(Moniteur belge n°338, du 4 décembre 1834)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. Brixhe procède à l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. Brixhe fait connaître l’objet des pétitions suivantes :
« Trois victimes des journées de septembre demandent le paiement de l’indemnité qui leur revient. »
« Six experts du cadastre demandent le paiement des indemnités qui leur sont acquises. »
« Plusieurs fermiers de la commune de Wervicq demandent la suppression du droit d’entrée sur les tourteaux de graine grasse. »
« Le sieur E. Petit, ex-portier de l’hôpital militaire, se plaint de sa destitution et dénonce de prétendus abus exercés par le directeur de cet établissement. »
M. le président. - La chambre continue la discussion de l’article 105 du projet de la section centrale (100 et 101 du projet du gouvernement) et des amendements y relatifs. Voici le texte de ces articles et amendements :
« Art. 100 (projet du gouvernement). Dans les communes de 3,000 habitants et au-dessus, le Roi nomme et révoque les secrétaires.
« Dans les autres communes les secrétaires sont nommés et révoqués par les gouverneurs au nom du Roi. »
« Art. 101. Les nominations se font sur une liste de deux candidats, présentés par le conseil municipal, auxquels le collège des bourgmestre et échevins pourra en ajouter un troisième. »
« Art. 105 (projet de la section centrale). Le secrétaire est nommé et révoqué par le conseil de régence ; la durée de ses fonctions est de six ans.
« Néanmoins, dans les communes de 2,000 habitants et au-dessous, ces nominations devront être approuvées par la députation provinciale.
« La première nomination des secrétaires est laissée au gouvernement. »
Amendement de M. Legrelle :
« Le secrétaire est nommé, suspendu ou révoqué par le conseil communal.
« Néanmoins ces nominations et révocations devront être approuvées par la députation provinciale. »
Amendement de M. H. Dellafaille :
« Je propose de supprimer au deuxième paragraphe les mots : Dans les communes de 2,000 habitants et au-dessous. »
Sous-amendement de M. Donny :
« Je propose d’ajouter au deuxième paragraphe du projet de la section centrale, après les mots : Ces nominations, ceux : et révocations. »
Article additionnel proposé par M. H. Dellafaille :
« Les places de secrétaire de deux ou plusieurs communes rurales avoisinantes peuvent, si la députation provinciale le juge nécessaire, être confiées à la même personne qui, dans ce cas, est tenue d’habiter de fait l’une de ces communes. »
M. Jullien. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour résumer aussi brièvement que possible la discussion qui a eu lieu, dans la séance d’hier.
La question est de savoir : 1° si l’on abandonnera au Roi la nomination et la révocation des secrétaires de régence ; c’est le système présenté par le gouvernement ; 2° si au contraire les régences auront la nomination exclusive de leur secrétaire ; c’est le système de la section centrale ; 3° si la régence aura la nomination du secrétaire sous l’approbation de la députation provinciale ; cette dernière combinaison a été, je crois, proposée par l’honorable M. Legrelle.
Je vais examiner ces trois systèmes l’un après l’autre. Et d’abord il me semble qu’avant de savoir de quelle manière aura lieu la nomination du secrétaire, il importe de savoir quelle est la nature de ses fonctions. Les fonctions de secrétaire de régence sont incontestablement d’assister à toutes les séances du collège et du conseil communal, de rédiger le procès-verbal de ces séances. Le secrétaire de la commune a la garde du sceau de la commune et de ses archives, la surveillance des bureaux et employés de la commune.
Voilà en quoi consistent les attributions du secrétaire ; je ne crois pas qu’on puisse y en ajouter d’autres. Néanmoins ces attributions suffisent pour constituer, dans les grandes villes surtout, une place assez importante, à laquelle il est bon d’attacher une certaine considération et autant d’indépendance qu’elle comporte.
De toutes les combinaisons proposées, la plus mauvaise, à mon avis, est celle qui attribue exclusivement aux régences le choix du secrétaire ; je vais en dire la raison.
Vous abandonnez exclusivement aux régences le droit de nomination et de révocation du secrétaire, vous allez placer ce fonctionnaire dans la position d’avoir à chaque instant à craindre pour sa place. Sans doute dans la discussion, le principe du choix direct du bourgmestre par la régence peut très bien se soutenir ; mais dans la pratique c’est bien différent. Si vous donnez exclusivement à la régence le droit dont il s’agit, les secrétaires seront sous la domination absolue du bourgmestre ou de tel membre du collège plus ou moins influent sur la régence ; pour se rendre favorable, soit le bourgmestre, soit ce membre influent, il sera obligé de recourir à des complaisances contraires à ses devoirs ; c’est ainsi qu’il achètera le maintien de sa place. Le secrétaire sera ainsi dans une position équivoque, et se trouvera disposé à obéir aux ordres, quels qu’ils soient, du bourgmestre. A mon avis, il n’y avait pas d’autre moyen de sauver les embarras de la position que de laisser au Roi la nomination et la révocation du secrétaire, il n’y aurait pas à balancer : pour moi, je n’hésiterais pas ; mais, messieurs, il y a un autre moyen.
Faut-il donner le droit de nomination et de révocation du secrétaire au Roi, ou au gouverneur au nom du Roi, ainsi que le propose le gouvernement ? Je ne le pense pas ; car vous voyez qu’il n’y a rien de commun entre les fonctions de secrétaire de régence et le gouvernement. Le secrétaire de régence est l’homme de la régence, l’homme de la commune ; il est salarié par la commune, et n’a aucun point de contact direct ou indirect avec le gouvernement.
Si le gouvernement est chargé de la nomination de ce fonctionnaire, que résultera-t-il ? Qu’il se croira d’une origine plus noble que les membres du conseil communal. Car beaucoup de gens ne peuvent pas s’habituer à la souveraineté du peuple, et trouvent dans l’investiture royale plus de solennité et de dignité que dans l’élection populaire. Dans ce cas ces fonctionnaires, quoique salariés par la commune, seraient indépendants vis-à-vis d’elle ; ils ne seraient dépendants que du gouvernement qui les aurait nommés ; comme le disait, dans la séance d’hier, un honorable membre, ce seraient de petits tyranneaux, ou s’ils n’avaient pas une telle influence, ce seraient des surveillants, des espions pour le compte du gouvernement. Pour le secrétaire non plus que pour la régence, cette position ne serait pas tenable.
S’il y a des inconvénients à ce que la nomination du secrétaire émane de la régence seule il faut que la députation provinciale y concoure ; mais cela ne doit pas sortir du cercle des attributions communales et provinciales. Je ne crois pas qu’il soit possible, sans dévier des principes constitutifs de la commune, de donner le droit de nomination et de révocation du secrétaire au Roi, ou au gouverneur de la province au nom du Roi.
On a parlé d’une première nomination par le Roi, tout en laissant à la régence le droit de révocation. Cette proposition de la section centrale me paraît être une anomalie. Des administrations de régence nommeraient et révoqueraient des secrétaires dont la première nomination appartiendrait au Roi. Si donc le gouvernement nommait une première fois un secrétaire qui ne convînt pas à la commune, celle-ci, usant de son droit, révoquerait un secrétaire qui aurait été nommé la veille par le gouvernement ; il ne faut pas exposer le gouvernement à se trouver dans une telle position vis-à-vis la plupart des communes du royaume.
Je crois donc qu’il faut abandonner le système de la nomination directe et absolue par la régence, comme aussi celui de nomination et de révocation par le Roi.
Le système mixte proposé, je crois, par MM Legrelle et Dellafaille, me paraît le meilleur ; ce serait de faire nommer le secrétaire par la régence sous l’approbation de la députation provinciale, ou, si vous le préférez (car à cet égard mon opinion n’est pas tout à fait formée), faire nommer le secrétaire par la députation provinciale sur la présentation d’une liste triple de candidats faite par la régence. Il est possible que ce dernier système vaille encore mieux ; j’en ferai peut-être l’objet d’un amendement que je présenterai tout à l’heure.
Ainsi tous les inconvénients qu’on pouvait craindre seraient sauvés. Le secrétaire de régence ne serait plus indépendant de la commune qui le paie ; il ne serait plus affranchi des égards de la soumission qu’un inférieur doit à son supérieur. Il n’aurait plus à redouter les petites passions de localité ; son sort aurait toute l’indépendance que comporte sa position.
D’après ces principes, je voterai pour l'amendement proposé par M. Legrelle ; ou peut-être, après avoir entendu d’autres orateurs, présenterai-je un amendement dans le sens que je viens d’indiquer.
M. de Man d’Attenrode. - Dans la séance d’hier, plusieurs honorables collègues nous ont communiqué leurs opinions sur la nomination des secrétaires communaux. Des amendements ont été présentés : je me bornerai à vous dire la mienne sur ceux qui me paraissent avoir le plus de chances de succès.
Dans le système présenté par MM. Legrelle et Dellafaille, les secrétaires sont nommés et révoqués par le conseil communal. M. Legrelle donne la confirmation de cette nomination et de cette révocation à la députation provinciale. M. Dellafaille ne fait mention que de la nomination ; ces deux amendements me semblent avoir bien des inconvénients. Le conseil communal nomme, la députation approuve ; cela paraît d’abord fort bien combiné, mais je ne pense pas qu’il en soit ainsi. D’abord si la députation ne ratifie pas le choix du conseil, quel désagrément pour le candidat, dont la nomination aura été publique ! Ce système amènera après soi l’aigreur et la division dans les communes.
Je trouve aussi de l’inconvénient dans l’initiative de la révocation décernée au conseil ; car dans ce cas les révocations les plus urgentes n’auront pas lieu. Je connais un conseil qui serait heureux d’être débarrassé de son secrétaire communal, mais qui ne procède pas à cette mesure urgente, parce qu’il craint d’enlever une existence, parce que surtout ses membres craignent de se faire un ennemi. Ce sont des considérations de ce genre qui paralysent sans cesse l’action des administrations locales, et qui leur font déférer à l’autorité supérieure une foule d’actes, quand la loi le permet, afin d’échapper à la responsabilité. Combien de fois n’ai-je pas vu des fonctionnaires communaux attendre et provoquer même un ordre impératif de l’autorité supérieure, afin d’échapper au désagrément de froisser des intérêts ! Pour administrer avec justice, il faut nécessairement encourir le mécontentement de quelques personnes, et il faut beaucoup de courage dans les communes pour remplir ce devoir, parce que tout le monde se connaît et se voit journellement.
Les articles 100 et 101 du projet du gouvernement me paraissent préférables : Le Roi nomme et révoque.
Le conseil présente deux candidats auxquels le collège administratif peut en ajouter un troisième. Il y a là garantie pour l’administration communale que le gouvernement ne lui imposera pas un choix désagréable, et le gouvernement peut, si le service l’exige, révoquer un secrétaire ignorant ou de mauvaise volonté, qui paralyse tout le travail, car il est positif que les secrétaires sont, dans la plupart des localités, la cheville ouvrière de l’administration.
Un honorable député d’Audenaerde a cité hier, pour prouver que les secrétaires nommés par le gouvernement sont souvent de petits tyrans, un fait avancé par M. le ministre des affaires étrangères ; c’était une administration communale, qui avait sollicité un commissaire spécial pour mettre le secrétaire communal à la raison. Comme ce fait s’est passé sous la loi actuellement en vigueur, il dépendait de ce conseil de renvoyer ce secrétaire, elle pouvait le mettre elle-même à la raison ; tout ce que cela prouve, c’est que l’intervention de l’autorité supérieure est nécessaire.
On a aussi fait mention du despotisme d’un gouverneur hollandais, qui imposait ses créatures aux administrations communales ; cela n’est que trop vrai ; mais cet exemple ne me semble pas bien choisi ; nous ne vivons plus sous le joug d’un gouvernement soupçonneux, ombrageux et étranger, qui nous exploitait à son profit, car c’est une administration nationale qui gère nos affaires à présent. J’ai remarqué quelquefois avec peine dans cette enceinte peu de bienveillance pour les agents du pouvoir ; on devrait se rappeler que le pouvoir est l’expression de la volonté du pays, et que ceux qui entrent dans la hiérarchie administrative sont Belges avant tout, et ont à coeur de se faire aimer par leurs administrés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, d’après l’article 100 du projet du gouvernement, dans les communes de 3,000 habitants et au-dessus, le Roi nomme et révoque les secrétaires ; dans les autres communes les secrétaires sont nommés et révoqués par les gouverneurs au nom du Roi. D’après l’article 101 du même projet, les nominations se font sur une liste de deux candidats présentés par le conseil municipal, auxquels le collège des bourgmestre et échevins pourra en ajouter un troisième.
