(Moniteur belge n°334, du 30 novembre 1834)
(Présidence de M. Dubus.)
La séance est ouverte.
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse annonce que les bateliers naviguant sur le canal de Mons et d’Antoing demandent une réduction sur leur droit de patente.
M. Dubus, président. - Nous en sommes restés hier à l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur. Il est conçu en ces termes :
« La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins ; ce collège veille à ce qu’il ne soit donné aucune représentation théâtrale qui soit contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public.
« Il peut même, dans des circonstances extraordinaires, interdire toute représentation pour assurer le maintien de la tranquillité publique. »
M. Jullien. - Messieurs, lorsqu’à la séance d’hier j’ai insisté fortement pour qu’on nous laissât le temps d’examiner le nouvel article additionnel à la loi municipale proposé par M. le ministre de l’intérieur, et que d’un autre côté M. le ministre s’est opposé aussi vivement à ce qu’on accordât le moindre délai pour l’examiner, des deux côtés on apercevait la portée de cet article ; des deux côtés on ne pouvait ignorer que l’article touchait immédiatement aux plus grands principes de l’ordre social, c’est-à-dire, à la liberté de la presse, à la censure, et au droit de propriété. Voilà pourquoi on s’obstinait à vouloir enlever en quelque sorte de vive force la proposition ministérielle.
Messieurs, pour appuyer cette proposition, le ministre a fait valoir les législations antérieures, les législations de toutes les nations policées ; il a dit qu’il n’était pas possible qu’en Belgique, comme ailleurs, on n’assurât pas la police des théâtres. Avant de discuter en fait jusqu’où va la prétention de M. le ministre, il faut examiner la portée de la demande faite par lui, afin de ne pas se faire illusion.
Voici l’article nouveau, tel qu’il a été imprimé et distribué :
« La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins ; le collège veille à ce qu’il ne soit donné aucune représentation théâtrale qui soit contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public.
« Il peut même, dans des circonstances extraordinaires, interdire toute représentation pour assurer le maintien de la tranquillité publique. »
Ainsi, vous voyez, messieurs, que dans cette disposition il ne s’agit pas de quelque chose de répressif, mais de quelque chose de préventif. Toutes les fois que l’autorité municipale jugera dans sa sagesse qu’une pièce peut porter atteinte aux bonnes mœurs ou à la tranquillité publique, elle pourra en suspendre, en défendre la représentation aussi longtemps et aussi souvent que cela lui semblera bon. Voilà la disposition telle qu’elle est.
Dans quelle législation a-t-on puisé un pouvoir aussi exorbitant pour l’attribuer à une simple autorité locale ?
Il est bien aisé de parler des législations antérieures, des grands principes de l’ordre social, de la civilisation ; mais des citations législatives sur ce point sont difficiles.
Pour chercher votre législation antérieure, jusqu’où voulez-vous rétrograder ?
Vous ne rétrograderez pas jusqu’à Charlemagne, c’est-à-dire à cette époque où les troubadours, les joueurs de farces, les jongleurs donnaient leurs représentations dans les églises, et où ces représentations étaient devenues tellement indécentes que Charlemagne fut obligé de les proscrire en 789. ce n’est pas là que vous irez chercher votre législation antérieure.
Vous n’irez pas la chercher sous Louis XIV, qui donnait la police des théâtres à ses valets de chambre, et qui, cependant, a rendu les plus grands services à la nation puisque les lettres ont fleuri sous son règne.
Où pouvez-vous donc rétrograder, vous ministre d’un Etat constitutionnel, d’un Etat qui a, dites-vous souvent, la plus belle constitution des peuples de l’Europe ?
Vous pouvez rétrograder jusqu’à l’assemblée constituante qui a établi la liberté sur les bases les plus larges et les plus justes.
Je vais vous citer un décret de cette assemblée, et où se trouvent tous les droits qu’on peut avoir sur la police des théâtres. Ce décret est des 13 et 19 janvier 1791. Je vous en lirai l’article premier et l’article 6, parce qu’ils peuvent seuls intéresser la discussion.
« Art. 1er. Tout citoyen pourra élever un théâtre public et y faire représenter des pièces de tous les genres en faisant, préalablement à l’établissement de son théâtre, sa déclaration à la municipalité du lieu. »
Pourquoi cette liberté donnée à tout citoyen ? C’est qu’elle était la conséquence de cet autre principe : « L’industrie est libre, » et les théâtres sont des entreprises industrielles comme les autres qu’il faut encourager plutôt que réprimer. De là il suit qu’il faut laisser la liberté d’élever un théâtre sans autre formalité que la déclaration préalable à l’autorité municipale.
Voici l’article 6 : « Les entrepreneurs ou les membres des différents théâtres seront, à raison de leur état, sous la surveillance des municipalités ; ils ne recevront des ordres que des officiers municipaux, qui ne pourront pas arrêter ni défendre la représentation d’une pièce, sauf la responsabilité des auteurs et des comédiens, et qui ne pourront rien enjoindre aux comédiens que conformément aux lois et aux règlements de police : règlements sur lesquels le comité de constitution dressera incessamment un projet d’instruction. Provisoirement les anciens règlements seront exécutés. »
Voilà les mesures d’une assemblée qui s’entendait en liberté aussi bien que les ministres d’aujourd’hui. Tous les principes sont respectés par elle ; en premier lieu la liberté de l’industrie. Voyez jusqu’où s’étendent les pouvoirs de la police municipale ! On lui fera la déclaration qu’un théâtre sera établi ; elle aura droit de veiller à la sûreté des spectateurs dans l’intérieur du théâtre ; mais elle ne peut empêcher la représentation dont la responsabilité pèse sur les auteurs ou sur les comédiens.
Quand on descend ensuite, et la chute est forte, quand on descend jusqu’au directoire, on y trouve un pouvoir méticuleux, qui essaie de prendre quelques mesures pour surveiller les théâtres de la capitale.
Quand on arrive à l’empire, c’est alors le despotisme : on établit des restrictions plus grandes que celles qui avaient existé. On semble, sous l’empire, vouloir ressusciter les prérogatives de la cour pour les théâtres, et cela est l’objet de plusieurs décrets.
Mais nulle part on ne trouve que l’on ait jamais pensé à attribuer la censure des pièces de théâtre aux autorités municipales. Au contraire, vous voyez un décret impérial du 21 frimaire an XIV qui dispose ainsi : « Art. premier. Les commissaires généraux de police sont chargés de la police des théâtres, seulement en ce qui concerne les ouvrages qui y sont représentés. »
Sous l’empire on n’était pas encore arrivé à abandonner aux caprices de l’autorité municipale la censure des pièces de théâtre ; cette censure était réservée au gouvernement. Il avait des censeurs ; il prenait pour en remplir les fonctions des hommes de lettres qui respectaient encore ce qui était respectable dans la liberté de publier la pensée et les œuvres littéraires. Une fois qu’une pièce était permise à Paris, elle était permise partout ! Voilà la législation de l’empire ; est-ce à cette législation que vous devez recourir ?
L’empereur Napoléon faisait du despotisme avec de la gloire ; vous ne pouvez faire du despotisme qu’avec du despotisme. Il y avait des restrictions sous l’empire ; oui, mais elles étaient sagement combinées ; et les pouvoirs exorbitants que vous voulez donner aux bourgmestres et aux échevins, appartenaient au gouvernement qui, seul, était responsable des représentations.
Vous avez ensuite la restauration qui a donné dans les mêmes errements. Mais, depuis juillet 1830, on a aboli la censure en France, on a brisé toutes les entraves qui étaient contraires aux représentations des pièces, aux droits, aux propriétés des auteurs.
On m’opposera peut-être que dernièrement encore un ordre du ministre de l’intérieur de France empêcha la représentation d’un ouvrage de M. Alexandre Dumas, intitulé Antony. Mais j’ai vu que M. Dumas, ne s’étant pas trouvé satisfait de la décision ministérielle, attaqua le directeur du théâtre français devant le tribunal de commerce, et là que le directeur a été condamné à 10,000 francs de dommages et intérêts et à 50 francs à payer chaque jour à l’auteur depuis l’interdiction de sa pièce. Ce jugement, messieurs, a été rendu le 14 juillet dernier, sous la présidence de M. Vassal. Je ne sais s’il a été depuis attaqué en matière de compétence. Si on le sait mieux que moi, on le dira.
Voilà donc pour ce qui concerne la législation antérieure, dont s’est targué M. le ministre. Vous savez maintenant à quoi vous en tenir. Dans les premiers jours de juillet 1830, ajouterai-je encore, il fut nommé une commission d’auteurs spécialement chargés de faire un nouveau code théâtral. Et les auteurs qui composaient cette commission n’ont reconnu la possibilité de défendre une représentation que dans le cas où elle troublerait l’ordre et la tranquillité publique.
Abordons maintenant notre constitution. Car nous en avons une aussi, messieurs ; nous ne sommes pas sans lois. Nous avons aussi un fanal pour nous éclairer sur la route obscure où veulent nous faire marcher MM. les ministres.
Si je commence par la législation du gouvernement provisoire, dont, si j’ai bonne mémoire, faisaient partie les honorables MM. de Mérode et Gendebien, j’y trouve un arrêté du 21 octobre 1830, qui semble puisé dans le décret de l’assemblée constituante dont je parlais tout à l’heure. En voici la teneur : « Le gouvernement provisoire, attendu que la manifestation publique et libre de la pensée est un droit reconnu, et qu’il y a lieu de faire disparaître les entraves dont le pouvoir déchu a cru devoir l’envelopper, arrête : Article premier. Toute personne peut élever un théâtre et y donner telle représentation qu’il lui conviendra. »
Honneur en cela au gouvernement provisoire ! Il a, comme l’assemblée constituante, envisagé les grands principes sociaux dans toute leur étendue. S’il fallait s’en tenir à la législation qui nous régit, à défaut d’autres, je dirais : Voilà ce qui a été décidé par le gouvernement provisoire à une époque qui n’est pas encore effacée de votre souvenir. Non, vous ne pouvez, sans porter atteinte à la constitution, adopter les mesures exorbitantes soumises en ce moment à la discussion.
L’article 11 de la constitution dit : « Nul ne peut être privé de sa propriété. » L’article 12 dit ensuite : « La peine de la confiscation des biens ne peut être établie. » Or, je vous le demande, si vous laissez au caprice et à l’arbitraire d’une administration locale le pouvoir d’interdire la représentation de tel ouvrage qu’il lui plaira, n’enlevez-vous pas au propriétaire du théâtre le droit d’exercer une industrie à laquelle la loi accorde son appui et sa protection ? Une pièce de théâtre est une propriété littéraire. Je pense que l’on ne contestera pas ce fait. Eh bien, lorsqu’un auteur aura donné son œuvre au théâtre, qu’elle y devra être ou y aura été représentée, l’administration locale viendra s’opposer à ce que cela ait lieu, parce que, dira-t-elle, la pièce est immorale. Immorale, lui répliquera-t-on, et en quoi ? En ce qu’elle blesse les bonnes mœurs. En quoi les blesse-t-elle, demandera-t-on encore ? Pour toute réponse, le bourgmestre dira : Votre pièce blesse ma morale à moi, et je ne veux pas qu’elle se donne.
Avez-vous jamais vu, dans un pays civilisé, placer le génie littéraire sous un joug aussi humiliant ?
Je suis honteux qu’une pareille idée soit venue à ceux qui l’ont émise dans cette assemblée. Ce que l’on vous propose, messieurs, est en outre une violation de l’article 14 qui dit : « La liberté de manifester ses opinions en toute matière est garantie. » Eh bien ! est-ce que je ne publie pas aussi bien ma pensée par une pièce de théâtre que par tout autre mode de publication ? Une pièce de théâtre, dira-t-on, agit bien plus puissamment sur les esprits que ne le fait la presse ordinaire, cette presse à laquelle il est défendu de toucher ? Où cette action sera-t-elle plus puissante ? Dans la localité seule où la pièce sera représentée. Cela aura-t-il le même retentissement que celui de cette presse qui va partout, qui frappe en tous lieux ? Je le répète, oui, vous portez atteinte à l’article 14 de la constitution.
