(Moniteur belge n°359, du 25 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre ; ces pièges sont renvoyées à diverses commissions.
M. le président. - M. Gendebien est appelé à la tribune pour donner lecture de la proposition déposée sur le bureau dans la séance précédente.
M. Gendebien. - Que l’un de MM. les secrétaires veuille bien faire cette lecture ; je n’ai pas sous la main ma proposition.
M. de Renesse donne lecture de la proposition ainsi conçue :
« Un crédit de 73 mille fr. est ouvert au ministère de la guerre afin de pourvoir aux besoins des réfugiés politiques. »
« Gendebien, Rouppe »
M. Gendebien. - M. Je demande à développer ma proposition lorsque la chambre reprendra ses travaux après le congé qu’elle croit devoir prendre incessamment.
M. le président. - L’assemblée a décidé dans sa séance dernière qu’il y aurait discussion générale sur les divers budgets avant de passer à la discussion spéciale du budget de la justice et du budget des affaires étrangères et de la marine.
M. Doignon. - Conformément à l’ordre du jour, la discussion générale est ouverte sur tous les budgets des dépenses, moins celui de la guerre ; pour moi, je dois l’avouer, je sens l’impossibilité de me livrer à une semblable discussion, aussi longtemps que l’on n’aura pas recueilli les opinions des sections, aussi longtemps que la section centrale n’aura point fait son rapport et prit des conclusions : en l’absence de ces documents, toute discussion générale est illusoire ; je me bornerai donc à faire quelques interpellations au ministère.
Nous avons vu il y a quelque temps dans le Moniteur des observations intéressantes sur l’administration de la justice criminelle. Elles étaient suivies de deux projets de loi.
Je demanderai à M. le ministre de la justice si ces observations ont fait l’objet de ses méditations. Il est important d’apporter quelques améliorations dans la justice criminelle.
Tout récemment mais un peu tard, nous avons vu enfin paraître quelques arrêtés qui accordent des décorations de l’ordre militaire de Léopold à un certain nombre de nos braves : ces arrêtés ont provoqué de vives réclamations.
La loi veut que ces arrêtés soient motivés : je demande si l’on a bien rempli le vœu de la loi en alléguant uniquement et d’une manière vague, le zèle et le dévouement des titulaires, sans préciser, sans indiquer aucun fait. Un de ces arrêtés invoque, pour titre à la récompense, l’ancienneté de service : je demanderai aussi au ministre où il a vu dans la loi que c’était là un titre suffisant ?
La loi déclare que les décorations seront décernées à ceux qui ont rendu des services signalés à la patrie : mais autre chose est d’avoir servi pendant vingt-cinq ans, ou de s’être distingué par des traits de courage ou de bravoure. Il me paraît que le ministre a méconnu l’esprit de la loi. Il a dès lors violé l’article 6 de la constitution, qui statue que le Roi confère les ordres militaires, en observant à cet égard ce que la loi prescrit. Je suis persuadé que nos braves auraient vu avec plaisir dans ces arrêtés une mention au moins sommaire des faits qui les rendaient dignes de cette distinction. Le législateur, en exigeant que de semblables arrêtés soient motivés, a voulu donner au pays une garantie que les décorations ne seraient point distribuées par la faveur, l’intrigue et l’esprit de coterie.
Le ministère a déclaré dans cette enceinte, à la session dernière, qu’il destituerait les députés fonctionnaires qui ne voteraient pas avec lui dans les questions importantes, ou, en d’autres termes ceux qui ne voteraient pas les budgets. Je demanderai, s’il persiste dans cette doctrine, ou plutôt dans cette menace attentatoire à la liberté des votes et à l’indépendance de la chambre : aussi longtemps que je ferai partie de cette chambre, je protesterai à chaque session contre cette doctrine anticonstitutionnelle.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’honorable préopinant m’a adressé des interpellations auxquelles je m’empresse de répondre.
Les lettres qui ont paru dans le Moniteur, et qui ont exposé des projets de réforme dans l’administration de la justice criminelle et correctionnelle, sont en quelque sorte la substance de plusieurs entretiens que j’ai eu avec le magistrat signataire de ces lettres ; j’ai cru utile de mettre au jour les opinions qu’elles renferment, et qu’il les environnât de la plus grande publicité
Lorsqu’elles ont été publiées dans le Moniteur, je les ai fait convertir en brochures et je les ai adressées à toutes les cours du royaume avec prière de vouloir bien en faire l’objet de leurs méditations, et de faire parvenir le résultat de ces méditations au gouvernement. Les cours délibèrent actuellement sur ces lettres ; mais le résultat de leur délibération nous est encore inconnu. Le gouvernement puisera les motifs de la détermination qu’il pourra soumettre à la législature, dans les lumières qu’il attend de l’expérience et de la connaissance profonde de la législation des cours du royaume, où l’on compte tant de magistrats anciens et éclairés.
Quant à la seconde interpellation, celle relative aux décorations, j’ai lieu de m’étonner que l’honorable préopinant ait attendu que l’on discutât le budget de la justice et le budget des affaires étrangères pour occuper la chambre de cette question, si tant est que la chambre veuille entrer dans l’examen de questions de personnes. J’ai lieu de m’étonner de ne voir arriver l’interpellation qu’après que vous vous êtes occupés du budget de la guerre, lorsque vous savez que les arrêtés qui confèrent des décorations ont été contresignés par le ministre de la guerre ; lorsqu’il est démontré qu’il appartient au ministre de la guerre d’apprécier les services militaires, services pour l’appréciation desquels je dois décliner toute compétence.
Si donc la chambre croit devoir donner suite à l’interpellation, elle devra inviter M. le ministre de la guerre à se rendre dans cette enceinte et descendre dans des discussions de personnes toujours si délicates.
Je crois pouvoir me borner là, quant à présent, et ne pas devoir répondre à sa dernière interpellation. Le gouvernement connaît ses prérogatives. Il en usera selon sa conviction et sous sa responsabilité, et quand il aura fait ce qu’il croit de son devoir, la chambre fera le sien.
M. Dumortier. - Il ne peut pas y avoir de discussion générale, on le comprend ; cependant, puisqu’on a fait des interpellations au ministre de la justice, j’en ferai au ministre des finances, je lui demanderai s’il a préparé une loi sur l’organisation de la cour des comptes. La révision de l’organisation de la cour des comptes devait avoir lieu en 1832 ; 1833 est écoulé, et nous n’avons pas de modification à cette institution : je demanderai si nous aurons bientôt la loi que le congrès a prescrit de porter.
Je sais que, dans une des séances précédentes, un ministre a dit que nous pouvions user de notre prérogative, et présenter un projet de loi mais lorsque le congrès a imposé le devoir de présenter une loi, c’est au gouvernement à se charger de cette présentation.
Ce que je dis relativement à la cour des comptes, je peux le dire relativement à la garde civique. Vous vous rappelez que, lorsque le 31 décembre 1831 le congrès vota la loi sur la garde civique, on la regarda comme une loi temporaire qui devrait subir une révision complète. L’imperfection de cette loi ne tarda pas se faire sentir.
Actuellement elle ne reçoit plus d’exécution ; cette institution précieuse, prescrite par la constitution, est à peu près comme si elle n’eût jamais existé. Je voudrais savoir si le ministre de l’intérieur nous présentera bientôt une loi sur la garde civique. Je regrette que ce ministre ne soit pas présent à la séance. Quant à la cour des comptes, je demande que le ministre des finances veuille bien nous dire si son intention est de nous présenter, avant la fin de 1833, la loi qui devait être présentée en 1832.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Le gouvernement s’occupe, en effet, de la révision de la loi qui a organisé la cour des comptes, et l’on comprend aisément que, pour que cette révision fût efficace, il fallait que l’ancienne loi eût reçu une application assez longue pour faire découvrir les vices de cette législation et les lacunes à combler. Ce moment est arrivé ; la cour des comptes elle-même a transmis un projet de révision au gouvernement, projet qui fait en ce moment l’objet des réflexions du ministre des finances et du ministre de la justice. Le dessein du gouvernement est de mettre à profit les observations qui lui ont été faites par la cour des comptes, et de présenter dans le plus bref délai possible la loi de révision sollicitée par le préopinant.
Le préopinant regrette de ne pas voir ici M. le ministre de l’intérieur, auquel il aurait voulu adresser une interpellation sur la législation concernant la garde civique : je crois pouvoir assurer que l’on s’occupe activement au département de l’intérieur d’un nouveau projet de loi ; mais la rédaction de ce projet a dû être précédée d’une espèce d’enquête. Je pense que la plupart des renseignements demandés sont parvenus à l’intérieur, et que le vœu du préopinant ne tardera pas à être rempli par la présentation d’un nouveau projet de loi.