Comme mon but principal est d’assurer aux secrétaires toute l’indépendance compatible avec la nature de leurs fonctions, d’accord avec mon honorable ami le ministre de l’intérieur, j’aurai l’honneur de proposer à la chambre un paragraphe additionnel à l’article 100.
Vous savez que les nominations se font sur une liste de candidats présentés par le conseil communal, auxquels le collège des bourgmestre et échevins peut en ajouter un troisième. Ainsi il n’est pas exact de dire que le conseil communal et le collège restent étrangers à la nomination du secrétaire. Ce sont au contraire ces deux corps réunis qui font la nomination, puisque le Roi ou le gouverneur est obligé de choisir parmi les trois candidats du conseil et du collège de régence.
Il ne reste donc que la question de révocation. Pour la révocation, le secrétaire doit être subordonné à une autorité supérieure. Ce sera le Roi, ou le gouverneur au nom du Roi, qui aura ce droit de révocation, lequel ne peut appartenir à aucune autre autorité.
Voici, messieurs, la disposition additionnelle que je propose :
« Les révocations ne peuvent avoir lieu qu’après que le collège des bourgmestre et échevins aura été entendu, et sur avis conforme de la députation provinciale.
« Le secrétaire inculpé aura un délai de quinze jours, pour fournir par écrit ses moyens de justification. »
Je pense que le secrétaire ne peut pas être arbitrairement révoqué de ses fonctions, et c’est pour ne pas l’exposer à une révocation arbitraire, que j’impose aux gouverneurs l’obligation d’entendre préalablement le collège des bourgmestre et échevins, et de soumettre le tout à la députation provinciale ; encore n’a-t-il le droit de révoquer que si l’avis de la députation est dans ce sens, ainsi que celui des bourgmestre et échevins. Si la députation est d’avis qu’il n’y a pas lieu à révocation, le gouverneur ne peut pas révoquer.
Le dernier paragraphe de ma proposition additionnelle contient une disposition qui est de droit commun ; elle porte que le secrétaire ne pourra pas être révoqué sans avoir été préalablement entendu et pu fournir ses moyens de justification.
Maintenant, messieurs, il me reste à présenter quelques observations sur la question qui nous occupe en ce moment ; en effet, je comprends que la nomination et la révocation du secrétaire de la commune soulèvent des questions qui ne sont pas sans importance. Cette disposition est d’abord d’un haut intérêt pour la commune elle-même ; mais elle intéresse vivement une classe nombreuse et laborieuse de fonctionnaires publics, dont le sort m’a toujours paru digne de fixer votre attention. Elle intéresse en outre le gouvernement lui-même.
En effet, messieurs, il est incontestable que, dans une foule de communes, le secrétaire, quoiqu’il ne soit pas investi d’un caractère officiel à cet égard, est le véritable agent chargé de veiller à l’exécution des lois ; que sans le secrétaire l’exécution des lois n’aurait pas lieu, ou tout au moins qu’elle ne se ferait pas d'une manière uniforme, dans les délais prescrits, en un mot dans l’intérêt des habitants eux-mêmes.
Si dans la discussion qui nous occupe on ne s’attachait qu’à garantir une seule des autorités intéressées, aux dépens des deux autres, ou en les perdant de vue, évidemment on commettrait une erreur ; c’est cette erreur qu’il importe d’éviter. Il faut, messieurs, chercher à concilier les garanties dues à l’intérêt de chacun ; et si nous examinons la question froidement et sans prévention, nous tomberons bientôt d’accord ; car tous ces intérêts se confondent.
En effet que doit désirer la commune ? Etre administrée avec sagesse et justice ; que les affaires s’expédient bien, avec régularité et promptitude.
Quel est l’intérêt du secrétaire du collège communal ou de celui qui, après avoir rendu des services à la commune, aspire à devenir secrétaire ? Pour ce dernier son intérêt est de trouver dans le mode de nomination la garantie que les services par lui rendus à la commune ne seront pas perdus de vue ; qu’on lui tiendra compte de sa probité, de son zèle, de sa capacité. Pour celui qui est secrétaire, son intérêt est de trouver dans le mode de révocation une garantie suffisante contre l’esprit de coterie, contre l’intrigue, la lutte des partis et surtout contre l’esprit de népotisme, de favoritisme qui se manifeste si souvent dans les communes de peu d’étendue.
Quel est maintenant l’intérêt du gouvernement ? Il n’est pas autre évidemment que l’intérêt de la commune et du secrétaire. Si vous faites une bonne disposition qui garantisse convenablement les intérêts de la commune et du secrétaire, vous aurez fait une disposition conforme à l’intérêt du gouvernement qui se compose de ces deux intérêts combinés.
Mais il s’agit de voir quel moyen il y a d’arriver à ce résultat, comment on arrivera dans l’intérêt de la commune à obtenir une expédition bonne, prompte, régulière, impartiale des affaires. Or, évidemment ce résultat ne peut être atteint que d’une manière, c’est-à-dire, en ayant un secrétaire laborieux, instruit, probe, et qui apporte du zèle dans l’exercice de ses fonctions.
Les connaissances théoriques et pratiques qui sont nécessaires à un secrétaire pour qu’il puisse s’acquitter honorablement de ses fonctions, ne sont pas assez appréciées ; ces connaissances, messieurs, ne s’acquièrent pas en un jour. C’est pour cela que les fonctions de secrétaire ne sont pas comme celles du bourgmestre purement honorifiques, et que l’on occupe, pour ainsi dire, en passant. Les fonctions de secrétaire, comme le disait un honorable membre dans la séance d’hier, constituent une véritable carrière, un état, une profession, et qui commence presque toujours par un apprentissage plus ou moins long, plus ou moins pénible, et souvent dispendieux pour celui qui l’embrasse.
Dès lors il me semble de toute justice que celui qui, après plusieurs années de travail, arrive à la place de secrétaire (laquelle est pour sa carrière le sommet de l’échelle administrative), ne puisse pas être privé de sa place par des motifs frivoles, et qu’il trouve dans l’accomplissement de ses devoirs, dans le zèle qu’il met à les remplir, une garantie suffisante contre l’intrigue, la cabale et le triomphe momentané d’un parti.
Toutes les garanties qu’on réclame dans l’intérêt du secrétaire, sont requises dans l’intérêt de la commune même, parce qu’au moyen des garanties relatives à la nomination données à celui qui se destine à la carrière de secrétaire, et des garanties relatives à la révocation données à celui qui occupe les fonctions de secrétaire, on déterminera des hommes capables à suivre cette carrière, et qu’avec un bon secrétaire, un homme capable, l’assurance d’une bonne administration sera donnée à la commune.
Un honorable député d’Anvers, dans la séance d’hier, a proposé un amendement d’abord ainsi conçu : « Je propose, dit-il, de rédiger l’article 105 de la manière suivante : Le secrétaire est nommé, suspendu ou révoqué par le conseil communal. » Vous voyez que d’après cet amendement, le secrétaire était entièrement subordonné à l’administration communale. L’administration communale le nommait sans être obligée de suivre aucune règle pour la nomination, le suspendait sans rendre compte à personne des motifs de la suspension, et le révoquait encore sans devoir rendre compte à personne de sa décision.
Vous voyez que cette disposition faisait des secrétaires des communes une espèce de parias administratifs entièrement livrés aux caprices des administrations communales. Indépendamment de cela…
M. Legrelle. - M. le ministre est dans l’erreur.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’amendement de l’honorable député d’Anvers était d’abord conçu de cette manière.
M. Legrelle. - Je vous en demande pardon, j’avais maintenu le 2ème paragraphe de l’article.
Je prie M. le président de vouloir bien rectifier l’erreur de M. le ministre des affaires étrangères.
M. le président. - L’amendement de M. Legrelle était ainsi conçu :
« Le secrétaire est nommé, suspendu ou révoqué par le conseil communal.
« Néanmoins ces nominations et révocations devront être approuvées par la députation provinciale. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Au moins la suspension est entièrement abandonnée à l’administration communale. Je suis persuadé que cette proposition, qui me paraît très mauvaise, a été faite par M. Legrelle de très bonne foi et dans les meilleures intentions. Il est probable que si j’avais été à sa place, si j’avais été bourgmestre d’Anvers, trop dominé par des préoccupations locales, j’aurais fait la même proposition. C’est, messieurs, que pour faire de bonnes dispositions législatives sur la matière qui nous occupe, il faut se dépouiller de toute espèce de préoccupations locales.
En effet, plusieurs d’entre nous sont bourgmestres dans les localités qu’ils habitent. Une disposition conforme ou analogue à celle proposée par le député d’Anvers n’aurait aucun inconvénient dans ces localités. Je suis convaincu que celle présentée par l’honorable M. Legrelle ne donnerait lieu à aucun abus dans la ville d’Anvers. Mais pourquoi n’en résulterait-il pas d’abus dans les localités soumises à votre administration ? Pourquoi ? La raison est très simple. C’est que par vos lumières et par votre expérience des affaires administratives, par l’influence dont vous jouissez, vous pouvez empêcher que les administrations locales n’abusent de cette disposition. Mais conclure de ce que cette disposition peut être très bonne à Anvers et dans plusieurs autres localités, qu’elle doit être bonne en général, serait commettre une faute extrêmement grave.
Si j’ai fait quelques observations sur la proposition de l’honorable M. Legrelle, c’est pour arriver à ce résultat ; qu’en cette matière il faut se dépouiller de toutes préoccupations locales. Nous faisons des dispositions générales. Il ne suffit pas qu’elles soient bonnes dans telle ou telle localité, pour qu’elles puissent être adoptées pour toutes.
Je suis convaincu que le projet dont nous nous occupons est entaché d’un vice originel, et qu’il n’y a pas possibilité de faire une bonne loi en cette matière, sans avoir égard à la population, à l’importance et au degré de civilisation d’une foule de localités ; qu’il est très difficile de faire une disposition qui puisse s’appliquer à la fois aux grandes villes et aux communes rurales.
Un honorable député qui dans la séance d’hier a combattu avec force, et, je l’avoue même volontiers, avec talent, le projet du gouvernement, s’est emparé d’un argument que j’avais présenté dans une séance précédente à propos du droit qu’un article additionnel de la section centrale conférait au gouvernement d’envoyer, en certains cas, des commissaires spéciaux dans les communes. J’ai dit en effet qu’il était arrivé et qu’il arrivait assez fréquemment, dans les communes rurales, que les administrations communales sollicitassent avec instance l’envoi d’un commissaire spécial lorsque les secrétaires ou receveurs communaux restaient en retard à remplir les devoirs de leur charge. Cela était même arrivé dans une localité que je connais.
De là, l’honorable député d’Audenaerde a conclu qu’il fallait conférer aux administrations communales le droit de révoquer les secrétaires. Mais il est à remarquer que le cas auquel j’ai fait allusion, s’est présenté sous l’empire du décret du gouvernement provisoire du 8 octobre 1830. En vertu de ce décret qui nous régit encore, les communes ont le droit de révoquer leur secrétaire. Ainsi, on ne pouvait pas induire de l’exemple cité, que le droit de révocation était presque toujours une arme inutile dans les mains de l’administration communale. Je dis que ce droit de révocation est presque toujours une arme inutile entre les mains de l’administration communale.
En effet, c’est que le secrétaire ne néglige ses fonctions que quand il est parvenu à dominer l’administration communale de telle manière qu’il ne craint de sa part ni révocation ni suspension.
Messieurs, ce droit de révocation est, entre les mains de l’administration municipale, non seulement une arme inutile, mais une arme dangereuse, parce qu’en conférant le droit de révocation aux communes, vous soustrayez le secrétaire communal à l’action et à la surveillance de l’autorité supérieure.
Un honorable député a cité un exemple très frappant ; il a signalé un secrétaire chargé de la tenue des actes de l’état-civil, qui a négligé pendant plusieurs mois d’inscrire un seul acte sur ses registres. Par sa coupable négligence, il a non seulement compromis l’existence d’une foule de familles, mais encore la personne et la fortune de l’officier de l’état-civil membre du collège des bourgmestre et échevins. Ce secrétaire fut dénoncé, et cependant aucune mesure de révocation ou de suspension ne fut prise contre un secrétaire aussi coupable.
