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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 21 janvier 1834

(Moniteur belge n°23, du 23 janvier 1833)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Liedts donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Une pétition sur les lins est adressée à la chambre ; ainsi que les pétitions sur le même objet adressées précédemment à la chambre, elle est renvoyée à la commission d’industrie et de commerce.

Projet de budget de la chambre de l'exercice 1834

Formation du comité secret

M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion du rapport présenté par la commission de comptabilité de la chambre. Dix membres ayant demandé que cette discussion n’ait pas lieu publiquement, aux termes de la constitution et du règlement, la chambre va se former en comité secret.

- Les huissiers font évacuer les tribunes publiques.

A 3 heures la chambre se forme en séance publique.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1834

Rapport de la section centrale

M. Dubus, rapporteur de la section centrale qui a examiné le budget du ministère de l’intérieur, est appelé à la tribune.

- De toutes parts. - L’impression ! l’impression et la distribution !

- La chambre dispense M. le rapporteur de donner lecture de son volumineux travail ; elle en ordonne l’impression et la distribution. Elle fixera ultérieurement le jour de la discussion du budget de l’intérieur.

Projet de loi portant le budget des dotations de l'exercice 1834

M. Legrelle. - Il me semble que, pour discuter le projet, il faudrait que M. le ministre des finances fût présent.

M. Dumortier. - La présence du ministre des finances n’est pas indispensable pour un budget qui ne le concerne pas particulièrement.

- Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du budget des dotations, M. le président met aux voix les chapitres.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Liste civile

Article unique

« Art. unique. Liste civile : 2,751,322 fr. 61. »

- Adopté sans discussion.

Chapitre II. Sénat

Article unique

« Art. unique. Sénat : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Chambre des représentants

Article unique

« Art. unique. Chambre des représentants : fr. 410,355. »

- Adopté sans discussion.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, un honorable représentant m’a exprimé la crainte que si le ministre n’adhérait pas aux chiffres adoptés par la chambre des représentants pour son budget particulier, il n’y aurait pas moyen de délibérer aujourd’hui définitivement, parce qu’il y a un amendement dans ces chiffres. Je ne sais pas jusqu’à quel point le ministre peut adhérer ou ne pas adhérer au budget de la chambre des représentants ; cependant, si le règlement exige une adhésion nous la donnons pour que la chambre puisse voter aujourd’hui.

M. le président. - La chambre ayant voté son budget aujourd’hui avec le même chiffre que celui qui est porté au rapport, il me semble qu’il n’y a pas d’amendement.

M. Dumortier. - Il se trouve un amendement dans le budget de la chambre ; mais, de quelque manière que l’on envisage la question sur cet amendement, nous ferons observer qu’il y a un amendement dans le chiffre du personnel de la cour des comptes. Elle demande une augmentation de 4,000 francs pour un commis-greffier, les sections se sont opposées à l’allocation. Nous ne pourrons voter qu’après-demain définitivement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai fait l’observation que j’ai présentée, que parce qu’on me l’a suggérée.

Chapitre IV. Cour des comptes

Discussion générale

M. Dumortier. - Je rappellerai au gouvernement que, dans le rapport du budget que nous discutons, on émet le vœu que la cour des comptes soit définitivement organisée.

Le décret du 31 décembre 1830 du congrès impose l’obligation au gouvernement de porter une loi qui organise la cour des comptes pour 1832 ; nous sommes en 1834 et en arrière de deux années de l’époque fixée par le congrès. Il faudrait voter cette loi qui est une des plus importantes.

La cour des comptés a fait un travail sur son organisation ; ce travail présenté aux ministres a été communiqué à chacun de nous ; je demanderai si le gouvernement ne veut pas présenter un projet de loi sur cette matière ; si telle n’est pas son intention, je me propose de le présenter moi-même, car je sens qu’il est urgent que la cour soit définitivement organisée.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il est possible de s’expliquer le retard que le projet de loi sur la cour des comptes a éprouvé ; il suffit de jeter les yeux sur la série des travaux de la chambre pour voir qu’il y a eu impossibilité matérielle de s’occuper de cette loi. L’urgence de l’organisation de la cour des comptes n’est justifiée par aucun abus : je n’ai pas entendu dire, soit à la chambre soit à la cour des comptes, que son action eût éprouvé des entraves ; de la part de la chambre, il ne s’est pas élevé des plaintes sur la manière dont elle remplit ses fonctions.