M. H. Dellafaille - Messieurs, au moment où nous sommes appelés à voter les fonds nécessaires au ministère de la justice, je dois signaler au chef de ce département quelques abus qui se sont introduits dans une des branches principales de son administration ; le régime du notariat.
J’appellerai d’abord son attention sur un grief dont il n’est pas fait mention pour la première fois : la connivence abusive avec laquelle il tolère les marchés conclus par certains notaires, qui vendent leur démission à des successeurs qu’ils recommandent et que le gouvernement a presque toujours la complaisance d’agréer.
J’avais espéré que les considérations pleines de sagesse par lesquelles un de mes collègues d’Audenarde et un honorable député de Tournay ont combattu cette manière d’agir, auraient porté le ministre à reconnaître son erreur ; malheureusement le Moniteur me prouve lui-même qu’il en a été autrement. Il ne se passe point de semaine que le journal officiel ne mentionne quelque démission de notaire donnée et acceptée, et pour quiconque connaît les profits légitimes de ces sortes de places, sans parler de la manière dont quelques individus savent les exploiter, il est évident qu’un notaire ne donne pas sa démission, mais qu’il la vend.
M. le ministre, en persévérant dans la voie où il s’est engagé, s’est-il bien assuré que sa tolérance à cet égard est sans inconvénient ? Pour moi, j’en trouve d’assez graves pour joindre ma voix à celle de mes collègues, et pour l’inviter de tout mon pouvoir à mettre fin à ce trafic qui me paraît entièrement opposé, sinon au texte, du moins à l’esprit de la loi.
Je demanderai d’abord de quel droit et en vertu de quelle loi on permet à un notaire de vendre ce qu’il n’a pas acheté, ce qui ne lui appartient pas. M. le ministre, dans la séance du 2 septembre dernier, émettait l’avis « qu’une clientèle, acquise par de longs et honorables travaux, participait en quelque chose de la propriété. » Je lui répondrai d’abord que, dans tous les endroits où il n’y a qu’un notaire, la confiance publique est en grande partie forcée, surtout pour les classes inférieures de la société. Ensuite je lui demanderai si la place de notaire est ou non une fonction publique, et, en cas d’affirmative, en vertu de quelle loi une fonction publique peut devenir en tout ou en partie la propriété de celui à qui elle est confiée.
Il y a d’ailleurs dans cette tolérance défaut de justice, en ce que cette faculté abusive de vendre sa place n’est pas générale ; qu’elle est accordée aux uns, refusée aux autres, et qu’elle dépend absolument du bon plaisir de celui, n’importe lequel, qui occupe le ministère de la justice. C’est donc une véritable faveur, un privilège réel, et vous savez, messieurs, si les faveurs et les privilèges sont conformes à l’esprit de notre constitution.
Ce n’est point là ce qu’a voulu la loi sur le notariat. Elle a ouvert cette carrière, non à l’argent, mais au mérite ; elle a voulu qu’en cas de vacature, la place fût donnée non au plus offrant et dernier enchérisseur, mais au plus digne. A mérite égal, j’approuve assez qu’on préfère le fils du titulaire ; mais, hors ce cas, je croit qu’il faut consulter, non les convenances du notaire à remplacer, mais les titres des candidats et surtout l’intérêt du public, qui réclame le plus proche et le plus capable.
Si le gouvernement persiste à croire juste ou utile la vénalité des places de notaire, que dans ce cas il présente aux chambres un projet de loi à cet égard. Cette question est susceptible d’un examen sérieux.
Mais si ce parti venait à être adopté, il faudrait nécessairement que ce droit fût acquis à tous les titulaires sans exception ou à leurs héritiers, et que la première mise de fonds profitât au trésor ; il faudrait en un mot que l’on fît disparaître le privilège abusif qui permet à quelques hommes favorisés de vendre ce qu’ils ont reçus gratuitement. De cette manière, au moins, on ne commettrait plus l’injustice dont sont fréquemment victimes d’anciens candidats, qui se voient préférer des aspirants quelquefois moins anciens et moins capables, et qui n’ont d’autre titre qu'un marché fait contre le vœu de la loi.
Je dois encore faire remarquer à M. le ministre de la justice un second abus, presque aussi grave que le premier ; c’est le peu de cas qu’on paraît faire des avis donnés par les chambres des notaires et les autorités judiciaires. Des places ont été créées, des résidences ont été changées, des nominations ont été faites contre l’avis formel de ces autorités. Ce n’est cependant pas sans motif que la loi a voulu qu’on les consultât. Le ministre peut-il juger en lui-même de la convenance d’une place à créer ou du mérite d’un candidat ? Des renseignements pris sur les lieux sont indispensables, et certes il serait difficile d’en trouver de meilleurs que ceux demandés par la loi.
Je conviens qu’il est des cas, ceux d’érection ou de changement de résidence par exemple, où l’avis d’une chambre des notaires ne doit pas être toujours suivi sans examen ; mais lorsque cet avis est confirmé par celui des autorités judiciaires qui sont plus à l’abri du népotisme et de l’esprit de corps, il me semble que le ministre assume beaucoup sur lui en prenant une décision contraire.
De cette manière d’agir il résulte d’abord un dommage notable pour le public, en ce que ces érections et changements de résidence se font, non dans l’intérêt général, mais dans des intérêts individuels, et que les places sont données, non au plus digne, mais au plus adroit et quelquefois sur des recommandations fort peu réfléchies. En second lieu, cette conduite est une amère dérision pour les chambres de notaires et les autorités qu’on feint de consulter. Elle décourage les magistrats, porte atteinte à la considération dont ils devraient jouir, et leur ôte toute influence sur les notaires qui les voient dépourvus de tout crédit et de toute confiance.
C’est principalement lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles places que je conjure M. le ministre de la justice de consulter les tribunaux et de s’en tenir à leur avis. J’en ai vu ériger qui n’étaient réclamées que par les postulants. Qu’arrive-t-il de là ? C’est que les fonctions étant multipliées au-delà les besoins réels de la population, plusieurs notaires, qui ne peuvent se faire une clientèle et de s’assurer leur sort par des voies légitimes, se trouvent exposés à la tentation de recourir à des gains honteux ; et il n’en est que trop qui y succombent.
Enfin, je dois encore réclamer de M. le ministre de la justice l’exécution de la loi qui ordonne aux notaires de fixer leur domicile réel dans les lieux de leur résidence, En beaucoup d’endroit, cette disposition est éludée ; en d’autres elle est ouvertement violée. C’est encore une fois l’intérêt particulier qui prévaut ici sur l’intérêt public. La tolérance avec laquelle les autorités ont jusqu’ici fermé les yeux sur cet abus est d’autant plus injuste que celui qui viole la loi doit nécessairement nuire à celui qui l’observe. L’injustice est encore plus flagrante lorsque c’est un notaire d’arrondissement déjà privilégié auquel on permet cette violation de la loi.
M. le ministre me répondra qu’il a donné les ordres nécessaires pour remédier à cet abus. Je le sais et je lui rends justice à cet égard, mais je dois l’avertir que ces ordres ne sont pas exécutés. Il sera nécessaire qu’il ordonne formellement aux divers parquets de tenir strictement la main à leur exécution ; et, s’il y a lieu, qu’il fasse appliquer dans toute sa rigueur la disposition de la loi que je n’ai pas sous les yeux, mais qui, je pense, répute démissionnaire tout notaire qui dans les trois mois de sa nomination n’établit pas son domicile effectif dans le lieu assigné à sa résidence.
Avant de terminer, j’aurais encore à soumettre aux méditations de M. le ministre de la justice deux réflexions qui me paraissent de nature à faire la matière d’un sérieux examen, si, comme je l’espère, on révise un jour la loi qui régit le notariat.
D’abord je demanderai à quoi bon la différence qui existe entre les divers ressorts dans lesquels les notaires sont admis à instrumenter, selon qu’ils résident dans des cantons, dans des chefs-lieux de tribunaux de première instance ou dans des chefs-lieux de cours d’appel. Faut-il plus de talents pour exercer ces fonctions à Bruxelles, à Liége que pour les exercer à Anvers ou à Bruges ? Ces places exigent-elles plus de connaissances à Audenarde ou à Termonde qu’à Alost ou à Renaix ?
Cette différence ne donne presqu’aucun avantage réel aux notaires qui résident dans les villes où siègent les cours d’appel, mais elles constituent un véritable privilège en faveur des notaires d’arrondissement au préjudice des notaires de canton, et je ne vois à ce privilège ni but raisonnable ni avantage réel pour le public. Je crois qu’il vaudrait beaucoup mieux assigner à tous les notaires indistinctement un même ressort, soit la province, soit l’arrondissement judiciaire.
