(Moniteur belge n°332, du 28 novembre 1834)
(Présidence de M. Dubus.)
La séance est ouverte à une heure trois quarts.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître que les pièces suivantes ont été envoyées à la chambre.
« Le sieur C.-J. van Rem, notaire à Oost-Winkel (province de Gand), dénonce les vexations auxquelles il est en butte de la part de son curé. »
« L’administration communale et les habitants notables de la commune de Boveke et de Rhisne demandent à faire partie du canton de Namur. »
« Le sieur C.-H. Rooseboom, ex-capitaine de navire, demande que la chambre adopte une loi qui autorise le gouvernement à l’indemniser des pertes qu’il a essuyées pendant les journées de septembre. »
« Plusieurs pharmaciens de Verviers demandent des modifications à la loi du 12 mars 1818, en abrogeant l’article 11 qui permet aux médecins et aux chirurgiens de fournir des médicaments à leurs malades dans toutes les villes et communes où il n’existe pas une commission médicale provinciale. »
« Le sieur Elskens, dit Borremans, ex-colonel du 1er régiment de chasseurs à pied, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir la révision du procès qui l’a condamné. »
« Les administrations des communes de Lillo, Stabrouck, Beerendrecht et Santvliet, demandent que la chambre adopte le projet de loi relatif aux indemnités qui lui est soumis, et adressent des observations sur ce projet. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
« Les conseils communaux des communes de Jumet (Hainaut), de Champieux, Dansoulx, Vidrin et St-Marc (Namur), se plaignent de ce que les habitants soient assujettis à loger un escadron du 2ème régiment de chasseurs à cheval envoyé en cantonnement dans les communes. »
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, je demande que la pétition concernant les cantonnements soit renvoyée au ministère de la guerre, pour que l’on puisse s’entendre avec le ministre avant la discussion de son budget, et qu’il soit pris des mesures convenables pour les cantonnements ; beaucoup de membres feront dépendre leurs votes des propositions qui leur seront soumises, décidés qu’ils sont à rejeter le budget, si l’on persiste à le présenter comme on l’a fait jusqu’à ce moment.
- La motion de M. Desmanet de Biesme est mise aux voix et adoptée.
M. Dubus, président. - Nous en sommes restés hier au n°7 de l’article 87 qui est ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins est chargé :
« 7° Des actions judiciaires de la commune, soit en demandant, soit en défendant. »
- Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.
« 8° De l’administration des finances et des propriétés de la commune, ainsi que de la conservation de ses droits. »
M. de Brouckere. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour prier un de MM. les membres de la section centrale de vouloir bien donner des explications à la chambre sur l’article en discussion, dont je ne saisis pas bien le sens. Il est à mes yeux la reproduction de l’article précédent. Par ce numéro, on charge le collège des bourgmestre et échevins de l’administration des finances. Si vous remontez au n°4, vous voyez que ce même collège est chargé de la gestion des fonds de retenue et de l’ordonnancement de la comptabilité. Voilà, je crois, toute l’administration des finances. Pourquoi reproduire ce qui a déjà été fait ? Je prierai donc un des honorables membres de la section centrale de donner à la chambre des explications à cet égard.
Par ce n°8 on charge le collège des bourgmestre et échevins de l’administration des biens de la commune. Au n°2 nous avons déjà chargé ce même collège de l’administration des établissements communaux, et maintenant on le charge de celle des propriétés de la commune. Un des deux doit nécessairement disparaître, à moins que la section centrale ne nous démontre que tous deux doivent être maintenus.
M. Dumortier, rapporteur. - L’objection de l’honorable M. de Brouckere me paraît fondée. J’avoue que nulle observation n’ayant été faite à cet égard par aucun membre de la section centrale, on n’a pas songé à la suppression demandée par l’honorable préopinant. Je crois que l’on peut retrancher ces mots « de l’administration des finances. »
Mais je ne pense pas que l’autre paragraphe dont il est question, puisse être supprimé. La commune n’a pas seulement des établissements, mais encore des propriétés soit boisées, soit d’une autre nature.
M. de Brouckere. - Maintenant que l’on est d’accord de supprimer les mots « administration des finances, » je n’insisterai plus sur ce point. Je vois plus loin que, dans le numéro 8, on charge le collège des bourgmestres et échevins de l’administration des propriétés de la commune, et le numéro 3 n’est relatif qu’aux établissements et propriétés bâties. Je demanderai à l’honorable rapporteur de la section centrale, s’il ne croit pas qu’on doive plutôt supprimer ce numéro 3.
M. Dumortier, rapporteur. - En réponse à l’honorable préopinant, je dirai qu’il ne me semble pas possible de supprimer ce paragraphe. Le n°3 se rapporte aux établissements communaux. Ainsi une ville a ordinairement une école, un musée, une bibliothèque ; voilà des établissements communaux. Dans le n°8, il s’agit de propriétés de la commune, et il est constant qu’il existe une différence positive entre les établissements communaux et les propriétés des communes. Des propriétés, messieurs, rapportent toujours un revenu ; les établissements communaux n’en rapportent aucun. Je suis donc d’avis qu’il ne faut pas retrancher les mots : « administration des finances. »
M. Jullien. - Toute la question est de savoir si, dans la loi, propriété est synonyme d’établissement. Non, messieurs, ces deux expressions, dans l’acception où elles doivent être prises, diffèrent complètement entre elles. Il n’y a guère de communes un peu populeuses qui n’aient une école, un athénée, une bibliothèque même. Il n’y a pas de petites communes où il n’y ait des bureaux de charité. Ce sont là les établissements communaux dont parle la loi. Ils n’ont point d’affinité avec les propriétés communales qui appartiennent à la commune, comme des propriétés privées appartiendraient à des particuliers. Il ne peut donc y avoir de confusion entre établissements communaux et propriétés communales. Que l’on supprime les mots « administration des finances, » rien de mieux parce que cela est redondant.
M. de Brouckere. - Je consens à ce qu’on laisse subsister ce paragraphe, si on croit pouvoir le faite sans inconvénients. Pour moi, je suis d’avis que des abus assez graves peuvent en résulter. Par exemple, si vous donnez en général l’administration de tous les biens communaux au collège des bourgmestre et échevins, il arrivera qu’on ne voudra pas d’administration pour les hôpitaux, les bureaux de bienfaisance ; on se fondera sur le paragraphe en discussion pour dire que l’administration communale, ayant la gestion de tous les biens communaux, doit aussi avoir dans ses attributions celle des hospices, bureaux de bienfaisance, etc.
Je vous le demande, messieurs, ne serait-ce pas là un véritable abus ? Les bureaux de bienfaisance, les hôpitaux, les établissements de charité, ne doivent pas être soumis au collège des bourgmestre et échevins, mais à un corps spécialement chargé d’exercer sur eux une haute surveillance, Il me suffit d’avoir fait cette observation pour prévenir des abus que j’ai cru devoir signaler.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’en comprenant bien les diverses dispositions du paragraphe qui nous occupe, il ne peut exister d’ambiguïté ni de contre-sens. Ce n°3, que la chambre a voté hier, n’est applicable qu’aux établissements qui n’ont point d’administration spéciale ; quant à ceux qui en ont une, ils continueront à demeurer sous sa surveillance. Pour le numéro qui nous occupe, je partage, avec l’honorable M. Jullien, l’opinion que sa disposition ne présente aucune matière à confusion entre les mots établissements communaux et propriétés communales.
M. Pollénus. - D’après ce que je viens d’entendre dire à l’honorable rapporteur de la section centrale, il résulte que le paragraphe en discussion doit s’appliquer également aux propriétés boisées. Cela préjugerait, il me semble, sur l’amendement présenté par l’honorable M. Fallon.
M. H. Dellafaille. - Je ferai observer que les propriétés de la commune ne sont pas toutes des propriétés boisées.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas que l’adoption de ce paragraphe préjuge la question des propriétés boisées.
M. Pollénus. - Alors je retire ma motion d’ordre.
M. Desmanet de Biesme. - Je crois cependant devoir faire remarquer qu’il n’y a rien de décidé à cet égard-là. Si les communes croient voir dans l’article un motif pour réclamer leurs propriétés boisées, elles pourront s’en servir. Les lois seront interprétées par les tribunaux ou administrativement. Mais je ne crois pas que l’on puisse dire qu’il n’y a rien de statué, de préjudicié à cet égard-là.
- L’amendement dé M. Dumortier tendant à la suppression des mots « des finances, etc. » est mis aux voix et adopté ; le 8ème paragraphe ainsi amendé est adopté.
« 9° De la surveillance de tous les employés salariés par la commune. »
- Adopté.
M. Dubus, président. - M. d’Hoffschmidt propose ici un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« De faire réparer annuellement les chemins vicinaux. »
M. d'Hoffschmidt. - Peu de mots me suffiront pour développer l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer. Vous avez sans doute remarqué que, parmi les nombreuses dispositions de la loi, aucune n’a pour objet la réparation des chemins vicinaux ; c’est cependant l’un des points les plus importants de l’administration communale. Je crois qu’il est nécessaire de remplir cette lacune ; si vous ne le faisiez pas, il en résulterait que lorsque les états provinciaux feront des règlements pour l’entretien des chemins vicinaux, ce serait à eux à décider quels agents en seront chargés. Je pense donc que vous ne pouvez vous empêcher de mettre dans la loi une disposition sur cet objet ; cela me paraît d’une évidence telle que je crois devoir m’abstenir de plus longs développements à cet égard.
M. Desmet. - Je demande que la discussion de l’amendement qui vient d’être présenté par l’honorable M. d’Hoffschmidt soit ajournée jusqu’à ce que la section centrale ait présenté son rapport sur l’amendement relatif aux chemins vicinaux qui a été renvoyé à son examen.
