens sur la matière restent en vigueur, c’est en ordonnant les informations de commodo et incommodo : quand il s’agit, par exemple, de biens, ou d’autres opérations qui intéressent toute la commune. En suivant ce mode, l’on entend tous les habitants, les pauvres comme les riches, sans distinction de classe, ce qui est juste, puisqu’ils sont tous intéressés à la question.
Pour la répartition des impôts je vois encore beaucoup de danger à appeler les plus imposés seuls à émettre leur opinion : lorsqu’il s’agira par exemple d’effectuer certaines dépenses communales, si on les consulte, ils proposeront pour y faire face, une coupe de bois, une aliénation, ou telle autre opération préjudiciable au plus grand nombre des habitants de la commune, plutôt que de coopérer proportionnellement à des dépenses utiles à tous ; de cette manière ils feront évidemment tort au moins aisés, qui en réalité supporteront la dépense. Ce serait donc à accorder un privilège aux riches au détriment des pauvres. Aussi je vois dans la proposition de M. Dechamps la source de grandes injustices.
Faites attention d’ailleurs, messieurs, qu’en adoptant l’article 5 de cette loi vous avez exclu des conseils communaux les habitants qui ne paient pas le cens d’éligibilité ; ce qui est déjà contraire la justice et aux principes qui ont fait éclore notre révolution ; eh bien, pour compléter l’injustice, vous voulez ériger un comité communal composé des gros propriétaires. Ainsi, conseil et comité, tout sera rempli de gros propriétaires, et tous les autres habitants ne seront que matières imposables.
On me répètera sans doute ici ce que l’on a dit tant de fois, que les chasses atteignent faiblement le pauvre ; mais, messieurs, vous savez que celui qui est imposé 5 francs à plus de peine à payer cette somme que son voisin qui est imposé à 100 francs. Celui-ci tire son contingent de son coffre-fort, tandis que le premier doit se le procurer à force de travail et de sueurs. Je ne puis voir dans les dispositions qu’on nous a soumises qu’une proposition tout à fait aristocratique que je ne m’attendais pas à entendre préconiser ici.
L’honorable auteur de cette proposition l’a encore appuyée par les considérations suivantes :
« Si quelqu’un venait ici vous proposer un pareil projet de loi, n’est-ce pas messieurs, que vous le regarderiez comme un rêveur, comme un démocrate exagéré ? Et cependant c’est là une institution qui a pris racine dans le sol d’une monarchie absolue, et je ne sache pas qu’on y ait trouvé des inconvénients. »
Ainsi, parce que cette institution a pris racine dans une monarchie absolue, nous devrions l’adopter ; mais est-ce bien là que nous devons puiser des exemples de liberté, d’égalité ? Est-ce là que nous trouverons les institutions en harmonie avec notre constitution
La proposition de M. Dechamps est dangereuse sous plus d’un rapport ; elle établirait inévitablement une scission fâcheuse entre le conseil et le comité ; vous verriez, dans bien des circonstances, ces deux corps en rivalité : cette seule considération, qui n’est que secondaire à mes yeux, suffirait pour la faire rejeter.
Nous ne sommes que trop disposés à accorder des privilèges du genre de celui qui est réclamé. Pour la garde civique, n’en a-t-on pas dernièrement encore créé un, par un amendement qui a été introduit dans la loi et qui consiste à ne rendre éligibles, comme officiers, que les personnes qui paient un cens assez élevé pour être électeur, tandis que des hommes sans fortune, mais très capables, très recommandables, doivent rester simples gardes, quoiqu’ils jouissent de la confiance de leurs concitoyens et qu’ils pourraient rendre des services au pays comme officiers ?
Partout et en toute occasion on voit favoriser le riche au détriment de la classe la moins aisée de la société ; mais il suffit sans doute, messieurs, d’appeler votre attention sur de semblables injustices, pour espérer qu’elles ne se renouvelleront pas, ce qui me fait espérer que la proposition de l’honorable M. Deschamps sera rejetée quoique modifiée par la section centrale.