Un projet, il est vrai, m’a été présenté par la cour des comptes ; mais le gouvernement doit faire de ce projet l’objet d’un examen approfondi : on s’en occupe autant qu’il est possible, autant que le permettent les occupations quotidiennes de l’administration, autant que le permettent les débats parlementaires qui exigent d’être présent aux séances.

Si aujourd’hui le projet était déposé sur le bureau, pensez-vous qu’il serait adopté promptement, qu’il aurait la priorité de discussion sur les budgets de l’intérieur et des finances ? Je ne le crois pas. Que le projet soit présenté dans le cours de la session, et le but de l’honorable membre sera atteint. Le gouvernement a un intérêt plus grand que celui de la législature à ce que la cour des comptes soit organisée, parce que le gouvernement a, dans l’intérêt de son service, quelques améliorations à demander aux chambres.

M. A. Rodenbach. - Le congrès a décrété que nous aurions à nous occuper d’une foule de lois ; le temps ne nous a pas permis de nous livrer à ce travail. Je ne crois pas à la nécessité de nous occuper incessamment de la cour des comptes ; la loi qui la concerne n’est pas de la même urgence que les lois provinciale et communale : la discussion d’hier ne doit laisser aucun doute sur ce point.

M. Dumortier. - Je ne partage pas l’opinion du préopinant. Lorsque le congrès nous a imposé une obligation, nous devons la remplir. Le congrès a dit à la chambre : La révision de la loi sur la cour des comptes aura lieu en 1832. Plus nous nous éloignons de la révolution et plus nous nous éloignons des principes du congrès ; la loi sur la cour des comptes sera d’autant plus dissemblable à celle que le congrès a faite que nous tarderons à nous en occuper. Comme je regarde la cour des comptes comme appelée à rendre de grands services au pays, je souhaite d’obtenir promptement la loi qui la concerne. Si on ne nous présente cette loi que dans le cours de la session, ce ne sera pas cette année qu’elle sera votée.

Je désire qu’elle soit présentée bientôt ; l’affaire est très facile, il s’agit seulement de retrancher quelques articles transitoires de la loi du congrès. Comme cette loi a reçu son exécution pendant quatre années bientôt, on sait à quoi s’en tenir, et elle sera bientôt votée : ce sera l’occupation d’une séance. Au reste, je le répète, si on retarde la présentation, je prendrai l’initiative.

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 43,386 fr. 20 c. »

- Adopté sans discussion.

Article 2

« Art. 2. Personnel des bureaux : fr. 62,724. »

M. le président. - La commission propose une réduction de 4 mille francs.

M. le ministre se rallie-t-il à cette réduction ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je m’y rallie par les motifs développés dans le rapport qui a été fait à la chambre.

- Le chiffre de 58,724 francs est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Matériel : fr. 16,000. »

- Adopté.

Second vote

M. le président. - La chambre considérera-t-elle l’augmentation de l’allocation pour la chambre des représentants et la réduction de 4 mille francs consentie par M. le ministre des finances comme des amendements ?.

M. Dumortier. - J’ai trop de respect pour le règlement pour me rallier à cette opinion. Il est incontestable qu’une réduction ou une augmentation quelconque est un amendement. Il n’y a pas de motif pour s’écarter du règlement, il n’y a aucune espèce d’urgence ; dans la première réunion le vote définitif de ce budget sera l’affaire d’un simple scrutin.

M. Jullien. - Il ne peut y avoir de doute sur la question de savoir si un retranchement de 4 mille francs constitue un amendement. Le règlement est positif. Il n’y a pas d’exemple qu’on ait manqué au règlement, si ce n’est pour des cas d’urgence. Ces cas d’urgence même ont été déterminés d’une manière spéciale pour éviter qu’on n’abusât de cette faculté. Afin de ne pas établir d’antécédents dangereux, je pense qu’on doit remettre le vote définitif, conformément au règlement, à après-demain.

M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le vote définitif est remis à après-demain.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Brouckere. - Qu’y a-t-il à l’ordre du jour d’après-demain ?

M. le président. - C’est ce que la chambre va décider.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il est probable qu’il s’écoulera quatre ou cinq jours au moins avant que le rapport très volumineux du budget de l’intérieur puisse être imprimé, distribué et médité ; je demanderai si la chambre ne croirait pas pouvoir mettre à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la route en fer.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’entends dire non ; je ferai remarquer que le rapport est distribué depuis cinq à six semaines, qu’il n’y a pas de question qui ait été autant éclairée et par la discussion des journaux et par les enquêtes du gouvernement, dont les documents sont sous les yeux de la chambre depuis très longtemps.