M. Dumortier, rapporteur. - Je regrette de devoir combattre la proposition de l’honorable préopinant ; mais je crois que nous n’avancerons pas si nous renvoyons toujours à la section centrale. Assurément, s’il y avait nécessité à ce renvoi, je ne m’y opposerais pas ; mais je pense que, quelle que soit la décision que vous prendrez relativement à la direction des chemins vicinaux, il faudra toujours dire que le bourgmestre et les échevins sont chargés de leur réparation. Ainsi dans tous les cas vous devez admettre l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt. Je demande donc qu’il soit mis aux voix, et je me prononce pour son adoption.
M. Legrelle. - J’appuie la proposition d’ajournement faite par l’honorable M. Desmet au sujet de l’amendement en discussion ; car, quoiqu’il nous ait été distribué hier, nous n’avons pas eu assez de temps pour examiner les dispositions sur la matière. D’ailleurs il y a dans cet amendement quelque chose qui m’effraie. Pourquoi dire : annuellement ? S’il n’est pas nécessaire de réparer les chemins chaque année, pourquoi le mettre dans la loi ? Je crois que sous ce rapport il y a lieu à modifier la rédaction.
M. Pollénus. - Je pense avec l’honorable rapporteur qui n’y a ni nécessité ni même utilité au renvoi à la section centrale. On pourrait dire, à la rigueur, que l’objet de l’amendement de M. d’Hoffschmidt se trouve dans le paragraphe 5 de l’article en discussion portant : « De la direction des travaux communaux. » Evidemment, cet amendement n’est que la conséquence de cette disposition générale. Je m’oppose donc au renvoi comme n’ayant aucun but d’utilité.
- L’ajournement de l’amendement de M. d’Hoffschmidt est mis aux voix : une première épreuve est douteuse ; l’épreuve est renouvelée, l’ajournement est prononcé.
« 10° Et, en général, de tout ce qui concerne le bien-être et la sûreté des habitants.
« Il est en outre chargé des fonctions spéciales qui lui sont conférées par la présente loi et les lois en vigueur. »
M. Pollénus. - Le premier alinéa de ce paragraphe me paraît tout à fait inutile ; je pense donc qu’il faut le retrancher comme toutes les dispositions qui portent ce caractère. Si on n’avait établi dans la loi que cette disposition générale, elle aurait pu signifier quelque chose ; mais, après une longue énumération d’attributions particulières, je ne sais ce que veut dire ce précepte. Par ce motif, j’en propose la suppression.
M. Doignon. - Je demande aussi le retranchement de cette disposition, ainsi que l’ont proposé plusieurs sections. Ce n’est pas le collège de régence, c’est le conseil communal qui est chargé des règlements concernant le bien-être des habitants. En prenant à la lettre les expressions de l’article, le collège peut, dans tous les cas possibles, remplacer le conseil communal ; et cependant c’est au conseil seul et à aucune autre autorité qu’il appartient de régler tout ce qui est d’intérêt communal. Le premier alinéa de ce paragraphe est plutôt un précepte qu’autre chose, et il s’appliquerait mieux au conseil qu’au collège de régence. J’en demande la suppression.
M. H. Dellafaille. - Je ne crois pas que ce paragraphe donne lieu aux inconvénients qu’on a signalés ; il est clair qu’il peut s’appliquer au conseil comme au collège, chacun devant agir dans ses attributions. Cependant j’appuierai la suppression comme je l’ai fait dans le sein de la section centrale, parce que ce paragraphe me paraît inutile et que je pense qu’il ne faut rien mettre d’inutile dans une loi.
M. Dumortier, rapporteur. - Cette disposition est en effet une niaiserie. Je ne pense pas qu’on doive la laisser dans la loi.
M. Pollénus. - Je demande la parole sur le paragraphe suivant qui est ainsi conçu : « Il (le collège) est en outre charge des fonctions spéciales qui lui sont conférées par la présente loi et les lois en vigueur. »
Qu’arriverait-il, messieurs, si une loi future voulait conférer d’autres fonctions au collège des bourgmestre et échevins ? Elle ne le pourrait pas d’après cette disposition. Je ne vois aucun motif pour limiter les fonctions du collège à celles qui lui sont attribuées par les lois existantes. Il y a donc lieu, ce me semble, à supprimer cette disposition comme la précédente.
M. Dumortier. - Tout à l’heure je partageais l’opinion de l’honorable préopinant et je demandais, comme lui, la suppression du n°10 ; mais je dois m’opposer à la suppression du dernier paragraphe. Il est toujours bon de déclarer que le collège des bourgmestre et échevins reste chargé des fonctions spéciales qui lui sont conférées par les lois en vigueur. Si on supprimait cette disposition, il pourrait y avoir du doute à cet égard ; on pourrait prétendre qu’il n’est investi que des fonctions qui lui sont attribuées par la loi communale. Il est donc nécessaire de dire que les fonctions attribuées au collège de régence par les lois en vigueur restent bien et dûment conférées au collège des bourgmestre et échevins.
Quant à ce qu’il a dit des lois postérieures, comme la loi parle au présent, dès qu’une loi sera en vigueur, elle sera comprise dans cette disposition. Peu importe que cette loi soit antérieure ou postérieure à celle que nous discutons.
M. Jullien. - Je demande la suppression des deux derniers paragraphes de l’article. Pour le premier nous sommes à peu près tous d’accord. Je ne vois pas la nécessité de dire qu’en général une administration municipale est chargée de tout ce qui concerne le bien-être des habitants. Il me semble que cela va de soi. Quand on est administrateur d’une commune, ce n’est pas pour faire du mal. Il est inutile d’insérer un pareil précepte dans la loi. Il semblerait qu’on doute de la bonne volonté des administrateurs. De même, quand il y a des lois de police qui veillent à la sûreté des habitants, et que l’administration est chargée de l’exécution de ces lois, il est inutile de dire qu’en général l’administration municipale devra veiller à la sûreté des habitants.
Quant au dernier paragraphe, j’en demande également la suppression comme inutile. Il porte : Le collège est en outre chargé des fonctions spéciales qui lui sont conférées par la présente loi et les lois en vigueur. »
Lorsque vous faites une loi qui dit que vous êtes chargé de telles attributions spéciales, il est inutile de répéter que vous êtes chargé des attributions qu’on vient de vous donner.
Mais dit l’honorable rapporteur, il pourrait s’élever du doute si on ne disait pas que le collège est investi non seulement des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi, mais encore de celles qui lui sont conférées par les lois en vigueur concernant les administrations municipales. C’est ce motif qui le fait insister pour qu’au moins la dernière partie du paragraphe soit maintenue.
Je demande qu’on le supprime comme inutile, parce qu’il est un principe de droit, que j’éviterai de vous dire en latin, qui dit que les lois postérieures appartiennent aux lois antérieures, à moins que ces lois ne soient formellement contraires.
D’après ce principe, toutes les fois qu’on ne rencontre pas dans les lois antérieures quelque chose de contraire à la loi nouvelle, elles sont de plein droit maintenues. Il est donc fort inutile de dire que les administrations municipales se régleront d’après les lois en vigueur, parce que les lois antérieures non abrogées existent de plein droit.
D’après ces considérations, je crois qu’on peut sans difficulté supprimer les deux paragraphes dont il s’agit.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, lorsque l’on compare l’article 85 avec l’article 95 du projet du gouvernement, il est évident que l’on a voulu assurer au collège des bourgmestre et échevins son intervention dans les cas où elle est spécialement requise, nonobstant la disposition de l’article 95 qui charge le bourgmestre seul de l’exécution des lois. C’est pour lever tout doute à cet égard que la disposition fut insérée dans le projet du gouvernement. Mais si on examine le projet de la section centrale, on voit qu’il y a double emploi, attendu que l'article 101 porte la même disposition que l’article 85.
L’article 101 porte que le collège des bourgmestre et échevins est chargé de toutes les lois et règlements, etc.
Ainsi on peut sans inconvénient supprimer le dernier paragraphe de l’article que nous discutons.
M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur a fort bien fait sentir le rapport qui existe entre l’article 85 de la section centrale et l’article 95 du gouvernement. Mais l’honorable député de Bruges s’est trompé sur la portée de la disposition, en prétendant qu’elle était relative aux lois et rien qu’aux lois.
Ce dont il s’agit ici c’est de savoir quelle autorité sera chargée de l’exécution de ces lois. Or la loi que nous faisons constitue une nouvelle autorité ; il faut que vous disiez que cette autorité reste investie de l’exécution des lois antérieures, dont était chargée l’autorité qu’elle remplace, si vous ne voulez pas qu’il s’élève des doutes à cet égard et qu’on vienne prétendre que l’autorité que vous constituez n’est investie que des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi.
M. le ministre a dit que cette disposition était bien en relation avec l’article 95 du gouvernement, mais qu’elle était une répétition de l’article 101 de la section centrale. Je consentirai bien volontiers au retranchement proposé par M. Pollénus et appuyé par M. le ministre, mais seulement si M. le ministre adhère à l’article 101 proposé par la section centrale ; car si on n’adoptait pas l’article 101 de la section centrale, on retrancherait une garantie qui se trouve dans la loi. Je ne pense pas que telle soit l’intention de M. le ministre. S’il n’adhérait pas à la rédaction de l’article 101, je le prierais, de demander le maintien de la disposition de l’article 85, qui présente la même garantie.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois inutile la déclaration qu’on me demande, puisque j’ai proposé l’ajournement de la disposition à l’article 101. Seulement je ferai observer que je me réserve de proposer, lors de la discussion de cet article, tels amendements que je croirai utiles, mais ce ne sera pas sur le point dont nous nous occupons.
M. Dumortier, rapporteur. - Si M. le ministre ne propose que l’ajournement, je n’ai rien à objecter.
M. Jullien. - Je ne sais qui des deux, du député de Tournay ou de moi, se trompe ; mais toujours est-il qu’il y en a un. Cet honorable membre prétend qui faut de toute nécessité maintenir la dernière disposition de l’article, parce que, si on la supprimait, il pourrait toujours s’élever des doutes sur la question de savoir si les administrations municipales devront obéir aux lois anciennes non abrogées et qui ne sont pas contraires à la loi actuelle. Moi, je pense que ce doute ne peut exister nulle part que là où l’on n’a pas une connaissance approfondie des lois.