Je vous le demande, messieurs, si la suspension ou la révocation de ce secrétaire avait dépendu de l’autorité supérieure, n’aurait-il pas encouru la peine qu’il avait méritée à si juste titre ? Mais, si cette subordination avait existé, il est probable que le secrétaire eût été plus exact ; car, se trouvant dans la dépendance d’une autorité qui n’était pas sur les lieux, avec laquelle il eût été moins en rapport, il eût rempli ses devoirs avec plus d’exactitude, et n’aurait pas commis une pareille négligence.
Je vous l’ai déjà dit, d’après l’arrêté du 8 octobre 1830 qui nous régit encore, les secrétaires sont nommés et peuvent être révoqués par l’autorité communale ; ce système qui a été préconisé par plusieurs honorables préopinants dans la séance d’hier n’est pas nouveau. Ce système a été soumis à l’épreuve, et je demanderai à tous ceux qui ont quelque habitude des affaires administratives, qui ont occupé un poste quelconque dans l’administration de 1830, si, sauf quelques honorables exceptions qui ont toujours lieu dans tous les cas, dans quelques communes, je leur demanderai, dis-je, si en général l’essai a produit d’heureux résultats. Je crois, messieurs, pouvoir répondre négativement, et dire qu’en général cet essai, loin d’avoir été heureux a été désastreux pour les communes. Je répète que je ne fais ici aucune application, parce qu’avec toutes les lois, quelque mauvaise qu’elles soient, vous aurez de bons résultats dans certaines localités.
Vous savez aussi, messieurs, que d’après l’arrêté du 8 octobre, les receveurs communaux étaient nommés par l’autorité supérieure, mais sur présentation de la régence. A cette époque, je remplissais avec un honorable membre qui siège dans cette enceinte les fonctions de commissaire provincial dans la Flandre occidentale ; nous résolûmes, à moins de motifs extrêmement graves, de renommer les anciens receveurs pourvu qu’ils fussent au nombre des candidats. Quatre années d’expérience m’ont convaincu que cette mesure, qui n’a pas été exempte de critique à l’époque où elle fut prise, avait été extrêmement utile à l’administration, dans l’intérêt des communes, parce qu’on avait maintenu en fonctions des hommes qui par une expérience plus ou moins longue avaient acquis les connaissances pratiques nécessaires pour occuper convenablement leurs fonctions.
Il me semble, messieurs, que les articles 100 et 101 du projet du gouvernement, combinés avec l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer, concilient autant que possible tous les intérêts. En effet, pour la nomination vous avez d’abord le concours du conseil et le concours du collège des bourgmestre et des échevins. Le conseil présente deux candidats ; le collège, s’il le trouve utile, en ajoute un troisième, et le gouvernement est obligé de choisir le secrétaire parmi les trois candidats proposés.
Eh bien, dans cette disposition, qui a le plus d’influence dans la nomination du secrétaire ? N’est-ce pas évidemment le conseil communal et le collège du bourgmestre et des échevins, puisqu’ils proposent trois candidats et forcent à choisir parmi ces candidats ?
La révocation laisse peut-être quelque chose à désirer parce qu’on l’abandonne, pour ainsi dire, d’une manière trop arbitraire à l’autorité supérieure. D’après l’amendement que j’ai déposé je vous propose de faire intervenir également le conseil communal et le collège du bourgmestre et des échevins, et aussi de faire intervenir la députation des états, parce que, selon le libellé de mon amendement, il faut, pour la révocation, l’avis conforme des états.
Nous avons, par ces dispositions, concilié tous les intérêts. Nous avons fait à la commune une large part, puisqu’elle a droit de présentation et que le gouvernement est obligé de choisir parmi les hommes présentés.
Dans la révocation vous aurez fourni au secrétaire toutes les garanties compatibles avec la nature de ses fonctions ; car il aura un délai de 15 jours pour produire ses moyens de justification. Quand le conseil communal et le conseil du bourgmestre et des échevins auront été entendus, après toutes les formalités, l’affaire sera portée devant la députation des états ; celle-ci examinera, jugera ; et ce n’est qu’autant qu’elle opinera pour la révocation qu’on pourra la prononcer.
Un honorable membre, M. Legrelle, avait proposé dans son amendement cette disposition : « Néanmoins ces nominations et révocations devront être approuvées par la députation provinciale. » Je vous avoue que je ne puis admettre l’amendement, en supposant même qu’on posât en principe que la nomination est faite par le conseil communal ou de régence. On vous déjà fait remarquer qu’une nomination qui doit être approuvée est une très mauvaise chose ; car alors il vaut beaucoup mieux ne pas nommer. En effet, si celui qui est nommé n’est pas confirmé par le conseil des états, c’est une espèce de honte, c’est une chose désagréable pour lui. Evidemment il est préférable de présenter des candidats et de laisser la députation choisir.
Quant à la révocation, les mêmes inconvénients existent : je ne crois pas qu’on puisse faire révoquer le secrétaire par le conseil communal et abandonner ensuite à la députation des états le droit de confirmer ou d’infirmer la décision. Soit qu’il s’agisse de nomination ou de révocation si le conseil des états députés ne confirme pas, il porte attente, pour les nominations, et à l’autorité qui a nommé et à celui qu’elle a choisi, et pour les révocations, à l’autorité du conseil communal ou de régence.
Voilà les motifs qui me déterminent à voter contre l’amendement de M. Legrelle.
Quant à l’amendement proposé par l’honorable député de Bruges, il me présente également plusieurs inconvénients. Si vous laissez la nomination aux députations, vous n’aurez pas assez de garantie que la volonté de la commune sera respectée. Vous aurez bien plus de garanties lorsque la nomination émane du gouverneur, d’après une liste de candidats.
Supposons que la commune présente trois candidats ; elle peut désirer que l’un d’eux ait la préférence ; or, elle peut être assurée que, si le gouverneur choisit, le premier candidat qu’elle aura désigné sera nommé. La commune n’aura pas la même garantie si la nomination se fait par plusieurs personnes ou par les états députés ; car elle se fera à la majorité des voix.
Telles sont les raisons qui me font désirer que la nomination et la révocation se fassent par les gouverneurs ; en assurant toutefois, pour la nomination, une large part à la commune par la présentation des candidats, et en assurant au secrétaire, dans le cas de révocation, toutes les garanties qu’il peut raisonnablement désirer.
M. le président. donne ici lecture de l’amendement présenté par M. le ministre des affaires étrangères (voir plus haut) ; il donne ensuite lecture de l’amendement déposé par M. Jullien sur le bureau. Cet amendement est ainsi conçu :
« Le secrétaire de la commune est nommé et révoqué par les états députés.
« La nomination se fait sur une liste de trois candidats, dont deux présentés par le conseil communal et le troisième par le collège des bourgmestre et échevins.
« La révocation a lieu, soit sur la plainte du conseil communal, soit sur celle des habitants, soit d’office par le collège des états députés. Dans tous les cas elle doit être motivée. »
M. Jullien. - D’après ce que j’ai dit précédemment, les motifs de cet amendement sont suffisamment développés ; je ne prendrai la parole que pour faire remarquer à la chambre que l’honorable préopinant, M. le ministre des affaires étrangères, qui est entré dans de très longs détails sur la matière, n’a cependant pas répondu au principal argument.
J’ai demande ce qu’il y avait de commun entre un secrétaire de régence communale et le gouvernement ; quels points de contact il pouvait y avoir entre cet employé et le gouvernement ? A cela, je le répète, on n’a pas répondu. Pourquoi ? C’est parce qu’il est impossible de répondre. Je ne vois pas quelle autorité le gouvernement peut prendre sur ce fonctionnaire, si ce n’est au préjudice de la commune, et pour lui faire exercer l’espionnage qui, souvent, n’est pas dans le caractère du secrétaire, ni dans l’intérêt communal.
Quand j’ai proposé la nomination par les états députés, j’ai fait sentir les inconvénients de la nomination directe par les communes. La province est la tutrice de la commune : lorsque la commune est censée ne pas bien gérer ses propres affaires, elle doit s’adresser à son tuteur naturel, la province : ainsi la province tient lieu de conseil à la commune, et je ne vois pas pourquoi on remonterait plus haut, ou au gouvernement.
L’honorable ministre des affaires étrangères vous a dit qu’il ne croyait pas que la volonté des communes fût aussi bien remplie en donnant la nomination ou la révocation des secrétaires aux états députés, qu’en la donnant aux gouverneurs ; mais qui, dans une commune, connaît le mieux les hommes intelligents, laborieux, intègres, les hommes capables de remplir une fonction communale ? Evidemment les hommes mêmes de la commune, les membres du conseil communal ou de régence. Si on veut prendre des informations plus élevées, plus étendues sur l’individu qui se présente, qui les donnera ? Evidemment les notabilités de la province, les membres du conseil de la province qui par leurs relations nombreuses et directes sauront si telle personne est apte à bien remplir les fonctions de secrétaire.
Comment le gouvernement peut-il, lui, juger de la capacité des candidats ? Par les renseignements que lui donnent ses agents. Autour de chaque ministère, quand il y a une place vacante, il se forme un cercle d’intrigants ; le gouvernement ne peut être éclairé sur les individus qui l’obsèdent, que par les gouverneurs ; d’où il suit que ce seront les gouverneurs qui nommeront en définitive les secrétaires des communes. Ne vaut-il pas mieux faire faire cette nomination par la province ? Rendez à la commune ce qui appartient à la commune, et à la province ce qui appartient à la province ; il n’y aucune affinité entre le gouvernement et la commune.
Il me semble qu’en donnant le pouvoir de révocation aux états provinciaux, cette révocation ne peut être prononcée arbitrairement, puisqu’il faut qu’elle soit provoquée soit par la plainte du conseil de la commune, soit par le collège communal, soit par les habitants, et que de plus il faut qu’elle soit toujours motivée. Vous ne pouvez pas prononcer un arrêt sévère contre un fonctionnaire, le flétrir, peut-être, sans lui dire pourquoi.
On dira peut-être que la révocation motivée fera plus de tort que de bien à celui qui en sera l’objet. Messieurs, de deux choses l’une : ou bien le secrétaire révoqué a commis dans l’exercice de ses fonctions un délit, et je ne vois pas pourquoi on le ménagerait plus que tout autre coupable ; ou bien il y a de sa part inconduite notoire, et alors il est indifférent pour lui qu’on le dise, puisque tout le monde le sait.
Je préfère la révocation motivée à ces révocations clandestines, et dont bien souvent on n’oserait pas même avouer les prétextes.
M. Legrelle. - Messieurs, je demande la parole pour une motion d’ordre. Vous voyez que trois systèmes sont actuellement en présence : la nomination par le Roi, par les états députés et par le conseil de régence. Pour que la discussion puisse être plus courte, je m’empare d’une proposition qui fut faite, il y a quelques jours, par l’honorable M. Jullien, et qui avait pour motif de discuter le principe avant les détails. Il me semblerait plus méthodique de fixer d’abord par qui seront nommés les secrétaires, soit par le gouvernement, soit par les états députés, soit par le conseil de régence.
M. Dumortier, rapporteur. - Je vous ferai observer, messieurs, que la proposition de l’honorable M. Legrelle est inutile et impossible. S’il l’eût faite au commencement de la discussion, je la concevrais ; mais maintenant que cette discussion s’est étendue sur plusieurs points différents, il nous est impossible de ne pas répondre à M. le ministre des affaires étrangères, dont les assertions, je dois le dire, sont à mes yeux de purs sophismes.
M. Legrelle. - Si l’honorable rapporteur de la section centrale croit devoir répondre à M. le ministre des affaires étrangères, je ne m’y oppose pas. Je ne voulais qu’abréger la discussion ; je retire ma motion d’ordre pour la reproduire plus tard.
M. Fleussu. - Messieurs,si nous voulons rester fidèles au principe qui a dominé toute cette discussion, et au système qui vous a forcés de rejeter la proposition du gouvernement et d’accorder la préférence à celles des honorables MM. Legrelle et H. Dellafaille, dispositions que l’on pourrait combiner avec celle de l’honorable M. Jullien, gardons-nous bien de tomber dans les abus que je crois devoir vous signaler en ce moment. A quoi ont tendu tous vos efforts ? A affranchir les communes ; et vous avez voulu aller aussi loin que pouvait le comporter la centralisation actuelle. Pour cela vous avez voulu placer le personnel des administrations communales en dehors de l’action du pouvoir.