Quelle que soit l’opinion qu’on puisse avoir sur le projet, cette opinion doit être formée ; il y a urgence que la chambre prononce, si on veut que les travaux préparatoires puissent commencer avec la bonne saison.

Il ne faut pas ajourner indéfiniment la discussion parce qu’on est effrayé des questions que ce projet doit soulever. Tôt ou tard il faudra bien les aborder. Pressés par le temps, alors que nous sommes en mesure de discuter une loi réclamée par les intérêts commerciaux de la Belgique, irons-nous perdre de gaîté de cœur une semaine entière ? Ce sont des considérations sur lesquelles je crois devoir appeler l’attention de la chambre. Je n’ai certes pas l’envie d’escamoter une discussion ; mais je laisse à la chambre à juger si elle veut perdre encore toute une semaine.

M. de Brouckere. - Il y a longtemps que tous les documents relatifs à la loi sur le chemin de fer nous ont été remis et que nous avons pu les étudier. Je ne vois pas pourquoi nous remettrions la discussion de cette loi à un terme éloigné. Je sais que les documents sont nombreux, qu’il faut un temps moral pour les revoir de nouveau, se rafraîchir la mémoire. Eh bien ! je propose de fixer cette discussion à après-demain ; la journée de demain suffira pour se préparer.

Je ne prévois pas que la discussion puisse être très longue, car tout ce qu’on peut dire sur la matière a été écrit soit dans les brochures, soit dans les journaux ou écrits de toute espèce, et chacun doit avoir son opinion formée. Je prie donc M. le président de consulter la chambre sur ma proposition.

M. Legrelle. - Je viens appuyer la proposition de MM. le ministre de la justice et de Brouckere. La saison des travaux va s’ouvrir, il y a beaucoup de dispositions préparatoires à faire avant de commencer les travaux de la route en fer, et si vous remettez la discussion de celle-là après le vote des budgets et des lois communales et provinciales, vous perdrez encore une année.

Remarquez que c’est une question vitale pour le pays, et, si vous l’ajournez encore d’une année, le pays devra désespérer de notre sollicitude pour ses intérêts matériels. Je demande que la discussion de cette loi soit fixée à lundi.

M. A. Rodenbach. - J’appuie d’autant plus la proposition, que la Prusse vient de décider qu’un chemin de fer serait établi depuis Cologne jusqu’à la frontière de Belgique, et qu’on n’attend plus que votre décision pour commencer les travaux.

M. Dumortier. - Ce que vient de dire le préopinant prouve précisément que nous ne devons pas nous occuper du projet de loi sur le chemin de fer. Quand je vois un membre qui s’occupe avec tant de soin d’économie publique et industrielle ignorer ce qui s’est passé en Prusse relativement au chemin de fer de Cologne, je pense qu’il serait très dangereux d’appeler maintenant l’assemblée à voter sur la loi dont il s’agit. Le gouvernement prussien, je vous prie de le remarquer, n’a pas déclaré qu’une route en fer serait faite, mais il a autorisé une société de concessionnaires à faire cette route, ce qui est essentiellement différent.

Un point de haute importance, c’est que la route que vous projetez coûtera de 20 à 30 millions. Vous ne pouvez pas voter dès demain une dépense de cette importance. Ce serait une haute imprudence de la part d’une assemblée délibérante de voter un principe dont les conséquences doivent être aussi onéreuses pour le trésor public. Je demanderai, n’en déplaise aux honorables députés des villes par lesquelles passera la route en fer, que ce projet soit ajournée jusqu’à ce que nous ayons pu en peser toutes les conséquences et que nous ayons voté les lois d’institutions dont le besoin se fait plus vivement sentir.

S’il s’agissait de la loi qu’avait présentée M. de Theux, c’est-à-dire d’autoriser le gouvernement à faire des concessions, je serais tout disposé à l’accueillir ; mais on ne peut pas, avant d’y avoir mûrement réfléchi, voter une dépense qui grève le budget de trois à quatre millions par an. Si, comme on le propose, la discussion était fixée à après-demain, la loi pourrait passer pour ainsi dire inaperçue, parce que beaucoup de membres ne serait pas préparés.