Vous n’entendez pas, par notre loi municipale, faire table rase de toutes les lois antérieures qui dirigent et qui dirigeront encore longtemps l’administration municipale et toutes les administrations du pays, de la multitude de lois qui se rattachent à celle que vous voulez faire, telles que les lois sur les hospices, les établissements de bienfaisance, enfin sur tous les établissements publics placés sous la surveillance de l’autorité locale ; vous ne voulez pas mettre tout cela au néant par la loi dont vous vous occupez ? Eh bien, on suivra ce précepte qu’une loi nouvelle n’abroge rien, à moins qu’elle ne contienne une disposition formelle ou un principe contraire à celui déclaré dans des lois antérieures, parce que de droit les lois postérieures appartiennent aux lois antérieures.
La crainte manifestée par M. le rapporteur pourrait jeter de l’inquiétude sur l’exécution de toutes les lois que vous avez faites, car jusqu’ici on ne s’était pas douté que les lois anciennes pussent être considérées comme abrogées par les nouvelles. Et on ne se fait pas faute d’en faire tous les jours, lorsqu’il y a des lois existantes qui valent infiniment mieux que celles qu’on nous propose.
Si vous adoptez la proposition de la section centrale, on prétendra qu’il faut une disposition particulière pour que les lois nouvelles n’abrogent pas les lois anciennes ; et on mettra en doute l’existence de celles à l’égard desquelles il n’aura rien été stipulé, quoiqu’elles ne soient en rien contraires à ces nouvelles lois.
D’après ces considérations, il n’y a pas à hésiter à supprimer tout le paragraphe.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois que l’honorable préopinant confond deux choses, l’existence des lois et la manière de les exécuter. Il est vrai que je n’ai pas une connaissance approfondie des lois. Mais si j’avais eu comme lui cette connaissance, et que j’eusse fait partie de la commission chargée de préparer la loi, je me serais opposé à ce qu’elle y insérât un non-sens.
Mais, messieurs, il ne s’agit par ici de savoir si les lois existantes seront rapportées par la loi actuelle, mais si cette loi donnera à l’autorité communale, qu’elle institue, les attributions de l’autorité communale d’autrefois, si (un exemple fera peut-être mieux saisir ma pensée) le collège des bourgmestre et échevins continuera à être chargé de l’exécution de la liste électorale, en ce qui concerne la formation et la publication des listes électorales.
Et, bien, voyez, messieurs, quelle est la portée de la proposition que fait l’honorable député de Bruges, ancien membre de la commission chargée de la rédaction du projet de loi communale. L’article 95 du projet du gouvernement porte que « le bourgmestre agit seul et comme agent du gouvernement pour tout ce qui a rapport à la publication et à l’exécution, dans la commune, des lois, des règlements et des mesures d’administration générale. »
La disposition en discussion portait une restriction à celle de l'article 95. Je suppose maintenant que vous la supprimiez, qu’arrivera-t-il ? que le bourgmestre sera seul chargé de l’exécution des mesures relatives. Voilà évidemment ce qui arrivera si vous admettez la suppression demandée par l’honorable député de Bruges. Encore une fois, je le confesse, je ne suis pas très versé dans la législation. Je crois cependant pouvoir dire qu’il est impossible de supprimer le dernier alinéa du paragraphe en discussion. Maintenez-le ici ou à l’article 101, peu importe. Je consens donc à l’ajournement demandé par M. le ministre. Mais s’il s’agit de suppression, je m’y oppose.
M. Eloy de Burdinne. - Aux voix l’ajournement !
- Le premier alinéa du 10ème paragraphe est mis aux voix : il n’est pas adopté ; en conséquence cet aliéna est supprimé.
L’ajournement du 2ème alinéa du 10ème paragraphe est mis aux voix et adopté.
M. Dubus, président. - Des dispositions de l’article 87 ayant été ajournées, la chambre ne peut voter sur l’ensemble de cet article. Nous passons à l’article 88 de la section centrale auquel le gouvernement se rallie ; il est ainsi conçu :
« Art. 88 (projet de la section centrale). En cas d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix publique, lorsque le moindre retard pourrait occasionner des dangers ou des dommages pour les habitants, le bourgmestre et les échevins pourront faire publier des règlements et ordonnances de police, à charge d’en donner sur-le-champ communication au conseil et d’en envoyer immédiatement copie au gouverneur, en y joignant les motifs pour lesquels ils ont cru devoir se dispenser de recourir au conseil.
« Néanmoins l’exécution pourra être suspendue par le gouverneur. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai l’honneur de proposer deux amendements sur cet article. Le premier tend à ajouter après ces mots du projet : « En cas d’émeute, d’attroupements hostiles, ou d’atteintes graves portées à la paix publique, » ceux-ci « ou d’autres événements imprévus. » J’ai pensé que ces expressions plus générales étaient nécessaires ; ce n’est pas, en effet, seulement quand la paix publique est troublée, que le bourgmestre et les échevins doivent avoir des pouvoirs extraordinaires ; il doit également les avoir dans les cas d’événements calamiteux tels qu’une inondation, un incendie ou tout autre accident analogue.
En deuxième lieu, je propose un paragraphe additionnel dont j’ai déjà entretenu la chambre. Hier, la chambre a décidé que, dans aucun cas, le collège de régence ne peut délibérer si la moitié de ses membres n’est présente. Je pense qu’il est des cas où il faut une dérogation à cette règle générale. Voici en conséquence mon amendement :
« Dans les cas mentionnés au présent article, le collège des bourgmestre et échevins pourra délibérer, quel que soit le nombre des membres présents. En cas de partage, la voix du bourgmestre sera prépondérante. »
Je crois cette disposition nécessaire pour que le bourgmestre et les échevins aient le moyen de sauver la commune d’accidents très fâcheux.
M. Dumortier, rapporteur. - Vous avez pu remarquer que nous avons fait du chemin depuis hier. Car maintenant M. le ministre se rallie au projet de la section centrale ; nous sommes donc à moitié d’accord.
Quant à l’amendement consistant dans l’addition des mots : « ou d’autres événements graves, » je ferai remarquer qu’il tend à donner un pouvoir dictatorial au bourgmestre ; ce à quoi nous ne devons consentir dans aucun cas. Je repousse donc cet amendement de toutes mes forces. En effet, tout ce qui n’a pas été porté au budget, tout ce qui n’a pas été prévu antérieurement, forme un événement imprévu. Vous comprenez qu’une telle rédaction donnerait un pouvoir exorbitant au bourgmestre et le chargerait exclusivement de l’administration de la commune.
Je dois croire que M. le ministre n’a pas bien compris la portée de l’article en discussion. Car de quoi s’agit-il ici ? Est-ce de prendre des mesures momentanées et d’urgence ? Non. Il s’agit uniquement ici des règlements et ordonnances de police. Or, je demande si à chaque événement qui n’a pas été prévu, et qui survient dans la commune, il faut que le bourgmestre ait le droit de faire des règlements, de rendre des ordonnances de police ? Non sans doute. S’il s’agissait ici de mesures d’action, je comprendrais l’addition que vous proposez ; je ne la comprends pas dans un article qui, je le répète, n’a rapport qu’aux règlements. Le bourgmestre ne doit pas être investi du droit d’en faire ; ce droit n’appartient qu’au conseil communal.
Je crois que si M. le ministre avait bien compris la portée de l’article, il n’aurait pas présenté son amendement. Dans tous les cas je combats cet amendement, attendu qu’il tend à donner au bourgmestre un pouvoir dictatorial.
Je ne puis accorder le pouvoir dictatorial dans tous les cas. Il en est sans doute où il faut investir le bourgmestre de pouvoirs étendus, c’est lorsque la tranquillité publique peut être menacée ; mais un tel pouvoir doit se restreindre là ; la dictature ne saurait être conférée dans tous les cas non prévus ; car, sous le prétexte que le plus simple événement était imprévu, le bourgmestre absorberait tous les pouvoirs et se transformerait en dictateur.
M. Jullien. - J’appuie l’amendement de M. le ministre dé l’intérieur, et je crois que c’est le député de Tournay qui n’a pas bien compris l’article en discussion. Voici, en effet, comment le ministre propose de lire l’article 88 : « En cas d’émeute, d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix publique, et autres événements imprévus, lorsque le moindre retard pourrait occasionner des dangers ou des dommages pour les habitants. » L’honorable député n’a pas fait attention que ces événements imprévus sont ceux qui peuvent occasionner des dangers ou des dommages aux habitants, et non des événements imprévus quelconques.
Il est bien certain que l’amendement du ministre est restreint dans certains cas. Il peut exister d’autres événements imprévus que ceux qui occasionnent des dangers ou des dommages ; mais le ministre ne les a point en vue. Je crois que l’on doit adopte son amendement si l’on veut compléter le sens de l’article 88.
Je n’approuve pas la seconde partie de la proposition ministérielle : M. le ministre de l’intérieur veut que les membres du conseil municipal puissent délibérer, faire des règlements et ordonnances, quel que soit le nombre de ceux qui sont présents.
Je crois qu’il faut laisser subsister la disposition de l’article précédent, c’est-à-dire, maintenir le principe général, que le conseil municipal ne peut délibérer que lorsque les membres du conseil municipal, ou du conseil de régence, sont en majorité. Autrement, le bourgmestre, ou un échevin, ou un membre du conseil, pourrait tout seul faire un règlement, une ordonnance. Il vaut mieux dans un cas urgent laisser au bourgmestre ou à l’échevin le pouvoir de prendre, sous sa responsabilité, les mesures qu’il croit nécessaires.