Il y a encore un article 18 qui dit : « La presse est libre. La censure ne pourra jamais être rétablie. » Or, M. le ministre de l’intérieur et, vous tous MM. les ministres en général, quand vous donnez à vos bourgmestres le droit d’interdire la représentation de tel ou tel ouvrage, voulez-vous me dire si ce n’est pas là rétablir la censure et une chose plus cruelle encore que la censure ? Quand le bourgmestre, qui est l’homme du gouvernement, aura jugé une pièce immorale, non pas en ce qu’elle blessera les bonnes mœurs, mais bien plutôt quelques susceptibilités, l’auteur sera jugé ; son œuvre, sa propriété interdite et confisquée.
Je le répète encore, les articles 11, 12, 14 et 15 de la constitution seront violés par l’adoption de l’article que vous présentez. Mais supposons que l’on adopte cet article tel qu’il est. Voyez à quoi l’on n’est pas exposé !
Il est de l’essence des lois d’être uniformes. Les lois défendent, permettent, disposent uniformément. La loi, messieurs, ce n’est pas une règle de plomb, que l’on peut faire fléchir, que l’on peut courber à volonté ; c’est une règle de fer, inflexible toujours. Et pourtant, voilà que vous abandonnez à l’administration municipale la solution de questions d’une haute gravité, et qui à coup sûr seront jugées en différents endroits de manières différentes.
Il y aura des bourgmestres, comme l’honorable bourgmestre de Bruxelles, par exemple, qui permettront la représentation d’une pièce, n’y voyant rien d’immoral. D’autres, jugeant d’une manière tout opposée, la prohiberont parce qu’elle leur semblera attentatoire aux bonnes mœurs. A Anvers par exemple encore, l’honorable M. Legrelle défendra tel ouvrage qui aura été permis à Bruges, parce que la pièce ne paraîtra pas conforme à la morale de M. Legrelle. Est-ce que vous ne voyez pas par cela se glisser la perturbation dans l’Etat ? Quoi, se dira-t-on, parce que vous avez telle moralité, vous défendez à Anvers ce qu’on autorise à Bruxelles ? Cela donnera lieu à du trouble, à du désordre que vous dites vouloir éviter. Quand vous ferez des lois, qu’elles puissent s’exécuter partout !
Ensuite j’y vois dans l’application un arbitraire effrayant. La disposition est tellement vague qu’elle prête à tout. C’est ce que je disais dans la séance d’hier. Si l’on entend par morale publique la morale du parti qui domine le ministère, si cette morale se trouve attaquée dans ure pièce de théâtre, ceux qui par esprit de parti adopteront cette manière de voir, ceux-là voudront interdire la pièce.
On ne pourra, par exemple, représenter le Tartufe de Molière. Car c’est, je crois, un petit collet qui est le héros de la pièce ; et lorsque, sur la foi de l’affiche qui en annoncera la représentation, le public aura garni les banquettes de la salle de spectacle, on verra, comme au temps de Molière, comme sous le despote Louis XIV, un acteur s’avancer et dire : Messieurs, nous avions annoncé le Tartufe, mais le Tartufe ne sera pas représenté parce que monseigneur ne veut pas qu’on le joue (hilarité.) Si vous adoptez l’article de M. le ministre de l’intérieur, c’est ce qui ne manquera pas d’arriver.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que le parti auquel j’ai fait allusion cherche à faire tomber les théâtres en Belgique. Pour atteindre une aussi louable fin, tous les moyens sont bons. Le parti qui a prêché ce beau précepte, qu’il vaut mieux étouffer ses enfants au berceau que les laisser plus tard se livrer au plaisir de la danse, ce parti-là regarde le spectacle comme un divertissement criminel : ce sont surtout les âmes souillées, les hypocrites qui condamnent le plus fortement le théâtre.
On ne se contente pas de le condamner. On a pris des mesures plus efficaces. Je citerai une ville où les musiciens du théâtre sont la plupart de pauvres diables, attachés en même temps à la chapelle de l’église. En un mot, pour citer un vers bien connu : « Ils dînaient de l’autel et soupaient du théâtre. » Eh bien, on leur a défendu de faire partie de l’orchestre du spectacle, s’ils voulaient continuer à être attachés à l’église, et comme les émoluments qu’ils reçoivent dans leur dernier emploi sont plus forts que ceux que leur rapporte leur place au spectacle, ils ont opté naturellement pour la place la plus lucrative. Voilà donc une ville que le parti auquel j’ai fait allusion est parvenu à priver de son orchestre.
Eh bien, si l’on continue ainsi, lorsqu’il n’y aura plus de théâtres dans cette heureuse Belgique, lorsqu’on ne nous aura laissé que le plaisir spirituel de chanter les vêpres et le salut, nous verrons si vous aurez moralisé le pays. Comment ! vous êtes ministre de l’intérieur, et vous devez par conséquent connaître les devoirs du poste que vous occupez. Vous devez comprendre que les arts, les sciences et l’industrie se tiennent ; que ces trois grandes branches de l’activité humaine forment une chaîne continue, qui se rompt dès que vous en détacherez un chaînon. Vous ne savez donc pas ce à quoi vous vous attaquez. Vous ne savez donc pas que dans le siècle où nous vivons, les arts, les sciences et l’industrie forment la vie intellectuelle du plus grand nombre. Et si cela peut vous intéresser davantage, je vous rappellerai ceux qui y puisent leur vie matérielle, et que vous réduirez par la mise à exécution de votre disposition une multitude de personnes à la misère.
Mais cette dernière considération je ne l’invoquerai pas, quelle que soit son importance ; elle pâlit en face de la violation de nos libertés constitutionnelles, auxquelles votre article porte une si rude atteinte. J’aurais pu ajouter d’autres observations sous le rapport de la législation actuelle. Mais je n’ai pas eu le temps de rassembler tous les matériaux dont j’aurais besoin pour traiter cette question à fond. Vous savez comme cet article s’est glissé hier furtivement dans la discussion tout à la fin de la séance. Je termine donc et je déclare que je voterai contre l’article nouveau présenté par M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, M. le ministre de l’intérieur vous propose de soumettre les spectacles à la surveillance de la police municipale, de donner au collège de régence la faculté d’interdire toute représentation dans les circonstances extraordinaires, quand le besoin de la tranquillité publique l’exige, ou quand les bonnes mœurs se trouvent ouvertement blessées sur la scène.
L’honorable orateur que je suivrai dans les argumentations qu’il a fait valoir, a envisagé la question sous un double point de vue : d’abord, sous le rapport de la constitutionnalité de la proposition, puis sous celui de son utilité en elle-même.
La proposition est-elle constitutionnelle ? Je crois que l’on ne peut sérieusement prétendre le contraire. Reportons-nous d’abord aux premiers actes législatifs de la révolution. Le gouvernement provisoire fait paraître successivement deux arrêtés, l’un daté du 12 octobre, l’autre du 16 octobre 1830, concernant la liberté de la parole, la liberté de l’enseignement et la liberté de la presse.
Quoiqu’il eût déjà déclaré la presse libre, il crut cependant n’avoir fait encore aucune disposition à l’égard des théâtres. Cette pensée, messieurs, donna lieu au décret du 21 octobre 1830 qui établit d’une manière aussi large la liberté des théâtres.
Ainsi, dans la pensée du gouvernement provisoire, la liberté de la parole, la liberté de la presse, la liberté de l’enseignement et la liberté des théâtres étaient quatre libertés bien distinctes.
Lorsque la constitution a été proclamée, quelques-unes de ces dispositions ont été sanctionnées de manière à être à l’abri des tentatives des législations futures ; telles sont la liberté de la presse, celle de la parole, celle de l’enseignement. Mais celle des théâtres établie par le décret du 21 octobre, a-t-elle été également sanctionnée par le congrès ? Non. A cet égard la constitution a été fort sage. Il ne me sera pas difficile de vous le démontrer.
Mais, avant de passer à cette démonstration, j’ai à répondre à quelques arguments que l’honorable M. Jullien a puisés dans la constitution même, quoique déjà ces arguments se trouvent réfutés par les observations que m’ont suggérées les décrets du gouvernement provisoire. Suivant l’honorable député de Bruges, la disposition présentée par M. le ministre de l’intérieur viole les articles 11, 12, 14 et 18 de la constitution. Examinons-les. L’article 11 dit que nul ne peut être privé de sa propriété. L’article 12 traite de la confiscation, l’article 14 a rapport à la liberté des opinions, l’article 18 consacre la liberté de la presse.
Mais, messieurs, le principe de l’article 11, par lequel seul on peut être dépossédé de sa propriété, existait sous l’ancienne loi fondamentale, et jamais personne n’y a vu rien de commun avec le principe de la liberté théâtrale. C’est la première fois que j’entends faire un pareil rapprochement.
Quant à l’argument tiré de l’article 12 relatif à la confiscation, je crois inutile de le réfuter.
La liberté des opinions : mais, indépendamment des raisons que j’ai déjà fait valoir, quelle connexité y a-t-il entre exprimer son opinion et faire représenter une pièce de théâtre ? Personne ne soutiendra qu’il peut résulter de l’expression individuelle d’une opinion les effets que peut produire une représentation théâtrale. Un semblable rapprochement est chose tout à fait nouvelle. Il est inutile, je crois, de faire sentir quelle différence immense il y a, en ce qui a trait à la morale publique, entre une opinion et une représentation théâtrale, à la parité d’immoralité ou de germes de désordre.
On conçoit très bien que, sans qu’il en résulte une inconséquence dans les principes, la loi établisse la liberté des opinions et celle la presse, sans toutefois accorder une liberté absolue des théâtres. Il serait impossible qu’une pareille liberté ne donnât lieu aux plus graves inconvénients et ne menaçât à tout moment l’ordre public.
L’honorable orateur fait ce raisonnement : Toute loi doit être uniforme. Or, quelle bigarrure de voir interdit dans telle ville ce qu’on permet dans telle autre ! Mais je lui répondrai que l’uniformité de la loi consiste dans cette disposition qui laisse l’autorité municipale à décider si les bonnes mœurs peuvent être blessées, ou l’ordre public troublé par une représentation théâtrale. La règle est uniforme, mais l’application variera selon les temps et les circonstances, quoique toujours selon l’esprit de la loi. Je ne vois là rien de bizarre. Je conçois très bien qu’une représentation théâtrale puisse compromettre l’ordre public dans telle cité et être absolument sans danger dans telle autre. Il en est de même des mœurs.
Tout cela est relatif. Si dans telle ville la représentation d’une pièce de théâtre peut donner lieu à un scandale, pourquoi ne pourrait-on pas l’interdire ? Si, dans telle autre, elle ne peut amener aucun mal, pourquoi ne pas l’y permettre ? Vous voyez donc, messieurs, que l’argument tiré par l’honorable M. Jullien, de la nécessité d’uniformité dans la loi, ne supporte pas le plus léger examen.
L’orateur a parlé de la législation française, Il a prétendu que l’article proposé par M. le ministre de l’intérieur est moins libéral. Vous allez en être juges. Je soutiens d’abord qu’il est impossible d’établir une législation plus libérale, d’accorder une part plus large à la liberté théâtrale, que dans la proposition que nous sommes obligés de défendre contre les raisonnements de l’honorable orateur auquel je réponds.
Examinons la législation française.
L’arrêté du 21 frimaire an IV abandonne la police des théâtres à la surveillance des commissaires généraux de police.
Le décret du 6 juin 1806 porte qu’aucun théâtre ne peut être élevé, qu’aucune pièce ne peut être représentée sans l’autorisation du ministre de la police générale.