Je ferai une seconde observation. La chambre n’ignore pas qu’on vient d’inventer en Angleterre de nouveaux procédés de locomoteurs qui fonctionnent sur les routes ordinaires ; il faut que nous puissions nous enquérir de ces nouveaux procédés avec lesquels on dit qu’on parcourt les routes ordinaires avec autant de rapidité qu’on peut en obtenir sur les chemins en fer. Il faut donc attendre un peu l’expérience. L’esprit humain est en marche, disait l’abbé de Pradt ; de même je dirai que l’industrie progresse, et que nous devons du moins examiner jusqu’à quel point les locomoteurs de nouvelle invention pourraient satisfaire les besoins du commerce, avant de voter une dépense de 80 millions.

Nous avons, comme je le disais tout à l’heure, des lois plus urgentes ; ce sont les lois communales et provinciales, qui ont déjà été examinées deux fois dans les sections, avant et depuis la dissolution.

Ce sont des projets qui ont été longuement mûris et les rapports sont faits depuis longtemps. Si vous voulez sortir de la situation inconstitutionnelle où vous vous trouvez et dont vous avez pu sentir les dangers par la discussion qui a eu lieu dans cette enceinte, il importe que vous vous occupiez au plus tôt de l’organisation provinciale et communale.

Je demande que la chambre déclare qu’il y a urgence d’examiner la loi provinciale avant de s’occuper de la route en fer.

M. Davignon. - Messieurs, je viens prier la chambre de s’occuper immédiatement du projet de loi sur le chemin de fer. Ce n’est pas comme député de Verviers que je fais cette demande, mais comme représentant de la nation belge, parce que je suis convaincu que tout le commerce de la Belgique est intéressé à l’établissement de cette route.

Je dois rectifier ce qui a été dit relativement à la Prusse. Je ferai remarquer que déjà, le 5 décembre, le gouvernement avait autorisé la construction d’une route en fer qui aboutirait à la frontière belge ; et, pour donner cette autorisation, le gouvernement n’a pas attendu l’avis de l’assemblée des Etats réunis à Düsseldorf. Dans un rapport très remarquable, fait dans cette assemblée, je trouve qu’il est de l’intérêt de la Prusse comme de la Belgique d’établir une route par connexion, et de maintenir la liberté de la navigation de l’Escaut.

J’ai rappelé ces faits parce que, lors de l’examen du projet que le gouvernement nous a soumis, plusieurs membres hésitaient à y donner leur adhésion dans le doute où ils étaient que le gouvernement autorisât la construction d’un chemin de fer de la frontière belge à Cologne.

Le préopinant a dit : Ce serait une haute imprudence de mettre le projet dont il s’agit en discussion. Je pense, au contraire, que nous ferions une chose très fâcheuse pour notre réputation, si nous différions un projet annoncé depuis si longtemps, si impatiemment attendu, et qui n’aura pas pour résultat de grever le trésor comme on le prétend, car la route rendra au moins les intérêts de la somme qui sera employée. Ce n’est que dans le cas où il faudrait soutenir une concurrence, chose qui ne se présentera pas, que les intérêts pourraient n’être pas couverts.

Quant aux nouveaux procédés de locomotion, ils ne pourraient pas, comme on l’a prétendu, être appliqués aux routes ordinaires.

Je n’ignore pas que la constitution nous fait un devoir de voter les lois d’institution communale et provinciale ; j’appuie ces lois de tous mes vœux, mais l’intérêt du pays parle bien haut : nous n’avons encore rien fait pour les intérêts matériels, et il est temps enfin que nous nous en occupions.

Je demande que la loi sur le chemin en fer soit mise la première en discussion.

M. A. Rodenbach. - Personne ne désire plus que moi la loi communale et provinciale ; mais, de ce que d’ici à quelques jours il ne reste rien à faire, il me semble que sans nuire à la prompte délibération sur ces lois, dont l’examen préparatoire est terminé dans les sections, nous pouvons nous occuper de chemin en fer. On dit que nous ne devons pas nous presser d’exécuter ce chemin parce que l’on perfectionne tous les jours les machines locomotrices ; mais pourquoi en l’Angleterre, où ces perfectionnements s’opèrent, exécute-t-on encore des chemins en fer ? Les motifs que l’on a allégués ne me semblent pas assez puissants pour nous déterminer à ajourner la loi relative à une communication rapide entre Anvers et Cologne.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - On fait des chemins de fer en France et en Angleterre !