M. Legrelle. - Je ne me donnerai pas la peine de combattre une seconde fois la proposition de M. Dechamps, parce que je suis persuadé que personne ne l’adoptera. Je veux parler sur l’amendement de la section centrale qui tend à établir un juste milieu entre ceux qui voulaient de la proposition Dechamps et ceux qui n’en voulaient pas. De deux choses l’une : ou les vingt plus fort imposés adopteront l’avis du conseil de régence, et alors leur avis est inutile ; ou ils seront contraires à cet avis, et alors il y aura scission entre les 20 plus fort imposés et le conseil de régence.
Quelle sera la conséquence de cette division d’opinions ? C’est que le conseil de régence perdra de sa considération dans le public, ce qui est un très grand mal. Que fera la députation en cas de scission ? donnera-t-elle raison au conseil qui a véritablement des connaissances sur les objets qu’il traite, ou à un corps qui n’a que des connaissances superficielles sur les objets qu’on lui soumet ? Remarquez de plus que le comité sera mu bien plus par des intérêts privés que par des intérêts de généralité.
Car, il est bien certain qu’il y a une différence à établir entre les intérêts de telle caste et de telle autre caste. Il est bien certain que quand il s’agit, comme ici, de droits immobiliers, d’aliénations, d’emprunts, etc., c’est toujours dans l’intérêt de la caste privilégiée que ces cas se présentent. Lorsque les communes font de grandes dépenses, c’est pour fournir aux besoins du luxe. Il arrive très rarement, lorsqu’une commune a fait de grandes dépenses qui dépassent ses ressources, qu’elles aient été faites dans l’intérêt des pauvres. C’est presque toujours à l’avantage des riches. La consultation que vous ferez se réduira à rien, si elle n’a pas pour résultat d’amener une scission entre le conseil communal et les notables. Ces sortes de consultations sont inutiles. Du moins il ne faut pas les formuler dans la loi. Il sera toujours loisible à la députation des états de faire, quand elle le voudra, une enquête de commode et incommodo.
Je me prononce donc contre la proposition de M. Dechamps.
Je m’oppose également aux modifications qu’y a apportées la section centrale, je voterai contre l’une et contre les autres.
M. Pirson. - C’est par erreur que, dans l’impression de mon amendement, il est dit que c’est un article additionnel à celui de M. Dechamps. J’ai voulu que lorsque les intérêts des communes sont le plus en jeu, tout le monde fût consulté. C’est à cette occasion que j’ai proposé mon amendement ; de manière qu’il revient à peu près à ce que le gouvernement établissait dans le projet. Voici le deuxième paragraphe de l’article 74 :
« Les délibérations sont précédées d’une enquête toutes les fois que le gouvernement le jugera convenable. »
J’ai voulu seulement que toutes les fois qu’il s’agit d’aliénations de biens, d’emprunts, etc., l’enquête ou plutôt l’information ne fût pas facultative, mais obligatoire. C’est le sens de mon amendement. Je ne veux pas que ce soient précisément les riches qui puissent émettre leur opinion, mais tout le monde. S’il s’agit d’une vente dans une commune rurale, le plus pauvre a autant intérêt que le plus riche. Je ne veux pas d’exception entre le riche et le pauvre. J’admets tout le monde.
M. d'Hoffschmidt. - J’appuie l’amendement de M. Pirson. Comme lui je ne veux pas que l’information soit facultative. Quand la députation juge qu’il y a lieu de faire une information de commodo et incommodo, c’est un appel qu’elle fait à tous les contribuables. L’annonce en est affichée pendant huit jours dans les communes, et chaque habitant peut venir faire connaître son opinion qui est consignée dans un procès-verbal tenu par un commissaire délégué à cet effet. Si on n’insère pas dans la loi une disposition comme celle que propose l’honorable M. Pirson, la députation des états aurait la faculté de décider s’il y a lieu ou non de faire une enquête. Ces questions sont d’une importance telle qu’elles intéressent toute la commune, il faut que l’information soit obligatoire. Bien souvent le conseil communal est intéressé à ce qu’elle n’ait pas lieu parce qu’il est composé de gros propriétaires. Quand il s’agit de la vente de biens communaux, les pauvres ont un intérêt très grand à ce que les prairies banales ne soient pas vendues, tandis que les riches qui seuls sont capables de les acheter, s’inquiètent peu si la commune possède ou non des pâturages, attendu qu’ils en ont de particuliers pour leur bétail.