Ainsi voilà dans la législation française, les théâtres et les représentations théâtrales sous la dépendance absolue de la police. C’est pourtant le système que regrette l’honorable député de Bruges. Il est fâcheux, suivant lui, que l’on n’abandonne pas la surveillance des théâtres à la police. Il verrait plus de liberté pour le théâtre dans l’intervention de la police que dans l’intervention d’une régence communale, possédant toute la confiance des habitants notables dont leur nomination est émanée.
J’ai entendu un honorable ami qui siège à ma droite parler du rétablissement de la censure. Comme s’il s’agissait dans la proposition présentée par M. le ministre de l’intérieur de censure dans le sens que la constitution a attachée à ce mot. Je le prie de vouloir bien remarquer que la censure dont il s’agit ne regarde pas la pièce en elle-même, mais ne porte que sur la représentation de cette pièce. Je crois avoir prouvé que, dans tous les temps, l’on n’a jamais confondu la représentation d’une pièce avec la pièce même.
Que l’on ne me parle donc pas de censure. Que l’on prenne les choses dans leur véritable sens. Qu’au lieu que ce soit le ministre de l’intérieur, une autorité municipale, cédant au vœu de tous les habitants d’une ville, ait la faculté de défendre une pièce contraire aux bonnes mœurs. Il est de toute nécessité qu’une semblable faculté soit accordée.
C’est surtout à l’expression de bonnes mœurs que l’honorable orateur s’est attaché. Il n’a pas parlé, remarquez-le bien (et il y avait de l’adresse dans cette tactique) ; il n’a pas parlé de la partie de l’amendement qui a rapport au maintien de l’ordre public. Il a bien pensé qu’il serait absurde de ne pas permettre la défense d’une représentation théâtrale qui provoquerait à la guerre civile.
Il ne doit pas, selon moi, être moins permis d’interdire une pièce qui offense les bonnes mœurs ; je conçois tout ce que l’on peut dire de railleries plus ou moins spirituelles à l’occasion de ce mot. Ce sont pourtant des expressions consacrées de tout temps dans la législation. Plusieurs dispositions de nos lois civiles et communales se réfèrent à ces expressions. Jamais on n’a vu jusqu’à ce jour, que l’interprétation ait été la source des difficultés que prévoit l’honorable M. Jullien. La loi a consacré ces mots dans les dispositions traitant des individus exerçant des professions infâmes ou portées contre les publications, affiches, gravures ou caricatures contraires aux bonnes mœurs.
Mais l’autorité municipale, vous dit-on, pourra abuser du pouvoir que vous lui laissez. Je ferai remarquer que le gouvernement n’exercera aucune influence sur l’autorité municipale. Il est vrai que l’honorable orateur ne craint pas l’influence du gouvernement. Si M. le ministre de l’intérieur avait proposé à la chambre de donner au gouvernement la faculté qu’il demande pour le collège de régence, j’aurais compris que l’on craignît qu’il ne vînt à en abuser. Mais je suppose un moment que l’autorité communale se montre trop absolue dans ses interdictions, nous avons à choisir entre deux inconvénients, entre la rigidité de l’autorité communale ou l’avidité de lucre d’un directeur de théâtre. Il me semble que l’on redoute plus l’autorité communale que le spéculateur qui établira ses calculs sur la moralité publique ou les passions politiques ; on ne craint pas qu’il choisisse de préférence de ces pièces scandaleuses, où, comme disait M. Mauguin dans une discussion de la chambre des députés, l’on n’ose conduire ni sa femme ni sa fille. On semble ne pas craindre ces représentations honteuses.
En mars 1833, une discussion eut lieu à la chambre des députés de France sur le droit du gouvernement à l’égard des représentations théâtrales. Il a été reconnu par la grande majorité de l’assemblée que le décret du 8 juin 1806 demeurerait en vigueur. Remarquez, messieurs, que l’on a examiné la question sous un double point de vue. Tout le monde reconnaissait qu’il était nécessaire d’arrêter le scandale des représentations théâtrales. La chambre n’était partagée que sur la question de savoir s’il fallait des mesures préventives ou des mesures répressives. C’est cette première opinion qui prévalut, et la discussion en démontra la nécessité au plus haut degré d’évidence. M. Carnier-Pagés, entre autres, fit comprendre très clairement que des mesures répressives étaient impossibles.
Comment, disait cet orateur, voulez-vous qu’un tribunal juge de l’effet qu’une pièce peut faire sur le public. Car évidemment ce n’est pas la pièce elle-même qu’il sera appelé à juger. Il faudra donc ou que la pièce soit jouée devant le tribunal ou qu’il se transporte à l’une des représentations.
Ce qu’il m’a paru bien remarquable dans cette discussion, c’est que l’on regardait comme l’opinion la plus libérale et la plus avancée celle qui demandait que la police des théâtres fût réservée à l’administration municipale. C’est précisément à cette autorité que M. le ministre de l’intérieur a cru devoir dans son amendement confier cette mission importante.
Je vais plus loin, messieurs, je dirai que si vous n’en faisiez pas l’objet d’un amendement, la force des choses forcerait tôt ou tard les administrations municipales elles-mêmes à interdire de leur propre autorité, les représentations de cette catégorie de pièces signalées par M. le ministre.
Je ne citerai qu’un exemple à l’appui de ce que j’avance, Nous avons vu à une époque toute récente, au mois d’avril dernier, le bourgmestre d’une grande ville prendre sur lui d’interdire pendant un certain laps de temps toute espèce de représentations théâtrales. Cette ordonnance était taxée d’illégalité. Mais elle était nécessitée par d’impérieuses circonstances. Aussi a-t-elle été maintenue. On avait beau l’attaquer du chef d’illégalité. Le bourgmestre répondait toujours : Mes devoirs m’imposent de veiller au maintien de l’ordre public dans la ville que j’administre. Je ne permettrai jamais que le théâtre puisse servir de point de réunion et de centre de ralliement au désordre et au brigandage.
Si donc vous n’adoptiez pas l’amendement de M. le ministre, vous habitueriez les magistrats des villes, par la force même des choses, à s’élever au-dessus des lois. C’est là un bien plus grand danger. Il faut le prévenir.
Ainsi, de quelque manière que l’on envisage la question, sous le rapport de la constitutionnalité, ou de l’utilité, ou sous le rapport des résultats de la mesure en elle-même, il y a toujours à faire un choix entre un nombre plus ou moins grand d’inconvénients. L’intervention du gouvernement serait la plus dangereuse. Celle de l’autorité municipale pourra peut-être ne pas toujours s’accorder avec les plaisirs du public. Mais il est constant que si la chambre ne prenait des mesures à l’égard des représentations théâtrales, cette lacune, dans la loi communale, aurait pour l’avenir les résultats les plus graves.
C’est bien à tort que l’on a dit qu’il serait honteux pour la Belgique qu’une pareille disposition existât. Toutes les nations de l’Europe auraient donc à rougir. Car partout des restrictions sont apportées à la liberté des théâtres. Seulement celles que nous proposons sont plus libérales que toutes les législations européennes à cet égard.
Je me dispenserai de suivre l’honorable orateur dans les reproches qu’il a adressés au ministère, lorsqu’il a parlé d’un parti qui le dominerait. Le ministère, messieurs, ne suit les impulsions d’aucun parti. Il n’obéit qu’à sa conscience, il ne remplit que son devoir d’être juste, d’être impartial et je le dis avec conviction, ce n’est pas lui rendre justice que de parler de lui dans les termes dont s’est servi l’honorable membre de cette chambre auquel je réponds et dont j’ai pris à tâche de réfuter les raisonnements.
M. A. Rodenbach. - Je ne suivrai pas l’honorable député de Bruges dans ses considérations sur la censure théâtrale sous Charlemagne, sous Louis XIV, sous l’assemblée constituante, la république, l’empire et même sous Louis XVIII et Charles X. Je n’examinerai pas la question de droit. Je m’en tiendrai aux faits. Je demanderai à M. Jullien s’il pourrait citer un seul pays où la police des théâtres n’appartienne pas aux autorités municipales, ou à l’administration de la police.
L’honorable député de Bruges a dit que l’article de M. le ministre de l’intérieur constituait un attentat à la liberté de la presse, qu’il violait les articles 14 et 18 de la constitution. Je dis qu’il faut que l’on prenne des mesures pour empêcher la représentation des pièces scandaleuses et immorales qui se jouent sur la scène française.
La Revue d’Edimbourg qui n’est pas rédigée par des cagots, par des hommes stationnaires, a signalé l’état immoral du théâtre français actuel, où il se joue des pièces qui contiennent 3 à 4 incestes, une demi-douzaine d’adultères ou de parricides. (Hilarité.) Ce sont les représentations de ces pièces honteuses dont on demande l’interdiction. On ne défend cependant pas d’imprimer ces horreurs. Si un père trouve sans danger pour ses enfants la lecture de ces pièces où s’amoncellent l’adultère et le parricide, libre à lui. Mais nous ne voulons pas que ces scandaleuses pièces soient jouées publiquement.
Comment ! l’on pourra faire des lois répressives contre des gravures, des lithographies, des productions immorales et obscènes. Personne n’y trouvera à redire, et l’on voudra que les vices soient représentés sur les planches. Mais remarquez que ceux à qui l’on ne peut lancer l’accusation de catholiques, ceux même qui ne croient à aucune religion, ont fait ces lois, les ont crues nécessaires dans l’intérêt de la morale publique. Ils ont condamné les paroles et les écrits immoraux. A plus forte raison doit-on empêcher que tous ces vices passent de la plume, au crayon à la scène.
Je crois en avoir assez dit pour motiver mon vote qui sera favorable à l’article.
M. Milcamps. - Après le discours de M. le ministre de la justice que vous avez entendu, il ne me reste qu’à motiver succinctement mon opinion.
La loi du 16-24 août 1790, publiée en Belgique, et invoquée par M. le ministre de l’intérieur, règle les objets de police confiés à la vigilance et à l’autorité des corps municipaux, et parmi ces objets, l’article 3 place le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances publiques, spectacles, etc.
L’article disposait que les spectacles publics ne pourraient être permis et autorisés que par les officiers municipaux.
Et les contraventions ne pouvaient être punies que de l’une de ces deux peines, ou de la condamnation à une amende pécuniaire, ou de l’emprisonnement par forme de correction pour un temps qui ne pourra excéder trois jours.
Une loi du 25 pluviôse an IV (14 février 1796) enjoint aux administrations municipales de tenir sévèrement la main à l’exécution des lois et règlements de police sur le fait des spectacles. Je n’ai pas eu occasion de m’assurer si cette loi avait été publiée en Belgique.
Mais la loi du 16-24 août 1790 se trouve expressément renouvelée par les articles premier, 8 et 15 du décret du 8 juin 1806.
L’article premier exige l’autorisation du gouvernement pour établir un théâtre dans la capitale.
Pour les départements l’article 8 dit : « Aucune troupe ambulante ne pourra subsister sans l’autorisation du ministre de l’intérieur et de la police. »
« Art. 15. Les spectacles de curiosité sont soumis a des règlements particuliers. »
Un décret impérial du 25 frimaire an XIV porte que les commissaires-généraux de police sont chargés de la police, sont charges de la police des théâtres seulement en ce qui concerne les ouvrages qui y sont représentés.
Les maires sont chargés sous tous les autres rapports de la police des théâtres et du maintien de l’ordre et de la sûreté.
Vous savez tous que ces dispositions ont été modifiées par le décret du gouvernement provisoire du 21 octobre 1830, qui permet à toute personne d’établir un théâtre et d’y faire représenter des pièces de tous les genres en faisant préalablement la déclaration à l’administration ; qu’il ajoute que la représentation d’une pièce ne pourra pas être défendue sauf la responsabilité de l’auteur ou des acteurs ; enfin que les règlements de police actuellement existants seront revus sans retard. Jusqu’alors, ils seront provisoirement exécutés.