M. Legrelle. - On rappelle la situation du pays pour motiver l’ajournement ; et c’est justement en considérant la situation du pays que je demande la prompte discussion sur le chemin de fer. Des marchandises entrent dans la Belgique, mais des marchandises n’en sortent pas ; nous avons le commerce de consommation, nous n’avons pas le commerce extérieur ; hâtons-nous de trouver des débouchés aux produits de notre industrie et de notre agriculture ; hâtons-nous par conséquent d’établir des communications promptes et à économiques avec nos voisins.

L’honorable orateur, abordant le fond de la question, a dit que le chemin en fer occasionnerait une grande dépense pour le pays ; M. Davignon a répondu à cette assertion. Au reste, quand la discussion sera ouverte sur la loi, nous examinerons si la dépense est aussi considérable qu’on le dit ; alors nous entendrons le pour et le contre, et nous nous déciderons.

On prétend encore que nous devons ajourner le chemin en fer parce qu’il y a perfectionnement dans les machines locomotrices ; je ferai observer que le perfectionnement est en effet sur les machines, et non sur les ornières des chemins.

M. Jullien. - Sortez de cette ornière-là, et passons au budget ou à la loi communale !

M. Legrelle. - Je demande que la discussion du chemin en fer soit ouverte lundi pour qu’il n’y ait pas de surprise.

M. Jullien. - C’est encore une question pour beaucoup de monde, si le chemin de fer est un besoin réel pour le pays, tandis que ce n’en est une pour personne si l’organisation municipale est une nécessité.

On oublie que d’après l’article 139 de la constitution on est dans l’obligation d’organiser promptement les provinces et les communes. Votre séance d’hier a retenti suffisamment pour démontrer la nécessité de cette organisation.

Le gouvernement prussien, dont on parle, n’accorde aucun fonds pour faire une route en fer ; il autorise les ministres à recevoir des soumissions. En Prusse on a le bon esprit de comprendre que le gouvernement ne doit pas jeter des millions sans savoir quelle utilité le pays en retirera. Imitons la prudence de ce gouvernement, et ne nous lançons pas dans des dépenses dont nous ne connaissons pas la portée.

Je conviens qu’il serait intéressant d’avoir une route en fer ; mais je crois qu’il est plus intéressant encore d’avoir une loi communale. J’ai lu tout ce qui a été écrit sur la route en fer ; j’y ai vu des opinions tellement divergentes qu’il n’est pas possible de s’en rendre compte sans plusieurs jours d’étude. A moins qu’on n’ait fait un travail spécial, continu, sur ce qui concerne les chemins en fer, on ne peut pas après présent à la mémoire ce qui a été publié, tandis qu’on peut sur-le-champ être prêt à délibérer sur la loi communale.

M. Brabant. - Messieurs, il s’agit aujourd’hui que de fixer la priorité, que de décider quelle loi, provinciale ou du chemin en fer, sera discutée la première. Le temps qui nous est accordé pour examiner ces projets est une question dominante. Tout le monde convient qu’il faut d’abord procéder à l’examen du rapport sur le budget de l’intérieur ; or il faut cinq ou six jours pour cette étude. Ces cinq ou six jours suffiront-ils pour le projet de loi concernant les provinces ou les communes ? je ne le crois pas. Le projet de loi sur les chemins en fer est tellement disserté qu’il n’y a plus rien à dire ; c’est une question épuisée, et je pense que cinq ou six jours suffiront pour le voter.

M. Dumortier veut qu’on ajourne le chemin en fer parce qu’on perfectionne en Angleterre les forces locomotrices ; si nous nous arrêtons par des considérations semblables, nous ne ferons rien. On a dit que l’esprit humain était en marche et que rien ne pourrait le faire rétrograder ; cependant le moyen de le faire rétrograder ce serait de ne rien faire. Je partage l’opinion qu’il est urgent, très urgent de s’occuper de la loi communale ; mais nous ne pouvons la commencer pour la laisser là ensuite et passer aux budgets ; nous devons donc nous occuper d’une loi importante qui ne présentera pas cet inconvénient, c’est la loi sur les chemins en fer.