Vous avez voulu que le premier magistrat de la commune fût l’homme de la commune et non l’homme du gouvernement. Vous avez voulu que la nomination des échevins ne fût pas à la discrétion du gouvernement, mais qu’elle fût le résultat d’une liste de candidatures. Pour cela vous avez rejeté la proposition du gouvernement, qui voulait s’attribuer la possibilité de dissoudre les conseils communaux. Voilà vos actes. Voulez-vous leur donner un démenti formel ? Voulez-vous faire crouler en un jour l’échafaudage que vous dressez depuis trois mois ?
A côté d’une autorité essentiellement temporaire, qui tire son mandat du peuple, mandat qui peut être révoqué d’un moment à l’autre, gardez-vous de placer une autorité qui aura un principe plus durable : vous risquez, si vous le faites, de dépouiller l’autorité communale de tout ce qu’elle a de puissance et de vie, je dirai même de considération. Car la considération, presque partout, n’arrive qu’en raison de la puissance que l’on a. Vous verrez toute cette force de l’autorité communale être attirée vers celle de l’autorité supérieure, qui devrait toujours rester inaperçue dans nos débats.
Il n’y aura pas d’administration possible quand des employés infimes, des employés qui par la nature de leurs fonctions ne doivent avoir aucun point de contact avec le gouvernement, devront être des hommes du pouvoir et échapper ainsi à l’autorité qui leur est respective. C’est, à mon sens, le renversement de la hiérarchie des pouvoirs ; et s’il faut que j’explique ici toute ma pensée, je vous dirai, que le gouvernement cherche à ressaisir une arme qui lui a échappé. Il vous a demandé d’avoir le choix libre du bourgmestre, vous vous y êtes opposés. Les bourgmestres alors seraient tout à fait devenus les hommes du gouvernement et non pas ceux de la commune à la tête de laquelle ils sont placés.
Cette arme, dis-je, il veut la ressaisir indirectement. Il veut avoir en seconde ligne un homme à lui, un employé subalterne. Je suis d’avis, avec l’honorable M. Jullien, qu’alors cet employé serait un véritable espion, et jamais l’autorité locale, dont il doit être l’homme de confiance, ne pourrait lui accorder sa confiance.
Je conçois parfaitement bien le système de ceux qui voulaient que le bourgmestre fût nommé par le gouvernement. Ceux-là, messieurs, voulaient que le gouvernement eût un représentant dans la commune et que ce représentant fût le premier homme de cette commune. Et maintenant qu’il a échoué dans cette première tentative, il veut réparer cet échec en plaçant dans la commune un homme qui, il faut le dire, n’y joue qu’un rôle purement passif. Qu’est-ce qu’un secrétaire ? Est-il la cheville ouvrière de l’administration locale ? Sans lui l’exécution des lois devient elle impossible ? je ne le crois pas, messieurs, et il faut avoir perdu de vue la discussion qui a eu lieu il y a trois jours, pour penser qu’un secrétaire puisse être considéré comme le pivot autour duquel tourne toute l’administration communale.
Il s’agissait dans cette discussion de l’exécution des lois en général. Est-ce le secrétaire que vous en avez chargé ? Non, messieurs. La discussion était de savoir si le bourgmestre pouvait ou non agir seul. A-t-il été question de secrétaire ? Il n’est pas dans ses attributions de faire exécuter les lois. Je sais pourtant que, dans un grand nombre de communes les secrétaires administrent, on tient trop à ce qui se passe. Est-ce là ce que vous voulez encore ? Les hautes capacités vous semblent-elles donc inutiles dans le conseil et le collège communal ? Si vous voulez qu’une commune soit administrée convenablement, que ce soit le bourgmestre et non le secrétaire qui soit chargé de son administration. Celles où le bourgmestre agit et ne transmet pas ses fonctions à un employé subalterne tel qu’un secrétaire, celles- là sont bien administrées.
Il en est d’autres où les secrétaires sont de petits tyrans, où tout fléchit sous leur influence.
Je crains fort, messieurs, si vous adoptez le système qui vous est présenté, que d’autres abus ne surviennent encore. Dans de nombreuses communes, savez-vous par qui sont remplies les fonctions de secrétaire ? Par les scribes du commissaire de district. Ce qui fait que sur le même bureau se font souvent et la demande et la réponse, et que la même main qui a écrit l’une a aussi écrit l’autre. Voilà pourtant comme les choses se passent. Voulez-vous encore que cela soit ainsi ? C’est à vous à choisir.
Messieurs, j’ai cherché hier à comprendre les explications données par M. le ministre de l’intérieur, lorsqu’il a tenté de nous démontrer la nécessité de laisser au gouvernement le choix des secrétaires communaux. Bien que l’on gagne très souvent à écouter les définitions de M. le ministre de l’intérieur, je vous avoue que dans cette discussion je n’ai pas été touché des raisonnements avancés par lui.
M. le ministre des affaires étrangères a présenté avec infiniment d’adresse la question sous un tout autre point de vue. Mais il ne faut pas que la chambre prenne le change. Non, messieurs, la question qui nous occupe n’est pas de rendre indépendants les secrétaires des communes. Qu’ils jouissent d’une certaine indépendance, je le veux bien. Mais la question importante, la seule qui soit digne de l’attention de la chambre, c’est de déterminer à qui appartiendra la nomination de ces fonctionnaires locaux. Pour résoudre cette question, il s’agit d’examiner avec quelle autorité les secrétaires sont en relation. Est-ce avec le gouvernement ? J’ai démontré que non. Ce sont des fonctionnaires d’un rang très secondaire. Leur action est purement passive. Tout leur office se borne à enregistrer les actes du conseil communal et ceux du collège des bourgmestre et échevins.
J’ai jeté un coup d’oeil sur les attributions que le projet confie aux secrétaires communaux. Je n’en ai découvert aucune qui soit autre que celles que je viens de dire. Je vous demande, messieurs, de quel droit, à quel titre le gouvernement viendrait s’immiscer dans ces nominations, et quel motif plausible l’on pourrait indiquer pour appuyer une semblable concession.
M. le ministre de l’intérieur a dit (et cette assertion a été répétée par M. le ministre des affaires étrangères) qu’un secrétaire communal a dû, pour arriver à occuper ces fonctions, s’y préparer par de profondes études administratives. Je conçois très bien que ces connaissances ne gâtent rien dans un secrétaire. Mais j’adresserai à MM. les ministres que je réfute la question que leur a déjà faite l’honorable M. Jullien.
Qui est le plus capable de reconnaître l’aptitude et la capacité chez un candidat, ou du gouvernement qui ne peut juger que sur des rapports éloignés où souvent l’intrigue joue un très grand rôle, ou de l’autorité locale qui, en relation journalière avec les habitants, est plus à même d’y découvrir le plus digne ? Ainsi, comme je viens de le démontrer, amener la question sur ce terrain, c’est déjà la résoudre.
L’honorable ministre de l’intérieur disait dans la séance d’hier que si l’on ne nommait les secrétaires de la commune que pour un terme déterminé, il n’y aurait pas un seul homme possédant quelques capacités qui consentît à voir remettre son existence en question tous les six ans. La réponse à cette objection est toute simple : Adoptez l’un des deux amendements présentés par MM. Legrelle et Dellafaille, où le renouvellement propose par la section centrale n’est pas reproduit, et l’inconvénient que vous signalez disparaîtra à l’instant même.
On vous a parlé, et l’on a cherché à effrayer la chambre par cet exemple, d’un secrétaire qui avait laissé pendant longtemps dans un état déplorable les registres de l’état-civil, et avait ainsi compromis l’existence de je ne sais combien de familles.
Ce secrétaire, vous a-t-on dit, faisait apposer dans le registre de l’état-civil, au bourgmestre, sa signature sur des blancs qu’il ne remplissait pas. S’il avait été dépendant de l’autorité supérieure, ajoute-t-on, il ne se serait jamais permis une pareille infraction à ses devoirs, dans la crainte qu’il aurait d’une destitution.
Cet exemple ne prouve rien quant au secrétaire. Il prouve beaucoup contre le bourgmestre. Je commence par déclarer que je ne connais ni le bourgmestre ni le secrétaire auxquels l’on a fait allusion. Mais je demande quel est le plus coupable de ces deux fonctionnaires. Je soutiens que c’est le bourgmestre. Celui-ci était officier de l’état-civil. C’était à lui à ne pas laisser cette importante partie de ses attributions à la négligence du secrétaire, à ne pas signer sur des pages en blanc. Sans doute, le secrétaire était coupable. Mais le bourgmestre l’était bien davantage, et c’est son incurie qui a failli compromettre véritablement l’existence de bien des familles.
N’admirez-vous pas, messieurs, quel tendre intérêt le gouvernement porte aux secrétaires communaux ? Ne semble-t-il pas que ce soient des fonctionnaires haut placés dans la hiérarchie administrative, et qu’il faille les mettre à l’abri de coups d’Etat, à l’abri des caprices de chaque autorité supérieure ?
Il faut soumettre leur révocation à l’appréciation de la députation provinciale, vous a-t-on dit ; si elle dépendait uniquement de l’administration communale, leur situation serait trop précaire. Et, a ajouté M. le ministre de l’intérieur, il ne suffirait qu’un parent d’un membre du conseil ou du collège se mît sur les rangs, pour que l’on ravît sa place au titulaire actuel. M. le ministre n’aurait pas avancé cette raison, s’il avait réfléchi que la loi établit des incompatibilités pour le vote des membres du conseil intéressés directement dans les nominations à certaines places, telles que celles de secrétaire et de receveur communal. Ne craignez donc pas que l’intérêt de famille prévale dans la nomination du secrétaire, puisque la loi a établi sagement des incompatibilités pour parer à cet inconvénient. Ces incompatibilités font l’objet de l’article 14, si je ne me trompe.
En vérité, messieurs, on dirait, à entendre le gouvernement, que l’intrigue est plus à craindre dans le sein du conseil que dans les anti-chambres des ministres. Mais les ministres eux-mêmes sont-ils donc si avares de révocations, et les font-ils toujours avec discernement ? Depuis la révolution, messieurs, nous n’avons que trop d’exemples de destitutions, de révocations brutales. L’ancien ministère avait déjà préludé à cet égard, et le prélude avait excité de vives réclamations de la part de la chambre. Le ministère actuel s’est signalé dès son début dans cette carrière de révocations. Sur un ordre ministériel inséré au Moniteur, deux gouverneurs se sont retirés de la scène politique et les autres ont fait un chassé-croisé auquel ils ne doivent avoir rien compris. Il suffit donc pour répondre au ministère de lui opposer ses propres actes ; un pareil examen démontrera jusqu’à l’évidence que, si les secrétaires ont les caprices d’une autorité à redouter, ce ne sont pas ceux du conseil communal.
D’après ces considérations, je voterai pour que la nomination du secrétaire communal appartienne au corps qui place sa confiance dans ce fonctionnaire. Pour ce qui est de la révocation, je crois qu’il n’est pas mauvais qu’il existe un contrôle. J’admettrai volontiers celui de la députation provinciale. Tel sera le sens de mon vote.
M. H. Dellafaille. - Les deux préopinants m’ont laissé peu de chose à dire. Ils ont touché presque toutes les questions que je me proposais de traiter. Je me bornerai donc à vous présenter quelques observations sur des points qui me paraissent susceptibles de nouveaux développements, et je tâcherai de ne point abuser de vos moments.
Déjà dans la séance précédente, j’ai demandé à MM. les ministres de me dire de quelle nature étaient, selon eux, les fonctions des secrétaires. J’ai nettement demandé si ces employés appartenaient à l’administration centrale ou à la commune. Un honorable député de Bruges a réitéré cette question. M. le ministre des affaires étrangères, un peu embarrassé, je crois, de la réponse, l’a prudemment esquivée et s’est rejeté sur des considérations étrangères à cet objet.
J’ai posé et je pose encore comme un fait non contesté que les fonctions des secrétaires sont purement communales ; que, dès lors le gouvernement ne doit pas intervenir dans la nomination de ces employés ; que, d’après la constitution, cette nomination appartient au conseil de régence auquel est déféré tout ce qui est d’intérêt exclusivement communal.
L’amendement de M. le ministre des affaires étrangères ne détruit point le reproche que j’avais adressé hier au projet du gouvernement.
Cet amendement continuant à attribuer la nomination du secrétaire à l’autorité centrale, mes observations subsistent, et comme je l’ai dit hier, la commune demeurera étrangère à la nomination de son secrétaire. Il sera toujours facile au gouvernement d’obtenir du collège une présentation à sa mode. Ce sera toujours à cette présentation seule que le gouvernement se ralliera.