J’adopte donc la première partie de l’amendement, et je rejette la seconde.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Les observations présentées par l’honorable préopinant pourraient me dispenser de prendre la parole ; toutefois, je ferai observer à la chambre qu’il est de toute nécessité d’inscrire dans l’article 88 la proposition faite par M. le ministre de l’intérieur. Que veut-on ? On veut conserver au collège du bourgmestre et des échevins le droit de publier des ordonnances de police lorsqu’il se présente des événements imprévus de nature à porter dommage aux habitants. La section centrale, adhérant à cette proposition faite par le gouvernement, a voulu énumérer les circonstances, et elle a dit : « En cas d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix publique. »
Mais il est une foule d’autres circonstances où il est urgent de publier des règlements de police : les cas d’incendie, d’inondation, par exemple. Dans les Flandres, chaque fois que le danger de rupture des dignes se présente, à l’instant même on publie les ordonnances au son des cloches ; presque tous les habitants sont alors obligés de remplir certains devoirs. C’est surtout pour les cas d’incendie et d’inondation que l’amendement est utile.
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai déjà dit que les honorables membres ne comprenaient pas l’article, et il est facile de le démontrer. Il est question de donner ici, non pas le droit de prendre des mesures dans les cas imprévus, non pas le droit de publier les règlements existants, mais bien de faire des règlements nouveaux. L’article le dit clairement ; lisez-le : « Le bourgmestre et les échevins pourront faire publier des règlements et ordonnances de police, à charge d’en envoyer immédiatement copie au gouverneur. » On ne peut entendre ces expressions que pour de nouveaux règlements. Or, est-il nécessaire d’investir le collège de ce pouvoir, dans tous les cas d’événements imprévus ? Non, sans doute ; et il faut bien s’en garder.
Mais, dit-on, il s’agit d’événements imprévus qui peuvent causer dommage ou danger. Messieurs, avec un pareil argument on va loin, et on donne au collège le pouvoir de faire des règlements en toute circonstance. Par exemple, une réunion a lieu pour faire une pétition : personne ne s’en doutait la veille ; le bourgmestre et les échevins diront : Voilà un événement imprévu ; voilà un événement qui peut occasionner du tumulte dans la commune, et ils feront une ordonnance.
M. Fleussu. - La constitution est là !
M. Dumortier, rapporteur. - La constitution est là ! Mais on violera la constitution ; on la viole depuis longtemps ; elle n’est plus ce qu’elle aurait dû être. (Mouvement dans l’assemblée.)
Il est impossible d’admettre la proposition que fait le ministre de l’intérieur, sans donner au bourgmestre et aux échevins le pouvoir dictatorial. Je vous le répète, il ne s’agit pas de lui conférer le pouvoir de publier des ordonnances existantes, de prendre des mesures momentanément, mais de publier des ordonnances et des règlements nouveaux.
Qu’il y ait un incendie, est-ce là le moment pour le bourgmestre de s’asseoir dans son cabinet et de rédiger une ordonnance en 25 articles ? Alors on agit, on prend des mesures et on ne libelle pas des règlements.
La disposition du ministre de l’intérieur introduirait une tyrannie insupportable dans la commune. Nous devons l’écarter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que chacun de nous, ayant compris la portée de l’article, sent la nécessité de lui donner l’extension que j’ai proposée. S’il est permis de se montrer ombrageux relativement aux abus de pouvoirs, il est cependant indispensable de conserver aux bourgmestre et échevins des droits qui les mettent à même de sauver la commune en cas d’événements graves. Ce dernier principe, qui a pour base le salut de tous, en vaut bien un autre.
On dit que dans ces cas le bourgmestre agit d’office et en dehors de la loi, sous sa responsabilité ; quant à moi, je préfère consacrer le pouvoir de ce magistrat par une disposition légale. Il vaut mieux déléguer à un fonctionnaire public les pouvoirs nécessaires que de l’abandonner à lui-même.
La dernière partie de l’amendement est conforme à tous les règlements existants. Quand le bourgmestre et les échevins sont assemblés, ils peuvent déclarer l’urgence ; dans ce cas ils délibèrent, et le bourgmestre a voix prépondérante ; dans les cas contraires, le bourgmestre et les échevins ne le font que s’il y a accord entre eux. Nous pouvons maintenir cette disposition, qui jusqu’ici, en produisant beaucoup de bien, n’a occasionné aucun mal.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Si un honorable membre et moi avons émis l’opinion de donner au bourgmestre et aux échevins le droit de publier les ordonnances de police dans certains cas, c’est la section centrale qui nous a suggéré cette idée. On lit, en effet, dans la rédaction qu’elle a présentée de l’article 88 : « Le bourgmestre et les échevins pourront faire publier des règlements et ordonnances de police, à change d’en donner sur-le-champ communication au conseil et d’en envoyer copie au gouverneur... »
Il ne suffit pas de donner le droit de publier les règlements existants ; il faut encore conférer le pouvoir d’en faire de nouveaux, Il ne s’agit pas ici d’ordonnances en 25 articles, mais de règlements de simple police, commandés par la circonstance ; et c’est l’évidente nécessité de semblables règlements, en certains cas, qui exige l’adoption de l’amendement.
Le mot imprévus, limité par ce qui précède et par ce qui suit dans la rédaction de l’article, ne peut avoir la même signification qu’on lui donne dans le budget des finances lorsqu’on y parle de dépenses imprévues ; je ne pense pas que personne ait pu interpréter l’article 88 dans un sens aussi large.
M. Trentesaux. - Si l’on ajoute dans l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, à l’expression imprévus, celle de subits, tout le monde sera d’accord.
M. Dubus, président. - Je vais d’abord mettre le sous-amendement aux voix.
- Le sous-amendement de M. Trentesaux est mis aux voix et rejeté.
M. le président. - L’amendement de M. le ministre de l’intérieur consiste à ajouter ces mots ou d’autres événements imprévus.
- Cet amendement est adopté.
M. Dubus, président. - Le second amendement est conçu en ces termes :
« Dans les cas mentionnés au présent article, le collège des bourgmestre et échevins pourra délibérer, quel que soit le nombre des membres présents. En cas de partage, la voix du bourgmestre est prépondérante. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
M. Dubus, président. - Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’article 88.
- L’article 88 est adopté.
M. Dubus, président. - On passe à la discussion de l’article 89 :
« Art. 89. Le bourgmestre, ou un des échevins désigné à cet effet par le bourgmestre, est particulièrement chargé de faire observer exactement tout ce qui concerne les actes et la tenue des registres de l’état-civil.
« Il peut avoir à cet effet sous ses ordres, et suivant les besoins du service, un on plusieurs employés salariés par la commune qu’il nomme et congédie, sans en référer au conseil, qui doit toujours déterminer le nombre et le salaire desdits employés. »
M. Doignon. - Messieurs, j’aurais préféré l’article du gouvernement en ce qu’il exige qu’on en réfère au conseil pour congédier le commis ou l’employé à l’état civil.
Ce n’est point sous le régime d’une constitution libérale qui attribue l’administration de la commune à un corps composé de ses élus, qu’on peut admettre que la volonté ou le caprice seul de ses membres, tel que le bourgmestre ou un échevin, puisse suffire pour congédier un employé qui est au premier rang dans les bureaux de l’administration locale. Dans la commune comme ailleurs, il faut empêcher qu’on ne puisse faire de l’absolutisme.
Rien ne justifie le projet de la section centrale, donnant un pouvoir aussi extraordinaire au bourgmestre ou à l’échevin qui le remplace, sans devoir en référer au conseil. C’est pour les campagnes une innovation dont la nécessité n’est point établie. Pourquoi ne pas s’en tenir à la disposition de l’article 74 du règlement, puisque l’expérience a prouvé jusqu’ici qu’elle est suffisante ?
Les bourgmestre et assesseurs, dit cet article, ont la surveillance de tous les fonctionnaires et employés communaux : dans le cas où ceux nommés par l’administration locale se rendraient coupables de négligence ou de retard dans le service, le bourgmestre et les assesseurs, avec le consentement du conseil municipal, ont le droit de les suspendre de leurs fonctions pour un terme qui ne pourra dépasser six semaines.
Puisque le magistrat chargé de l’état-civil est responsable, ou ne peut douter qu’en donnant à connaître au conseil que l’employé n’a pas sa confiance sans même en déduire les motifs, ce corps ne s’opposera jamais à ce qu’il le congédie. Si au contraire le conseil se montrait ridicule au point de le forcer à tenir quelqu’un qui n’a pas sa confiance, ce qui est, je crois, sans exemple jusqu’aujourd’hui, dans un cas aussi extraordinaire et pour lequel, nous le répétons, on ne fait point de loi, ce bourgmestre ou cet échevin ne pourrait être tenu à continuer malgré lui les fonctions d’officier d’état-civil ; il s’en démettrait et elles passeraient à un autre membre du collège.
La responsabilité n’est donc pas une raison suffisante pour rendre cet emploi tellement précaire qu’il dépendrait de la volonté d’un seul de l’ôter et bientôt de le donner. Le sort de ces employés serait plus incertain et plus précaire que celui de tous les autres commis de l’administration.
Mais ce qui rend encore cet article 109 de la section centrale tout à fait inadmissible pour les campagnes et plusieurs villes, c’est que partout le secrétaire communal qui tient les registres de l’état-civil ; le peu de ressources de toutes ces localités ne permet pas de confier à une autre personne la tenue des registres de l’état-civil. Dans toutes ces communes, le secrétaire n’a qu’un seul traitement, et pour les affaires de l’administration et pour la rédaction et transcription des actes de l’état-civil.