M. Vilain XIIII. - En mettant la discussion du chemin en fer à après-demain, il pourrait arriver que plusieurs membres tels que MM. Corbisier, Teichmann, qui ont des connaissances spéciales, ne pourraient pas être présents ; par ce motif je demande qu’on renvoie la discussion à lundi.

M. Dumortier. - Mon intention n’est pas, comme dit l’honorable député de Namur, d’empêcher l’esprit humain de progresser ; je veux des progrès au contraire : mais il ne s’agit pas de cela aujourd’hui ; il s’agit de savoir s’il est plus important de voter la loi communale ou la loi du chemin en fer, et de savoir si l’on peut obtenir une communication entre Anvers et Cologne plus économiquement que par le projet proposé.

Quelque désir que nous ayons de faire ces routes en fer, la prudence exige d’examiner un peu comment les choses se passent dans les autres pays. Des dépenses de 30 ou 40 millions ne peuvent s’emporter d’assaut. Je ferai observer, d’ailleurs, que le rapport sur le budget des finances est complètement terminé, que la section centrale se réunira demain pour l’entendre, qu’il sera imprime dans deux jours ; ne vaut-il pas mieux voter les budgets, puis s’occuper de nos lois organiques.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il me semble que le rapport sur le budget des finances n’est pas prêt.

M. Dumortier. - Il reste quatre ou cinq points sur lesquels le ministre des finances doit donner des renseignements. Continuons la discussion des budgets, ce que nous avons de mieux à faire.

M. Ernst. - J’appuie la proposition de mettre lundi en discussion la loi du chemin en fer. Malgré la bonne volonté de M. le rapporteur, il n’est pas sûr que son travail sur le budget des finances sera prêt lundi.

Personne ne veut voter instantanément la loi sur le chemin en fer. On ne veut pas l’emporter d’assaut. Nous ne voulons pas engager l’Etat dans des dépenses sans connaître si elles seront utiles ; nous pouvons, comme la Prusse, admettre les concessions. Des travaux préparatoires considérables ont été faits pour le chemin en fer ; il faut que la question qui le concerne soit vidée. Si l’on met à l’ordre du jour pour lundi le chemin de fer, on pourra s’occuper d’ici là du projet de loi sur l’académie. Cette loi est préparée : je ne la mets pas sur la même ligne que la loi communale et la loi sur le chemin de fer ; mais elle empêchera que nous restions sans occupation.

Il faut résoudre la question : Y aura-t-il un chemin en fer ou n’y en aura-t-il pas ?

A lundi la délibération.

M. Dumont. - Je ne pense pas qu’il soit dans l’intention de la chambre de commencer une discussion pour la laisser inachevée afin de s’occuper des budgets. Nous ne pouvons négliger les budgets sans retomber dans les inconvénients des crédits provisoires.

Relativement au chemin de fer il y a plusieurs motifs de ne pas nous presser : la Prusse s’occupe des préparatifs de l’exécution d’un chemin en fer ; n’est-il pas prudent de différer de quelques jours pour tâcher de mettre le plan prussien et le nôtre en harmonie, pour les mettre en coïncidence ?

On parle de moyens nouveaux de transport inventés en Angleterre ; eh bien, pour suivre l’esprit humain, il faut choisir entre les inventions récentes : sachons donc si les derniers procédés sont préférables aux précédents, avant d’établir notre chemin de fer. Il faudrait que nos ingénieurs éclairassent la chambre sur cet objet. Dans tous les cas, nous ne pouvons pas commencer après-demain ; et si nous commençons la discussion lundi, il faudra la scinder par rapport au budget.

M. Dubus. - A mes yeux la question des chemins en fer est une question immense ; vous en jugerez ainsi par le volumineux dossier que possède chacun de nous, ou du moins que possède chacun de ceux qui ont réuni les documents relatifs à cette matière ; proposer de mettre cette question à l’ordre du jour d’ici à 24 heures, non seulement ce serait une surprise indigne de la chambre, mais ce serait supprimer toute discussion parce que ce serait la rendre impossible.

Discutons lundi, demande-t-on : mais lundi vous aurez une autre loi à discuter, vous aurez le budget des finances.

M. Jullien. - Plus le budget de l’intérieur.

M. Dubus. Relativement au rapport sur le budget des finances on doute qu’il soit prêt ; on craint que le rapporteur ne se trompe dans ses prévisions ; mais la chambre devant se réunir après-demain, pourquoi précipite nos décisions sur les questions d’ordre du jour ? Que la chambre attende à après-demain pour discuter les demandes de priorité. Vous ne pouvez pas intercaler l’immense débat des chemins en fer entre les budgets. Je vous engage à réfléchir sur les observations que M. Dumont a présentées à cet égard, et je propose formellement que l’on remette à après-demain la décision des questions de priorité.