En second lieu, je demanderai à M. le ministre s’il ne croirait pas utile le rétablissement du cautionnement des notaires.
Cette mesure serait utile à l’Etat et aux particuliers, qui y trouveraient une garantie de la gestion de ceux à qui ils doivent confier leurs intérêts, tandis qu’aujourd’hui ils n’en ont aucune, et qu’il dépend d’un notaire malhonnête homme d’emporter et sa fortune et les deniers qu’il a entre les mains, sans laisser aucun gage à ses clients. J’ajouterai que cette meure ne serait pas même onéreuse à ceux qu’elle atteindrait, puisqu’un cautionnement n’est qu’un placement de fonds, et que celui qui jouit de quelque estime, même lorsqu’il ne possède que peu de fortune, est toujours à même de se procurer les moyens nécessaires.
J’ai rempli un devoir en livrant ces idées aux réflexions de M. le ministre de la justice, et en portant à sa connaissance les abus que j’ai été à même de remarquer dans le régime du notariat. J’ose espérer qu’il en fera son profit, et qu’il s’empressera de remédier pour l’avenir à des griefs qu’il ne pourrait redresser s’il ne trouvait des voix pour les signaler.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, quoique je n’aie pas changé d’opinions sur la nature des fonctions des notaires, il m’a suffi de voir que cette opinion était assez généralement en opposition avec celle qui se manifestait dans cette chambre pour que je me fisse un devoir de devoir$ de la marche que j’avais suivie, et que la plupart de mes prédécesseurs avaient suivie eux-mêmes, comme j’en ai administré la preuve dans une autre circonstance. Il ne s’agit pas d’une question de prérogative, sur laquelle un ministre qui a le sentiment de ses devoirs ne peut transiger : le gouvernement n’a aucun intérêt de faire prévaloir son opinion.
A la suite des discussions qui ont roulé sur ce sujet, pour déjouer, en règle générale, la possibilité de toute convention de la nature de celles qu’on a signalée, j’ai exigé des démissions pures et simples, et de plus, des démissions qui acquissent un caractère d’irrévocabilité par une insertion dans le Moniteur. Depuis l’époque à laquelle en s’est occupé de cette question ici, je ne crois pas qu’on puisse signaler d’exemples du fait dont on s’est plaint, c’est-à-dire d’une démission et d’une nomination simultanée, si ce n’est peut-être dans le cas de la transmission d’une place de notaire d’un père à son fils.
Il est arrivé, il est vrai, que de vieux notaires, sans famille, sans enfants, n’ayant depuis plusieurs années pour unique soutien de leur vieillesse qu’un clerc qu’ils considèrent en quelque sorte comme leur fils adoptif, ont donné leur démission en y mettant verbalement la condition qu’elle serait regardée comme non avenue si le choix ne tombait point sur le candidat recommandé par eux. Je n’ai point voulu l’accepter ; je me suis borné à leur dire :
« Votre démission doit être pure et simple, sans condition aucune, soit expresse, soit tacite, et publiée dans les journaux. » Mais j’avouerai avec franchise que j’ai ajouté, dans quelques cas rares et tout à fait exceptionnels, que si les autorités s’accordaient sur la moralité et la capacité de leur candidat, il avait chance d’obtenir la préférence.
Cela est arrivé, mais le contraire est arrivé plus souvent encore. Si l’on trouve que c’est méconnaître l’esprit de la loi, je suis prêt à changer d’avis. Mais qu’en résultera-t-il ? C’est qu’un vieux notaire qui n’a pas de fils, pas de gendre pour lui transmettre sa charge, verra rester complètement inutile dans ses mains et sans profit pour qui ce soit, si ce n’est pour quelques-uns de ses collègues, la commission qui lui aura été donnée.
Quant à avoir sanctionné des conventions de la nature de celles qu’a signalées l’honorable préopinant, je ne l’ai jamais fait sciemment. Il est possible que tel candidat, tel clerc de notaire ait fait des propositions, ait pris un engagement verbal ou écrit avec un démissionnaire ; mais comment voulez-vous, messieurs, que le gouvernement en ait connaissance ? Du reste, il ne procède à des nominations de notaires qu’après avoir pris tous les renseignements pour empêcher que sa religion ne soit surprise ; il a consulté non seulement les parquets, non seulement les gouverneurs, mais même les chambres des notaires.
Pour la création de nouvelles places, il est vrai que le gouvernement s’est quelquefois trouvé en opposition avec ces chambres ; mais l’honorable préopinant a lui-même exposé la raison de cette dissidence. Il est évident que si vous demandez à un certain nombre de notaires s’il convient d’augmenter la concurrence dans leurs cantons, leur avis sera influencé peut-être même à leur insu, par leur position. Toutefois, si cet avis est confirmé par les autorités, alors il a un tout autre caractère. Mais quand il est combattu par les autorités judiciaires et administratives ou même par l’une d’entre elles, et par des raisons convaincantes, le gouvernement crée une nouvelle charge, et croit faire ainsi une chose utile.
La preuve qu’on ne crée pas inconsidérément des places de notaires, c’est que dans beaucoup de cantons où la population est d’environ 20,000 habitants, et je citerai principalement la province du Hainaut ou peut-être on a trop exclusivement suivi quelquefois l’avis de certaines chambres de notaires ; dans ces cantons, dis-je, il n’y a que 3 notaires, tandis que, d’après la législation en vigueur, on pourrait en nommer 5.
J’apprécie tout ce qu’il y a de judicieux dans les observations du préopinant sur la nécessité de maintenir les dispositions de la loi du 23 ventôse an II sur la résidence des notaires, et ça été là constamment l’objet de ma sollicitude. J’en ai écrit aux parquets, et je suis convaincu qu’ils ont rivalisé de zèle pour seconder le gouvernement ; mais ils peuvent se tromper ; il n’est pas toujours facile de distinguer une résidence fictive d’une résidence réelle ; il faut en quelque sorte prendre les notaires sur le fait. Cependant, si l’on avait lu le Moniteur avec attention, on y aurait vu aussi que des démissions de notaires ont été prononcées de ce chef. Remarquez aussi, messieurs, qu’il faut autre chose que des rapports d’officiers du ministère public, car c’est aux tribunaux seuls qu’il appartient de provoquer la démission d’un notaire non résident ; or, il faut aux tribunaux des preuves irrécusables pour en venir à celle extrémité.
Quant à la nécessité de réviser la loi sur le notariat, je suis entièrement de l’avis de M. Dellafaille. Je crois qu’il y a d’excellentes raisons pour rétablir les cautionnements. Cette formalité éloignera des fonctions de notaires des hommes qui ne donnent pas toutes les garanties désirables : non pas que je prétende que l’aisance soit toujours une indispensable garantie de la moralité : un homme pauvre peut être capable et probe ; mais si, par sa moralité et sa capacité, il inspire généralement la confiance, il trouvera facilement auprès de ses amis les moyens de fournir un cautionnement. Sous ce rapport la probité pauvre ne sera nullement victime du rétablissement de cette disposition, et de son côté, le public y gagnera.
Je pense aussi, qu’il est nécessaire de changer la circonscription du ressort des notaires. Je trouve qu’il y a quelque chose de peu rationnel dans la classification actuelle, et ceux qui ont étudié l’historique de la législation sur la matière savent que c’est à l’influence des notaires de Paris qu’on en attribue l’origine. Il me semble que la circonscription uniforme des arrondissements est la plus rationnelle et la plus équitable ; elle reste en harmonie avec la juridiction judiciaire, et elle ne met pas aussi souvent les particuliers dans l’obligation de faire deux ou trois lieues pour aller chez un notaire quand ils en ont un presque sous la main. Je sais bien que cet inconvénient se représentera encore jusqu’à certain point dans une nouvelle circonscription, mais nous n’avons que le choix du moindre mal. Du reste, je pense que la modification serait favorable aux parties, et aux notaires eux-mêmes.
- Personne ne demandant plus la parole, on passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des employés : fr. 95,000. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, lorsque, l’année dernière, j’ai réduit à 95,000 fr. l’allocation que j’avais cru devoir porter à 105,000 fr., j’ai déclaré qu’en me ralliant au chiffre de la section centrale, je faisais la part des circonstances ; que cette somme de 10,000 fr. était destinée à des améliorations que je regardais comme très utiles, mais que je n’insistais pas pour qu’elle fût votée dans un moment où l’on réclamait de toutes parts des économies. Nous sommes encore trop peu éloignés de cette époque pour renouveler ma réclamation ; mais je fais les mêmes réserves pour qu’on ne dise pas que je suis en contradiction avec moi-même lorsque, dans d’autres circonstances, je viendrai redemander cette augmentation qui servirait, je le répète, à des améliorations fort utiles.