J’appuie donc l’amendement de M. Pirson ; je le prierai seulement d’ajouter la condition de prévenir le public de l’ouverture de l’enquête par la voie d’affiches placardées dans la commune.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition de créer un comité consultatif chargé d’émettre son avis après que le conseil communal a délibéré me paraît être une conception contraire au bien-être des communes.
Je ferai d’abord remarquer que cette idée aurait pour effet de détourner les habitants les plus notables de la commune de faire partie du conseil communal, alors qu’ils pourraient défendre leurs intérêts dans le comité consultatif. Donc premier résultat du comité, mauvaise composition des conseils communaux.
Le deuxième effet serait de soumettre les actes des membres du conseil, qui est censé l’expression de la commune, au contrôle de ceux qui auront concouru avec les membres élus, et qui auront échoué dans leur élection. C’est encore faite juger la majorité par la minorité.
En troisième lieu, c’est établir la discorde entre le conseil et les habitants les plus notables. De là le résultat le plus fâcheux.
D’ailleurs, je me demande quelle sera l’utilité de cette institution.
La loi communale a établi le conseil communal compétent, et la publicité de ses séances, pour décider de tous les objets énumérés dans l’article auquel l’article en discussion se rapporte : Il est loisible à tout habitants de prendre connaissance des actes du conseil. Si donc le conseil communal a pris une résolution qui d’après les plus notables est contraire aux intérêts de la commune, c’est à eux à s’adresser aux autorités provinciales, aux commissaires de district, à la députation permanente, au gouvernement, et à exposer les motifs qui leur semblent devoir s’opposer à l’approbation de cette délibération. L’autorité supérieure accueillera ces réclamations, et prendra des informations ultérieures, s’il y a lieu. Dès lors, il n’y a pas de surprise à craindre.
Je demande encore comment serait composé ce comité dans les communes ? de la manière la plus arbitraire ! Vous verriez souvent le conseil communal jugé par ceux qui par leur position ne sont pas aptes à le faire.
Ainsi, messieurs, cette idée ne me paraît ni utile ni praticable. Je ferai remarquer que l’on a invoqué à tort l’autorité de la loi du 15 mai 1818 qui a été portée en France. Cette loi fut portée dans le but d’empêcher les conseils municipaux d’imposer des centimes additionnels trop élevés sur la propriété foncière. Les propriétaires et notables de la commune sont appelées à émettre leur opinion sur l’augmentation des centimes additionnels, lorsque le conseil veut les porter au-delà des centimes autorisés par la loi. Par la disposition que l’on a invoquée, les principaux contribuables de la commune ne se forment en comité consultatif qu’en raison de leurs propriétés, lorsqu’ils vont être frappés d’une contribution extraordinaire, c’est donc un cas tout spécial.
Aussi la loi du 15 mai 1818 ne se borne-t-elle pas à convoquer les contribuables domiciliés dans la commune ; elle ne fait aucune distinction entre les propriétaires ; il suffit qu’ils soient les plus intéressés dans l’augmentation de la contribution. L’amendement de M. Dechamps ne remplit pas davantage le but du règlement pour le plat pays, qui autorisait les conseils communaux à appeler auprès d’eux les propriétaires fonciers les plus spécialement intéressés à l’objet en délibération.
Ainsi, messieurs, la proposition que l’on présente n’est en harmonie ni avec les anciens règlements ni avec la loi française, et comme je l’ai démontré, elle amènerait des résultats funestes dans la commune.