Cet arrête du gouvernement provisoire est presque littéralement copié sur une loi du 13-19 janvier 1791.
D’après toutes ces lois, ce qui concerne les théâtres devrait être l’objet des règlements municipaux, car les lois invoquées placent la police des théâtres sur la même ligne que les autres objets confiés à la vigilance des autorités communales.
Mais, dans l’état actuel des esprits, les pénalités, après la représentation des pièces, ont été, dans un pays voisin, reconnues impossibles. Il faudrait, suivant de graves autorités, établir les peines les plus sévères, les amendes les plus fortes.
L’amendement proposé a dans un point, celui qu’aucune pièce contraire aux mœurs et à l’ordre public ne peut être représentée, a, dis-je, pour objet des mesures préventives, une véritable censure, et ici c’est la censure de la pièce ; car si vous ne censurez pas la pièce, la représentation aura lieu. Mais c’est une censure qui ne provoque point de peine contre l’auteur de l’ouvrage, qui n’empêche pas sa publication.
Nous avons donc à examiner s’il importe à l’intérêt public de l’établir. La mesure n’est pas inconstitutionnelle, car ce n’est qu’en matière de presse que la censure ne peut être rétablie.
Or, l’action de représenter une pièce de théâtre contraire aux mœurs ne constituera pas le délit de presse.
Je croirai donc pouvoir voter l’amendement proposé, car je n’admets pas qu’on puisse représenter sur un théâtre une pièce qui porte atteinte aux bonnes mœurs et à l’ordre public.
M. Jullien. - M. le ministre de la justice m’a fait l’honneur de réfuter mes arguments. En parlant au sujet de la censure, il a dit : Vous vous effrayez à tort de la censure ; mais ce n’est pas la censure de la pièce que nous voulons. C’est la censure de la représentation. Cet argument serait très bon s’il pouvait y avoir une représentation sans pièce. (Hilarité.) Il faut de toute nécessité que la censure porte sur la pièce et que même cette censure soit préalable. Examinons donc la question tout naturellement et de bonne foi et ne répondons pas par des subtilités.
Un auteur présente une pièce, ou son directeur soumet son répertoire à l’administration municipale. Celle-ci répondra : Je ne veux pas que cette pièce soit représentée. Si on lui demande pourquoi, elle répondra : C’est que je la trouve immorale. Et l’on me dira que ce n’est pas là la censure de la pièce. Est-il possible de voir une censure plus directe ?
Mais, dira l’honorable M. Milcamps, ce n’est pas de la censure des pièces de théâtre que parle la constitution ; comme si la presse était la seule manifestation de la pensée que la censure ne pût pas atteindre ; comme si le droit de publier sa pensée ne s’appliquait pas à tous les moyens possibles, soit en faisant vendre des écrits, soit en les faisant crier en place publique, soit en présentant cette pensée sous la forme de gravures, de lithographies, soit enfin par des représentations théâtrales. Il y a évidemment dans l’article présenté par M. le ministre de l’intérieur, rétablissement de la censure. Il est impossible de le méconnaître.
On me fait dire que je regrette la législation impériale, parce que je ne veux pas admettre à l’autorité communale le droit de censurer les pièces de théâtre. Je n’ai pas exprimé une pareille pensée. J’ai dit que je ne voulais pas de la législation impériale. Elle est l’œuvre d’un règne de despotisme. Mais au moins sous l’empire le despotisme de la loi sur les théâtres n’était pas en contradiction avec les institutions, tandis que, sous notre régime actuel de liberté, une disposition pareille à celle que propose M. le ministre de l'intérieur est une véritable anomalie.
Ainsi s’il fallait vous exprimer mes regrets et faire un choix entre la législation de l’empire et la vôtre, je dirais : Oui, je regrette la législation de l’empire ; je regrette une législation d’après laquelle au moins la censure dramatique était attribuée d’abord au gouvernement. Les acteurs savaient à qui s’adresser pour faire représenter une pièce qu’on voulait interdire, et prouver qu’elle n’était pas de nature à troubler l’ordre public ni à porter atteinte aux mœurs. Mais aujourd’hui sur qui feriez-vous porter la responsabilité de l’interdiction d’une pièce ? Un auteur ou un acteur trouvera moyen de donner une pièce dans une ville et ne le pourra pas dans une autre ; et ce sera l’autorité municipale qui sera juge souveraine de la question de savoir si un ouvrage peut être publié, joué ou représenté ! Oui, je regrette la législation impériale, et je la préfère infiniment à celle que vous voulez nous faire adopter.
Il y a quelque chose de plus : non seulement vous donnez la faculté d’interdire les pièces contraires aux bonnes mœurs, mais celles qui pourraient compromettre l’ordre public. S’il y a quelque chose de vague dans l’expression de bonnes mœurs, tout le monde comprend ce qu’on entend par ordre public. Y a-t-il quelqu’un qui ait refusé à l’autorité municipale une action sur les théâtres ? La police des théâtres lui appartient. De tout temps cela a existé.
Mais, dans l’ordre constitutionnel, et sous aucune législation non plus que sous celle de l’empire, on n’a attribué à l’autorité municipale d’autre pouvoir que celui de veiller à la police du théâtre, de s’assurer que les salles soient construites de manière à ne pas compromettre la sûreté des habitants, de prendre des mesures contre les incendies, assurer le dégagement de la salle, et empêcher que l’ordre ne soit troublé dans l’intérieur.
Je dirai plus, j’irai aussi loin que vous voudrez, je dirai que si une pièce était de nature à jeter le trouble dans une ville, l’autorité municipale aurait le droit d’en suspendre la représentation, parce qu’il s’agit ici d’ordre public et que le magistrat municipal est avant tout chargé de veiller à la sûreté de sa ville, à la sûreté des habitants. Mais vous demandez la censure préalable de toutes les pièces qu’on pourra jouer. Cela n’a pas le moindre rapport avec la police municipale qui s’exerce sur les foires, marchés, lieux publics, et veille à ce que l’ordre ne soit pas troublé.
C’est dans ce sens qu’on a toujours entendu la police des théâtres déférée à l’autorité municipale. Mais vous, vous voulez la faire agir sur les œuvres dramatiques, à l’entière volonté de l’autorité municipale.
Ira-t-on souffrir, dit M. Rodenbach, ces pièces qui contiennent cinq ou six adultères, autant d’incestes, et je ne sais combien d’obscénités ? Messieurs, on a beau déclamer contre l’immoralité du siècle, je soutiens que notre siècle est beaucoup moins immoral que l’ancien régime. Voyez-vous aujourd’hui des ouvrages aussi obscènes, aussi indécents que ceux que les abbés de l’ancien régime jetaient dans le public ?
La jeunesse aujourd’hui est laborieuse, studieuse, de mœurs austères ; elle se plaît au spectacle, parce que le spectacle est pour les hommes raisonnables une école de vertu et non une école de vice. S’il y a des pièces immorales, je n’en disconviens pas. M. Legrelle nous a parlé de la Tour de Nesle. Je n’ai jamais vu la Tour de Nesle, mais ce qu’il en a dit me donne envie de la voir. Je ne sais si elle est aussi immorale que le pense M. Legrelle. A cet égard, messieurs, rapportez-vous-en au bon sens du public ; toutes les fois qu’une pièce véritablement immorale sera représentée, le public en fera justice. Les acteurs ne se permettront plus de la reproduire. C’est, je crois, ce qui est arrivé pour cette pièce de la Tour de Nesle. Je ne pense pas qu’elle ait été représentée plusieurs fois à Bruxelles
Malgré les déclamations contre l’immoralité de notre époque, ce que veulent aujourd’hui les hommes, c’est d’être gouvernés avec justice, et ce qu’ils détestent, ce que détestent les hommes, c’est ce dégoûtant spectacle d’hommes faisant assaut d’hypocrisie et de grimaces pour arriver aux emplois. Voilà ce que les peuples ne peuvent pas souffrir, ce qui les indigne ; mais ce ne sont pas les pièces qu’on représente au théâtre et que vous avez vu vous-mêmes représenter peut-être avec plaisir.
Enfin, à quoi tout cela se réduit-il ? A savoir si on doit attribuer la police des théâtres à l’administration municipale. Eh bien oui, on doit la lui attribuer. Mais notre droit constitutionnel ne permet pas la censure préalable : c’est une censure préalable qu’on vous propose pour les ouvrages dramatiques. Nul ne peut-être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité, dit encore notre droit constitutionnel. Il ajoute à l’article suivant : La peine de la confiscation des biens ne peut être rétablie.
Or, la suppression d’une pièce de théâtre est une violation de la propriété, une confiscation au préjudice du théâtre ou de l’auteur.
Si vous croyez que les lois sont insuffisantes pour réprimer la licence du théâtre, proposez une loi, faites un code des théâtres comme on fait en France. Un des premiers actes de Louis-Philippe, après la révolution de 1830, a été de proposer aux chambres un nouveau code sur les théâtres. Faites ce code, mais que la censure ne soit pas rétablie, que la propriété soit respectée, et que les pièces se représentent sous la responsabilité des auteurs et des acteurs, en attendant que vous ayez fait cette loi.
M. Gendebien. - Avant de prendre la parole, je demanderai si personne n’essaie de combattre les arguments présentés par M. Jullien, j’attendrais pour répondre.
Cependant je crois devoir proposer dès à présent une motion d’ordre. Je ne sais pas s’il est bien convenable de mettre ainsi en discussion incidemment une question aussi grave. Hier, à la fin de la séance, M. le ministre de l’intérieur jette comme par hasard au milieu de la discussion un article évidemment attentatoire à la liberté des théâtres, et il emploie, je dois le dire, un subterfuge pour tromper la chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole.
M. Gendebien. - Je vais le prouver ; et sans l’honorable persistance de mon ami M. Jullien, l’article était peut-être enlevé car on ne voulait pas donner à la chambre le temps de réfléchir. Cependant la proposition est fondée sur un mensonge, et je vais le prouver.
Messieurs, je ne suis pas prépare sur cette question. J’étais sur le point de monter en voiture pour un voyage de quelques jours, lorsqu’on vint me prévenir qu’on se disposait à porter de nouvelles atteintes à notre constitution et à nos libertés. Je me suis empressé de remettre mon voyage pour venir par ma présence protester contre un nouvel attentat de nos renégats politiques. Voici l’article que le ministre a jeté hier à la fin de la séance au milieu de cette assemblée qui n’était pas avertie. On voulait enlever un vote par surprise.
« La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins ; ce collège veille à ce qu’il ne soit donné aucune représentation théâtrale qui soit contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.
« Il peut même, dans des circonstances extraordinaires, interdire toute représentation, pour assurer le maintien de la tranquillité publique.
C’est le collège des bourgmestre et échevins qui est seul juge.
Voulez-vous savoir comment M. le ministre développe ce petit amendement en apparence si simple et si innocent :
« Des développements que j’ai à donner à ma proposition ne sont pas étendus. D’après la loi du 24 août 1790 la police des spectacles était donnée à l’autorité communale. Cette police a deux choses pour objet : premièrement, de ne pas permettre les représentations qui offensent les mœurs publiques ; en second lieu, de ne pas permettre les représentations qui portent atteinte à l’ordre public.
« Des dispositions législatives ont été rendues dans tous les pays civilisés, pour atteindre ce but. Mais, craignant qu’on ne pût inférer, d’une disposition plus ou moins obscure contenue dans un arrêté du gouvernement provisoire, que les lois sur la matière étaient abrogées, j’ai cru devoir, par un article spécial, rendre aux autorités communales une attribution qui leur appartient essentiellement.