- Le chiffre de 95,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. : 3. Matériel : fr. 13,000. » - Adopté.
« Art. 1er. Cour de cassation. Personnel : fr. 233,800. » - Adopté.
« Art 2. Cour de cassation. Matériel : fr. 3,000. » - Adopté.
« Art. 3. Cours d’appel. Personnel : fr. 484,890. » - Adopté.
« Art. 4. Cours d’appel. Matériel : fr. 18,000. » - Adopté.
« Art. 5. Tribunaux de première instance, de commerce : fr. 821,150. »
La section centrale propose de réduire l’allocation 817,950 fr
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, la section centrale a signalé une erreur dans la supputation du nombre des juges de première classe. Si elle avait cru devoir demander des renseignements, je lui aurais fourni les explications que je vais avoir l’honneur de donner à la chambre.
Elle a parfaitement raison de diminuer d’un membre le personnel de ces juges quand elle considère ce qui existe actuellement ; mais l’intention du gouvernement était d’augmenter d’un membre le personnel du tribunal de première instance de Liége. Le chef du parquet de ce tribunal avait déjà fait des réclamations à cet égard, et la question ayant été portée à la connaissance de M. le président du tribunal et de M. le président de la cour, ces deux magistrats ont confirmé l’opinion de M. le procureur du Roi.
Vous verrez, messieurs, combien elle est fondée si vous réfléchissez qu’à Anvers, non compris le président et le vice-président, il y a 9 juges, à Bruxelles, 7, à Gand 7, tandis qu’à Liége il n’y en a que 5 ; de sorte que le personnel d’Anvers est de 10, celui de Bruxelles de 9, celui de Gand aussi de 9, et celui de Liége de 7 seulement, c’est-à-dire au-dessous du taux fixé par la loi sur l’organisation judiciaire de 1810 ; car, bien qu’on en ait distrait l’arrondissement de Verviers, la circonscription reste à peu près la même que du temps où existait le tribunal de Malmédy.
Ajoutez à cela que le président du tribunal de Liège est octogénaire, et le vice-président presque septuagénaire, et vous verrez quelle considération méritent les réclamations dont il s’agit. Si, par les causes qui malheureusement tiennent à la nature même des choses, le président et le vice-président venaient à être remplacés par des magistrats qui fussent dans la vigueur de l’âge, peut-être un tel besoin ne se ferait-il pas sentir ; mais, dans l’état actuel du personnel, il faut compléter le tribunal, si l’on ne veut voir encore augmenter l’arriéré des affaires.
M. Fleussu, rapporteur. - Vous sentez bien, messieurs qu’il n’était pas donné aux membres de la section centrale de deviner l’intention qu’avait le gouvernement de créer une nouvelle place de juge. Nous n’avons pas demandé de renseignements, parce qu’ayant rapproché le budget de cette année de celui de l’année dernière, nous avons cru que l’augmentation de 3,200 fr. était l’effet d’une erreur. Si M. le ministre, dans les développements de son budget, nous avait fait part de ses intentions, il en serait résulté un grand avantage, car nous pourrions nous prononcer en connaissance de cause, et, de leur côté les sections auraient pu demander des renseignements si elles en avaient eu besoin, tandis que maintenant nous sommes pris à l’improviste.
Quant à moi je crois qu’une nouvelle place de juge d’instruction au tribunal de Liége ne serait pas inutile, et que même elle ferait le plus grand bien en ce sens qu’elle servirait à hâter la marche des affaires. C’est à la chambre à voir si elle se trouve suffisamment éclairée.
M. Pirson. - C’est par une loi organique de l’ordre judiciaire que le nombre des juges est fixé ; ce n’est donc que par une loi particulière que l’on peut augmenter ce nombre ; car si la prétention de M. le ministre de la justice était admise, j’aurais aussi beaucoup d’observations à vous faire, messieurs, sur le tribunal de Dinant.
Nous n’étions pas ici, M. Seron et moi, quand la loi de l’organisation judiciaire a été discutée, et c’est par erreur qu’on a porté comme juges de 4ème classe ceux du tribunal de Dinant. L’arrondissement de Dinant est très étendu : vous allez dire peut-être qu’il est mauvais ; mais les procès y sont aussi nombreux qu’ailleurs, car les petites successions sont plus difficiles à partager que les grandes. Ensuite c’est un pays boisé, et il y a des forgeries considérables ;, un grand nombre de fouilles y sont ouvertes. Il est donc nécessaire d’augmenter le nombre des juges, ou bien de créer un second tribunal à Philippeville, d’autant plus qu’il n’y a pas de tribunal de commerce. Mais je ne crois pas le moment arrivé d’entamer cette question ; nous ne devons nous occuper que des traitements des juges nommés par la loi. Cependant, si l’on réclame l’augmentation du personnel des autres tribunaux, je ferai valoir les justes prétentions de celui de Dinant.
M. de Brouckere. - Le nombre des juges existant à Liège est-il au-dessous du nombre fixé par la loi ?
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je répondrai que le nombre des juges qui composent le tribunal de Liège est en dessous du nombre légal. En effet, le décret du 8 août 1810 dispose que le tribunal de Liége se compose de deux chambres et de huit juges. Le tribunal de Malmédy existait alors, et depuis sa suppression il avait été créé trois chambres au tribunal de Liége par arrêté du gouvernement précédent ; le nombre des juges avait été porté à onze ou douze. Par suite de l’érection du tribunal de Verviers, on a supprimé la troisième chambre, et l’on aurait dû rétablir le personnel sur le pied du décret du 8 août 1810, de sorte que le nombre actuel des juges est au-dessous du taux fixé par la loi.
Maintenant, pour faire voir à la chambre que je n’ai nullement l’intention d’agir ici par surprise comme on semble le dire, je demanderai la permission de donner lecture de la lette du premier président de la cour, et de celle du président du tribunal. (C’est inutile !) Je m’abstiendrai puisqu’on m’en dispense ; mais la chambre voit que, si j’insiste, c’est que j’ai pour moi le droit et le fait attesté par les autorités les plus respectables.
M. de Brouckere. - S’il ne s’agit que de compléter le nombre des juges fixés par la loi ; mais s’il était question de créer une nouvelle place, je m’y opposerais. Je sais que plusieurs tribunaux demandent une augmentation de personnel pour hâter l’expédition des affaires ; mais il faut pour cela une loi.
M. Dubus. - Cette discussion même fait regretter que le ministre n’ait pas annoncé dans ses développements qu’il proposait 3,200 fr. de plus pour une nouvelle place de juge à Liége, car il est difficile d’apprécier les motifs de cette demande lorsqu’ils se présentent ainsi à l’improviste. Je remarque que le tribunal de Liége ne se trouve plus composé que de deux chambres, et le personnel actuel comprend quatre juges, un président et un vice-président, ce qui, indépendamment du juge d’instruction, fait un total de six. Or, c’est précisément le nombre complet de deux chambres, et si vous nommez un juge de plus, ce juge n’aura rien à faire, à moins que ce ne soit dans les vacances.
Si l’on me démontrait que ce n’est pas assez de deux chambres, je dirais : Nommez une chambre de plus. Mais on vient seulement nous objecter qu’un président octogénaire et un vice-président septuagénaire peuvent être empêchés : mais c’est justement pour des empêchements de cette nature qu’on a créé des juges suppléants et sans cela le service manquerait dans la plupart des tribunaux. Ce sont des causes purement temporaires, et qui n’exigent pas la nomination de nouveaux juges. Il suffit de juges suppléants. Je m’opposerai donc à l’augmentation de crédit, et je ferai observer que l’honorable rapporteur parle de l’utilité de deux juges d’instruction ; mais alors il s’agirait d’un traitement de 3,750 fr., et non de 3,200, ce qui ne serait plus dans les intentions du ministre.
Je ferai une autre observation ; c’est relativement à la somme demandée pour matériel et frais de bureau des procureurs du Roi. La commission a dit que cette somme devait être répartie entre les procureurs du Roi remplissant les fonctions de procureurs criminels ; elle a ajouté qu’il devait en être rendu un compte exact ; mais il ne faut pas confondre les dépenses à charge de l’Etat avec celles à charge des provinces. Il n’y a que celles des procureurs du Roi remplissant les fonctions de procureurs criminels qui soient à la charge de l’Etat ; les autres sont à la charge des provinces : et s’il était vrai, ce que je ne crois pas, que l’allocation portée dans les budgets provinciaux ne fut pas suffisante, c’est là qu’il faudrait l’augmenter ; mais il serait nécessaire, pour nous mettre à même de vérifier le fait, qu’on nous rendît compte de toutes les allocations de ces budgets. Du reste, il suffit que la dépense soit à la charge de la province pour qu’elle doive y satisfaire. D’après ces motifs, je pense qu’il faut adopter la réduction proposée par la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - La nomination d’un huitième juge n’est pas une innovation, c’est tout simplement la rectification d’une erreur qui s’est glissée dans les budgets antérieurs à 1834.