Je parlerai de la proposition de l’honorable M. Pirson. Son amendement ne me paraît pas non plus devoir être adopté. D’une part il est incomplet ; d’autre part il porte sur des objets sur lesquels il n’est pas nécessaire de faire une information. Je pense qu’il vaut mieux rester dans le droit commun et se conformer aux dispositions actuellement existantes.
Il doit y avoir une information sur une infinité d’objet : sur l’établissement et la suppression de foires et de marchés ; sur l’établissement d’usines, de toute autre construction qui pourrait nuire au voisinage ; sur les travaux publics à faire dans les communes, et sur une infinité d’autres objets qu’il est inutile de déterminer puisque les dispositions qui ont réglé ces matières ne sont pas abrogées par la loi actuelle, qu’elles donnent en outre au gouvernement le droit d’établir les cas où il y a lieu à information,.
Je ne crois pas que la chambre doive adopter ni l’amendement de M. Deschamps ni celui de M. Pirson.
M. Pirson. - Il paraît, d’après ce que vient de dire M. le ministre de l’intérieur, que l’information de commodo et incommodo est réglée d’après les lois existantes. Telle est aussi mon opinion. Mais il faut que l’on pose dans la loi le principe d’obligation de procéder à une enquête ou information de cette nature. C’est pourquoi j’ai proposé mon amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’énumération en est incomplète.
M. Pirson. - J’en conviens, mais on pourrait la compléter. On sait comment se font les informations de cette nature.
M. le ministre de l'intérieur a parlé de dispositions existantes sur les informations de commodo et incommodo ; si vous laissez subsister le deuxième paragraphe de l’article du gouvernement, il s’ensuivra que toutes ces dispositions seront abolies par la loi communale, qu’il n’y aurait plus d’informations que comme le gouvernement l’entendrait. Il faut donc, ou que ce paragraphe soit rayé, ou qu’il ne soit pas dit que l’information est facultative, puisqu’il y a de l’aveu de M. le ministre, un nombre de cas où elle est obligatoire.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne pense pas que la proposition de la section centrale qui n’est que la modification de celle de M. Dechamps, soit aussi mauvaise que quelques orateurs veulent le faire croire.
Les principales objections se réduisent à trois. On prétend que l’on écartera les pauvres du conseil communal ; que les propriétaires sont les plus intéressés dans la question, et que la discorde naîtra parmi les habitants. Rien dans ces assertions n’est fondé.
Que la proposition écarte les pauvres, qu’importe : le gouvernement ou la députation provinciale ne pourra-t-elle pas toujours procéder à une information ? L’établissement d’un comité communal ne lui en interdit pas la faculté.
Nous n’avons pas cru devoir accorder au comité communal un pouvoir dans la commune. Nous avons été les premiers à reconnaître qu’une information pouvait être utile. On dit que les gros propriétaires sont les plus intéressés dans les questions que prévoit l’amendement de M. Dechamps. Il faut avouer que ce sont les personnes ayant des propriétés qui sont les plus intéressées à donner des éclaircissements lorsqu’il s’agit de dépenses qui pourraient engager l’avenir de la commune. Si le comite et le conseil sont d’accord, il n’y a aucune difficulté ; s’il y a divergence d’opinions, les renseignements qui en résulteront serviront d’éclaircissement au gouvernement. Tout cela ne pourra qu’être utile à la chose publique.
On parle de discorde entre les habitants. Je ne comprends pas un pareil système. Ne faudrait-il pas que tout le monde fût du même avis en matière de dépenses ? Vous ne vous imaginez pas, je pense, que par votre loi vous allez concilier toutes les opinions.
Tout ce que nous avons voulu, c’est qu’il y eût des informations dans les cas où elles sont nécessaires. Si cette obligation et le mode d’y procéder n’étaient pas indiqués dans la loi, le gouvernement devrait, ou s’en rapporter aux conseils communaux qui ont intérêt à maintenir leur décision, ou à des personnes qui ne représenteraient rien.