« Je n’entrerai pas dans de plus longs détails, pour épargner les moments de la chambre. »
Vous voyez qu’il y avait parti pris d’emporter d’assaut cet article et d’étouffer toute discussion. D’après cet exposé, chacun doit croire qu’il ne s’agit que de maintenir la loi du 24 août 1790, parce qu’on pourrait douter si elle est encore en vigueur, à cause de l’obscurité d’une disposition du gouvernement provisoire. C’est un mensonge. La loi de 1790 n’a jamais été publiée en Belgique. M. le ministre de l’intérieur ne devrait pas ignorer pareille chose.
M. Milcamps. - J’ai fait des recherches...
M. Gendebien. - Je n’ai pas besoin de faire des recherches à cet égard. La loi de 90 a été abrogée par la loi de 91 ; ce n’est qu’en 94 que nous avons été réunis à la France, et ce n’est qu’en 95 que les lois ont été publiées ; cette loi eût d’ailleurs été abrogée par bien d’autres dispositions.
C’était donc sur un mensonge qu’était fondé l’empressement du ministre à enlever cette disposition si innocente.
L’arrêté du gouvernement, dit le ministre, contient une disposition obscure. Il est sans doute des choses que le gouvernement provisoire aurait dû exprimer avec plus de clarté, vu les dispositions liberticides qui se manifestent tous les jours, et au profit desquelles on interprète toujours ses dispositions. Mais qu’on lise cet arrêté du gouvernement provisoire que M. le ministre trouve obscur, on verra que c’est le texte même de la loi de 91 sur les théâtres. Certes nous pouvons accepter le reproche d’avoir été obscurs avec l’assemblée constituante. Mais lisez cette disposition et vous verrez si on peut de bonne foi y trouver de l’obscurité.
L’article premier porte : « Toute personne peut élever un théâtre public et faire représenter les pièces de tous les genres en faisant préalablement à l’établissement de son théâtre, sa déclaration à l’administration municipale du lieu. »
« Art. 2. La représentation d’une pièce ne pourra pas être défendue, sauf la responsabilité des auteurs et des acteurs. »
On trouve que ces dispositions sont obscures et on prend texte de cela pour supposer que la loi de 90 est en vigueur en Belgique, et afin de ne pas laisser subsister ce doute, on propose un petit article au milieu d’une loi communale. On savait bien cependant que la loi de 90 n’a jamais été publiée, n’a jamais eu force de loi en Belgique.
En présence de mesures aussi bien prises pour arriver à la tromper, la législature doit se mettre en garde. C’est un devoir d’honneur pour elle de réfléchir mûrement avant de se prononcer.
Messieurs, pour mon compte, je déclare que je ne suis pas préparé pour une discussion aussi grave. Je déclare que je proteste solennellement contre toute précipitation et même contre tout empressement lorsqu’il s’agit d’arracher a la Belgique une liberté qu’elle a payée de son sang. Veuillez vous rappeler que l’arrêté du gouvernement provisoire est du 21 octobre 1830.
Les pavés de Bruxelles étaient encore teints du sang des patriotes. Ce fut un gage de liberté donné à des hommes qui venaient d’exposer leur fortune et leur vie pour conquérir la liberté et l’indépendance de leur pays. A peine notre nouvel ordre de choses a-t-il trois ans d’existence qu’on veut enlever cette liberté par un mensonge, et en effrayant la chambre et la nation par des terreurs hypocrites.
Messieurs, j’ai signé cet arrêté du gouvernement provisoire ; je l’ai signé de conviction avec M. de Potter, avec M. le comte F. de Mérode, avec M. Rogier, avec M. Van de Weyer. Ce que j’ai fait alors je le maintiens aujourd’hui. Je ne ressemblerai jamais à ces renégats politiques qui parlent toujours de conscience lorsque, ministres, ils font le contraire de ce qu’ils ont fait comme simples députés ; lorsque, ministres, ils maintiennent des lettres de cachet, qu’ils condamnaient comme députés ; lorsque, ministres, ils approuvent tout ce qu’ils blâmaient comme députés. Je crois devoir encore adoucir les expressions en parlant d’un semblable conduite.
Avant d’aller plus avant dans la discussion de l’amendement, je crois qu’il serait bon que le ministre de l’intérieur, pour se laver du reproche qu’on lui fait de vouloir surprendre l’assemblée, s’arrêtât au premier alinéa de sa proposition, et retranchât le second.
Qu’il dise dans son article additionnel que la police des théâtres appartient aux bourgmestre et échevins. A la bonne heure ; quant au surplus, qu’il donne à la nation, à la représentation nationale le temps de méditer s’il y a nécessité de revenir sur les règlements relatifs aux théâtres.
Je termine en demandant formellement la conservation de la première ligne de l’amendement et l’ajournement du reste ; et je demande que la chambre délibère sur ma motion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, lorsque les ministres ont la conscience de leurs devoirs, et qu’ils les remplissent avec franchise, ils n’ont point à se justifier des reproches gratuits qu’on leur adresse.
Rappelez-vous bien ce qui s’est passé, messieurs, et vous reconnaîtrez qu’il n’y a ni surprise, ni calcul ; qu’il n’a pu y en avoir.
Dans quel ordre convenait-il de présenter la proposition qui vous est soumise ? Parcourez la loi, et je défie qu’on y trouve une autre place pour classer cette proposition.
La chambre venait d’adopter une proposition de la section centrale, qui mentionnait dans la loi qu’au collège des bourgmestre et échevins appartenait la police des personnes et des lieux notoirement livrés à la débauche. C’était le dernier article qui eût trait à la police municipale ; c’était donc à la suite de cet article que la proposition que nous discutons devait naturellement trouver place.
On se récrie sur ce que ma proposition a été déposée à la fin de la séance ; on saisit avec empressement cette circonstance pour en tirer la bienveillante conclusion que j’ai agi avec calcul, qu’il y a eu surprise ; eh ! messieurs, si cette proposition n’a été déposée qu’à la fin de la séance, c’est tout simplement, vous devez en convenir, parce que ce n’est qu’à la fin de la séance que l’article de la section centrale a été voté.
Je le répète, il n’y a dans tout ceci, ni calcul, ni surprise.
Tout calcul était d’ailleurs inutile. J’ai trop bonne opinion des membres qui composent cette honorable assemblée, trop de foi dans leur sagesse et leur prudence, pour avoir craint un seul instant qu’ils puissent refuser à la police les moyens de maintenir l’ordre, et d’empêcher qu’aucune atteinte soit portée aux bonnes mœurs.
Quant à la discussion de la question en elle-même, on a dit que la loi de 1790 citée par moi n’avait pas été publiée ; d’abord, je n’ai point avancé qu’elle eût été publiée ; mais, l’eussé-je dit, je n’aurais point en cela commis une erreur : le fait de cette publication vient d’être attesté par un honorable membre de cette assemblée qui s’est donné la peine de le vérifier.
Que répond le députe de Mons quand on invoque la loi de 1790 ? Il dit que cette loi a été abrogée par celle de 1791. Eh bien, je ferai observer qu’il est plus que douteux que la loi de 91 ait abrogé celle de 90 ; et je le prouve : un arrêt de la cour de Grenoble, rendu en 1833, porte que la loi de 90 n’a pas été abrogée par celle de 1791, et que dans tous les cas elle est en vigueur, des dispositions postérieures à la loi de 1791 l’ayant rétablie.
La citation de ces dispositions a été omise par les préopinants ; je ne dirai point que c’est par calcul : je puis au reste suppléer à cette omission.
Voici un décret du 2 août 1793.
L’article premier est ainsi conçu :
« A compter du 3 de ce mois jusqu’au premier septembre prochain seront représentées sur les théâtres telles et telles pièces... »
Voilà une disposition qui donne au pouvoir municipal le droit de faire représenter les pièces que le gouvernement juge utile.
Article 2 du même décret : « Tout théâtre sur lequel seront représentées des pièces tendant à dépraver l’esprit public... sera fermé. »
Cette disposition est bien autrement sévère que celle que nous proposons ; la simple représentation d’une pièce qui ne convenait pas suffisait pour faire fermer le théâtre.
Le 14 août 1793, la convention nationale, sur la proposition d’un membre, décrète que les conseils des communes sont autorisées à diriger les spectacles et même à y faire représenter les pièces les plus propres à développer l’esprit public et l’énergie républicaine ; voilà bien la sanction des dispositions de la loi de 1790.
Je citerai encore un décret du 14 février 1796 dont l’article premier porte : « En exécution des lois qui attribuent aux officiers municipaux des communes la police et la direction des spectacles, ces autorités tiendront sévèrement la main à l’exécution des lois et règlements de police sur le fait des spectacles, notamment des lois rendues les 16-24 août 1790, 9 et 14 août 1793 ; en conséquence elles veilleront à ce qu’il ne soit représenté, sur les théâtres établis dans leurs communes, aucune pièce dont le contenu puisse servir de prétexte à la malveillance et occasionner des désordres. »
Voilà un décret qui mentionne expressément la loi de 1790 ; elle n’est donc point abolie.
Je crois que ces faits répondent suffisamment et victorieusement à tout ce que l’on a dit sur ma proposition, en ne se faisant pas faute de ces phrases ronflantes, que je puis bien qualifier au moins de déclamatoires.
On a soutenu aussi que l’arrêté du gouvernement provisoire, en date du 21 octobre 1830, qui a statué sur les représentations théâtrales était formel, et ne donnait lieu à aucun doute. Eh bien, messieurs, cet arrêté qu’on dit si formel, ne l’est cependant pas aux yeux de tout le monde, puisqu’aujourd’hui encore, dans plusieurs de nos villes, les répertoires des théâtres sont soumis au pouvoir municipal, en vertu des anciens règlements.
Je me bornerai à ces réflexions. Je suis loin de reculer devant la discussion ; je l’appelle au contraire de tous mes vœux sur le terrain où l’on n’a pas craint de l’engager.
Dans ce pays surtout le triomphe de la saine morale ne peut être douteux, et ce n’est pas nous qui appréhendons ses succès.
M. Dechamps. - Je ne conçois pas pourquoi nous nous divisons ainsi comme deux camps ennemis à l’occasion de l’amendement de M. le ministre de l'intérieur ; y a-t-il quelqu’un parmi nous qui veuille refuser à l’administration municipale la police des spectacles ? Hier du moins M. Jullien ne la refusait pas. Y a-t-il quelqu’un qui veuille se constituer le champion de l’immoralité et de mauvaises passions politiques, lorsqu’elles se montrent à nu sur le théâtre, en les laissant sans contrôle et sans frein ? Evidemment non, messieurs, et dès lors, puisque nous sommes à peu près tous d’accord sur le fond, puisqu’il ne s’agit que du sens et de la valeur des mots, pourquoi nous séparer avec cette apparence d’aigreur ?
Ne craignez-vous pas, messieurs, que l’opinion ne se divise de la même manière au-dehors sur ces débats, et qu’auprès des cœurs honnêtes, n’importe à quelle opinion ils appartiennent, nous n’ayons l’air, les uns de défendre les prérogatives de la licence des théâtres, et les autres de vouloir les purifier de leurs abus ? Il n’en est pas ainsi, messieurs, et pour l’honneur de mon pays, je m’en réjouis ; car s’il en était autrement, j’en serais fâché pour lui et pour nos adversaires, parce que nous ferions véritablement tache au milieu de l’opinion qui règne aujourd’hui à cet égard dans tous les esprits un peu au niveau de notre époque.
Vous le savez, messieurs il n’y a pas de brochures, de revues, de feuilletons de journaux qui paraissent en Angleterre et en France et dans lesquels on ne trouve tous les jours des mots d’indignation contre l’immoralité qui envenime les principales productions théâtrales de notre époque. Nous nous souvenons, messieurs, des articles de la Revue d’Edimbourg sur le théâtre français, et des feuilletons du Journal des Débats, du Temps et de tant d’autres sur le même sujet. Si j’avais emprunté quelques-unes de leurs phrases, si je venais vous dire, par exemple, avec l’un d’eux, qu’on devrait faire d’Alexandre Dumas ce que Platon voulait faire des poètes dans sa république, le conduire à la frontière en le couronnant de fleurs, n’est-ce pas, messieurs, que les épithètes injurieuses ne me manqueraient pas ? Et cependant, en France, cette indignation, c’est sous la plume des libéraux qu’elle se manifeste, et elle paraît toute simple à tous, parce que l’éducation philosophique de certain parti, de certaine opinion, a fait là plus de progrès que chez nous.