Quand les juges ne sont pas en nombre complet, on n’en porte pas moins la totalité du chiffre, sauf à en disposer après la nomination. Liége se trouverait dans une position exceptionnelle si l’on suivant l’avis du préopinant. Les tribunaux de Bruxelles et Gand ont 9 juges, celui d’Anvers en a 10, tandis que Liége n’en a que 7.
L’honorable préopinant aurait voulu qu’on fît connaître les motifs de l’augmentation demandée : ces motifs je les ai recueillis de magistrats capables d’apprécier les besoins du service, et je suis prêt à communiquer tous les documents qui m’ont été transmis par M. le président du tribunal civil et par M. le premier président de la cour.
Je dois dire que le parquet de la cour seul ne partageait pas entièrement l’opinion de ces magistrats sur la nécessité d’augmenter le nombre de ces juges. Au reste, je dois faire remarquer que je ne demande pas une majoration, mais le maintien du chiffre, tel qu’il figure à mon budget.
Relativement à l’allocation donnée aux procureurs du Roi pour frais de commis et non pour frais de bureau, j’ai obtenu 15,000 fr. l’année dernière ; spontanément j’ai réduit ce chiffre de 5,000 fr., et j’espère que nous pourrons encore obtenir d’autres économies. Je ne demande pas l’argent pour le jeter à la tête des magistrats.
Je vous ai déjà dit qu’indépendamment des frais de bureau, certains procureurs du Roi, à raison de la multiplicité des affaires, avaient besoin d’un commis. Gand, Bruxelles, sont dans ce cas ; Liége doit être rangé dans la même catégorie. Les menues dépenses sont à la charge des provinces quand il s’agit de papier, de plumes, d’encre ; mais il s’agit ici d’un employé : il faut que les magistrats fassent eux-mêmes les frais d’un commis, ou que l’Etat leur en donne les moyens. Si vous retirez l’indemnité pour les commis, vous retirez réellement d’une main, aux procureurs du Roi, une partie de ce que vous leur avez accordé de l’autre, quand vous avez augmenté leur traitement.
Je persiste à demander que la chambre vote le chiffre que j’ai posé.
M. Dubus. - Je veux que l’on alloue tout ce qui est nécessaire pour que la justice soit convenablement administrée ; mais je dis que le ministre demande trop ou trop peu. Le tribunal de Liége est composé de deux sections ou de six juges : que fera un septième juge ? Par des circonstances temporaires un juge peut être empêché ; mais faut-il pour cela créer un juge à perpétuité, parce qu’il y aura empêchement momentané ? Il y a des juges suppléants pour remplir les lacunes dans le cas d’empêchement.
Quant aux traitements des commis des procureurs du Roi, ils se prélèvent sur les menus frais, et cela résulte de la législation. Si on leur a alloué des frais de bureau extraordinaires, c’est parce qu’alors ils avaient des travaux extraordinaires.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il ne s’agit pas de créer un nouveau juge pour Liège : le rétablissement d’un huitième juge à Liége doit se faire en vertu du décret du 18 août 1810 et en vertu de la loi de la même année. C’est l’honorable préopinant qui voudrait innover ; nous, nous voulons rentrer dans les termes de la loi, et d’où l’on n’est sorti que par erreur ; ce n’est donc pas nous qu’on doit qualifier de novateurs : il me semble que l’innovation vient du préopinant.
Indépendamment de la question de droit qui tranche la difficulté en notre faveur, il y a des raisons de fait palpables : on sait combien il est difficile de disposer toujours des juges suppléants ; la plupart d’entre eux étant avocats plaident, quand il serait utile qu’ils siégeassent comme suppléants. Il reste la ressource d’assumer des avocats ou des avoués, mais c’est là une mesure exceptionnelle qu’on ne doit pas convertir en règle.
Presque toujours, d’ailleurs, les cours d’appel, à Bruxelles comme à Liége, absorbent le temps des meilleurs avocats et s’opposent à ce qu’ils remplissent les fonctions de juges suppléants de première instance quand les titulaires sont empêchés.
Je réitère l’observation que j’ai faite relativement aux traitements des commis des procureurs du Roi ; ces traitements ne sont pas compris dans les menues dépenses à charge des provinces. S’il en était autrement d’ailleurs, le budget provincial serait dégrevé de ces traitements ; il n’y a pas de procureur du Roi qui osât ni qui voulût pousser l’impudeur jusqu’à recevoir de deux mains pour solder la même dépense.
M. Fleussu. - Il n’y a qu’un juge d’instruction à Liège dont le ressort est très étendu ; il ne peut se tenir au courant de sa besogne ; un second juge d’instruction y rendrait de grands services. Si je demande un juge de plus, c’est pour que les affaires soient expédiées plus promptement, et non pour remplacer des juges octogénaires ou septuagénaires qui sont toujours sur leurs sièges.
Les procureurs du Roi faisant les fonctions de procureurs criminel ont besoin d’un commis dans certaines localités : à Bruxelles, le procureur criminel a des affaires nombreuses à poursuivre ; à Liége il en est de même. Je ne crois pas que jamais les commissaires aient été compris dans les menues dépenses.
M. Dubus. - Le ministre de la justice m’a reproché d’être novateur en invoquant la loi de 1810 ; il aurait pu se dispenser de parler de cette loi, qui ne détermine rien sur le nombre des juges : ce sont les arrêtés qui fixent le nombre des juges, et qui modifient ce nombre selon les circonstances. Il faut donc considérer dans un tribunal le dernier état existant. Or, le gouvernement provisoire, en créant le tribunal de Verviers, a diminué le ressort du tribunal de Liège. Je demande maintenant où est la nécessité de changer l’état de choses établi par le gouvernement provisoire ? Il y a trois ou quatre juges suppléants à Liège un septième juge est donc inutile.
S’il faut un second juge d’instruction à Liége, il faut alors augmenter les dépenses de 3,780 fr. : n’allouez pas des fonds pour des fonctions qui ne sont pas remplies, pour un septième juge, là où six juges suffisent.
Quant aux commis, je dirai que plusieurs procureurs du Roi paient les leurs sur les menus frais ; on ne doit pas porter ces sortes de dépenses sur le budget de l’Etat et en même temps sur les budgets provinciaux.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Le décret de 1810 est un décret organique, et il n’est pas rapporté. Le gouvernement provisoire a interprété ce décret comme je l’interprète moi-même, puisqu’après la réorganisation des cours il a, par des arrêts postérieurs, successivement complété le nombre légal des juges. Parce qu’il n’y a que deux sections à Liége, le tribunal ne doit pas pour cela ne se composer que de six juges. Dans tous les tribunaux de troisième et de quatrième classe il n’y a qu’une chambre, et il ne faut que trois juges. Cependant à Tournay et ailleurs il y a quatre juges.
M. Dubus. - C’est qu’à Tournay il y a un juge d’instruction.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Oui, mais le juge d’instruction siège dans beaucoup de tribunaux. A Liége le juge d’instruction, jeune et actif, ne s’est pas plaint qu’il fût surchargé ; il y aura peut-être lieu à procéder à la nomination d’un second juge d’instruction, mais cela s’opérera sans augmenter le personnel.
Pour établir un nouveau juge d’instruction, il faudrait un supplément de 400 fr. ; néanmoins, je ne demanderai rien à la chambre. Au budget je demande une somme globale ; et comme il y a des vacatures chaque année, sans recourir aux chambres, ces vacatures fourniront aisément les 400 fr. nécessaires au traitement d’un juge d’instruction, si l’un des juges du tribunal de Liége venait à être chargé de ces fonctions.
En terminant, je répète ce que j’ai dit relativement aux procureurs du Roi : il n’y en a pas un seul qui demandera les frais d’un commis aux provinces.
Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. le président. - On demande la clôture : si personne ne réclame, je vais la mettre aux voix.
M. Pirson. - J’avais demandé la parole. Il y aurait toujours à mettre aux voix l’ajournement.
M. le président. - Est-ce sur la clôture que vous voulez prendre las parole ?
M. Pirson. - Tout n’a pas été dit. M. le ministre argumente des décrets impériaux ; ils ont subi beaucoup de modifications. M. le ministre n’a pas répondu à ce que j’avais dit à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’interpellation résulte d’un oubli de ma part : si la chambre le permet, quelques mots d’explications suffiront pour la satisfaire sur ce point. Le tribunal de Dinant dont on a parlé, et beaucoup d’autres qui sont dans le même cas, ne peuvent être modifiés que par une loi, et cette loi doit être précédée d’une enquête sur les réclamations faites par les corps intéressés.