M. Ernst. - La question est immense ; les documents sont nombreux, il y a un volume si l’on veut. Je concevrais que ce fût un motif pour ajourner la discussion, si ce volume nous avait été jeté à la tête depuis trois jours ; mais tous ces documents nous ont été remis successivement depuis six mois par le gouvernement, chacun a eu le temps de les examiner, et sait que ce projet est un de ceux que la chambre doit discuter à ses premiers loisirs.

On craint que cette discussion ne retarde le vote des budgets : c’est à tort, car cette discussion ne durera guère que quatre à cinq jours. Il ne s’agit pas non plus de surprise ; personne n’a pensé à mettre ce projet en discussion plutôt aujourd’hui qu’un autre jour. On s’est demandé : Que fera-on ? On a répondu : Le chemin de fer est une question qui intéresse le pays ; nous sommes prêts à la discuter, mettons-là à l’ordre du jour.

De tous les arguments présentés, je n’en vois aucun qui puisse motiver l’ajournement de la discussion. il semble que, d’un côté, on tient beaucoup au chemin de fer, et que, de l’autre, on craint d’aborder la question en la considérant comme une affaire de localité. Quant à moi, je n’y vois qu’une question d’intérêt général que, tôt on tard, il faudra vider.

On propose de donner la priorité à la discussion de la loi provinciale : c’est alors qu’on s’exposerait à l’inconvénient de scinder le vote des budgets, inconvénient que ne présenterait pas la discussion du chemin en fer ; car quatre ou cinq jours vous suffiront pour cette discussion ; en deux ou trois jours on aura tout dit sur le principe, et une fois le principe voté, les autres articles ne donneront lieu à aucune discussion. La loi provinciale, au contraire, est remplie de détails qui tous présenteront des questions de principe, dont la discussion sera très longue.

Je persiste à demander qu’on fixe la discussion de la loi sur le chemin en fer à lundi.

M. Desmanet de Biesme. - La loi actuelle sur l’expropriation pourra opposer au gouvernement de grandes difficultés dans l’exécution du chemin en fer. Une loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, qu’on dit très bonne, a été adoptée en France à la session dernière. Si on veut faire des chemins de fer, une loi semblable serait peut-être indispensable. Je demanderai à M. le ministre s’il ne se propose pas de nous présenter une loi sur cet objet.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne suis pas très compétent pour répondre à l’interpellation ; je sais cependant que l’objection tirée des difficultés que présenterait la loi d’expropriation a été faite au département de l’intérieur, et que cette question a été mûrement examinée ; que le ministre de l’intérieur s’est environné de tous les renseignements possibles concernant le projet sur lequel nous appelons la délibération de la chambre. L’opinion de ce ministre est qu’il ne doit résulter aucun obstacle de l’application de la loi actuelle sur les expropriations.

Remarquez, d’ailleurs, qu’avant d’en venir aux expropriations, des travaux préliminaires importants peuvent s’exécuter ; et si, dans l’exécution ultérieure, la loi sur l’expropriation faisait obstacle, rien ne serait plus facile que de présenter à la législature un projet qui pourrait jusqu’à certain point être basé sur la loi récemment adoptée par les chambres françaises. Quant à présent, on pense au ministère de l’intérieur que la loi actuelle suffit.

J’ai à me disculper du reproche d’avoir voulu faire une surprise à l’assemblée. Je prie la chambre de remarquer que la question du chemin de fer date des premiers jours de la révolution ; qu’à peine conçût-on quelque espérance dans la consolidation de l’indépendance belge, que les regards des industriels se tournèrent vers l’établissement d’un chemin de fer. Déjà, lors de la discussion des 18 articles, la question a été abordée.