C’est du reste, messieurs, ce qui a été pratiqué jusqu’à ce jour. Chaque fois que le conseil et le collège des bourgmestre et échevins ont fait simultanément des présentations, c’est toujours au choix du collège que le gouvernement s’est arrêté.
On a dit que si la nomination du candidat présenté par la commune était rejetée par la députation, l’individu ainsi élevé serait dans une position désagréable. Nous le reconnaissons, messieurs ; mais quand l’autorité communale sait que son choix sera soumis à un contrôle, il est peu probable qu’elle présente un candidat incapable. Au surplus, dans votre système, quand l’autorité communale aurait porté son choix sur un candidat de prédilection, elle ajouterait sur la liste deux autres candidats d’une incapacité telle qu’elle saurait bien que le gouvernement ne pourrait les accepter, et elle aurait admis la chance de faire nommer son candidat sans que vous puissiez le refuser.
L’on a prétendu que le secrétaire concourait à l’exécution des lois. Cette assertion est inexacte. Les fonctions du secrétaire se bornent à tenir la plume. Je n’entre pour rien dans l’exécution des actes, qui sont dans les attributions du conseil et du collège. C’est encore une grave inexactitude de dire que l’administration de la commune repose sur le secrétaire. Je sais bien qu’une pétition adressée à la chambre par des individus intéressés dans la question qui nous occupe, a avancé ce fait. Mais les pétitionnaires croient-ils que nous soyons fait d’hier. De quelle époque datent les secrétaires communaux ? Leurs fonctions ont été instituées en 1817. Avant cette époque, il n’y avait de secrétaire dans aucune commune.
Leurs fonctions, au moins dans les campagnes, étaient remplies par les employés particuliers du maire, qui les payait sur les frais de bureau qui lui étaient alloués au budget de la commune. L’on conçoit qu’il n’existât pas de secrétaires avant 1817. Il n’y avait pas de procès-verbaux à rédiger pour les séances des conseils municipaux qui ne s’assemblaient que très rarement. Cependant cette lacune dans la hiérarchie administrative locale ne laissait pas l’administration en souffrance. Car, bien que je ne sois nullement partisan du système français en matière d’institutions communales, il faut avouer que, sous ce régime, la marche des affaires était très satisfaisante, quant à la régularité de l’administration.
Les fonctions de secrétaire communal sont si peu nécessaires pour atteindre cette régularité, qu’en France, dans la nouvelle loi municipale, on n’a pas cru devoir créer cet emploi dans la commune. C’est un des membres du conseil qui est chargé de la rédaction des procès-verbaux. Ce sont les règlements de 1817 qui ont créé ces places. Je ne dis pas, cependant, qu’elles soient inutiles. Un changement de système amène nécessairement un changement dans le personnel. Là où il y a une administration collégiale, il faut un secrétaire pour rédiger les procès-verbaux et pour constater la part qu’a prise le corps à la délibération ; seulement je veux vous prouver qu’un secrétaire n’est pas indispensable pour assurer l’expédition prompte et régulière des affaires d’une commune.
Il est vrai, comme on l’a dit, qu’il y a des communes où les secrétaires sont tout puissants, où les bourgmestres sont de simples mécaniques à signer. Ce n’est pas ce que la loi a voulu. Partout où les bourgmestres ont la conscience de leurs devoirs, le rôle des secrétaires se borne à tenir plume et ne va pas au-delà. Tout bourgmestre digne de sa place se fera une loi de remettre son secrétaire à sa place, s’il s’en écarte, et pourra l’empêcher de faire la mouche du coche.
Les fonctions de secrétaire communal consistent à rédiger les procès-verbaux des séances du conseil et à contresigner les actes de l’autorité communale. Jamais ce fonctionnaire n’a d’avis à donner sur la marche de l’administration. C’est argumenter d’un abus que de citer des exceptions à cette ligne de conduite, et je crois qu’il n’est pas très convenable de venir devant une assemblée législative s’appuyer sur un abus contraire au texte comme à l’esprit de la loi.
M. le ministre des affaires étrangères a dit qu’il était toujours possible à un conseil communal de révoquer son secrétaire lorsque cette révocation serait devenue nécessaire. Rappelant l’exemple que j’avais cité dans la séance d’hier à propos d’un secrétaire qu’on n’avait pu forcer à remplir son devoir que par l’envoi d’un commissaire spécial, il en a tiré la conclusion qu’il fallait que la révocation de cet agent de la commune fût laissée à l’autorité provinciale, afin qu’elle pût avoir lieu dans tous les cas. Je tirerai de cet exemple une tout autre conclusion et je dirai que si un secrétaire nommé par la commune se montre déjà aussi récalcitrant, il est à craindre qu’il ne le devienne encore davantage, lorsqu’il sera placé totalement hors de la dépendance du pouvoir communal.
Je ne répondrai pas aux réflexions faites sur la négligence d’un secrétaire dans la tenue de registres de l’état-civil. L’honorable M. Fleussu a rempli cette tâche pour moi. J’ajouterai un mot cependant. Sous le gouvernement précédent, jamais on ne put obtenir la révocation de plusieurs secrétaires de l’autorité centrale qui les avaient nommés, quoique la voix publique les eût signalés comme ayant manqué à leurs devoirs. Il y avait de bonnes raisons pour cela.
M. le ministre des affaires étrangères demande si l’on a fait l’épreuve du système que nous défendons. Je lui répondrai que, d’abord, il a été mis à exécution depuis quatre ans, et je ne sache pas qu’il en soit résulté des inconvénients. Je lui rappellerai que ce même système a été en vigueur depuis 1817 jusqu’à 1825 ; or, de 1817 à 1825 et de 1830 à 1834, voilà un terme de 12 ans, tandis que le système défendu par le gouvernement n’a été mis en pratique que de 1825 à 1830, c’est-à-dire seulement pendant un espace de 5 années. J’adresserai cette question bien facile à résoudre à l’honorable ministre que je combats : lequel de mon système ou du sien a pour lui l’avantage d’une plus longue expérience ?
Le sort des employés de la commune, nous dit-on, doit être assuré. Je suis de cet avis. Il y a dans le système de la section centrale une disposition trop rigoureuse à l’égard de l’avenir du secrétaire communal, et nos adversaires qui ont habilement saisi le défaut de la cuirasse, en ont tiré un très grand parti dans cette discussion. Il serait très possible que l’on renvoyât quelquefois par intrigue un employé utile. Je ne veux pas qu’il en soit ainsi, et j’accorderais aux secrétaires la garantie que le gouvernement a refusée aux bourgmestres et aux échevins.
Je me rallierai donc à tout amendement qui soumettra la révocation de ces fonctionnaires au contrôle de la députation provinciale.
De plus, dans l’intérêt de l’administration, je voterai pour tout amendement qui conférerait à cette députation le droit de révoquer même d’office cet employé ; sauf ces modifications, je persisterai dans le système de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La discussion entamée dans la séance précédente n’a pas été sans fruits. Le gouvernement a signalé à la chambre les vices de la disposition de la section centrale. Ils semblent avoir été reconnus par les différents orateurs qui se sont succédé dans la discussion de ce jour. Les principaux vices signalés par le gouvernement étaient la nomination à terme et le droit de révocation du secrétaire communal conféré au conseil sans le contrôle de l’autorité supérieure. Aujourd’hui l’on semble avoir abandonné la nomination à terme et le droit de révocation sans contrôle. La question s’est donc singulièrement simplifiée, d’autant plus que l’on ne réclame plus la nomination pure et simple par le conseil communal.
La chambre n’est plus partagée qu’entre les trois hypothèses suivantes.
D’abord la nomination du secrétaire sera-t-elle approuvée par la députation provinciale sans présentation de candidats ?
(erratum inséré au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) Ou sera-t-elle un choix parmi plusieurs candidats ?
Ou enfin le gouvernement aura-t-il le choix parmi les candidats ?
Telles sont les trois hypothèses qui restent à discuter.
Je ferai remarquer que la confirmation de la nomination faite par le conseil communal, sans faculté de choix, serait une mesure illusoire pour le gouvernement ; il préférerait que l’on maintînt le système primitif de la section centrale, et que l’on accordât purement et simplement la nomination du secrétaire au (erratum inséré au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) conseil communal. Si l’intervention de la députation des états ne devait être autre chose que l’enregistrement d’une résolution d’un conseil communal, je n’en verrais guère l’utilité. Ce système ne me paraît pas soutenable. Aussi je ne m’arrêterai pas à le réfuter.
Je passe à la proposition d’un honorable membre, qui voudrait laisser le choix du secrétaire à la députation provinciale, sur une liste triple de candidats.
Le gouvernement, dans son projet, demande que la nomination du secrétaire soit faite par le Roi dans les communes importantes, et par le gouverneur dans les petites localités. Lequel est de ces deux systèmes le plus rationnel, le plus utile, celui qui offre le plus de garanties ? Je pense que c’est celui du gouvernement.
Pour écarter l’intervention du pouvoir central dans le choix des secrétaires, l’on a dit que ces fonctionnaires sont purement communaux, que l’intérêt général n’a rien de commun avec l’exercice de leurs fonctions, qui se bornent à enregistrer et à contresigner les actes des l’autorité communale. Ce sont la de notables erreurs, l’expérience est là qui dément journellement de semblables allégations.
Je soutiens que dans les communes, les secrétaires sont de véritables chevilles ouvrières de l’administration centrale, qu’ils prennent plus de part à l’administration dans les petites communes, c’est-à-dire dans la plus grande partie du royaume, que le bourgmestre et que le collège des bourgmestre et échevins réunis. Et cela se conçoit facilement. Le bourgmestre ou les échevins ont-ils une connaissance aussi complète que les secrétaires des lois, arrêtés et actes de l’administration générale ? Ne sont-ils pas à tout moment obligés d’avoir recours aux lumières de ce fonctionnaire ? S’agit-il de préparer les résolutions du conseil ? Quel est l’homme le plus exercé dans ces sortes d’affaires ? N’est-ce pas le secrétaire ? Je ne crains pas d’affirmer que le plus souvent, il est seul à même, par ses connaissances spéciales, de rédiger convenablement tous les actes importants de l’administration locale. De cette influence immense, de cette intervention si directe du secrétaire dans la marche des affaires de la commune, que faut-il inférer, si ce n’est la conséquence naturelle qu’il est indispensable que le gouvernement prenne part à sa nomination ?
En effet, en quoi consiste l’administration communale. Elle ne repose pas seulement sur des intérêts purement communaux mais aussi sur l’application des lois et mesures générales. Par le même motif qui vous a portés à confier au gouvernement une intervention dans la nomination des bourgmestres et des échevins, en lui laissant le choix dans le sein du conseil il faut, comme une conséquence de votre premier vote que vous abandonniez au gouvernement le choix du secrétaire sur la présentation d’une liste de candidats par l’administration locale.
Je demanderai s’il est véritablement dans l’intérêt général (erratum inséré au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) d’isoler complètement l’administration locale de l’administration centrale. Pour moi, je ne le pense pas. Si ce système prévalait dans la loi communale son exécution ne tarderait pas à nous en faire repentir. Je ne puis méconnaître qu’il y a un lien intime entre le gouvernement et la commune, et je trouve dangereux de le briser aussi complètement.
Tout en admettant, messieurs, la participation du gouvernement dans le choix du secrétaire, j’admets également l’amendement présenté par mon honorable ami M. le ministre des affaires étrangères, qui tend à assurer l’avenir personnel des secrétaires communaux une fois qu’ils sont nommés. Je ne vois aucun inconvénient à ce que leur révocation ne puisse avoir lieu, que de l’avis de la députation provinciale.
A l’occasion de cette dernière proposition, un orateur a cru devoir faire allusion à une mesure que le gouvernement s’est vu dans la nécessité de prendre ; le moment n’est pas opportun pour en parler.
Je dirai seulement que, quant à cette mesure, le gouvernement a l’intime conviction qu’il n’a aucun reproche à se faire. Je n’en dirai pas davantage aujourd’hui.
On a dit, messieurs : Le gouvernement a-t-il donc en vue de faire des espions des secrétaires de régence ? veut-il avoir auprès de chaque conseil un agent qui lui rende compte de ce qui s’y passe ? Ce sont là des craintes chimériques. Lorsque le gouvernement reconnaîtra la nécessité de savoir ce qui se passe dans le sein de l’administration communale, il s’adressera, non au secrétaire mais au bourgmestre qui est son véritable représentant dans la commune. Le gouvernement n’a ni besoin, ni désir d’exercer une sorte d’espionnage auprès des administrations communales.