Conséquemment, d’après le système de la section centrale, un seul membre de l’administration, soit le bourgmestre ou un échevin, serait toujours le maître de révoquer le secrétaire sans en référer au conseil. Puisqu’il n’y a qu’une seule et même personne qui puisse y exercer les deux emplois, en révoquant l’un, on révoque nécessairement l’autre. Or, nous ne pouvons permettre, et la section centrale ne le veut pas plus que nous, que la révocation du secrétaire communal puisse dépendre d’un seul membre : elle nous propose elle-même, à son article 105, de donner au conseil de régence la révocation comme la nomination du secrétaire. Si donc la section centrale veut demeurer d’accord avec elle-même elle doit nécessairement admettre, comme nous le demandons, l’intervention du conseil au cas actuel. Je demande donc qu’on substitue aux mots ; sans en référer au conseil, ceux proposés par le gouvernement lui-même : après en avoir référé au conseil et de son consentement.
Mais on ne voit pas qu’en autorisant le bourgmestre à remettre à un employé la rédaction et la tenue des actes de l’état-civil, on diminue dans le fait sa responsabilité. Lorsque des irrégularités ou omissions graves sont commises, on voit ordinairement le membre de l’administration chargé de l’état-civil s’excuser en rejetant la faute sur les secrétaires. Cette excuse semble devoir être d’autant mieux accueillie par les tribunaux que la loi permet en effet à ce fonctionnaire de faire faire la besogne par un employé salarié a cet effet. Il serait à désirer qu’on pût rendre ce dernier conjointement et solidairement responsable avec le membre de l’administration désigné pour la tenue des registres de l’état civil ; mais les secrétaires ne peuvent obtenir dans les communes rurales qu’un traitement tellement modique, qu’on ne pourrait, sans inconvénient, faire peser sur eux une si forte responsabilité.
Un abus très fréquent en cette matière, c’est de ne point faire signer les actes par toutes les parties et témoins à l’instant même de leur passation, ou bien de les faire signer en blanc ; et cela vient de ce que beaucoup de secrétaires ne les rédigent qu’après coup. Cet abus peut compromettre de la manière la plus sérieuse l’état des familles.
M. Fleussu. - Lorsque j’ai demandé la parole, ce n’était point pour présenter des observations sur ce qui touche l’amendement de l’honorable préopinant. Cependant je dois dire que je ne puis partager son opinion. Il est évident que les employés de l’état-civil occupent tous des places de confiance, et vous savez, messieurs, qu’il y a des peines comminées contre les officiers de l’état-civil pour perte de temps ou de simples oublis de formalités.
Il me semble que puisque les officiers de l’état-civil assument une responsabilisé aussi grande, il faut leur laisser le choix de leurs employés. Voilà ce que j’ai à dire relativement à l’amendement présenté par l’honorable M. Doignon.
Mais si j’ai demande la parole, c’est que je voulais faire remarquer à la chambre une lacune qui me semblait exister dans le texte de l’article en discussion ; il ne m’a pas paru qu’il rendait exactement l’idée qu’avaient eue en vue le gouvernement et la section centrale.
Si j’ai bien compris le rapport explicatif du projet, on a voulu que les bourgmestres fussent nommés en même temps officiers de l’état-civil, saut à leur laisser la faculté de déléguer un échevin pour cette partie de leurs fonctions. C’est ce qui se pratiquait sous l’empire. Mais le texte de l’article que j’ai sous les yeux ne rend pas clairement cette idée. Or, comme c’est le texte de la loi et l’intention du législateur qui servent de ligne de conduite, j’ai cru devoir attirer l’attention de la chambre sur une modification que me semble nécessiter l’article, attendu qu’il règle les devoirs du bourgmestre et des échevins d’une manière telle qu’il n’y a plus aucune espèce de surveillance légale sur l’état-civil. Voici comment cet article est conçu :
« Le bourgmestre, ou un des échevins désigné à cet effet par le bourgmestre, est particulièrement chargé de faire observer exactement tout ce qui concerne les actes et la tenue des registres de l’état-civil.
« Il peut avoir à cet effet sous ses ordres, et suivant les besoins du service, un ou plusieurs employés salariés par la commune qu’il nomme et congédie, sans en référer au conseil, qui doit toujours déterminer le nombre et le salaire desdits employés. »
Si l’on compare cette disposition avec l’article 109 de la constitution, on pourrait en inférer que les fonctions des bourgmestre et échevins se réduisent à un simple office de surveillance sur la tenue des registres de l’état-civil, et qu’il suffit qu’un membre de l’autorité locale se charge de cette partie du service municipal.
L’article 109 de la constitution porte :
« La rédaction des actes de l’état-civil et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des autorités communales. »
Maintenant rapprochez de cet article l’article 89 actuellement en discussion, vous pourrez en tirer le raisonnement assez fondé que l’office du bourgmestre ou de l’un des échevins se réduit simplement à la surveillance des actes de l’état-civil. C’est ce que n’ont voulu ni le gouvernement ni la section centrale. Le rapport de celle-ci prouve assez que telle n’a pas été sa pensée.
Il me semble, messieurs, que les fonctions d’officier de l’état-civil sont assez importantes pour que l’échevin qui en est chargé soit spécialement désigné et reçoive son mandat de la loi elle-même. Il y a nécessité qu’il soit statué dans la loi actuelle particulièrement a cet égard.
Vous le savez, messieurs, des peines sont comminées d’après la législation actuelle contre l’officier de l’état-civil qui aurait commis des inexactitudes, ou des irrégularités, ou qui ne se serait pas conformé aux délais voulus. Ces dispositions sont contenues dans les articles 50, 192 du code civil. Or, si vous voulez que ces peines puissent atteindre quelqu’un dans l’autorité communale, chaque fois que leur application en sera trouvée nécessaire, il faut que l’officier civil soit désigné spécialement par la loi.
Il ne faut pas que le collège des bourgmestre et échevins soit chargé collectivement de la tenue des registres, il faut que la loi puisse atteindre un individu. Sous l’empire, par les décrets, sous le gouvernement précédent, par les règlements du plat pays, le maire ou le bourgmestre était spécialement désigné comme officier de l’état-civil. Il pouvait déléguer un échevin pour remplir les fonctions que cette qualité lui imposait. Il est toujours nécessaire que cette faculté de délégation lui soit accordée, parce qu’il est souvent dans le cas de s’absenter et de vaquer à d’autres occupations. J’admets donc également cette délégation dont je reconnais l’utilité. Mais je voudrais que l’article 89 fût rédigé de la manière suivante :
« Les actes de l’état-civil sont tenus et les extraits en sont délivrés par le bourgmestre ou par l’un des échevins spécialement désigné par lui à cet effet. Il doit en outre veiller à l’exacte observation de tout ce qui concerne ces actes et à la tenue des registres voulus par la loi. » (Suivrait alors le deuxième paragraphe de l’article.)
M. H. Dellafaille. - Messieurs, il est évident que l’officier de l’état-civil est personnellement responsable même des négligences commises par ses agents. C’est dans ce sens que des jugements ont été portés en plusieurs circonstances, entre autres dernièrement contre l’échevin d’une grande ville. Il est juste que la loi qui fait peser sur lui une si entière responsabilité, lui accorde également une autorité illimitée sur les agents qu’il emploie. Il entre aussi peu dans les règles de l’équité de lui imposer ses agents que de désigner un caissier à un receveur communal.
L’honorable M. Doignon dit que l’article en discussion n’est pas applicable aux campagnes, qu’autrement il faudrait insérer dans la loi que le secrétaire communal peut être destitué par l’officier de l’état-civil. Une simple lecture du rapport de la section centrale aurait prouvé à cet honorable membre qu’il ne peut être question que des employés spécialement attachés à la tenue des registres de l’état-civil. Les raisonnements qu’il a donné, pour démontrer que le secrétaire communal ne doit pas être révocable par l’officier de l’état-civil viennent donc à tomber d’eux-mêmes.
M. Jullien. - La question qui vous est soumise sur la nomination de l’officier et des employés du bureau de l’état-civil a été aussi agitée dans le sein de la commission chargée par le Roi de la rédaction d’un projet de loi communale. On disait aussi d’un côté : puisque c’est l’officier de l’état-civil qui est personnellement responsable de toutes les négligences ou omissions qui peuvent se rencontrer dans la tenue des registres de l’état-civil, il faut bien qu’il ait le droit illimité de nommer l’employé ou les employés dont il aura besoin. On répondait à cet argument : il est de principe que tout employé de la régence soit nommé par le conseil communal. C’est un principe consacré par la loi.
Y a-t-il une raison assez puissante pour que l’on s’en départe en faveur de l’officier de l’état-civil ? Il est nécessaire dit-on, qu’il ait un homme de confiance. Aussi le projet reconnaissant cette nécessité accorde à l’officier de l’état-civil la nomination de l’employé qu’il désire. Mais, pour concilier cette concession avec les principes de la loi communale, il lui est imposé d’en référer au conseil pour cette nomination. Telle était la réponse donnée dans le sein de la commission de rédaction.
La question est donc bien simple. On ne refuse pas à l’officier de l’état civil la nomination de ses employés. Mais il s’agit de savoir s’il en référera au conseil pour ces nominations, pour la détermination du nombre et pour leur destitution. Le projet du gouvernement porte : Il nomme et congédie ses employés après en avoir référé au conseil de régence. La section centrale repousse cette obligation et accorde à l’officier de l’état-civil la faculté de nommer et de congédier ses employés sans en référer au conseil.
Je soutiens que cette dernière rédaction porte atteinte aux droits du conseil municipal. Car l’officier de l’état-civil pourra, en vertu de cette faveur exceptionnelle, faire la loi au conseil comme bon lui semblera. Tantôt il dira au conseil qu’il a besoin de trois employés et le forcera ainsi à des dépenses qu’il n’aurait point faites. Tantôt un employé sera excellent mais il aura déplu a l’officier de l’état-civil, et celui-ci congédiera un subalterne utile et laborieux pour faire place à un individu qui n’aura à le remplacer d’autre titre que sa protection. On ne peut adopter un pareil système.