Hier, M. Jullien nous a dit qu’il ne connaissait pas de productions immorales dans le répertoire de nos théâtres, et cependant, parmi ceux qui s’occupent de littérature, personne n’ignore que l’un des chefs de la jeune école a développé dans presque toutes ses pièces une idée fixe, qui se retrouve aussi dans les ouvrages d’autres littérateurs célèbres, que le Courrier belge a justement flétris ; et cette idée fixe, c’est la critique amère du premier lien de toute société parmi les hommes, la critique de la famille et du mariage, et par contre l’apologie de la débauche.
L’honorable député de Bruges, en répondant à M. Legrelle que cela dépendait des goûts, n’a donc pas réfléchi à ce qu’il disait ; et, pas plus que moi, il n’a voulu, je pense, se constituer le chevalier de ce système qui a gâté plus d’esprits qu’il ne le pense.
Il vient de nous apprendre qu’il ne connaissait pas ces ouvrages, et par là je comprends son erreur ; mais il aurait pu s’abstenir de prononcer en juge.
Pour moi, j’ai une opinion à part sur l’amendement en question ; je ne puis considérer les mots : contraires aux bonnes mœurs et à l’ordre public qui se trouvent dans cet amendement, comme dangereux à cause de leur vague et de leur élasticité ; mais je les trouve pour ma part à peu près inutiles ; et la raison en est évidente, messieurs, c’est qu’il est impossible aujourd’hui à une régence quelconque d’empêcher une représentation qui soit contraire aux bonnes mœurs ; elle ne le pourrait sans ruiner le théâtre, ce qu’elle ne fera pas parce qu’elle devrait rejeter de son répertoire presque toutes les productions de la jeune école. Supposez, messieurs, qu’une régence veuille exiler du théâtre Antony, Thérésa et la Tour de Nesle, cette trilogie de l’adultère et de la débauche ; eh bien, le pourrait-elle jamais ? le peuple des théâtres ferait aussitôt sa révolution, et cette régence aurait son 18 brumaire. Et cependant y a-t-il possibilité de choisir un thème plus profondément immoral que la destruction du lien de la famille au profit d’un désordre effrayant ; et puisque nous sentons l’impossibilité qu’il y aurait d’interdire ces représentations, quel danger nos adversaires peuvent-ils encore craindre ? Le danger certainement n’est pas là.
Il ressort de la discussion, messieurs, une réflexion pénible ; c’est que le mot de l’honorable M. Jullien, cela dépend des goûts, est, dans un certain sens, amèrement vrai ; c’est qu’à notre époque on ne s’accorde plus sur rien, pas même sur la notion des devoirs, et cela parce qu’on ne s’entend plus sur le sens des mots vérité et erreur. On parle de moralité, mais qu’est-ce ? écoutez les définitions et vous sentirez combien l’amendement de M. le ministre est peu applicable, malgré ses louables intentions.
Si, à la fin de l’empire romain, alors que la famille se dissolvait sous l’haleine des doctrines d’Epicure, alors que les dames romaines conduisaient sans honte leurs filles aux fêtes de la bonne déesse, et que le peuple n’applaudissait au théâtre que lorsque le sang des gladiateurs coulait ; si alors on était venu publier une pareille disposition de loi, si on était venu parler de moralité pour les cirques et les théâtres, croyez-vous que le peuple eût compris et que le pouvoir eût pu agir ? Certes, nous ne sommes pas si bas placés, messieurs ; mais l’amendement me paraît ne pouvoir recevoir qu’une application presque nulle, puisque nous en sommes à ne plus nous comprendre sur les hautes questions de croyance, d’où dérive la notion de toute morale et de tous devoirs.
Je voterai cependant en sa faveur pour qu’on ne puisse pas se méprendre sur mes intentions. L’assemblée me saura gré de ne m’être pas placé sur le terrain de sarcasmes de mauvais goût sur lequel un orateur a voulu nous placer. Quand on a recours à de tels moyens, c’est qu’on n’est pas bien sûr de la justice et de la bonté de la cause qu’on défend.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je conçois que des orateurs qui ont combattu longtemps dans les mêmes rangs se trouvent dans des rangs opposés, et que les armes soient toujours avec honneur dans les mains de ceux qui ont marché sous la même bannière ; mais je ne comprends pas, quand on conserve son estime à un homme, qu’on lui dispute sa conscience, et qu’on le qualifie de renégat politique.
J’ai été d’une opinion différente de celle du député de Mons, sur un point important ; j’ai été dans le cas de donner des explications dans une autre enceinte que celle-ci.
Après les événements auxquels je fais allusion, le député de Mons m’a fait l’honneur de me venir voir ; je me suis expliqué avec franchise, je lui ai fait connaître ma ligne de conduite ; je ne croyais pas avoir perdu mes droits à son estime ; cependant, il paraît que dès ce moment je ne l’ai plus ; je m’en console.
Je ne défendrai pas un honorable collègue des reproches de surprise et de subterfuge qu’on lui a adressés ; ce sont des expressions qui devraient être bannies du style parlementaire.
Je me bornerai à faire voir à l’honorable membre qu’il se trompe quand il soutient que la loi de 1790 n’a jamais en d’effet en Belgique ; un arrêté en date du 7 pluviôse an IV a remis en vigueur la loi de 1790.
Il impose aux fonctionnaires municipaux l’obligation de tenir la main à l’exécution de cette loi.
M. F. de Mérode. - Les troubadours, les joueurs de farces et autres loustics du temps de Charlemagne sont venus se mêler, dans le discours du premier orateur de cette séance, aux vêpres, au sermon et autres exercices de ce genre auxquels l’honorable représentant paraît ne pas assister souvent, tant son langage est méprisant toutes les fois qu’il en parle. Cependant, messieurs, je me permets de croire que la population qui fréquente habituellement les vêpres ou le sermon, n’est pas moins estimable que celle qui occupe beaucoup plus les théâtres que l’église.
M. Jullien nous a dit un jour que nous étions les représentants de la sacristie. Nous ne nous sommes pas offensés de ce titre. Une figure de rhétorique permet de prendre la partie pour le tout ; or la sacristie fait partie de l’église, lieu qui réunit chaque dimanche la grande majorité de nos populations ; mous n’avons pas en honte de représenter leurs intérêts religieux comme leurs intérêts matériels.
Nous ne serons pas aujourd’hui plus susceptibles à l’égard des propos goguenards de M. Jullien sur le salut et les vêpres. Nous ne serons pas plus susceptibles à l’égard des grands mots de tartufes, d’hypocrites, des grimaciers, que le député de Bruges semble appliquer sans façon à ceux qui ne partagent pas sa complaisance envers les morales de toutes couleurs.
Messieurs, j’ai signé l’arrêté du gouvernement provisoire avec MM. de Potter, Gendebien, Rogier, Van de Weyer, parce que je n’y ai point vu alors d’inconvénient. Cependant jamais je n’ai prétendu que les arrêtés de ce gouvernement dussent être exempts de la révision des législatures à venir ; ce gouvernement était animé de bonnes intentions, toutes ses œuvres n’ont pas été marquées pour cela au coin de l’infaillibilité : il a entièrement supprimé, par exemple, la surveillance de la haute police ; et, sans le vouloir, il a donné ainsi aux malfaiteurs libérés des prisons des moyens plus commodes de recommencer leurs déprédations. J’ai peut-être aussi signé l’arrêté relatif à cette suppression ; faudra-t-il que je contribue à la maintenir indéfiniment ? Non, messieurs, je n’ai point tant d’amour-propre.
M. Gendebien. - Messieurs, la longue série de lois, d’arrêtés, dont on fait tant d’étalage, prouve bien à elle seule le danger qu’il y a de discuter une question aussi importante à la fin d’une séance.
La plupart des arrêtés mis en avant tendent à prouver que la loi de 1790 n’a pas été abrogée par des lois postérieures. D’abord il me semble qu’il faudrait voir ces arrêtés et les examiner attentivement, puisqu’il en est parmi eux que l’on a été cherchés jusque dans l’arsenal républicain, que l’on répudie en d’autres circonstances avec tant d’horreur. Il est arrivé qu’à défaut de citer ces arrêtés tout entiers, on a trouvé le moyen de nous induire en erreur.
Il me semble qu’on devrait nous donner le temps de faire des vérifications à leur sujet, car le temps n’a pas manqué à ceux qui ont été les chercher. Ils ont pu préméditer ce qu’ils en feraient. Comment se fait-il que vous n’avez pas fait à l’avance imprimer vos amendements pour qu’ils fussent distribués aux membres de la chambre, ainsi que cela se pratique habituellement ? C’est à coup sûr pour vous emparer soudainement des esprits que vous voulez influencer et surprendre une décision à la fin d’une séance.
De tout ce qui a été dit, il résulte qu’on ne veut pas discuter, mais enlever les votes d’assaut. Il faut, a-t-on prétendu, que la police maintienne l’ordre dans les théâtres ; j’y consens ; mais si vous voulez dépasser les limites de la simple police, il faut que cette proposition suivant les usages établis soit soumise aux sections, ensuite à la chambre où la question pourra être examinée et discutée ouvertement. Ce que j’ai dit subsiste toujours.
C’est sur la loi de 1790 que M. le ministre de l’intérieur s’est fondé pour vous présenter sa disposition ; et c’est sur le doute de savoir si cette loi avait été on non abrogée par l’arrêté du gouvernement provisoire, qu’il a essayé de faire passer cette disposition. Votre proposition, je le répète encore, est appuyée sur des choses fausses. Je nie que la loi de 1790 ait été publiée en Belgique. Vous avez tort maintenant de vouloir proposer l’arrêté du gouvernement provisoire comme douteux. C’est un piège nouveau dont il est essentiel qu’on puisse se défier.
Si, par exemple, messieurs, vous aviez prononcé hier sous l’impression des doutes prétendus, relativement à l’arrêté du gouvernement provisoire, et qu’aujourd’hui vous vous aperceviez qu’il n’en peut exister, que diriez-vous ? Que vous avez été trompés, qu’on a surpris votre décision. Maintenant vous allez être exposés à des erreurs plus graves encore. On a cité douze lois et arrêtés. Supposez-vous par hasard que, de toutes ces lois, il n’y en a pas eu d’abrogées par des lois subséquentes ? Assurément, cela ne doit pas être ainsi.
On a voulu parler de 93. Sommes-nous en 93 ?
Si vous aviez le malheur d’être dans une position semblable à 93, ce n’est pas avec des ministres de l’acabit de ceux que vous avez, que vous vous tireriez d’affaire. A cette époque la France était attaquée par toute l’Europe ; elle avait 1,400,000 hommes sous les armes, à l’entretien desquels il lui fallait subvenir. La France alors n’était pas seulement en butte aux armées de tous les gouvernements, mais encore à leurs intrigues. De plus, la guerre civile déchirait son sein. Il fallait par tous les moyens soutenir le courage des braves soldats et lutter contre les terribles écueils dont je viens de parler. Vous n’en êtes pas là, j’imagine, quoique, grâces à votre diplomatie, à votre politique, vous couriez le risque de tomber dans une position peut-être aussi malheureuse.
Nous verrons si au moyen de ces dispositions illibérales, si en abrogeant un arrêté de 1830, consacrant un principe de liberté, et qui n’avait donné lieu à aucun abus qu’on pût signaler, vous arrêterez l’orage qui se forme sur nos frontières, si vous conjurerez les puissances du Nord.