On a de plus avancé que les secrétaires de régence étaient quelquefois pris parmi les employés des bureaux des commissaires de district, qu’ils participaient ainsi à l’exécution des mesures ordonnées par eux, et venaient ensuite comme secrétaire exécuter ces mêmes mesures dans la commune. Je ferai remarquer que les régences ayant le droit de présentation, il ne dépend que d’elles de ne pas présenter parmi les candidats des employés du commissariat de district. Au surplus les nominations d’employés du commissariat de district aux fonctions de secrétaire de régence n’ont pas toujours lieu au détriment de la commune.
En effet, pourquoi ces nominations ont-elles été faites ainsi ? c’est uniquement parce que les employés des commissariats de district avaient une grande connaissance de l’administration et que cette connaissance facilitait au conseil la solution des difficultés qui pouvaient se présenter. Je ne disconviens pas cependant que, dans certaines circonstances, il ne puisse résulter quelques inconvénients du cumul des fonctions d’employé du commissariat du district et de secrétaire de la régence.
Mais quand on démontrerait qu’il y a incompatibilité entre ces deux fonctions, ce ne serait pas un motif pour rejeter le système que le gouvernement défend en ce moment. Il y aurait lieu simplement à modifier la disposition et le système ne serait pas ruiné par sa base. Ce n’est pas pour des cas particuliers très rares qu’on doit ruiner un système général.
L’honorable M. Jullien a cru que le choix du secrétaire parmi les candidats présentés par le conseil de régence rentrait plus naturellement dans les attributions de la députation provinciale que dans celles du gouvernement. Je ne puis partager cette opinion. Elle ne me paraît pas rationnelle.
L’intérêt provincial n’est pas ici en jeu, ainsi ce n’est pas à l’administration provinciale à intervenir. Mais l’intérêt général est ici en question, parce qu’il y a dans les fonctions des secrétaires des communes quelque chose de mixte, qu’ils doivent presque autant s’occuper d’objets d’intérêt général que d’objets d’intérêt local. L’intervention du gouvernement dans leur nomination est donc plus rationnelle que celle de la députation.
M. le ministre des affaires étrangères a fait une observation qui me paraît extrêmement judicieuse, c’est qu’on a bien plutôt à craindre des abus de la part d’une corporation que de la part d’un fonctionnaire unique, alors qu’il ne s’agit pas de décider des questions controversées, qui exigent un long examen, des discussions approfondies, mais quand il n’y a qu’à apprécier le mérite d’un candidat, il peut facilement arriver que dans un corps on se passe réciproquement des actes de complaisance : aujourd’hui on appuie l’ami d’un tel et demain l’ami d’un autre.
Ensuite, la responsabilité ne pèse sur personne individuellement, et est elle d’autant moins grande. Le gouverneur, au contraire, qui ne pourrait contrarier le vœu de la commune, sans être inculpé de vues de domination, ne sera que plus circonspect dans les propositions qu’il fera au gouvernement parmi les candidats présentés par les autorités locales.
Il me paraît donc que, dans l’intérêt réel de la commune, il vaut mieux laisser le choix au gouvernement et au gouverneur.
Maintenant je ne conçois pas l’abus qu’on peut craindre d’une si faible intervention. Peut-elle être moindre ? Le secrétaire est nommé parmi des candidats présentés par la commune, et sa nomination est à vie, à moins de contravention à ses devoirs.
C’est une autorité élective qui constate cette contravention, et le secrétaire lui-même est entendu. Si une pareille intervention est encore à craindre, je ne sais pas ce qui sera à l’abri de craintes de la part de quelques esprits trop prévenus contre les abus du gouvernement précédent, abus qui ne peuvent plus d’ailleurs se reproduire dans le système actuel qui offre les plus grandes garanties contre ceux dont ou a eu à se plaindre.
- Un membre. - Quelles sont donc ces garanties ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Elles existent dans le système de révocation qui assure au secrétaire qu’on ne fera pas de cette mesure un usage abusif. Nous avons cru devoir consentir à ces garanties, parce que ces employés ne sont pas d’un ordre si élevé, ne tiennent pas tellement à la marche du gouvernement qu’on ne puisse leur accorder une certaine indépendance.
Je crois avoir suffisamment démontré pour tout homme qui n’est pas préoccupé de craintes imaginaires, que l’intervention réclamée par le gouvernement ne peut donner lieu à aucun abus.
M. Pollénus. - Je ne dirai que quelques mots pour motiver mon vote. Je voterai pour l’amendement de M. Jullien ou de tout autre qui, dans la nomination des secrétaires, admettra la double intervention du conseil de la commune et de la députation des états. Je dois cependant faire remarquer que je repousserai la partie de l’amendement de M. Jullien qui attribue au collège des bourgmestre et échevins une double intervention dans la présentation des candidats, d’abord comme membres du conseil et ensuite comme membres du collège. Je ne vois pas de motif dans une matière où il s’agit de question de personnes pour exposer le collège à être en opposition avec le conseil.
Je répondrai maintenant quelques mots à M. le ministre de l'intérieur. Il paraît que ce mot de secrétaire a produit un effet magique sur MM. les ministres. Je conçois l’importance qu’ils donnent à ces fonctionnaires s’ils participent de cette autorité et de cette influence qu’ont les secrétaires dans les hautes administrations. Car ces secrétaires sont quelquefois appelés à remplacer les ministres. Mais en est-il de même des secrétaires de régence ? Nullement, jamais ils ne remplacent les bourgmestres. Leurs fonctions sont déterminées par la loi, elles se bornent à tenir la plume et rien de plus. De manière que toute l’importance qu’on leur attribue ne peut résulter que de l’incapacité supposée des administrateurs sous lesquels ils travaillent.
M. le ministre convient lui-même que le bourgmestre doit être le principal agent du gouvernement dans la commune. Cela n’est-il pas en opposition avec l’influence qu’on veut attribuer aux secrétaires ? N’a-t-on pas lieu d’être surpris de voir les organes du gouvernement attacher tant de prix à la nomination et à la révocation des secrétaires, alors que dans la séance d’hier ils consentaient avec tant de facilité à ce que des attributions qui par leur nature semblaient devoir appartenir au seul bourgmestre comme agent du gouvernement puissent être conférées à d’autres par la seule délégation du conseil communal.
Je suis donc tenté d’admettre avec M. Fleussu que le gouvernement n’a ici autre chose en vue que de ressaisir par la nomination des secrétaires ce qu’il a perdu par le système de l’élection des bourgmestres.
Mais, dit-on, l’intervention du gouvernement sera excessivement faible. Mais si elle est si faible je ne vois pas pourquoi on y attache tant d’importance. Il serait plus rationnel d’accorder plus de confiance aux autorités supérieures dans la hiérarchie administrative, la députation des états.
Je crois que l’honorable préopinant a suffisamment développé l’opinion que je soutiens ; je voterai comme je l’ai dit l’amendement qui admettra la double intervention des autorités communales et provinciales, sans cependant laisser un double vote aux bourgmestre et échevins.
M. Fallon, vice-président, occupe momentanément le fauteuil.
M. Dubus. - Messieurs, au point où la discussion est arrivé, je ne bornerai à présenter des observations très courtes pour motiver mon vote, n’ayant pas la prétention d’ajouter quelque chose de nouveau à ce qui a été dit de part et d’autre.
L’article en discussion a pour objet la révocation et la nomination du secrétaire de la commune ; et, chose étrange, voilà deux longues séances que nous employons à la discussion de cette question qui, au premier abord, paraissait des plus simples ; qui ne semblait devoir soulever aucune dissidence d’opinion dans cette enceinte, et qui, j’en suis convaincu, n’aurait pas été discutée au congrès.
Lorsque le congrès s’est assemblé, le peuple tout entier était levé : il demandait la réforme des abus dans l’organisation municipale en Belgique, la révolution avait renverse l’édifice du roi Guillaume ; et maintenant nous travaillons laborieusement à le reconstruire ; nous travaillons à rétablir les abus.
On a mis, en effet, les bourgmestre et échevins à la disposition du gouvernement qui les nomme et surtout qui les révoque à volonté ; on veut en faire de même pour les secrétaires des communes, non parce que leurs fonctions sont assez hautes pour mériter cette distinction, cette attention toute particulière du gouvernement, mais parce que dans la pratique leurs fonctions sont très importantes, et qu’on veut mettre dans les mains du gouvernement l’influence extra-légale qu’ils exercent dans la commune. Voilà les véritables motifs de la longueur de nos débats.
Lorsqu’un honorable membre de cette assemblée s’est levé contre la proposition du gouvernement, aussitôt un ministre a fait remarquer que l’orateur était bourgmestre d’une grande commune ; que dans une pareille situation il fallait bien, avant de produire un avis, se dépouiller de toute préoccupation locale ; moi, je crois que c’est le ministère qui a besoin de se dépouiller de certaines préoccupations : les ministres ne devraient pas oublier qu’ils sont dans cette enceinte pour défendre encore autre chose que les prérogatives royales.
Je ne crois pas qu’il y eût eu beaucoup d’orateurs au congrès qui eussent osé refuser au conseil communal la nomination du secrétaire de la commune ; c’est qu’au congrès on faisait les affaires de la nation en présence de la nation elle-même. La position était admirable pour constituer l’Etat ; on ne voyait d’autre intérêt que l’intérêt général. (Erratum au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) Malheureusement, le congrès n’a pas fait les lois d’organisation qui devait mettre en action la constitution même : il a légué ces travaux à la législature, et dans la législature le pouvoir exécutif est représenté par les ministres, qui ont toujours présent devant les yeux l’article 78 de la constitution, et qui voudraient bien étendre autant que possible, autant que des chambres bénévoles voudront le permettre, les prérogatives royales que l’on désirait limiter en faisant la loi fondamentale.
L’honorable ministre qui a parlé des préoccupations des membres de cette assemblée, a paru lui-même être très préoccupé du soin de mettre à exécution la dernière partie de cet article 78.
Messieurs, je crois que c’est dans la loi qu’on nous a présentée que nous devons trouver ce que c’est qu’un secrétaire de la commune. Si j’ai recours aux article 108 et 109 du projet de la section centrale, il me paraît que leurs fonctions sont autre chose que ce que nous a dit M. le ministre de l’intérieur : je vois que le secrétaire assiste à toutes les séances du conseil communal et du conseil de régence communale ; qu’il est chargé de la rédaction des procès-verbaux ; qu’il transcrit ces actes dans un registre particulier signé par le bourgmestre et par lui… Lisez avec attention les attributions du secrétaire, et je défie qu’on trouve en quoi il est nécessaire que le pouvoir exécutif intervienne dans sa nomination. Lorsqu’on a lu les articles 108 et 109, on est à deviner pourquoi cette discussion a lieu, ou plutôt on serait à le deviner si M. le ministre de l’intérieur n’avait pas laissé échapper le mot de l’énigme : (erratum au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) « Dans la pratique, a-t-il dit, les secrétaires sont autre chose que des secrétaires. »
Maintenant il n’est pas difficile de comprendre pourquoi on veut que ces agents soient indépendants des administrations communales. Le ministère est parfaitement conséquent avec lui-même. (Erratum au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) Si on veut qu’ils soient autre chose que des secrétaires, si on veut qu’ils soient des instruments dans la main des gouverneurs pour exercer une action extra-légale, sur tout ce que la constitution et la loi placent dans les attributions municipales, il est nécessaire en effet de les rendre indépendants de l’autorité communale. Je reconnais que les propositions du gouvernement sont judicieuses. Dès qu’on veut donner une grande influence aux secrétaires au profit du gouvernement, il faut qu’ils soient choisis et révoqués par lui.
Si un secrétaire sortait de ses attributions pour exercer l’influence qu’on souhaite lui donner, et qu’il fût dans la dépendance du conseil communal, ce conseil le rappellerait à ses devoirs ; mais si on le rend indépendant des magistrats de la municipalité, il ne suivra que les instructions qu’il recevra du commissaire de district. Il ne lui faudra même pas aller bien loin pour recevoir ces instructions, (erratum au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) si, comme sous le roi Guillaume, il y a un seul secrétaire pour cinq ou six communes et que ce secrétaire soit un employé du commissaire de district. Le commissaire de district, dans ce cas, de son bureau, administrera lui-même les communes à la place des bourgmestres, des mayeurs et des échevins.