Si au moins l’employé congédié du bureau de l’état-civil continuait à faire partie des employés de la commune, le mal ne serait pas grand. Mais la destitution sera définitive. Il est très possible que s’il n’est pas obligé d’en référer au conseil, l’officier de l’état-civil congédie un employé dans un but de favoritisme, de népotisme. De pareils abus ne sont jamais à craindre de la part d’une assemblée, d’un conseil communal.
La tenue des registres de l’état-civil est confiée à l’administration municipale. On demande sur qui tombera la responsabilité des négligences dans la tenue de ces registres. La question est facile à résoudre. Chaque membre du collège de régence est personnellement responsable de ses actes. Il me semble donc, messieurs, que les inconvénients signalés dans le projet du gouvernement n’existent pas. L’article tel qu’il s’y trouve rédigé, ménage à la fois et les intérêts des employés de la commune et les droits du conseil municipal. Je pense donc que cette rédaction est la meilleure et la seule que la chambre doive adopter.
Je répondrai aux observations faites par l’honorable M. Fleussu. L’article 86 du projet du gouvernement remplit le but qu’il veut atteindre. Cet honorable membre désire que la loi charge spécialement un membre du collège municipal de la tenue des registres de l’état-civil. La loi y a pourvu. Il n’est guère possible de parler plus clairement que ne le fait l’article 89 :
« Le bourgmestre, ou un des échevins désigné à cet effet par le bourgmestre, est particulièrement chargé, en se conformant aux lois sur la matière, de faire observer exactement tout ce qui concerne les actes et la tenue des registres de l’état-civil. Il peut avoir à cet effet, sous ses ordres et suivant les besoins du service, un ou plusieurs employés salariés par la commune qu’il nomme et congédie après en avoir référé au conseil, qui doit toujours déterminer le nombre et le salaire desdits employés. »
Quelle est la personne spécialement chargée de la tenue des registres de l’état-civil ? La loi dit que c’est le bourgmestre, mais comme ce fonctionnaire ne peut pas s’occuper exclusivement de cette partie de ses devoirs, il l’a déléguée à l’un des échevins. Croyez-vous maintenant qu’il faille bouleverser un article mûrement pesé et examiné par l’introduction d’un amendement à la discussion duquel nous passerons peut-être une heure avant de nous entendre ?
Je me résume et conclus pour l’adoption de l’article présenté par le gouvernement. Dans tous les cas, que la chambre le rejette et accorde la préférence à l’article de la section centrale, le but de l’amendement de M. Fleussu se trouvera atteint, sans que l’adoption en soit nécessaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne pense pas qu’il puisse s’élever une objection sérieuse contre la rédaction présentée par l’honorable M. Fleussu. D’après l’article en discussion le bourgmestre ou l’un des échevins est particulièrement chargé de faire observer ce qui concerne les actes de l’état-civil. Ces mots, tels qu’ils sont insérés dans la loi me paraissent trop vagues.
Je crois qu’il est utile d’y désigner spécialement la personne chargée de recevoir les actes de l’état-civil et la personne chargée d’en délivrer des expéditions. C’est dans ce but que l’honorable M. Fleussu a rédigé son amendement, qui est conçu dans un sens légal, et je lui donne la préférence sur la disposition du gouvernement et sur celle de la section centrale.
Suivant moi, l’observation faite par l’honorable M. Doignon se rapporte à ceci : la section centrale propose de conférer à l’officier de l’état-civil le droit de nommer et de révoquer les employés sous ses ordres sans en référer au conseil communal. Le projet du gouvernement accorde bien le même droit de nomination et de révocation à l’officier de l’état-civil, mais il veut que cet officier en réfère pour cet objet au conseil. Voici toute la différence. Au reste il est, me semble-t-il, assez indifférent que l’on adopte l’une ou l’autre de ces rédactions. La chambre décidera sur ce point.
Je dois faire remarquer à l’assemblée que les fonctions de l’état-civil sont de la plus haute importance. Non seulement la loi prononce une foule de peines pour négligences, inexactitude, ou irrégularités commises dans la tenue des registres. Mais il pèse en outre une immense responsabilité sur les membres du corps communal spécialement chargé de ce service.
Aux termes de l’article 51$ du code civil, il est civilement responsable de toutes les altérations survenues dans les registres. Ces fonctions me paraissent tellement délicates, et pouvant donner lieu à des graves résultats, que jamais, moi, je ne consentirais à les accepter, à moins que je n’eusse placé une entière confiance dans la capacité, dans la probité et dans l’exactitude de l’employé chargé sous mes ordre de tous les détails de l’état-civil.
C’est sous ce rapport, c’est dans l’intérêt même de la tenue des registres de l’état-civil, qu’il me semble qu’il y a lieu de se départir de la règle générale adoptée pour la nomination des employés de la commune, et de permettre que l’employé de l’officier de l’état-civil, au lieu d’être nommé ou révoqué par le conseil, reçoive sa nomination ou sa destitution directement de l’officier de l’état-civil. Il est évident que ce dernier ne peut accepter l’immense responsabilité qui pèse sur ses actes, si l’employé qui les rédige n’a pas son entière confiance.
Passant à une autre observation faite par l’honorable M. Doignon, je lui ferai remarquer qu’il ne s’agit pas ici du secrétaire communal. Il est évident que l’article n’est relatif qu’à l’employé spécial de l’état-civil. Le secrétaire communal n’est pas nommé par l’officier de l’état-civil. Si dans certaines commune, le secrétaire est chargé du travail qui résulte de la tenue des registres, évidemment l’officier de l’état-civil ne pourrait le priver de ses fonctions de secrétaire communal, place qu’il tiendrait du conseil et que pourrait seulement lui retirer le pouvoir qui l’aurait nommé.
L’honorable M. Jullien a fait une observation fort juste. Il ne doit pas dépendre de l’employé de l’état-civil de nommer autant d’employés qu’il le jugera convenable...
- Plusieurs voix. - Le projet de loi prévient cet abus.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est juste. Il serait à désirer, je pense, que l’on combinât les deux articles pour n’en faire qu’un seul.
Il me semble donc maintenant, messieurs, que la question n’en est plus une. L’officier de l’état-civil nommera les employés sous ses ordres et pourra les révoquer. Seulement le conseil en réglera le nombre et déterminera leur salaire. Si dans les petites communes le secrétaire est aussi employé de l’officier de l’état-civil et que celui-ci ait à s’en plaindre, il pourra lui retirer ses fonctions spéciales, ce qui n’emportera pas le retrait des fonctions de secrétaire communal.
M. Dubus, président. - M. Dumortier a présenté un amendement rédigé ainsi :
« Le bourgmestre ou un des échevins désigné à cet effet par loi remplit les fonctions d’officier de l’état-civil et est particulièrement chargé, etc. »
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai cherché à concilier la rédaction primitive du projet avec la proposition de l’honorable M. Fleussu. J’ai donc expliqué clairement quelle était la personne chargée de la tenue des registres de l’état-civil, et j’ai modifié aussi peu que possible la rédaction de la section centrale.
Je trouve que mon amendement est beaucoup plus clair. Celui de M. Fleussu retranchait le mot « particulièrement » que j’ai conservé. J’ai dit que le bourgmestre ou un échevin est officier de l’état-civil ; il va sans dire que c’est lui qui en tient les registres, qui les dirige.
Je dirai quelques mots en réponse aux observations de mon honorable collègue et ami M. Doignon. Il a prétendu que si les registres de l’état-civil sont tenus par le secrétaire, comme employé du bourgmestre officier de l’état-civil, celui-ci pourra le destituer à son gré. La rédaction de la section centrale ne dit rien de semblable. Le bourgmestre aura seulement le droit de faire que le secrétaire ne tienne plus les registres. Mais il est évident qu’il n’a pas le droit de le destituer comme secrétaire. Je pense que cette explication aplanira toute espèce de difficultés.
M. Fleussu. - Je me rallie à l’amendement de M. Dumortier, et retire le mien.
M. Legrelle. - J’ai demandé la parole pour un changement de rédaction dans le deuxième paragraphe. Si tant est que vous approuviez l’article de la section centrale, par lequel l’officier de l’état-civil nommera et congédiera ses employés, il me semble inutile d’ajouter : « sans en référer au conseil. » Il est évident qu’il nomme et destitue sans en référer à personne.
Je demande la suppression de ces mots, car il y a pléonasme. Je demande également qu’au lieu de ces mots : « le conseil doit déterminer le nombre, » on dise : « le conseil détermine le nombre. »
M. H. Dellafaille. - Je ne sais si d’après l’article déjà adopté qui donne au conseil la nomination des employés de la commune, il ne convient pas de déterminer qu’il est dérogé à cette disposition par l’article 89.
- Plusieurs voix. - C’est évident.
M. Legrelle. - Il est possible que M. Dellafaille ait raison ; je retire ma proposition.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Doignon est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’ensemble de l’article 89 est mis aux voix et adopté.
L’article 90 de la section centrale, auquel se rallie M. le ministre de l’intérieur, est mis aux voix et adopté. Il est ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins a la surveillance des hospices, bureaux de bienfaisance et monts-de-piété. A cet effet, il visite lesdits établissements chaque fois qu’il le juge convenable, veille à ce qu’ils ne s’écartent pas de la volonté des donateurs et testateurs, et fait rapport au conseil des améliorations à y introduire et des abus qu’il y a découverts. »
M. Dubus, président. - Nous passons à l’article 91 de la section centrale.
« Art. 91. Les soins à apporter à la classe pauvre constituant l’un des premiers devoirs d’une bonne administration, les bourgmestre et échevins veillent à ce que dans chaque commune il soit établi un bureau de bienfaisance.
« Dans toutes les communes dont la population agglomérée excède 2,000 habitants, ils veillent à ce qu’il soit établi, par les soins des bureaux de bienfaisance, des comités de charité pour distribuer à domicile les secours aux indigents.