Depuis l’arrêté du 21 octobre 1830, sommes-nous dans la position où l’on était en 93 ? Sommes-nous dans une situation telle qu’il faille prendre des mesures dès aujourd’hui ? Qui se plaint ? Où est le désordre ? Les pièces que l’on représente aujourd’hui seront-elles donc plus immorales que celles de l’ancien théâtre ? Dans le théâtre de Racine, je ne parle pas de Voltaire, ce serait peut-être un blasphème (on rit) ; dans Phèdre, y a-t-il rien de plus dégoûtant que ce qui se passe sur la scène ? Est-il rien de si scandaleux ? Vous parlerai-je d’Œdipe, où se trouvent à la fois un parricide et l’inceste le plus abominable ? Sommes-nous plus ou moins moraux, plus ou moins religieux qu’autrefois ? je ne sais. Mais assurément ces pièces contre lesquelles on ne s’est jamais élevé, ne sont pas plus morales que celles que l’ont reproche à nos auteurs modernes.
Croyez-vous que pour cela j’approuve nos auteurs modernes ? Non certainement. Mais je ne vais pas au spectacle quand on joue des pièces du genre qu’on est convenu d’appeler romantiques ou immorales ; je laisse le public en faire justice. Il est, je crois, le meilleur juge, et à coup sûr le plus impartial. Je ne vois pas d’ailleurs qu’à Bruxelles, non plus que dans toute notre Belgique, les drames modernes obtiennent grande faveur. Ils sont sifflés à la première ou à la seconde représentation et abandonnés à la troisième, quand ils sont, non pas tels que les représente M. A. Rodenbach, mais d’une nature analogue.
Je ne sais pas si vous passerez sous silence ma motion d’ordre ; j’insiste pour qu’elle soit mise aux voix ; je crois inutile d’aborder le fond de la question, avant qu’on ait voté sur ma motion d’ordre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’on puisse considérer comme motion d’ordre une proposition que la chambre a rejetée hier. Si l’on demande la division de l’article, ce n’est pas une motion d’ordre, mais un amendement.
M. Gendebien. - Qu’on appelle ma proposition une motion d’ordre ou un sous-amendement, cela m’est fort indifférent, pourvu qu’elle soit adoptée.
Je demande que l’on mette aux voix le premier point de l’amendement du ministre et que l’on ne discute pas le deuxième. Si l’on admet le premier point de la disposition, la police des théâtres est conservée telle qu’elle est aujourd’hui sous l’empire de l’arrêté du gouvernement provisoire.
Je demande l’ajournement du surplus, c’est-à-dire que l’on ne continue pas une discussion à laquelle personne n’est préparé. L’adoption de ma proposition évitera au ministre de l’intérieur l’accusation d’avoir voulu surprendre la chambre. Songez qu’il s’agit d’abroger un arrêté-loi consacrant une liberté, et que vous ne pouvez détruire cette liberté que par une disposition formelle sur ce point et non par un amendement jeté inopinément au milieu d’une discussion qui n’a aucun rapport avec la censure préalable, qui a été anéantie à jamais par la constitution : car c’est le mot que la constitution a consacré.
M. Jullien. - Si j’ai bien compris l’honorable comte F. de Mérode....
M. Dubus, président. - Vous n’avez la parole que sur la motion d’ordre.
M. Jullien. - Alors je demande la parole pour un fait personnel.
M. Dubus, président. - La parole est à M. Jullien pour un fait personnel.
M. Jullien. - Si j’ai ben compris l’honorable comte F. de Mérode, il semble m’avoir fait un reproche de ce que je ne vais ni aux vêpres, ni au salut. Il a raison, et ce qu’il a dit peut être vrai. Mais lui ne va pas au spectacle, et j’y vais moi ; de telle sorte qu’il y a une espèce de compensation. (On rit.) Comme je le disais hier, c’est suivant les goûts.
Suivant l’honorable comte F. de Mérode, je l’aurai traité lui et d’autres de représentants de la sacristie. Je ne me souviens pas que cette expression me soit échappée au moins dans cette discussion ; il est vrai que si ce n’est maintenant, c’est peut-être une autre fois. Eh bien soit ; je suppose que je l’aie dit. Mais je me souviens que l’honorable M. de Mérode, dans une autre séance, a comparé la chambre à une ménagerie, dans laquelle il y aurait des dindons et des aigles. Pour ma part, je ne sais s’il vaut mieux traiter les gens de dindons ou de représentants de la sacristie, à moins qu’on ne prétende que ce soit synonyme. (On rit.)
J’arrive maintenant à la discussion de l’amendement, et à cet égard je pense qu’il y a nécessité d’adopter la proposition de l’honorable M. Gendebien.
M. le ministre de l’intérieur a parlé du reproche qu’on lui a adressé de vouloir faire à la chambre une espèce de surprise, et pour se justifier de ce reproche, il a dit qu’il n’y avait pas de place dans la loi où son amendement fût mieux casé qu’ici. En effet, si j’examine ce qui s’est passé dans la séance d’hier, je vois que M. le ministre a présenté son amendement après l’adoption de l’article qui confère aux bourgmestre et échevins la surveillance des lieux de débauche et de prostitution et le droit de prendre à cet effet des mesures propres à assurer la santé publique. C’est, messieurs, en toutes lettres dans l’article. Ainsi, M. le ministre a bien voulu placer la police du théâtre immédiatement après la police des lieux de débauche, et c’est suivant lui sa place naturelle. (On rit.)
Mais, messieurs, on ne veut pas le comprendre, jamais on n’a contesté à l’autorité municipale la police des théâtres suivant les usages locaux et les lois en vigueur.
Je pense avec l’honorable M. Deschamps qu’on a le droit d’interdire certaines pièces lorsque cela est nécessaire non pas pour les bonnes mœurs mais pour l’ordre public. Lorsqu’on a vu qu’une pièce trouble l’ordre, on peut en empêcher la représentation. Jamais dans la pratique ce droit n’a été contesté. Mais ce n’est pas là ce dont il s’agit. Il s’agit de censure préalable ; ce que vous ne devez pas accorder, ce que l’on ne peut pas vous demander.
Il n’est donc pas question ici d’une disposition concernant la police des théâtres mais d’une disposition tendant à introduire un système de confiscation, d’anéantissement des propriétés littéraires. C’est là un système nouveau. Et comme l’a fort bien dit l’honorable M. Gendebien c’est une surprise qu’on veut faire à l’assemblée ; on pourrait même employer une expression plus sévère et dire qu’il y a de la déloyauté à faire une proposition que personne n’est préparé à discuter.
On a parlé des lois de la révolution française. Laissez parler la convention nationale, elle va vous faire la leçon. Voici un décret qu’elle a rendu le 12 janvier 1793 (c’est précisément de 93) et d’où il résulte que les corps municipaux n’ont pas le droit de censurer les pièces de théâtre.
« La convention nationale, sur la lecture donnée d’une lettre du maire de Paris, qui annonce qu’il y a un rassemblement autour de la salle du théâtre de la nation, qui demande que la convention nationale prenne en considération une députation dont le peuple attend l’effet avec impatience, etc., dont l’objet est d’obtenir une décision favorable, afin que la pièce de l’Ami des lois soit représentée nonobstant l’arrêté du corps municipal de Paris, qui en défend la représentation, passe à l’ordre du jour motivé sur ce qu’il n’y a point de loi qui autorise les corps municipaux à censurer les pièces de théâtre. »
Voilà ce qu’ordonnait la constitution en 93. Sous le régime impérial, l’autorité municipale n’avait pas non plus le droit de censurer les pièces de théâtre. Il est donc vrai de dire que votre disposition est nouvelle ; car il n’est guère possible de citer une autre législation aussi explicite que celle qui vous est soumise en ce moment.
J’appuie l’amendement de M. Gendebien, tendant à ce que l’administration municipale soit simplement chargée de la police des théâtres. C’est la faire rentrer dans le droit commun, et cela suffira jusqu’à ce qu’on ait le temps de délibérer mûrement pour faire une loi sur cette matière.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour écarter une disposition claire et précise, et dont l’application ne peut présenter aucun inconvénient, on nous oppose de fades et futiles plaisanteries, des moyens dilatoires. Pour nous, ce n’est pas ainsi que nous entendons l’accomplissement de nos devoirs ; nous avons cru qu’ils nous obligeaient à saisir une occasion de donner aux autorités municipales une action directe et assurée. Cette occasion s’est présentée et nous l’avons saisie avec empressement. Je me félicite pour ma part d’avoir rempli ce devoir ; je le ferai jusqu’au bout avec conviction et fermeté.
On a dit : « Mais quelle étendue, quelle acception donnez-vous à cette expression de bonnes mœurs ? Rien n’est plus arbitraire. On n’est pas d’accord sur l’acception de ces mots ; on varie à cet égard suivant le temps, suivant le lieu. »
Je répondrai qu’à chaque époque, dans chaque lieu on sait fort bien ce qu’on doit entendre par bonnes mœurs ; aussi nous ne prétendons pas définir ce qu’on doit qualifier de bonnes moeurs, nous laissons ce soin aux magistrats municipaux, magistrats élus dans chaque cité et qui par conséquent doivent connaître ce qui, dans chaque localité, offense les bonnes moeurs, magistrats dont l’élection est périodiquement renouvelée et qui par cela sont toujours à la hauteur de l’opinion dominante dans la cité. Sous ce rapport, je pense qu’il est impossible d’adopter une expression plus convenable ni de choisir des magistrats plus capables de bien exécuter la disposition proposée.
Un honorable député croit qu’il sera aisé d’éluder la disposition dont il s’agit ; il pense qu’elle est peu utile, attendu qu’il sera toujours difficile aux magistrats municipaux de l’appliquer. Je répondrai à l’honorable préopinant, tout en appréciant ses bonnes intentions, ses vues justes, qu’il se trompe à cet égard. Je puis dire que dans mainte circonstance, depuis la révolution, des pièces ont été rayées du répertoire par l’autorité municipale, et que leur représentation a été interdite comme portant atteinte aux bonnes moeurs. Rien loin donc de considérer ma proposition comme peu utile, je la crois au contraire indispensable et devant amener des résultats certains.
Je dois également repousser ce qui a été dit, sur ce que l’opinion publique fait justice des mauvaises pièces, qu’elles sont sifflées et abandonnées par le public. Je ne partage pas cette manière de voir. Sans doute un certain genre de public abandonne ces pièces ; mais je dis qu’il n’y a pas de pièce si dépravée, si immorale qu’elle soit, qui n’attire encore un grand nombre de spectateurs. la curiosité, la passion sont des sentiments qui dirigeront toujours beaucoup de personnes.
Je croirais abuser des moments de la chambre, si j’insistais davantage sur un sujet aussi simple, sur des vérités aussi élémentaires et que ne peuvent s’empêcher d’admettre tous les esprits qui ne sont pas prévenus contre toute disposition tendant au maintien de l’ordre public.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je suis étonné, je suis affligé de voir qu’on en soit venu à des paroles virulentes, à des expressions, des reproches qui vraiment n’ont rien de fondé. En effet, de quoi s’agit-il ? De conserver dans la loi communale une disposition consacrant la règle, le droit des autorités municipales relativement aux représentations théâtrales, droit que l’intérêt public leur fait un devoir d’exercer dans une foule de circonstances.
La question, d’ailleurs, n’est pas neuve. Je ne la traiterai pas sous le rapport des lois antérieures. Les développements lumineux que vous avez entendus de la part de mes honorables amis, MM. le ministre de la justice et Milcamps, me dispensent de m’occuper de ce point de droit. Mais je veux fixer un seul instant votre attention sur une discussion qui a eu lieu récemment dans un pays voisin. On a cité des autorités ; à mon tour, je citerai une autorité importante.