Il ne faut pas se le dissimuler, dans toute commune, il y a lutte électorale entre deux partis. Le parti qui l’emporte entre au conseil. Eh bien, nous n’avons pas voulu que le parti vainqueur imposât des lois au parti vaincu. Nous avons donné à celui-ci un pouvoir consultatif, afin qu’il pût éclairer de son côté l’autorité provinciale.
Je ferai d’ailleurs remarquer que le premier projet du gouvernement contenait une disposition semblable et nous n’avons jamais su pourquoi elle avait été supprimée. Nous avons trouvé l’amendement de M. Dechamps utile, et la rédaction que donne la section centrale présente des avantages réels.
On nous dit qu’il y a une foule de cas où des informations ont lieu. Mais l’adoption de l’article 74 annulera toutes les dispositions antérieures à cet égard, et vous n’aurez plus d’informations que quand il plaira au gouvernement d’en faire. C’est ce qu’il faut que la chambre ne perde pas de vue.
Je le répète ; ce que nous avons voulu c’est qu’il ne dépendît pas des ministres, tout excellents qu’ils soient, de décider selon leur bon plaisir qu’il y a lieu ou qu’il n’y a pas lieu à établir une information.
Je ne vois aucun inconvénient dans l’adoption de la proposition de la section centrale. J’y vois au contraire de grands avantages.
M. Pirson. - Je ferai remarquer que mon amendement se rapporte plutôt à l’article 75.
M. Dumortier, rapporteur. - Voici comment je comprends l’amendement de M. Pirson. Il se rapporte pour la première disposition à l’article 74, et pour la seconde à l’article 76. Il se rapporte à l’article 74 du gouvernement parce que c’est le seul article où il soit question d’informations, et il se rapporte à l’article 76 parce que les cas qu’il énumère et où il veut que l’information soit toujours ordonnée, se trouvent dans l’article 76.
M. Pirson. - Voici comme j’entendais que mon amendement fût placé. Je laissais subsister la rédaction de l’article 74 du gouvernement en substituant au mot enquête ceux d’information de commodo et incommodo, et à l’article 76 où il est question des choses les plus importantes soumises aux délibérations du conseil communal, j’ajoutais : « L’information dont il est parlé à l’article précédent sera nécessaire, etc. » Suivent les paragraphes énumérés dans mon amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable M. Pirson a cru que l’article 74, déjà adopté, établissait information dans le cas où elle est ordonnée et la laissait toujours facultative. C’est là une erreur. Cette disposition ne fait que laisser au gouvernement un droit dont il a toujours usé. Il a toujours ordonné l’information quand il la croyait utile. Mais elle ne porte aucune espèce d’atteinte aux dispositions existantes.
Maintenant quant à la proposition même, je ferai remarquer qu’elle est beaucoup trop étendue. Par exemple, qu’il y ait information dans les cas du premier paragraphe de l’article 74 de la section centrale, pour :
Les aliénations, translations, échanges de biens ou droits immobiliers de la commune ; les baux emphytéotiques, les emprunts et les constitutions d’hypothèques, le partage des biens immobiliers indivis, à moins que ce partage ne soit ordonné par l’autorité judiciaire, conformément au code civil ;
Là, je n’y trouverais pas d’inconvénients.
Mais quant au deuxième paragraphe, pour les péages et droits de passage à établir dans la commune, l’information est déjà établie par la loi sur les péages. Il y a une enquête ordonnée en exécution de cette loi.
Pour le paragraphe 4 qui comprend les demandes en autorisation pour acquisition d’immeubles ou de droits immobiliers je pense que dans ces cas, l’information n’est pas nécessaire, et qu’elle pourrait même être préjudiciable à la commune ; elle pourrait perdre une occasion favorable d’acquérir un immeuble. Je conçois qu’on ordonne une information quand l’acquisition a pour objet l’établissement d’un cimetière, d’une maison commune ou de tout autre édifice public qui intéresse la généralité des habitants ; mais faire précéder toute acquisition d’une information, non seulement n’est pas chose nécessaire, mais pourrait être nuisible à la commune.