Le tribunal de Dinant ni aucun tribunal de la même nature ne m’a fait parvenir de réclamations ; je n’ai pas cru devoir prendre l’initiative. Si je reçois des réclamations, je les examinerai, et si j’en reconnais la nécessité, je proposerai une modification, soit sous forme de loi, soit sous forme d’amendement ; mais jusqu’à présent, je le répète, aucune réclamation n’a été faite.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
Le chiffre de 821,150 fr. est ensuite mis aux voix et adopté.
Ce chiffre formera l’article 5 du chapitre II.
« Art. 6. Justice de paix, tribunal de police : fr. 312,720 fr. » - Adopté.
« Art. 1er. Haute cour militaire. Personnel : fr. 62,050 fr. » - Adopté.
« Art. 2. Haute cour militaire. Matériel : fr. 4,200 fr. » - Adopté.
« Art. 3. Traitement des auditeurs militaires : fr. 59,186. »
M. Dubus. - Messieurs, déjà l’année dernière il s’est agi de cette dépense qui ne se fait pas d’une manière constitutionnelle, puisqu’on fait voter le traitement de l’ordre judiciaire, encore qu’il ne soit pas fixé par la loi. Une loi vous a été présentée à cet effet, et cependant la section centrale vous propose un chiffe supérieur à celui porté dans ce projet. Il y aurait lieu d’opérer une réduction qui résulte de la proposition même du gouvernement ; car il y a une sorte de contradiction à demander par une loi une somme moindre, et par le budget une somme plus forte.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’explication est toute simple. J’ai proposé le chiffre l’année dernière, sur lequel une grande réduction a été opérée par le gouvernement. Depuis la présentation de mon budget, j’ai fait une nouvelle réduction de 800 fr. environ.
Le gouvernement n’a pas été en retard pour accomplir la promesse qu’il avait faite d’après les observations du préopinant ; il les a trouvées tellement fondées, que son premier soin a été de présenter un projet de loi. Si ce projet n’a pas été voté, la faute n’en est pas au gouvernement, qui avait pris ses mesures pour le présenter dès l’ouverture de la session ; elle n’est pas non plus à la chambre qui s’est constamment occupée de travaux de la plus grande importance.
Mais, pour donner apaisement complet au préopinant, je déclarerai qu’il ne sera fait usage des sommes demandées, jusqu’au vote de la loi, que comme crédit ; qu’il ne sera fait que des paiements à compte, dont la régularisation aura lieu suivant la loi que j’ai présentée, autant toutefois que la décision de la chambre ne se fasse pas trop attendre, parce qu’il serait impossible de laisser les parties intéressées dans la position précaire où les a placées la présentation du projet de loi.
M. Fleussu, rapporteur. - M. Dubus s’est étonné que la section centrale ait maintenu le chiffre du budget et n’ait pas fait de réductions conformes à la loi présentée. Je demanderai de quel droit la section centrale aurait été faire produire des effets à une loi qui n’est encore qu’en projet ; je demanderai ce qu’aurait dit la chambre et qu’aurait dit M. Dubus lui-même, si la section centrale avait préjugé une question de cette nature. Il est évident que la somme votée n’est qu’un crédit dont on ne pourra user, si la loi est adoptée, que pour payer le nombre de juges fixé par la loi et au taux déterminé par elle.
C’est au reste ce que j’ai dit dans mon rapport. Il me semble que cette explication est assez claire.
- L’article 3 est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Frais de poursuite et d’exécution : fr. 651,000. » - Adopté.
« Article unique. Constructions et réparations de locaux : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Frais d’impression : fr. 25,000. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, quel que soit mon désir d’abréger la discussion, je dois déclarer que si je n’ai pas rempli une espèce d’engagement que j’avais pris de mettre en adjudication le Bulletin officiel, c’est que des réclamations extrêmement respectables ont empêché de donner suite à ce projet. Toutefois en renonçant à ce mode de publication, je ne l’ai fait qu’en obtenant une réduction considérable de 5,240 fr. Si la chambre n’était pas satisfaite de cette explication, je suis prêt à lui donner de plus grands détails.
J’avais pris trop légèrement un engagement dont j’ai vu les inconvénients au moment de le mettre à exécution ; il n’en était pas de même du Moniteur, il pouvait éprouver quelque interruption dans sa publication sans qu’il en résultât de graves conséquences.
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2 Moniteur. Personnel : fr. 11,672. » - Adopté.
« Art. 3. Moniteur. Matériel : fr. 50,000. »
M. Fleussu, rapporteur. - Nous avons demandé à cet égard des renseignements qu’on n’a pu fournir parce que l’adjudication n’avait pas eu lieu à cette époque. Peut-être pourrait-on faire une nouvelle réduction du chef de la nouvelle adjudication ?
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ferai remarquer que j’ai déjà opéré une réduction de 6,258 fr. sur le chiffre de l’an dernier ; cependant ce n’est pas la seule que j’ai obtenue sur la dépense du Moniteur. A ces 6,258 fr., il faut ajouter 12,000 fr. environ qui sont l’évaluation approximative du produit des abonnements et des annonces, ce qui porte la réduction à 18,258 fr., en supposant que la somme soit entièrement dépensée, ce qui, j’espère, n’arrivera pas ; mais je ne suis pas encore assez sûr de cela pour oser vous proposer une réduction plus forte que celle de 18,200 et quelques francs.
Il faut remarquer que si d’un côté, l’adjudication m’a procuré quelque diminution, je suis obligé de faire quelques dépenses particulières.
J’ai cru bien faire dans l’intérêt de l’établissement, pour faciliter les relations de la chambre avec le Moniteur, de louer une maison avec laquelle on pût communiquer de ce palais. Il est certain d’ailleurs que l’avantage que l’adjudicataire a trouvé dans ce local a puissamment influé sur le prix de sa soumission. Si la chambre désirait des explications plus étendues, je serais prêt à les lui donner.
- L’article 3 est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Pensions : fr. 8,000. » - Adopté.
« Article 1er. Entretien et nourriture des prisonniers : fr. 760,000. »
M. de Brouckere. - La chambre se rappellera sans doute que, chaque fois qu’elle s’est occupée des dépenses des prisons, j’ai renouvelé mes instances pour faire substituer le système d’entreprise à celui de régie. J’ai longuement explique quels étaient, selon moi, les avantages qui devaient résulter du changement que je demandais, en admettant toujours, cependant, qu’un certain nombre de bras pouvaient être employés dans les grandes prisons, d’après le système de régie ; mais alors la régie n’était plus que l’exception et l’entreprise était la règle générale, tandis qu’aujourd’hui la règle générale est la régie et l’exception l’entreprise.
Depuis la dernière discussion, les commissions chargées de l’administration des prisons de Vilvorde, Gand et St-Bernard ont été consultées par le gouvernement sur cette question. L’administration de Vilvorde a partagé mon opinion, et répondu de la manière la plus catégorique dans le sens de la préférence à accorder au système de l’entreprise. Les commissions de Gand et de St-Bernard, au contraire, ont cru que le système qui existe depuis quelques années devait être maintenu.
Vous aurez pu voir, dans le Moniteur du 19 de ce mois, un long article dans lequel se trouvent exposées, et les démarches faites par le gouvernement auprès des commissions, et la manière dont elles ont résolu les questions soumises par lui à ces commissions. Je ne renouvellerai pas mes instances, puisque deux commissions se sont prononcées contre ma proposition ; je me bornerai à déclarer que je persiste à croire que le système d’entreprise est préférable à la régie, dans l’intérêt des prisonniers et du gouvernement.
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Traitement des employés attachés au service des prisons. »
Chiffre proposé par le gouvernement, fr. 226,300. »
« Chiffre proposé par la section centrale, fr. 224,400. »
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - La section centrale a proposé la suppression des 1,900 fr. alloués pour le traitement de l’inspecteur général du service de santé. Si c’est dans une vue d’économie qu’elle vous a proposé cette réduction, son but ne serait pas atteint si elle était adoptée. Pour vous le démontrer, je suis obligé de remonter à l’origine, à la cause de la création des fonctions de l’inspecteur général du service de santé.