Elle est immense, dit-on : j’en conviens ; mais c’est précisément parce qu’elle est immense qu’il ne faut pas la déserter continuellement. Depuis le temps qu’on s’en occupe, on a pu se faire une opinion. Ce n’est pas seulement le ministère actuel qui à élaboré cette question ; M. de Theux, pendant son ministère ; a appelé sur un projet analogue les lumières de toutes les spécialités

Les documents qui ont été distribués depuis attestent que les explorations les plus consciencieuses et les plus minutieuses ont été faites par les hommes de l’art. Les détails d’exécution ont été étudiés en Angleterre et dans les localités que doit parcourir le chemin, par des hommes qui tenaient leur mission du gouvernement. Un travail très détaillé a ensuite été distribué aux membres de la chambre, et communiqué à toutes les chambres de commerce du royaume, qui, à l’exception d’une seule peut-être, ont adhéré au projet du gouvernement. Vous voyez que cette question a été préparée avec autant de scrupule que de maturité, de la part du gouvernement.

Je n’ai pas entendu que la discussion dût être mise nécessairement à l’ordre du jour après-demain. Je sens qu’il faut que les représentants de toutes les localités puissent se rendre dans cette enceinte. Si on ne croyait pas pouvoir aborder la discussion des budgets lundi, on pourrait mettre à l’ordre du jour la discussion du projet relatif au chemin en fer.

Je sais que la loi provinciale est urgente, et que la loi communale ne l’est pas moins. Peut-être, en présence de ce qui s’est passé hier, la loi communale devrait-elle obtenir la priorité sur la loi provinciale. Mais je vous prie de remarquer qu’il n’y a pas de temps à perdre pour la discussion du projet relatif au chemin de fer : pendant que nous craindrons de nous engager dans une délibération, ailleurs peut-être on commencera à exécuter, et on pourrait, si nous ne nous hâtions, trouver moyen de laisser se refroidir les dispositions que montre un gouvernement voisin à entrer en relations avec nous.

Les constructeurs prussiens, avant de déterminer la direction de leur chemin de fer, ne manqueront pas de s’enquérir de ce qu’on fera en Belgique ; ils ne sont pas assez aveugles sur leurs intérêts pour ne pas regarder comme base de leur construction la jonction avec le chemin belge.

Je me suis laissé entraîner à parler un instant sur le fond de la question : je crois que c’est prématurément ; mais je l’ai fait pour démontrer combien l’urgence était grande. Je pense avoir, sous ce rapport, exprimé l’opinion du commerce belge presque tout entier.

Je proposerai pour la fixation de la discussion un terme moyen qui devrait satisfaire toutes les exigences, c’est de la mettre à lundi. Tous les députés qui sont absents de Bruxelles auront le temps de répondre à l’appel qu’on leur fait de venir remplir leur mandat ; quant à ceux qu’un pareil appel trouverait sourds, je ne sais ce qu’il faudrait en penser.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait. Je déclare de nouveau que le rapport sur les finances est terminé, qu’il pourra être présenté jeudi ou vendredi, et qu’on pourra en ouvrir la discussion lundi.

M. Jullien. - La surprise qu’il y aurait à mettre en ce moment en discussion le projet de loi sur le chemin de fer, ne viendrait pas de la nouveauté de la question : tout le monde sait qu’il y a longtemps qu’elle a été posée ; mais elle viendrait de ce que personne, et encore plus les absents, ne s’est imaginé qu’on pourrait donner la priorité à cette loi lorsqu’on était occupé des budgets et qu’on savait qu’après les budgets on devait passer à l’examen des lois provinciales et communales. Voilà en quoi consisterait la surprise.

Au milieu de la divergence des opinions émises dans les documents dont le recueil nous a été distribué, la difficulté est de faire un nouvel examen pour peser toutes ces opinions et venir avec une opinion à peu près arrêtée.

Si c’est la crainte de perdre du temps qui a fait proposer de mettre ce projet à l’ordre du jour, je ferai remarquer que nous avons à voter plusieurs projets de loi ayant pour but d’accorder des suppléments de pensions à des veuves de braves militaires et à de vieux défenseurs de la patrie ; que nous avons encore un projet de loi sur les indemnités à accorder aux victimes des pillages d’Anvers et autres lieux. Nous pourrions, nous occuper de ces lois en attendant que nous pussions reprendre la discussion des budgets.

M. le président. - Plusieurs propositions sont faites : l’une de fixer à après-demain la discussion du projet de loi relatif au chemin en fer, l’autre de fixer la discussion à lundi, et la troisième de renvoyer à après-demain pour fixer l’ordre du jour.

- Après une discussion sur la position de la question, la chambre décide qu’elle renvoie à jeudi pour fixer l’ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures 1/2.