Je ne vois pas non plus la nécessité d’une information pour ce qui concerne l’établissement, le changement ou la suppression des impositions communales et les règlements y relatifs.
Dans ce cas les délibérations du conseil communal doivent être publiques, il y a là une garantie suffisante pour les intéressés qui peuvent adresser des réclamations. Mais une information régulière à établir sur ces matières me paraît une chose très difficile à exécuter.
Le n°6 est relatif au changement du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux. Je conçois que pour le mode de jouissance des biens ruraux, l’information puisse être utile.
De sorte que l’amendement si tant est qu’on juge utile de l’introduire dans la loi, devrait être limité aux paragraphes premier, 2 et 6 de l’article,, en substituant dans ce dernier le mot ruraux à celui communaux.
Mais je ne crois pas qu’il y ait nécessité d’introduire cet amendement, parce que sur toutes les matières on a jugé l’information utile ; il y a un règlement d’administration générale qui l’ordonne. Il n’existe aucune lacune.
Il y aurait des inconvénients à énumérer des spécialités, quand nous avons un ensemble de dispositions sur cette matière. Le gouvernement ne supprimera pas les informations qui se font maintenant et dont l’utilité est reconnue.
M. d'Hoffschmidt. - M. le ministre de l'intérieur vient de passer en revue tous les numéros auxquels se rapporte l’amendement de M. Pirson. Je suis de son avis à l’égard des n°1 et 6. Le n°2 pourrait être supprimé. Il ne faut pas trop multiplier ces informations. Je voudrais les borner aux n° 1 et 6 en substituant, comme l’a proposé le ministre, le mot ruraux au mot communaux.
M. le ministre a ajouté que l’amendement n’était pas nécessaire parce que ces informations sont de droit. Mais le deuxième paragraphe de l’article 74 abroge les dispositions actuellement existantes sur la matière. Il dit que toute délibération est précédée d’une enquête lorsque le gouvernement le juge convenable ; c’est-à-dire que quand le gouvernement ne jugera pas convenable d’en faire, il n’y en aura pas. Voilà donc une abrogation bien clairement exprimée.
M. le ministre s’est trompé quand il a dit que des règlements d’administration provinciale prescrivaient ces informations ; que, par conséquent, elles étaient de droit, puisque l’article 74 abroge ces règlements. Dans beaucoup de cas cependant il est indispensable que ces informations aient lieu ; par exemple, en cas de vente ou d’échange, car si ces opérations entraînent souvent des collisions, les administrateurs sont intéressés à la vente ou à l’échange, tandis que la masse de la commune a des intérêts opposés. Alors les informations sont de la plus grande nécessité. Je demande donc que la chambre adopte l’amendement de M. Pirson restreint aux paragraphes 1 et 6.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne peux pas laisser passer sans réponse l’opinion émise par l’honorable préopinant que les dispositions existantes sur la matière seraient abrogées par la loi actuelle. D’après l’article que nous avons voté hier, il n’y a que les dispositions contraires à la loi qui sont abrogées. J’ai dû faire cette remarque. Au reste, je ne m’oppose pas à ce que l’amendement restreint aux deux dispositions indiquées soit adopté.
Mais quant au paragraphe 2 de l’article 74, il est essentiel qu’on s’entende sur ce point qu’il n’abroge aucune des dispositions existantes.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est incontestable que les dispositions des règlements actuels qui prescrivent les informations n’existeront plus par le fait seul de la promulgation de la loi actuelle. Car si tout l’arsenal des anciennes lois et des règlements concernant l’administration communale ne tombe pas après la promulgation de la loi actuelle, je ne sais pas pourquoi nous discutons des mois entiers pour faire ce que d’autres appellent une bonne loi, et que je regarde, moi, comme une très mauvaise loi communale.