En vertu d’un arrêté du 23 février, les administrations des prisons ont cessé de faire des contrats particuliers avec les pharmaciens des endroits où les prisons étaient situées, et se sont pourvues des médicaments dont elles avaient besoin, aux pharmacies militaires partout où il y avait garnison. Il fallut nécessairement que le chef du service de santé eût le contrôle des comptes relatifs aux fournitures que les pharmacies militaires livraient aux administrations de chaque prison ; on ne pouvait exiger que ce fonctionnaire attaché à l’administration de la guerre s’acquittât de ce contrôle sans rétribution : on lui a attribué de ce chef un traitement ou plutôt une indemnité de 1,900 fr.
Ces 1,900 fr. servent en grande partie à payer les employés qui participent sous lui au contrôle qu’il exerce. Si ce traitement était supprimé, rien ne l’obligerait à faire ce service, attaché qu’il est à l’administration de la guerre ; le ministre de ce département n’exigerait pas de lui ce surcroît de travail, quand le ministre de la justice le réclamerait.
M. Fleussu, rapporteur. - Pourquoi pas ?
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Messieurs, il résulte d’ailleurs, pour l’administration des prisons, une grande économie des fonctions de l’inspecteur-général du service de santé : Il consiste en ce que l’administration des prisons participe aux bénéfices qui résultent des adjudications des objets pharmaceutiques, sans être obligée de contracter des adjudications spéciales dans chaque ville.
Nous pouvons apprécier ce bénéfice quand nous faisons la comparaison des comptes des prisons fournies par les pharmacies militaires avec ceux des prisons qui se fournissent à des pharmacies particulières. Nous sommes quelquefois dans la nécessité de faire des réductions de 15 p. c. Chacun sait d’ailleurs ce que sont les comptes d’apothicaire.
Un arrêté du gouvernement provisoire a de plus enjoint à ces inspecteurs de faire des visites dans les infirmeries des grandes prisons, dans toutes les provinces. Cependant on ne les a pas rétribués spécialement pour ces tournées ; ils ne reçoivent pas de frais de route. L’indemnité de 1.900 fr. qu’on leur alloue est bien faible en raison des services qu’il rendent et des abus qu’ils nous ont mis à même de faire cesser.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Indépendamment des avantages évidents que les prisons trouvent à prendre leurs médicaments aux pharmacies militaires, il y a une raison d’hiérarchie qui ne peut pas vous échapper. M. le rapporteur, qui n’a pas parlé officiellement, mais que j’ai entendu de sa place, a dit que si le ministre de la guerre ordonnait aux inspecteurs du service de santé de continuer les travaux que les prisons leur occasionnaient, ils ne pourraient s’y refuser. Mais, je vous le demande, quelle serait dans ce cas la position du ministre de la justice ? Il est responsable de toutes les branches de son administration, et la surveillance du service de santé des prisons est une des branches les plus importantes.
Si cette surveillance est confiée à un fonctionnaire qui ne ressortit pas de son département, qui n’y est pas lié par son traitement, le ministre de la justice n’aura aucune injonction à lui faire ; il pourra convertir ses fonctions en sinécure ; il pourra dire : Je ne suis pas fonctionnaire hiérarchiquement subordonné au ministre de la justice ; je ne touche d’appointements qu’au ministère de la guerre, je n’ai d’ordres à recevoir que du ministre de ce département : lui seul est mon chef. Et quand le ministre de la guerre lui ordonnerait de faire ce service, il ne serait pas en position de savoir s’ils sont exécutés. Tandis que, dès qu’il y a allocation, il se forme une espèce de contrat entre le fonctionnaire et le ministre sur le budget duquel est comprise cette allocation, et ce ministre peut vérifier si toutes les conditions du contrat sont remplies.
M. le commissaire du Roi vous a exposé beaucoup d’autres motifs que j’ai pu apprécier moi-même, qui vous prouvent que la réduction de 1,900 fr. qu’on vous propose ne serait qu’une économie apparente à cause des abus que la surveillance de ce fonctionnaire nous met à même de faire cesser.
M. Fleussu, rapporteur. - Messieurs, quand on a l’honneur d’être nommé rapporteur d’une section, on doit soutenir toutes les décisions qu’elle a cru devoir prendre : c’est donc pour remplir ce devoir, et non pour contester les services des inspecteurs-généraux du service de santé, que j’ai pris la parole.
Depuis que nous discutons des budgets, toujours la suppression de ce traitement a été réclamée. Cette fois encore elle l’a été par la section centrale, à la sollicitation de la majorité de trois sections ; l’année dernière elle l’avait été également, mais cet article a passé inaperçu, sans contestation ; c’est même ce qui a engagé la section centrale à peser les motifs donnés par quelques-unes de vos sections.
On a fait observer que ce fonctionnaire touchait déjà des appointements très élevés au ministère de la guerre, 7,600 fr., et ici encore un traitement de 1.900 fr. ; on a pensé qu’avec 7,600 fr. on pouvait faire entrer dans ses attributions la surveillance du service de santé dans les prisons. Mais, dit-on, cela ne peut pas être, si vous retranchez l’allocation qu’il reçoit du ministère de la justice, parce que ce ministre n’aura plus d’action sur ce fonctionnaire, et sa responsabilité sera compromise. Cependant, si dans l’arrêté qui institue cette fonction, il est dit que le fonctionnaire sera chargé de surveiller le service de santé militaire et des prisons, il est évident qu’il ressortira également du ministère de la guerre et du ministère de la justice, et que l’un et l’autre ministre auraient également action sur ce fonctionnaire s’il négligeait ses fonctions.
C’est un emprunt de l’ancien gouvernement. Non seulement ce fonctionnaire était attaché aux départements de la justice et de la guerre, mais encore au département de la marine. Ce n’est que parce que notre marine n’est pas assez considérable, qu’il ne touche pas de traitement de ce chef. Vous voyez que par l’arrêté il ne ressortirait pas seulement de la guerre, mais encore de la justice et de la marine, et chacun des ministres pourrait mettre sa responsabilité à couvert.
Mais, nous dit-on ensuite, vous ne ferez pas d’économie par cette suppression, car ce n’est pas un traitement. Si ce n’est pas un traitement, on nous a donc induits en erreur, car c’est à ce titre que depuis trois ans cette allocation nous est demandée. Ce serait pour payer un commis.
Voyons quelles sont les fonctions ordinaires de l’inspecteur-général. C’est la comptabilité pour les drogues qu’il fournit à l’armée. Eh bien, celles qu’il fournit aux prisons n’augmentent pas beaucoup cette comptabilité ; quelque peu de travail de plus pour ses commis, voilà tout. C’est là l’observation qui a déterminé la section centrale ; elle a reconnu que le service des prisons n’état qu’un simple accessoire de sa besogne pour laquelle il touchait un traitement de 7,600 fr.
Ce traitement lui a paru suffisant. Elle a en conséquence proposé de supprimer la nouvelle allocation de 1,900 fr.
M. de Brouckere. - Messieurs, pour demander la suppression de l’allocation portée au budget du ministère de la justice pour l’inspecteur-général du service de santé, on a fait valoir deux motifs : le premier, c’est que cet inspecteur touche des appointements très élevés au ministère de la guerre ; le second, c’est que le service de santé des prisons entre véritablement dans ses attributions, et par conséquent qu’il ne doit pas être salarié d’une manière spéciale.
Mais, messieurs, ccs appointements accordés au chef du service sanitaire de l’armée, qu’on dit si élevés, montent à 3,600 fl. ; et cependant le fonctionnaire chargé du même service avant la révolution touchait 4,500 fl., et il a encore aujourd’hui le rang de général de brigade : de telle manière qu’il reçoit des appointements moins élevés que les fonctionnaires égaux en rang avec lui, les généraux de brigade et l’intendant en chef de l’armée. Il n’est donc pas exact de dire que ses appointements sont trop élevés.
Ainsi qu’on nous l’a dit, en 1823 un arrêté du gouvernement chargea l’inspecteur-général du service de santé militaire de la direction en chef du service de santé dans les prisons. La révolution a continué cet état de choses. Ce fonctionnaire réclama un employé du ministre de l’intérieur pour faire la besogne de son bureau ; il allait sans dire que, chaque fois qu’il était appelé à se mettre en route pour ce service, des frais spéciaux lui étaient accordés. Sa demande fut reconnue juste ; mais le gouvernement jugea à propos, au lieu de lui donner des frais de route et un commis, de lui allouer une somme de 900 florins qui devaient couvrir les frais de bureau, personnel et matériel, et tous ses frais de voyage.
Croit-on que le gouvernement ait mal fait de lui allouer une indemnité fixe et qu’il eût été mieux de lui accorder un commis et des frais de route ? Je ne m’oppose pas à ce changement ; il me suffit que justice soit faite.