La question qui nous occupe a été traitée sous toutes ses faces à la chambre des députés de France en 1833. Dans cette discussion il n’y a pas eu plus d’un membre ou deux qui aient contesté le principe. Tout le monde a été d’accord sur ce point qu’il doit y avoir une police sur les spectacles, police qui ne consiste pas seulement, comme on a paru le croire, à veiller à ce que la salle soit bien éclairée et bien chauffée, mais qui consiste aussi dans le droit d’interdire certaines pièces. C’est ce que la chambre des députés de France a généralement reconnu.
La discussion a aussi roulé généralement sur une autre question, celle de savoir si l’on devait recourir aux mesures simplement répressives ou aux mesures préventives. Encore une fois presque tout le monde a été d’accord sur ce point que dans l’intérêt de la morale et de l’ordre public comme aussi dans l’intérêt des auteurs et des directeurs de spectacles, il fallait nécessairement des mesures préventives. La principale raison qu’on a fait valoir sur la nécessite d’adopter des mesures de cette nature a été que si on n’y avait pas recours, les directeurs de théâtre seraient infailliblement réunis un jour ou l’autre.
Dans la même discussion on a reconnu la difficulté pour ne pas dire l’impossibilité de faire une bonne loi sur cette matière. En effet, indépendamment des preuves que nous donne cette discussion à cet égard, une commission nommée pour s’occuper de cet objet n’a pu terminer son travail ; elle y a reconnu de telles difficultés qu’il lui a été impossible de les surmonter.
A la chambre des députés de France on a contesté que le décret de 1806 fût en vigueur, ce décret d’après lequel la police spéciale du théâtre appartiendrait entièrement au gouvernement. Dans cette discussion un orateur célèbre, après avoir reconnu la nécessité des mesures préventives, a exprimé une opinion qui semble devoir être d’un grand poids dans cette discussion.
Voici comment s’exprime M. Vatismesnil après avoir reconnu que la législation sur les théâtres ne saurait être répressive parce que la loi répressive ne saurait atteindre les pièces de théâtre :
« « Mais il y a un point essentiel, vital, sur lequel je diffère avec les ministres. Ils pensent que l’examen préalable doit appartenir au gouvernement. Je crois que cette opinion n’est ni dans l’intérêt du gouvernement ni dans des auteurs. La censure doit être toute municipale : elle concilie tous les intérêts, fera disparaître tous les inconvénients. Elle ne sera jamais exercée que dans l’intérêt des moeurs et de public.
« Depuis la révolution de juillet, la censure est exercée par le gouvernement. Qu’en est-il résulté ? C’est qu’occupé d’actes plus importants, il ne s’est jamais attaqué qu’à des pièces qui pouvaient présenter des illusions politiques. Et en même temps que le gouvernement arrêtait certaines pièces, il permettait la représentation d’un grand nombre d’autres, dont l’immoralité a fait dire avec justice à l’un de nos honorables collègues que la pudeur ne permet plus qu’un père de famille conduise sa femme et ses filles au théâtre.
« L’autorité municipale sentant la nécessité de maintenir les moeurs et l’ordre public dans sa localité, n’admettra pas des pièces qui pourraient porter atteinte à la morale, ou à l’ordre public. »
Eh bien ! messieurs, l’opinion la plus libérale exprimée dans cette discussion est celle de l’orateur dont j’ai rappelé les paroles ; elle tend à ce que la police des théâtres ne soit pas déférée au gouvernement, mais qu’elle soit toute municipale parce que dans l’intérêt des administrés, cette police ne défendra que ce qui est contraire aux moeurs et à l’ordre public.
Il faut bien, en effet, que cette surveillance soit confiée à quelqu’un. Veut-on en charger le gouvernement ? Mais il ne le demande pas et s’il faisait une semblable demande, elle donnerait lieu à des reproches bien plus graves. Que propose donc le gouvernement ? Que cette surveillance soit confiée à l’autorité municipale chargée par votre loi de veiller au bien-être des habitants, à une autorité qui est une émanation du vœu populaire, à des magistrats choisis par le peuple ; car d’après la loi les bourgmestre et échevins doivent être pris dans le conseil ; ils sont donc investis de la confiance de la commune qu’ils administrent.
Dès lors personne n’est plus à même que le collège de régence de veiller à ce qu’il ne soit représenté aucune pièce contraire à la tranquillité publique.
Je pense donc qu’il est impossible de faire une loi plus libérale que celle qui tend à confier à la police municipale la surveillance des spectacles et des pièces à représenter.
Dès lors, messieurs, il me semble qu’il ne peut y avoir aucun motif fondé pour ne pas adhérer à la proposition que vous a faite M. le ministre de l’intérieur. C’est dans ce sens que je voterai.
M. Dechamps. - Je demande la parole. Je ne veux présenter qu’une courte observation. C’est pour faire remarquer que l’honorable M. Gendebien tombe dans une contradiction. Il veut bien conserver la première partie de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur : « La police des spectacles appartient au collège des bourgmestres et échevins. » Mais ces mots me paraissent aussi vagues, aussi élastiques que le reste de l’amendement du ministre de l’intérieur. M. Gendebien laisse aussi à l’appréciation des autorités communales la question de savoir comment cette police pourra s’exercer. Il me semble que le mot police des spectacles implique aussi bien la police morale que la police matérielle. Comme le remarque M. le ministre des affaires étrangères, c’est de la confusion des mots que viennent les erreurs de nos adversaires, erreurs qu’ils ont flanquées d’épithètes de si bon goût et de si bonne compagnie.
M. Gendebien. - Je m’empare, pour justifier ma motion d’ordre, de ce que vient de dire le ministre des affaires étrangères. Il a dit qu’une commission avait été nommée en France pour préparer un projet de loi de police des théâtres, et que cette commission avait rencontré tant de difficultés qu’elle n’avait pas pu achever son ouvrage. En France, messieurs, à Paris, où il y a des hommes tout au moins aussi éclairés que nous, on a trouvé des difficultés telles qu’on n’a pas pu achever un travail sur cet objet, et on voudrait que nous allassions nous prononcer immédiatement et sans examen sur cette question qui présente tant de difficultés au dire même du ministre des affaires étrangères. Faut-il en dire davantage pour justifier ma motion d’ordre qui ne préjuge rien et laisse liberté entière d’examen pour ceux qui veulent établir la censure, comme pour ceux qui veulent la combattre ?
Dans une pareille situation, je le demande, ne devrait-on pas s’abstenir plutôt que de retrancher une liberté à laquelle on n’a encore vu aucun inconvénient, car on n’en a signalé aucun.
D’un autre côté, on m’accuse de contradiction ; je crois que l’honorable orateur n’a pas donné une excellente démonstration de cette prétendue contradiction. Je doute même qu’il connaisse bien la signification du mot.
Je déclare être prêt à adopter la première partie de l’article consistant en ceci : « La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins.» M. Deschamps trouve la une inconséquence, parce que, suivant lui, le mot police est aussi élastique, présente des phrases aussi favorables à l’interprétation que le reste de l’article.
Messieurs. depuis quand méconnaît-on à ce point la valeur des mots police des théâtres, maintien du bon ordre à l’intérieur au moment de la représentation. Que voulez-vous, par votre article ? Est-ce une police intérieure ? Non, c’est une police qui s’exercerait en dehors de la salle, vous voulez établir une véritable censure des pièces. Le ministre des affaires étrangères l’a prouvé en citant les paroles de Vatimesnil. La censure, a-t-il dit, doit être toute municipale (M. de Muelenaere fait un signe affirmatif). C’est par ces paroles qu’il entend interpréter la proposition du ministre de l’intérieur. Moi, je déclare qu’aux termes de l’article 18 de la constitution, il ne peut pas plus y avoir de censure municipale que de censure gouvernementale. La presse est libre, dit cet article, la censure ne pourra jamais être rétablie.
Je vous demande maintenant de quel droit la censure pourrait être rétablie alors que la constitution dit formellement que jamais elle ne pourra l’être. Mais, dites-vous, c’est une censure municipale. Il n’y a pas de raison pour que vous ne disiez pas que tous les imprimeurs de Bruxelles aussi bien que les théâtres seront soumis à la censure municipale. Le conseil, direz-vous, comme aujourd’hui offre toute garantie, il est composé d’hommes honorables élus périodiquement. Il ne s’agit pas de la censure de la haute police impériale, mais simplement d’une toute bénigne censure municipale.
Messieurs, la constitution n’a pas fait de distinction, elle a dit positivement que la censure ne pourrait être rétablie ; si vous admettiez aujourd’hui une censure municipale, il n’y aurait pas de raison pour que vous ne rétablissiez pas demain la censure gouvernementale.
La constitution n’a pas fait de distinction, elle a dit positivement que jamais la censure ne pourrait être rétablie. Et trois ans après vous proposez de la rétablir, en la colorant du nom de municipale. Je vous demande si dans une circonstance aussi grave, je ne puis trop le répéter, il n’y a pas lieu au moins de s’abstenir.
Je ne vous propose pas de déclarer qu’il n’y a aucune mesure à prendre, je vous demande seulement d’attendre que nous ayons le temps d’entrevoir au moins les difficultés dont a parlé le ministre des affaires étrangères, difficultés qui ont arrêté une commission nommée ad hoc à Paris. N’ayons pas l’air aux yeux de la France d’avoir voulu faire en un quart d’heure ce qu’une commission composée d’hommes de lettres, de publicistes et d’artistes distingués, n’a pas pu faire en trois ans. Ne donnons pas surtout le scandale d’une violation aussi flagrante de notre constitution sans examen.
En France on pouvait dans le sens sous lequel j’ai envisagé la question rencontrer des difficultés qui ne peuvent se présenter ici, car la question est tranchée par l’arrêté du gouvernement provisoire et surtout par la constitution. Quoique la question ne soit pas douteuse pour moi, je ne demande pas que la question soit tranchée dans le sens de mon opinion, la seule chose que je demande c’est que tout le monde puisse l’examiner et se prononcer en connaissance de cause. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
M. Dubus, président. - M. Gendebien ayant demandé qu’on réduise l’article à ces mots : « La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins, » je vais commencer par mettre aux voix cette première partie de l’article.
- Elle est adoptée.
M. Gendebien. - Je demande l’appel nominal sur ma motion d’ordre qui consiste à ajourner le reste de l’article.
- Plus de cinq membres se lèvent pour demander l’appel nominal.
M. de Renesse. procède à cette opération.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 60.
Pour, 15.
Contre, 45.
En conséquence, la motion n’est pas adoptée.
Ont répondu non : MM. Bekaert, Berger, Coppieters, Cornet de Grez, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode W. de Mérode, de Muelenaere, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Deschamps, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fleussu, Helias d’Huddeghem, Legrelle, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Pollénus, A. Rodenbach, Schaetzen Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Raikem.
Ont répondu oui : MM. Brixhe, Corbisier, Dams, de Puydt, de Renesse, Frison Gendebien, Jadot, Jullien, Pirson, Troye, Seron, Trentesaux, Watlet et Zoude.
M. Gendebien. - Je demande que mon vote affirmatif soit inséré au procès-verbal.
M. Dubus, président. - Le vote approbatif de M. Gendebien sera inséré au procès-verbal.
- On passe au vote par appel nominal sur la seconde partie de l’amendement.
Cette seconde partie est adoptée à la majorité de 45 suffrages sur 60 votants.
Ont voté l’adoption : MM. Eloy de Burdinne, Ernst, Fleussu, Legrelle, Milcamps, Olislagers, Pollénus, A. Rodenbach, Schaetzen, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Bekaert, Berger, Nothomb, Coppieters, Cornet de Grez, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Roo, Deschamps, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Dumortier, Raikem.
Ont voté le rejet : MM. Brixhe, Corbisier, Dams, de Puydt, de Renesse, Frison, Gendebien, Jadot, Jullien, Pirson, de Troye, Seron, Trentesaux, Watlet, Zoude.
M. Gendebien. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.
M. Dubus, président. - Le vote négatif de M. Gendebien sera inséré au procès-verbal.
- L’ensemble de l’article est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.