Vous avez admis des dispositions diverses pour l’administration de la commune : dans certains cas, c’est l’autorité provinciale qui décide seule ; dans d’autres, elle intervient, et dans d’autres enfin vous faites intervenir le pouvoir royal. Vous autorisez le pouvoir exécutif à demander une investigation toutes les fois qu’il le jugera convenable. Il est évident qu’un article semblable abroge toutes les dispositions des règlements antérieurs, qui ordonnaient des informations. Si on trouve que dans certains cas ces informations sont nécessaires, il faut admettre la proposition de la section centrale, sous peine de ne plus en avoir que sous le bon plaisir du gouvernement.
J’appuie donc la proposition de la section centrale, et si elle est écartée, je voterai pour l’amendement de M. Pirson que je préfère à rien du tout.
Je demande donc la priorité pour la proposition de M. Dechamps, modifiée par la section centrale.
M. Raikem. - Je prends la parole pour faire une simple observation sur ce qui vient d’être dit relativement à l’abrogation des lois antérieures. On sait bien que si on prend la proposition dans toute sa généralité, si l’on regarde comme abrogées toutes les lois spéciales aux conseils communaux, cela peut jeter une grande perturbation. Je n’ai pas toutes ces lois présentes à la mémoire ; je prie donc M. le ministre de me donner des éclaircissements à cet égard.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous avez différentes dispositions relatives à l’information ; les unes établies par des lois, d’autres par des règlements d’administration générale. Mais il est bien évident que la loi communale qui est une loi de principe n’abroge pas les lois spéciales aux différents travaux dont les conseils communaux sont chargés. C’est ainsi que les règlements des villes et du plat pays ne sont pas obstatifs aux lois antérieures qui régissent spécialement diverses matières en rapport avec les administrations communales.
Je n’ai pas d’objection à faire à l’amendement de M. Pirson, si ce n’est que je demande que l’information précède la délibération du conseil communal. Car il vaut mieux que la réclamation soit faite avant que le conseil communal soit engagé par sa délibération.
M. Pirson. - Je crois satisfaire toutes les opinions par une nouvelle rédaction : « Les délibérations sont précédées d’une information de commodo et incommodo, toutes les fois que le gouvernement le juge convenable, et dans tous les autres cas où elle doit avoir lieu d’après les lois et les règlements actuellement en vigueur. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Cela me satisfait.
- L’amendement de M. Pirson est ajourné au second vote.
M. Gendebien. - Je demande la division de l’article en discussion, car je ne saurais admettre la seconde partie.
- La première partie de l’amendement, est rejetée ; le second paragraphe tombe de lui-même.
M. Dumortier, rapporteur. - Je déclare faire mienne la première proposition de l’honorable M. Pirson, s’il y renonce.
M. Pirson. - Je pense que mon amendement peut très bien se placer ici. L’article 74 du gouvernement est remplacé par l’article 73 de la section centrale ; eh bien, je propose pour amendement à l’article 73 qui a été adopté, ma dernière rédaction.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai tenu note de l’amendement adopté par la chambre.
« Les délibérations sont précédées d’une information toutes les fois que le gouvernement le juge convenable. »
M. d'Hoffschmidt. - Je crois que le nouvel amendement de M. Pirson ne rentre pas dans son idée comme le premier. Dans bien des cas les informations restent facultatives, et lui veut les rendre obligatoires ; il le veut en cas d’aliénation et dans la nouvelle rédaction l’enquête serait toujours facultative d’après le second paragraphe.
Je prie M. Pirson de retirer son second amendement, de s’en tenir au premier, qui demande une information dans les cas de vente et dans les cas importants. Il ne faut pas alors que l’information soit seulement facultative. Il a voulu lever une difficulté en présentant son second amendement, mais il n’avait pas remarqué que le premier offre plus de garanties.
M. Pirson. - Que l’on adopte l’un ou l’autre de mes amendements, cela m’est indifférent ; mon but sera rempli.
M. le président. - L’amendement de M. Pirson ne peut être mis en délibération que lors du second vote sur la loi communale ; car, au procès- verbal que j’ai sous les yeux, il n’est fait, à l’article 74, aucune réserve pour ces amendement.