MM. les ministres veulent des garanties pour le secrétaire communal. Je ne sais ce que peuvent être ces garanties. Encore une fois, les fonctions d’un secrétaire sont-elles tellement importantes qu’il faille toutes ces garanties ? C’est encore ici un empiétement que l’on veut faire faire à l’influence extra-légale dont nous avons eu plusieurs exemples.
Lorsqu’il s’agit d’agents du gouvernement, on pose ce principe : que ces agents doivent être soumis à tout ce que veut le gouvernement ; que leur obéissance doit être passive ; que le gouvernement a le droit de les révoquer. Ces doctrine, messieurs, on les met en avant, on déclare qu’un gouvernement ne peut administrer s’il n’a la faculté de nommer ou de révoquer ses agents. Et quand il s’agit de la commune, il faut qu’on les lui impose. La commune est forcée d’accepter tel employé et non un autre.
Il y a là une inconséquence flagrante. Il me semble que si les ministres ont toute liberté dans leurs choix et tout pouvoir dans leurs révocations, il n’en doit pas être autrement pour les conseils communaux. Mais si cela était ainsi, dit-on, les choix mal faits abonderaient dans l’administration communale. Dans les communes on en connaît trop, ajoute-t-on encore, et cela donnera lieu au népotisme, au favoritisme. A mon avis, au contraire, si l’on se connaît bien, on a le moyen de faire un choix avec discernement. Pour nommer une personne convenable, il faut la connaître ; c’est une vérité incontestable, selon moi. Quant à la crainte du népotisme, du favoritisme, l’argument peut être rétorqué, et l’a déjà été avec avantage.
(Erratum au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) Il n’y a certes pas plus de garanties dans une nomination qui sera souvent l’œuvre d’un commis des bureaux du gouverneur ou du ministère de l’intérieur, qu’il n’y en a dans celle que le conseil communal tout entier aura faite au scrutin. On suppose que les conseils communaux pourront être animés par un esprit d’intrigue et qu’alors ils feront un mauvais choix ; et on suppose que le gouvernement ferait toujours le sien avec discernement. Cela me paraît pour le plus souvent une erreur. S’il doit arriver que ce népotisme, ce favoritisme, se glisse dans les conseils communaux, ce sera une exception fort rare, et ce n’est pas pour des exceptions que nous faisons des lois.
Pour ces exceptions, on ne doit pas interdire à l’administration locale de faire un choix. L’autorité communale doit avoir des employés sur lesquels elle puisse se reposer ; et en admettant qu’elle prenne, pour remplir les fonctions de secrétaire, un homme incapable, il est constant qu’elle agira contre ses intérêts ; rien n’étant plus important pour elle que le choix d’un homme capable, il est présumable qu’elle mettra à le faire tout le soin possible.
(Erratum au Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1834 :) Selon les premiers règlements donnés par le roi Guillaume les secrétaires des villes étaient nommés par le conseil, et je n’ai pas vu que cette attribution donnée au conseil ait prêté aux abus dont on a parlé ; tous ceux que je connais ont été tellement reconnus dignes, par le pouvoir lui-même, du choix que le conseil en avait fait, qu’ils ont été conservés dans leurs fonctions. L’honorable M. Legrelle a proposé un moyen ad hoc qui éviterait d’ailleurs tout inconvénient ; ce moyen aurait dû faire tomber tout scrupule, si le gouvernement ne cherchait à exercer dans les communes, et par les secrétaires, une influence qu’il n’y doit point avoir. On propose que les nominations soient approuvées par la députation provinciale. Mauvaise mesure, disent les ministres.
La députation, selon eux, ne se refusera qu’avec répugnance à donner son approbation ; car ce serait faire tomber sur l’homme, qui pourrait être l’objet de la réprobation, un discrédit fâcheux. Sous ce rapport, messieurs, je trouve la disposition fort bonne. Je veux que la députation ne refuse son approbation qu’en parfaite connaissance de cause, Les intrigues dont on a parlé, ces mots de camaraderie ne pourront l’influencer ; elle n’agira que sous l’impression des renseignements qu’elle se fera donner sur la personne présentée par le conseil à son approbation, et elle ne refusera cette approbation que lorsque la question d’incapacité ou d’indignité aura été examinée et jugée.
En général elle approuvera, et dans des cas exceptionnels seulement, elle refusera, et son refus ne pourra être critiqué. Un honorable membre préférerait que la présentation fût faite par le conseil et la nomination par la députation. Pour moi, je ne pense pas que cette proposition de l’honorable M. Jullien soit préférable à celle de l’honorable M. Legrelle ; j’y vois un double désavantage. D’abord, en ce que, dans cette présentation, la députation provinciale n’ayant pas le même intérêt que dans l’autre cas à être bien éclairée, sera exposée à céder à des influences qui, peut-être, lui feront choisir le candidat le moins convenable. En second lieu, il pourrait se faire que pour forcer en quelque sorte la nomination d’un individu, le conseil ajoutât au nom de celui qu’il préférerait, deux autres noms de personnes qui ne pourraient ou ne voudraient pas remplir les fonctions de secrétaire. Il me semble qu’il y a avantage à accorder à la députation le droit d’approbation parce que, par ce moyen, vous parez à l’abus d’un choix qui tomberait sur un homme incapable ou indigne. Je vote donc pour l’amendement présenté par M. Legrelle.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Dumortier, rapporteur. - Je désirerais dire quelques mots, comme rapporteur de la section centrale.
Messieurs, après une discussion aussi longue, il me reste peu de chose à dire. Cependant je crois devoir motiver mon vote en ce qui regarde les propositions présentées par mes honorables collègues, MM. Dellafaille et Legrelle, auxquels je déclare me rallier.
Il importe de se bien pénétrer de la nature des fonctions du secrétaire communal pour décider en connaissance de cause à qui doivent appartenir leur nomination et leur révocation. Sous la période française, ces fonctions n’existaient pas. Un membre du conseil les remplissait et se chargeait de la rédaction des procès-verbaux des séances. La place de secrétaire a été créée sous le gouvernement des Pays-Bas. Dans les premiers règlements la nomination du secrétaire se faisait pas le conseil.
L’article 57 était ainsi conçu :
« La nomination du secrétaire appartient au conseil. Elle se fait sur une liste de candidats présentée par le collège des bourgmestre et échevins. »
Mais, lorsqu’en 1825 le gouvernement hollandais voulut asservir le pays, il comprit que le meilleur moyen était d’avoir dans chaque commune un homme vénal qui fut son agent exclusif, un homme qui lui fût complètement dévoué. Que fit le gouvernement hollandais ? Il s’attribua la nomination des secrétaires dans chaque commune. C’est le droit que demande aujourd’hui le ministère. Nous verrons quel fut le résultat de la prétention du gouvernement hollandais,
Lorsque la révolution fut consommée, un des premiers actes du gouvernement provisoire fut de redresser cet abus. Il rendit, par son arrêté du 28 octobre 1830, la nomination du secrétaire communal au conseil de régence. Ainsi aujourd’hui les conseils nomment les secrétaires.
Si vous adoptez le système du ministre, vous changez ce qui existe actuellement. Vous retirez aux conseils une de leurs attributions pour en grossir la nomenclature de celles que l’on a prodiguées au gouvernement. La question est donc bien simple. Il s’agit, ou de conserver une des libertés données par la révolution de 1830, ou de la perdre. Voila la question placée sur son véritable terrain.
Dans le cours de cette discussion, on a beaucoup parlé de garanties en faveur du secrétaire communal. M. le ministre des affaires étrangères s’est attendri sur le sort de ces fonctionnaires et a prétendu qu’ils avaient toute garantie de leur avenir s’ils étaient nommés par le Roi ; aucune, si leur nomination partait du conseil.
Il faut, nous a dit ce ministre, que l’état du secrétaire soit assuré. A coup sûr, avec l’amendement de M. Legrelle, ce serait un véritable paria administratif. Nous avons fait, a-t-il continué, une part très large à la commune en lui accordant le droit de révocation.
Quant à ce qu’a dit M. le ministre des affaires étrangères sur les garanties que réclame l’état de secrétaire communal, je dois convenir avec lui que la section centrale n’a pas fait assez la part des incertitudes où ce fonctionnaire serait sur son avenir. Je me rallierai donc volontiers aux propositions tendant à assurer cet avenir, en tant qu’elles ne changent rien au principe de nomination. Mais je demanderai si les secrétaires communaux seraient moins des parias administratifs quand le gouvernement pourra les destituer que quand ce droit appartiendra au conseil. Cela ne change rien à la question. De ce que l’on est nommé par le peuple, on est pas plus paria. Nous qui sommes les élus du peuple, nous ne nous regardons pas comme des parias.
Il est donné une large part au conseil communal dans les amendements que j’ai adoptés. M. le ministre de l’intérieur nous dit que cette part n’est pas moindre dans celui de M. le ministre des affaires étrangères. Nous n’avons pas encore examiné cet amendement. Mais, autant que je me le rappelle, il n’assure aucune garantie à l’autorité communale. Les secrétaires ne pourront être révoqués que le collège des bourgmestre et échevins entendu, et sur l’avis conforme de la députation provinciale.
Si vous voulez l’avis de la députation, l’honorable M. Legrelle vous accorde davantage, puisqu’il accorde la révocation à ce corps même. Quant au conseil, où sont ses garanties ? Il faut qu’il soit entendu. Que signifie cette faculté ? L’on dit oui, ou l’on dit non, après avoir entendu ; et tout est dit. Un secrétaire aura forfait à son devoir. Le conseil demandera sa destitution. Le gouvernement pourra répondre : Il ne me plaît pas de le destituer. Où sont les garanties données au conseil ?
Le gouvernement n’a jamais répondu à cet argument qui résume la question : Qu’est-ce que le secrétaire ? Est-ce autre chose que l’agent de la commune ? C’est l’homme qui écrit le procès-verbal des délibérations communales. S’il aspirait jamais à un rôle actif dans l’administration communale, le bourgmestre serait en droit de le rappeler au souvenir de ses fonctions en disant : scriba, scribe ; écrivain, écrivez. Faites votre devoir et rien de plus.
C’est donc à tort que M. le ministre a prétendu que le secrétaire intervenait dans l’exécution des lois. Je crois qu’il voudrait transformer le bourgmestre en une simple machine à signer. Les secrétaires seraient ainsi les agents tout puissants du gouvernement. Les bourgmestres se contenteraient d’apposer leurs signatures aux délibérations du conseil.
Sans sortir de la loi qui nous occupe, je prierai M. le ministre de vouloir bien lire l’article 87, qui porte que le collège des bourgmestre et échevins exécute les délibérations du conseil ; il n’est pas dit que ce soin regarde le secrétaire. Qu’il lise l’article 101, il verra que c’est le collège de régence qui est chargé de l’exécution des lois. Voulez-vous substituer l’autorité du secrétaire à celle des bourgmestre et échevins. Dites-le nettement. Dites : il n’y aura plus de bourgmestre, il n’y aura plus d’échevins. Ce sera plus simple. Ce système ne sera pas en reste avec les institutions de la Turquie. Mais il sera clair et intelligible.
Toute la question se réduit à savoir quelle est l’autorité qui aura besoin du secrétaire, qui requerra ses services ? sera-t-il l’homme de la commune qui l’emploie, ou bien voudrons-nous que le gouvernement ait un agent exclusif de sa volonté.
L’honorable M. Jullien l’a fait remarquer, et l’honorable M. Fleussu a reproduit son observation pleine de justesse, le mot de tout ceci c’est que l’on désire avoir un espion dans le sein du conseil. Je puis au besoin en donner la preuve.
Le gouvernement veut avoir dans le sein du conseil un homme à sa dévotion. L’on demande que ce soit lui qui le nomme, qui le révoque ; l’on veut que cet agent puisse au besoin s’opposer aux vues du conseil, et puisse être maintenu malgré ce corps, lorsqu’il lui déplaît. L’on me répondra que la députation provinciale décidera si la demande de révocation faite par le conseil est admissible.
Mais ne savez-vous pas comme moi que le gouverneur, en sa qualité de président de la députation, aura une influence immense en cette matière.