« Dans les villes manufacturières, les bourgmestre et échevins veillent à ce qu’il soit établi une caisse d’épargne. Chaque année, dans la séance prescrite à l’article 68, le collège des bourgmestre et échevins rend compte de la situation de cette caisse. »
M. le ministre se réunit à la section centrale.
M. d'Hoffschmidt. - Je demande la parole.
Messieurs, j’approuve cet article, mais je voudrais ne pas y voir figurer les considérants qui ont déterminé la section centrale à vous le proposer. Dans une loi, le législateur insère des dispositions, mais jamais les motifs pour lesquels il les a adoptées.
L’article porte : « Les soins à apporter à la classe pauvre constituent l’un des premiers devoirs d’une bonne administration ; les bourgmestres et échevins veillent, etc. »
Je propose de retrancher tout le commencement et de dire :
« Les bourgmestres et échevins veillent, etc. »
On comprend facilement que c’est par intérêt pour la classe pauvre que la section centrale a proposé cette disposition, et le style est plus législatif.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne tiens pas beaucoup à ce que la phrase dont on demande le retranchement soit maintenue ; cependant je dois faire observer qu’il arrive malheureusement trop souvent que les communes oublient que c’est pour elles un devoir de veiller à ce qui concerne les classes pauvres. Cela est tellement vrai que dans bon nombre de communes il n’existe pas de bureau de bienfaisance, quoique la loi leur fasse un devoir formel d’en établir. C’est là ce qui a déterminé la section centrale à insérer dans l’article que nous discutons une phrase qui rappelle aux régences leur devoir envers la classe pauvre.
M. Legrelle. - Le premier devoir de l’administration communale est de s’occuper de la classe pauvre ; c’est dans cette pensée que nous avons ajouté une disposition qui obtiendra l’assentiment de la chambre. Cependant, je ferai une observation qui, je crois, ne sera pas sans utilité.
Vous savez qu’aujourd’hui la société générale des Pays-Bas a établi une caisse générale d’épargne dans toutes les villes manufacturières. Il en résulte que ces caisses ne sont plus sous la surveillance de l’administration communale, et partant, cette administration n’est pas en état de satisfaire à ce qu’exige le dernier paragraphe de l’article, relativement aux comptes à rendre chaque année.
La caisse générale d’épargne est établie d’une manière solide et tout à fait satisfaisante ; il serait inutile d’établir à côté de la caisse générale une seconde caisse d’épargne. Si la caisse générale continue à exister comme aujourd’hui, il me semble que le voeu de cet article est rempli et que l’administration communale n’a pas à s’en occuper.
En ajoutant les mots : « à moins qu’il n’en existe, » on pourvoirait à tout.
- L’amendement de M. Legrelle n’est pas appuyé.
M. Dumortier, rapporteur. - J’avais demandé la parole pour parler sur l’amendement de M. Legrelle. Je suis étonné qu’on ne l’ait pas appuyé. Car demain, la caisse de la banque peut cesser d’exister, et si la disposition n’est pas adoptée, rien ne sera prévu. Nous avons déjà eu occasion de voir de quelle importance était pour les moeurs l’établissement des caisses d’épargne dans les villes manufacturières. Je sais que la société générale est très bien établie, mais elle n’est pas perpétuelle et elle pourrait ne pas durer aussi longtemps que notre loi.
M. Jullien. - Dans la dernière partie de l’article, je demanderai à l’honorable rapporteur ce qu’il entend d’une manière absolue par les villes manufacturières. Il est beaucoup de villes qui prétendent être manufacturières, tandis qu’elles renferment moins de manufactures que d’autres qui ne sont pas réputées telles. Je ne comprends pas bien ce que dans la Belgique on entend par villes manufacturières. Je conçois qu’en Angleterre on donne ce nom à des villes comme Manchester, Liverpool ; mais en Belgique…
- Un membre. - Gand, Liège et Verviers.
M. Jullien. - Bruges aussi alors, car on y fait des toiles ; Malines, on y fait des dentelles.
Voilà une question qu’il faudrait éclaircir. En second lieu, il y a dans la rédaction un vice plus grave, c’est qu’on dit les administrations municipales veillent à ce qu’il soit établi, etc. Est-ce une injonction que vous faites ? Voulez-vous de toute nécessité une caisse d’épargne, faites-en l’injonction et dites : Il y aura une caisse d’épargne établie par les soins de l’autorité communale ? Mais si vous vous bornez à dire que l’autorité communale veille à ce que cette caisse soit établie, quand ce ne sera pas fait, pourrez-vous dire à l’autorité communale : Vous n’avez pas veillé ? on vous répondra : Il n’y a pas d’injonction, ce n’était pas une nécessité de le faire. Il est mal de dire une chose dans une loi quand on n’ordonne pas.
Ce n’est pas ainsi qu’on fait les lois. Les lois prohibent ou ordonnent ; et quand on dit dans une loi : « veillera, » on suppose une chose faite, mais on n’y dit jamais « de veiller » à ce qu’une chose soit faite.
M. d'Hoffschmidt. - M. le rapporteur, pour demander le maintien du premier paragraphe de l’article, a dit que souvent les administrations communales ont oublié les devoirs que leur imposaient les intérêts de la classe pauvre, et que c’était pour rappeler ces devoirs aux communes qui les négligeaient, que la section centrale avait cru devoir mettre un considérant en tête de l’article 91. Il me semble à moi que c’est faire injure à nos administrations communales, qui, je crois, ont assez de philanthropie pour qu’il ne soit pas nécessaire de leur rappeler un devoir aussi sacré que celui d’apporter du soulagement à la classe pauvre.
Si chaque article de la loi était précédé de son considérant, on n’en finirait pas.
Je persiste donc à demander la suppression du commencement de l’article.
M. Legrelle. - S’il est entendu qu’on ne devra pas établir de caisse d’épargne là où il en existe déjà, nous sommes d’accord.
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai déjà dit que je ne tenais pas à ce que la phrase fût conservée, mais il est certain que beaucoup de communes ont oublié ce qu’elles devaient à la population pauvre. Il n’est personne de nous qui ne puisse en citer des exemples.
Je répondrai un mot à l’honorable M. Jullien : suivant lui la loi doit ordonner ou prohiber. Nous avons pensé que la loi ne pouvait pas ici parler d’une manière aussi expresse, précisément par le motif qui a donné lieu à l’amendement de M. Legrelle, qu’il y a des villes où il existe des caisses d’épargne.
Nous avons trouvé inutile de forcer l’administration municipale à établir pour son compte une caisse d’épargne à côté de celle qui existe.
Si l’administration municipale ne s’occupe pas de cet objet, la députation provinciale sera là, qui dira au bourgmestre : Vous n’avez pas rempli votre devoir. Après la députation, vient la surveillance du gouvernement. Ainsi, l’honorable membre peut avoir toute sécurité pour l’exécution de la loi.
Il est essentiel de stipuler que, dans les villes où la population pauvre est nombreuse, il sera pris des mesures en sa faveur. Je suis persuadé que cette disposition obtiendra l’assentiment de l’assemblée.
- La suppression proposée par M. d’Hoffschmidt est mise aux voix et adoptée.
L’article ainsi amendé est également adopté.
M. Dubus, président. - « Art. 92 (proposé par la section centrale). Au collège des bourgmestre et échevins appartient la surveillance des personnes et des lieux notoirement livrés à la débauche.
« Ils prennent à cet effet les mesures propres à assurer la santé, la moralité et la tranquillité publiques.
« Le conseil fait à ce sujet tels règlements qu’il juge nécessaires et utiles. »
- Cet article est adopté sans discussion.
M. Dubus, président. - M. le ministre de l’intérieur présente ici un nouvel article. Le voici :
« La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins. Ce collège veille à ce qu’il ne soit donné aucune représentation théâtrale qui soit contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public. Il peut même, dans des circonstances extraordinaires, interdire toute représentation pour assurer le maintien de la tranquillité publique. »
M. Jullien. - Je demande l’impression de l’amendement et le renvoi de sa discussion à demain, après avoir entendu les motifs qu’a le ministre pour faire cette proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les développements que j’ai à donner à ma proposition ne sont pas étendus. D’après la loi du 24 août 1790 la police des spectacles était donnée à l’autorité communale. Cette police a deux choses pour objet : premièrement, de ne pas permettre les représentations qui offensent les mœurs publiques ; en second lieu, de ne pas permettre les représentations qui portent atteinte à l’ordre public.
Des dispositions législatives ont été rendues dans tous les pays civilisés, pour atteindre ce but. Mais, craignant qu’on ne pût inférer d’une disposition plus ou moins obscure contenue dans un arrêté du gouvernement provisoire, que les lois sur la matière étaient abrogées, j’ai cru devoir, par un article spécial, rendre aux autorités communales une attribution qui leur appartient essentiellement.
Je n’entrerai pas dans de plus longs détails, pour épargner les moments de la chambre. (Aux voix ! aux voix !)
M. F. de Mérode. - Je demande que l’on délibère maintenant sur la proposition du ministre ; il suffit d’en entendre la lecture pour en connaître les motifs.
M. Jullien. - Je croyais que la motion que j’ai faite ne trouverait pas de résistance. On vient de présenter l’amendement à l’instant même, c’est un article nouveau ; donnez au moins le temps de l’examiner. On peut être toujours prêt à voter ; mais on n’est pas toujours prêt à discuter.
- La motion d’ordre de M. Jullien mise aux voix n’est pas adoptée.
M. Jullien. - L’article exige une explication, et je la demande franche. On sait qu’il y a des spectacles où l’on représente, sur la scène, des religieux et des religieuses : beaucoup de personnes croient que c’est là porter atteinte aux bonnes mœurs ; dans ce cas la régence pourra-t-elle interdire un spectacle qui se donne sur les théâtres de toutes les villes de l’Europe ? Investir un collège d’un pareil pouvoir ce serait vraiment exorbitant.