M. Dumortier, rapporteur. - On confond l’article 74 du projet du gouvernement avec l’article, 74 du projet de la section centrale,
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On pourrait adopter le principe de l’amendement primitif de M. Pirson, puis on l’ajouterait à l’article 74, lors du second vote, M. d’Hoffschmidt l’a sous-amendé ; on le perfectionnerait encore s’il y a lieu.
M. Dumortier, rapporteur. - L’article 74 du projet du gouvernement est clos, on ne peut rien y ajouter. L’article 74 du projet de la section centrale n’a été voté qu’en faisant une réserve pour les amendements en discussion. L’article 74 du projet de la section centrale correspond à l’article 76 du gouvernement. Quand on eut voté trois paragraphes de l’article 76 de la section centrale, MM. Pirson, Dechamps déposèrent leurs amendements ; on les renvoya à la section centrale ; c’est d’après son rapport que vous délibérez
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - D’accord ; on peut délibérer sur l’amendement de M. Pirson et l’ajouter à l’article 74 correspondant à l’article 76 du projet du gouvernement.
M. Raikem. - Si j’ai bien compris ce qu’a dit un honorable préopinant, de la seconde disposition de l’article 74 du projet du gouvernement, il résulterait que dorénavant les enquêtes ordonnées par les règlements spéciaux, par les lois spéciales, ne seraient plus applicables dans les cas prévus par ces règlements et par les lois ; que le gouvernement aurait simplement la faculté d’ordonner les enquêtes. Je crois que c’est là une erreur.
Il est de principe qu’une loi générale ne déroge point à une loi spéciale, à moins qu’elle ne soit contraire à cette loi spéciale ; or, c’est ce que je ne trouve pas ici.
En disant que « le gouvernement fera précéder d’une information quand il le jugera convenable, » je ne vois pas qu’il soit délié dé l’obligation de faire observer les règlements ou les lois qui prescrivent telle ou telle information dans des cas donnés. (Marques d’adhésion.)
Il me semble, je le répète, que nous n’avons point délié le gouvernement des obligations qui lui sont imposées dans des circonstances particulières. Seulement nous lui avons accordé une faculté dans le cas où l’information ne serait pas obligatoire.
J’ai cru devoir vous soumettre cette observation.
M. d'Hoffschmidt. - Il est de principe, dit-on, que les lois générales n’abrogent pas les lois spéciales : je ne contesterai rien à l’honorable M. Raikem ; je n’agiterai pas des questions de droit avec un jurisconsulte aussi distingué ; je vous ferai seulement remarquer qu’il s’est exprimé avec doute ; eh bien, puisqu’il lui semble que le gouvernement n’est pas délié des obligations qui lui sont imposées, j’ai pu, moi, également élever des doutes sur la portée de la question dont il s’agit.
M. Gendebien. - Il n’y a pas de doute ; la chose est claire.
M. d'Hoffschmidt. - On dit cependant : « toutes les fois que le gouvernement le juge convenable ; » ainsi quand il ne le jugera pas convenable, il n’y aura pas d’information. Pour entendre la loi dans ce sens, il ne faut que savoir le français. Il me paraît que c’est plutôt là une question de bon sens qu’une question de droit, et il me semble qu’il ne faut pas être jurisconsulte pour la juger.
M. Raikem. - Je ne sais pas si je me suis exprimé d’une manière dubitative : j’ai exprimé ma pensée et j’ai dit qu’elle était contraire à celle de l’honorable préopinant.
M. Gendebien. - Il n’y a rien de douteux dans les théories exposées par l’honorable M. Raikem.
M. le président. - L’amendement de M. Pirson est ainsi conçu :
« L’information sera toujours ordonnée dans les cas prévus par les paragraphes 1er et 6 du présent article ou du précédent article. »
- Cet amendement mis aux voix est adopté après avoir subi trois épreuves par assis et levé.
La séance est levée à 4 heures et demie.