Le gouvernement ayant ainsi demandé le droit de révocation et de nomination des secrétaires, que vient-il demander encore ? il vient demander que ce soit le pouvoir supérieur qui fixe le traitement de ces fonctionnaires. Mais ce n’est pas tout ; écoutez, vous allez connaître les arcanes du ministère :
Que veut-on par l’article 109 ? Ceci est digne d’attention : « Le secrétaire est en outre tenu de se conformer aux instructions qui pourront lui être données soit par le bourgmestre, soit par l’autorité supérieure. » Remarquez-le bien, messieurs, on ne parle pas des instructions du conseil communal, ni du conseil des bourgmestre et échevins. De là il suit que si les conseils communaux lui donnent des instructions, il pourra refuser, et il ne manquera pas de refuser de les suivre. C’est l’autorité supérieure seulement, uniquement, qui transmettra les instructions. Que fera-t-elle donc de ce secrétaire ? Elle en fera un espion.
On veut, dans chaque commune, que le gouvernement ait un agent autre que le bourgmestre. Votre loi, sous ce rapport, sera moins libérale que la loi française, votée depuis la révolution de juillet.
En effet, le gouvernement français a-t-il près de chaque commune un autre agent que le maire ? L’article 24 de cette loi est clair : « Le maire préside le conseil ; les fonctions de secrétaire sont remplies par un des membres de ce conseil et nommé au scrutin… » Ainsi le pouvoir exécutif en France ne veut pas, près des communes, d’un agent auquel il puisse donner des instructions secrètes.
Si vous étiez capables de prendre la décision qu’on vous demande, vous vous mettriez en contradiction avec ce que vous avez décidé précédemment. Vous avez décidé que les résolutions du conseil communal pouvaient être secrètes ; eh bien, si le secrétaire recueille les débats, les décisions, s’il est agent du gouvernement, comment voulez-vous que le secret soit gardé ? La haute administration connaîtra tout au préjudice très souvent de la commune. Le gouvernement écrira au secrétaire pour avoir connaissance de ce qui aura été dit et résolu.
Je n’ai plus que deux mots à ajouter pour montrer le but que se propose le gouvernement dans la nomination des secrétaires : il veut avoir la nomination de ces employés afin d’avoir un espion dans les communes, qui puisse dominer dans les élections du pays par l’influence qu’il aura reçue ou qu’on lui supposera.
Quand le gouvernement de Guillaume s’établit d’abord en Belgique, il omit de se faire donner ou de prendre la nomination des secrétaires ; mais plus tard, en 1825, il comprit quelle était l’action de ces fonctionnaires sur les localités, sur les élections qu’il voulait dominer pour dominer le pays ; et il se fit donner la révocation et la nomination d’agents si utiles à ses desseins. Quand il eut obtenu ce résultat, dont il connaissait les conséquences, qu’en est-il advenu ? Un honorable membre de la chambre, M. de Muelenaere, fut expulsé de la législature ; M. Vilain XIIII eut ensuite le même sort. On savait comment ils seraient remplacés. Prenez garde que pareille chose n’arrive encore.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’honorable préopinant a parlé des arcanes du ministère, il a dit que ce qu’on faisait avait pour but de donner au pouvoir central une action plus forte. Eh bien, je vous le déclare franchement, dans tout ce que j’ai dit, je n’ai eu qu’une seule pensée, je ne me suis proposé qu’un seul objet, c’est de doter les communes d’une bonne administration communale. Si j’avais vu dans l’un ou l’autre des amendements proposés un moyen plus sûr d’arriver à ce résultat, je me serais empressé de l’adopter.
C’est pour cela que quand M. Jullien fit sa proposition, je n’hésitai pas à déclarer que cette proposition qui tendait à attribuer la nomination et la révocation à la députation, se rapprochait infiniment de ma manière de voir ; que je croyais que la nomination serait également bien faite par la députation, mais que j’y trouvais un inconvénient, et que, dans ma pensée, cette nomination se ferait mieux par le gouverneur dans l’intérêt des communes, parce que les gouverneurs sont en rapport plus direct avec les administrations communales que les membres de la députation, et par conséquent plus à même de connaître la capacité des candidats. J’ajoutais qu’il y avait ici une responsabilité qui tombait sur le gouverneur et par conséquent sur le ministre, tandis que dans l’autre système cette responsabilité, en tombant à la fois sur tous les membres de la députation, ne tombait sur personne ; que si je n’y voyais pas ces inconvénients, je me rallierais à la proposition de M. Jullien.
On vous a dit qu’on ne voyait aucune garantie dans l’intérêt des communes, ni pour la nomination, ni pour la révocation des secrétaires. On a donc perdu de vue ce qu’on a répété plusieurs fois, que la nomination était faite sur la présentation du conseil et du collège, que le conseil présentait deux candidats, et que le collège, s’il le jugeait à propos, en nommait un troisième, mais que dans tous les cas le gouvernement était obligé de prendre le secrétaire parmi les candidats présentés. Quant à la révocation, mon amendement présente toutes les garanties désirables. La révocation ne peut avoir lieu que sur l’avis conforme de la députation des états.
Ainsi, chaque fois que la députation ne trouvera pas dans les faits imputés au secrétaire des motifs assez graves pour provoquer une révocation, elle n’aura pas lieu, parce que le gouverneur ne peut la proposer qu’autant qu’il est d’accord avec la députation.
Le secrétaire trouve encore ici cette garantie, que si les faits qui lui sont imputés ont été exagérés par le conseil, le collège prendra auprès de la députation la défense de celui qui travaille sous ses ordres, et l’autorité sera éclairée.
L’honorable M. Dellafaille a dit que le droit de présentation n’était rien, parce que le gouvernement aurait toujours assez d’influence pour faire présenter des individus qui lui soient agréables.
Si cela est vrai, la nomination elle-même n’est rien, si le gouvernement a assez d’influence sur le collège pour faire accepter des candidats qui lui sont agréables. Je ne prolongerai pas davantage la discussion.
- Plusieurs membres. - Aux voix la clôture ! aux voix !
M. Devaux. - Je demande la parole pour proposer un amendement.
- Un grand nombre de membres. - La clôture ! aux voix !
M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole sur la clôture si M. Devaux présente un amendement sur une discussion qui dure depuis plus de deux jours.
M. Devaux. - Je demande la parole sur la clôture. Mon intention n’est pas de forcer la chambre à m’entendre. La discussion, j’en conviens, dure depuis fort longtemps. L’honorable M. Dumortier m’a fait le reproche d’avoir attendu deux jours pour présenter un amendement ; je n’ai pas pris la parole, parce qu’il y a des orateurs dans cette chambre qui parlent beaucoup et très bien. Dans la discussion de l’article qui nous occupe, je tiens aux meilleurs choix administratifs. Autant j’ai tenu à ce que le gouvernement pût influer sur la nomination des bourgmestres, autant j’ai regretté la décision que l’on a prise relativement à la nomination des échevins ; autant j’ai vu avec peine que le bourgmestre ne conservait pas plus d’attributions qu’un simple échevin, autant je crois inutile de faire intervenir le gouvernement là où il ne doit pas intervenir. Je ne reconnais pas la nécessité que le secrétaire soit l’homme du gouvernement.
J’admettrai, sous certains rapports, l’amendement de M. Jullien ; mais il me semble qu’il va trop loin.
Je crois qu’il faut tracer une ligne de démarcation entre les grandes et les petites communes. Je ne vois aucun inconvénient à ce que le secrétaire soit nommé par le conseil communal ; mais j’y verrais beaucoup d’inconvénient dans les petites communes ; c’est là que le népotisme est le plus à craindre, Le secrétaire serait nommé par arrangement. Donnez-moi cette place, dirait tel habitant de la commune, je vous ferai avoir telle autre place. Ainsi le secrétaire n’offrirait aucune garantie.
Pour les petites communes la députation me paraît offrir toutes les garanties nécessaires contre l’intrigue, les tripotages que nous désirons éviter.
Quant à la nomination faire par la députation sur la présentation du collège de régence, c’est une combinaison que je ne saurais admettre. Le choix de la députation ne doit pas être restreint dans un cercle de candidats. Et vous avez assez de confiance dans le collège pour le charger de présenter des candidats ; autant lui laisser la nomination du secrétaire.
Voici l’amendement que je propose :
« Dans les communes de 3,000 habitants et au-dessus, le secrétaire est nommé et révoqué par le conseil communal.
« Dans les communes d’une population inférieure la députation provinciale nomme et révoque le secrétaire après avoir pris l’avis du conseil communal du collège des bourgmestre et échevins. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je me bornerai à dire deux mots sur l’amendement qui vient d’être présenté.
Il y a en Belgique 2,738 communes ; sur ce nombre 239 seulement ont plus de 3,000 habitants. Il résulterait donc de l’amendement proposé que dans 2.500 communes le secrétaire serait nommé par la députation sans intervention de conseil ni du collège de régence.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il n’y a véritablement que deux systèmes en présence, et les voici : présentera-t-on des candidats, ou n’en présentera-t-on-pas ? Je demande qu’on mette d’abord aux voix la question de savoir s’il y aura présentation de candidats. Quand il aura été statué sur cette disposition par son rejet ou son adoption, vous voterez sur les autres dispositions avec bien plus de facilité.
M. Dubus. - Je ne crois pas que ce soit là la question ; la question me paraît être de savoir si le conseil aura le droit de nomination, oui ou non.
- Plusieurs membres. - C’est cela !
M. Dubus. - Voilà la question ; d’autant plus que si nous invoquons la constitution, ses termes viennent à l’appui du système de la nomination par le conseil. Ne fût-ce donc que par respect pour la constitution, cette question doit être mise aux voix avant toute autre. D’ailleurs la nomination par le conseil est le système qui s’écarte le plus du projet du gouvernement ; aux termes du règlement il doit donc être mis aux voix le premier.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Que la question soit posée ainsi que le propose l’honorable M. Dubus, ou comme je l’avais moi-même proposé, le résultat me paraît devoir être absolument le même. Ainsi, pour éviter toute discussion je me réunis à la proposition de M. Dubus.
M. Devaux. - Si vous posez ainsi la question, il est impossible de voter à ceux qui sont partisans d’un amendement mixte consacrant un système différent pour les grandes et les petites communes. Il faut, conformément au règlement, mettre aux voix l’amendement qui s’éloigne le plus du projet ; c’est, ce me semble, l’amendement de M. Legrelle.
M. Dubus. - Je crois que l’amendement de M. Legrelle, d’après la manière dont il est présenté, doit remplacer l’article. Si cet amendement était adopté, il n’aurait plus lieu à mettre l’article aux voix, l’amendement de M. Legrelle étant une disposition complète.
M. H. Dellafaille. - Je pense que ce qu’il y a à faire, c’est de mettre d’abord aux voix les deux paragraphes tels que les a rédigés M. Legrelle, et ensuite le troisième que M. Legrelle propose de retrancher.
M. Dubus. - Si j’ai bien compris l’observation de. M. Dellafaille, le troisième paragraphe qu’il voudrait conserver pourrait être mis aux voix après la proposition de M. Legrelle, et comme paragraphe additionnel à cette proposition.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Legrelle qui consiste à ajouter au premier paragraphe le mot « suspendu, » et à supprimer la disposition relative à la fixation de la durée des fonctions ;
Puis au deuxième paragraphe a retrancher les mots : « dans les communes de 2,000 habitants et au-dessous,» et à ajouter ceux-ci : « et révocations. »
M. Dumortier, rapporteur. - On est convenu que si on voulait maintenir le dernier paragraphe de la section centrale, on le mettrait aux voix après la proposition de M. Legrelle.
- On procède à l’appel nominal sur le vote de l’amendement présenté par M. Legrelle.
62 membres sont présents.
34 ont voté l’adoption.
28 ont voté le rejet.
En conséquence, l’amendement de M. Legrelle est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Bekaert, Berger, Coppieters, Corbisier, comte Cornet de Grez, Dams, A. Dellafaille H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Roo, de Sécus, Desmet, de Stembier, de Terbecq, Dewitte, Doignon, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Liedts, Pirson, Pollénus, Rodenbach, Schaetzen, Seron Thienpont, Trentesaux, Ullens, Van Hoobrouck, Vergauwen, L. Vuylsteke, Wallaert.
Ont voté le rejet : MM. Verrue, Brixhe, Cols, de Longrée, de Man d’Attenrode, comte Félix de Mérode, de Muelenaere, de Theux, Devaux, d’Hane, d’Huart, Donny, Dubois, Ernst, Jadot, Jullien, Lebeau, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Troye, Raikem, Simons, Smits, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, C. Vuylsteke, Zoude.
M. le président. - Je vais consulter la chambre sur le paragraphe suivant : « La première nomination des secrétaires est laissée au gouvernement. »
- Ce paragraphe, mis aux voix, est adopté.
L’ensemble de l’article 105 est mis aux voix. Il est adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.