Si je ne donne pas d’autres développements à mon observation, la faute en est à ceux qui présentent des articles nouveaux sans les faire passer par la filière des sections. Remarquez en effet que c’est un article et non un amendement qu’on a déposé sur le bureau.
Introduire ainsi un article, après le vote d’un autre article, ce n’est pas amender, c’est faire une loi nouvelle ; et ce n’est pas ainsi que nous devons les faire, ce procédé est insolite. Les membres de la chambre ne doivent voter que sur les propositions de loi qui ont été examinées par les sections ; c’est mal de les surprendre.
M. F. de Mérode. - Voir des religieuses sur un théâtre n’est pas contraire aux bonnes moeurs, quand d’ailleurs le costume n’est pas entouré de circonstances qui offensent la morale. Je ne crois pas que nous ayons dans nos villes des collèges de bourgmestre et échevins d’une bien grande susceptibilité à cet égard ; et les craintes de l’honorable membre me paraissent exagérées.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il ne peut y avoir aucune espèce de surprise dans la présentation d’un article dont les termes sont clairs, et dont tout chef de famille comprend la portée et la nécessité. Si je ne l’ai pas fait imprimer et distribuer à l’avance, c’est que les membres de la chambre en usent ainsi pour leurs propositions. L’article que je présente n’est point un amendement à l’article 99 ; il est un amendement aux dispositions de la loi dont nous nous occupons maintenant. Nous déterminons quel sont les objets sur lesquels s’exerce la police municipale, ; eh bien, les théâtres sont bien des objets les plus importants qui soient dans les attributions des régences.
Nous ne proposons pas une innovation ; nous ne proposons même pas tout ce qu’il y a dans la loi de 1790 ; on ne permettait aucun spectacle sans autorisation du bourgmestre, et nous ne demandons la surveillance du collège que sur les pièces qui blessent les bonnes moeurs, ou qui peuvent troubler la tranquillité de la ville. Je ne pense pas qu’une personne raisonnable puisse contester ce droit au magistrat de la cité. Je ne rappellerai pas à cette occasion une discussion qui a eu lieu en France, dans la chambre des députés, sur la question qui nous occupe : vous savez que presque toute la chambre a senti que, dans certaines circonstances, les représentations théâtrales pouvaient porter atteinte aux bonnes moeurs et à l’ordre public. Il est des pièces que, dans l’intérêt de la civilisation et de la littérature elle-même, on ne doit pas représenter,
(Note du webmaster. Le Moniteur omet ici l’identification du membre (probablement M. Jullien.) qui s’exprime comme suit : ) J’ai été charmé d’entendre l’honorable M. de Mérode dire qu’il n’y avait rien de contraire aux bonnes moeurs à ce que l’on fît figurer des religieuses sur la scène ; d’autant plus charmé que l’arrêt de condamnation aurait pu s’étendre aux danseurs et aux danseuses. Cet article nouveau, messieurs, a une portée beaucoup plus grande que celle que semblent lui supposer l’assemblée et M. le ministre lui-même. Cet article se rattache à la censure, à la liberté de la presse, à des considérations d’un ordre beaucoup plus élevé, dont M. le ministre de l’intérieur paraît ne pas se douter. Il me semble qu’il serait au moins convenable de renvoyer cet article à l’examen de la section centrale.
J’entends dire que cette proposition a déjà été négativée par le vote de la chambre. Il n’en est pas ainsi. J’avais demandé que l’article de M. le ministre fût imprimé et distribué aux membres de la chambre. L’assemblée n’a pas admis ma motion. Maintenant j’en fais une autre qui est d’une nature différente. Je demande le renvoi à la section centrale de la proposition de M. le ministre, et je prétends que si l’on suivait le règlement, ce renvoi serait de droit. Il faudrait même que les sections l’examinassent avant la section centrale. Mais moi, pour hâter la discussion de l’article, j’en demande le renvoi immédiat à la section centrale, et je lui épargne la filière des sections.
Je prie M. le président de vouloir mettre ma proposition aux voix.
M. F. de Mérode. - Si la demande de M. Jullien est conforme au règlement, je ne m’y oppose pas. Mais j’ai des doutes à cet égard. Je voudrais m’éclairer.
M. Pollénus. - Je n’ai pas très bien compris l’amendement de M. le ministre. Il me semble qu’il y aurait lieu de faire une distinction entre les productions nouvelles et les pièces déjà représentées. Je proposerai l’amendement suivant :
« S’il s’agit de la présentation d’une production nouvelle, le conseil de régence décide. »
M. Jullien. - Je demande également le renvoi de cet amendement à la section centrale.
M. Fallon. - Je prends la parole pour appuyer la proposition de l’honorable M. Jullien. Au premier aperçu je ne crois pas que l’amendement de M. le ministre de l’intérieur porte atteinte aux libertés constitutionnelles. Cependant je ne suis pas convaincu à cet égard. Je désirerais consulter les lois et règlements sur la police des spectacles. Dans l’état des choses, plutôt que de porter atteinte involontairement à nos libertés constitutionnelles je me verrais obligé de rejeter l’article. Mieux instruit peut-être l’adopterais-je.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne conçois pas que la disposition que j’ai proposée puisse porter atteinte aux libertés constitutionnelles. Elle n’a rien en elle-même qui y soit contraire. Quelles sont les libertés constitutionnelles ? C’est la libre expression accordée à chacun de son opinion, de sa pensée au moyen de la presse. Voilà nos libertés constitutionnelles. Les spectacles sont-ils considérés comme un objet de presse ? Evidemment non. C’est un objet désigné par un nom spécial qui est en dehors de la liberté de la presse. La raison en est simple. Dans les spectacles on joint l’action à la pensée. C’est pour cela que l’on a toujours mis sous une surveillance spéciale les représentations théâtrales.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne crois pas que l’amendement de M. Pollénus puisse être renvoyé à la section centrale. C’est le rétablissement de la censure qu’il demande.
- Plusieurs membres. - C’est évident.
M. Desmanet de Biesme. - Je conçois l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. On ne contestera pas qu’il ne faille accorder à la régence le droit de prendre des mesures de police toutes les fois qu’une représentation théâtrale pourrait troubler l’ordre public ou porter atteinte aux bonnes moeurs. Mais M. Pollénus demande que le conseil de régence juge les pièces de théâtre avant leur publication, lorsqu’elles seront encore en manuscrit. Car on sait que presque toujours elles sont délivrées non imprimées aux acteurs. Je le répète, ce serait le rétablissement de la censure. Je déclare que je regarde l’amendement comme tout à fait inconstitutionnel.
M. Legrelle. - Je voterai contre l’amendement de M. Pollénus. Je l’engage même à le retirer. Quant aux dispositions prises par le ministre de l’intérieur, je les crois très sages, infiniment sages ; j’ajouterai même qu’elles existent déjà dans les villes où le spectacle est considéré commue un délassement, et non comme une école de lubricité ou comme une arène où les passions politiques doivent avoir leurs échos. Dans la ville que j’habite, il a été stipulé avec le directeur que le répertoire de la troupe serait soumis au bourgmestre. C’est une tâche pour le collège. C’est un devoir qu’il doit remplir. Nous avons vu les mauvais exemples qui sont résultés du cas contraire. J’insiste pour que la proposition de M. le ministre de l’intérieur soit admise.
- Plusieurs membres. - Aux voix la motion d’ordre.
M. Jullien. - M. Ullens voudra bien me permettre de m’expliquer. Je suis loin de refuser à l’administration municipale la police des spectacles. Si on ne la lui donnait pas, je serais le premier à faire une réclamation à cet égard. Mais je veux que cette police s’exerce dans l’ordre constitutionnel et que les administrations communales ne soient pas les maîtresses de nos plaisirs. Je ne suis pas plus lubrique que M. Legrelle. (Hilarité.) Je pense comme lui que l’on ne doit pas permettre en Belgique de spectacle qui blesse les bonnes moeurs. Mais j’avoue que jusqu’à présent je n’en ai pas vu d’exemple dans notre pays.
M. Legrelle. - Et la Tour de Nesle ?
M. Jullien. - Cela dépend des goûts, M. Legrelle. (Hilarité.)
Vous voyez bien qu’elle est la portée d’un pareil amendement_ Voilà la Tour de Nesle, d’après M. Legrelle, contraire à la morale ; un autre viendra dire que cette pièce blesse les bonnes mœurs. C’est précisément dans les motifs de l’article, pour interdire ce qui serait contraire à la morale ou aux bonnes moeurs, que je trouve du danger.
Nous avons des lois qui attribuent à l’autorité municipale la police des théâtres, nous n’avons pas le temps de les consulter ; laissez-nous voir au moins jusqu’à quel point, sous l’ancien régime municipal, avait le droit d’intervenir dans nos plaisirs. C’est le cas de renvoyer à la section centrale. Elle nous éclairera de ses lumières, et pendant ce temps nous pourrons nous-mêmes en puiser, en examinant les lois sur la matière.
L’opinion publique n’accueillera pas de même que beaucoup d’entre nous la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Vous l’adopterez si vous voulez, mais laissez-nous au moins le temps d’examiner. S’y refuser, serait vouloir enlever le vote par surprise. Je me suis souvent élevé contre cette mesure d’agir de l’ancien ministère. Le nouveau semble suivre ses traces. Je le paierai des mêmes arguments et de la même résistance que l’ancien.
M. Pollénus. - On n’a pas compris ma proposition. Je n’ai nullement voulu établir la censure. Ma proposition ne portait que sur les productions nouvelles et dans l’intérêt des auteurs ; j’en attribuais la connaissance au conseil communal au lieu du collège de régence, comme le proposait M. le ministre. Au reste, ne voyant pas comment faire accorder mon amendement avec celui du ministre, je déclare la retirer.
M. Dubus, président. - Je vais mettre aux voix le renvoi à la section centrale.
- Un grand nombre de membres abandonnent leurs bancs.
La séance est levée à 4 heures et demie.