Cet service lui donne des occupations extrêmement nombreuses, surtout en correspondance et vérifications de comptabilité ; elles exigent un employé qui n’est pour ainsi dire occupé qu’à cela pendant toute l’année. En outre, l’inspecteur-général doit se rendre en quelque lieu que lui désigne l’administrateur des prisons ; lors du choléra, il a dû faire plusieurs tournées. Si vous refusiez à l’inspecteur-général du service de santé des appointements ou une indemnité pour le service des prisons, il en résulterait une singulière anomalie, c’est que tous les officiers de santé militaire chargés du service sanitaire des prisons reçoivent un supplément d’appointement et que le chef seul en serait privé, tandis qu’il y a plus droit que ses inférieurs, à cause de ses fréquents déplacements.
M. le rapporteur nous a dit que cette fonction était une institution du gouvernement hollandais, et il a fait remarquer que, sous ce gouvernement, ce fonctionnaire était aussi chef du service sanitaire de la marine et recevait en cette qualité une indemnité spéciale dont ne jouit pas l’inspecteur actuel et qu’il n’a pas réclamée.
C’est dans l’intérêt du service public que j’ai pris la parole. Si la chambre juge à propos de supprimer le traitement, je ne m’y opposerai pas, pourvu qu’on consente aux indemnités pour frais de bureau et frais de voyage calculés sur un état fourni par lui.
- Le chiffre de 226,300 fr. est mis aux voix et rejeté.
Celui de 224,400, proposé par la section centrale, est adopté.
« Art. 3. Récompense accordée aux gardiens pour conduite exemplaire et dévouement. fr. 2,500 » - Adopté.
« Art. 4. Frais d’impression : fr. 8,000. » - Adopté.
« Art. 5. Réparations des bâtiments, construction, et entretien : fr. 153,000. »
La section centrale propose de réduire ce chiffre à 100,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Depuis trois années on a toujours été diminuant la somme demandée par le ministère, pour pourvoir aux frais de construction et d’entretien des prisons.
Je vous prie de remarquer que les premières fois en a pu remettre les travaux à des années postérieures ; mais aujourd’hui l’urgence est grande, et nous avons besoin de sommes plus fortes, parce que les bâtiments sont d’autant plus délabrés qu’on a attendu davantage pour les réparer.
L’état de paix dont nous jouissons semble permettre qu’on s’occupe d’améliorer les prisons, et toutes les propositions que nous avons l’honneur de vous faire sont de la plus grande utilité. La section centrale elle-même l’a reconnu. Cependant, elle a réduit de 53,000 fr. le chiffre proposé par le ministère. Le gouvernement avait ajouté à l’appui de sa demande un état où l’administration évaluait à près de 200,000 fr. les constructions à faire, et cependant elle n’a demandé que 153,000 fr.
On peut considérer que si nous sommes obligés à n’employer qu’une somme de 100,000 fr., les travaux que nous pourrons faire l’année prochaine se réduiront à deux ou trois. Il en est que je pourrais citer qui réclament la plus grande partie de cette somme. Le gouvernement remet depuis plusieurs années l’agrandissement de la prison d’Alost ; on avait espéré voir diminuer le nombre des prisonniers et pouvoir employer d’autres bâtiments.
Le nombre des prisonniers militaires est plus grand que celui des prisonniers civils ; on attribue cette augmentation à l’accroissement de l’armée et à la suppression de la bastonnade, usitée avant la révolution, et qu’on a remplacée par la prison ; en outre nous n’avons plus de colonies où on envoyait en partie les condamnés militaires : c’est ce qui fait que cette prison est encombrée. Ce n’est même que par la force morale qu’on les retient. Je ne sais, s’il est prudent de le dire, mais il leur serait facile de s’évader de cette prison, qui est mal construite et qui primitivement avait eu une autre destination. Il est indispensable de l’agrandir et de la fortifier. Il faut pour cela acquérir des bâtiments contigus et élever les étages. Cette dépense s’élèvera à 30 ou 40,000 fr.
Les grandes prisons civiles exigent aussi des réparations et des améliorations. L’allocation de l’année dernière n’a été votée qu’au mois d’octobre ; il a été impossible de l’employer entièrement ; et cependant, il y a non pas des constructions, mais des appropriations nouvelles à faire à Courtray, à Audenarde, qui absorberont plus de la moitié de la somme ; le reste sera à partager entre Gand, Vilvorde, St-Bernard. Dans cette dernière, les bâtiments sont très mauvais ; il faudrait un quart de l’allocation. Peut-être que l’année prochaine elle ne sera plus nécessaire ; mais nous devons y employer une somme de 30,000 fr. au moins, en attendant qu’on puisse bâtir une prison nouvelle.
Il est encore une foule de dépenses imprévues hors des prévisions de l’administration, qui se font dans les prisons, et que nous ne mentionnons pas, parce qu’elles sont trop minimes, mais qui, réunies, font encore une somme assez forte au bout de l’année.
L’état que j’ai présenté à la section centrale a dû la convaincre de l’élévation de ces dépenses. Je puis assurer la chambre que ce serait se préparer à des dépenses plus considérables pour les années prochaines que de réduire l’allocation demandée.
M. Desmet. - Quoique j’aime en tout l’économie et que je suis l’ennemi des majorations, je dois cependant venir ici appuyer celle que vous propose M. le ministre de la justice, pour les nouvelles constructions à faire aux bâtiments des prisons. La prison militaire d’Alost, entre autres, a grandement besoin que les bâtiments soient agrandis ; elle se trouve sans infirmerie ; on est obligé de tenir les malades dans deux petites chambres, espèces de cellules ; et vous savez que dernièrement encore le nombre des malades y a été très élevé. Elle n’a point de chapelle, on est obligé de faire le service divin dans l’atelier des cordonniers ; et en général les ateliers sont trop petits et exigent nécessairement des agrandissements, vu le grand nombre de prisonniers qui se trouvent continuellement dans cette maison. Je dois donc appuyer la majoration demandée.
M. Fleussu, rapporteur. - Toutes les dépenses proposées peuvent être utiles. Mais sont-elles urgentes, et notre état financier est-il tel que nous puissions employer une somme de 153,000 fr. à cet objet ? Nous ne le pensons pas. Mais c’est une autre considération qui a déterminé la section centrale.
Vous savez l’incertitude où l’on est sur le sort d’Arlon, si cette ville sera chef-lieu ou non, et si une prison y sera nécessaire. Tant que le sort de la province du Luxembourg n’est pas décidé, les dépenses que vous feriez seraient sans utilité ; vous pouvez donc les ajourner. La somme demandée pour la construction de la prison d’Arlon est de 53,000 fr. ; retranchez cette somme et il vous reste ce que vous avez cru nécessaire de demander pour les réparations des autres prisons. Voilà les motifs qui ont déterminé la section centrale.
M. Pollénus. - Messieurs, j’ai cru devoir appeler l’attention du gouvernement sur la situation d’un grand nombre de prisons, et particulièrement sur les maisons de sûreté civile et militaire ; il est notoire qu’elles manquent d’ateliers de travail ; il en résulte que les prisonniers qui sont détenus dans ces maisons quelquefois pendant six mois, restant dans une oisiveté absolue, se livrant à tous les vices.
En parcourant les chiffres du budget que nous discutons, je n’ai pas pu me convaincre que le gouvernement ait demandé des allocations pour procurer des ateliers de travail aux détenus. Je saisis cette occasion pour appeler l’attention du gouvernement sur cet objet qui me paraît de la plus grande importance.
Je dirai aussi un mot sur la nécessité de surveiller activement les constructions qui se font dans quelques prisons. Je connais une maison de sûreté civile et militaire où le gouvernement a fait des dépenses assez considérables commandées par la nécessité, mais où les devis n’ont pas été suivis, où l’élévation est inférieure de plusieurs pieds à celle déterminée par les devis. J’ai pu m’en assurer, car je suis de la commission d’administration. J’ai cru qu’il n’était pas sans utilité de signaler un fait de cette nature, au moment où le gouvernement va entreprendre de nouvelles constructions, car il peut compromettre la sécurité.
Ce que je recommande plus particulièrement à la sollicitude connue de M. l’administrateur des prisons, comme le meilleur moyen d’amélioration, c’est de faire en sorte de procurer du travail aux détenus.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - J’avais effectivement oublié de parler de la nécessité de construire une prison nouvelle à Arlon ; l’état provisoire dans lequel on a cru qu’on resterait, avait empêché le gouvernement de s’occuper de cet objet. Pendant quelques années on s’est contenté d’occuper le local de la gendarmerie. Aujourd’hui, on a fait observer que ce local appartient aux communes de la province qui paient chacune pour le loyer et l’entretien des bâtiments. On a fait considérer comme un envahissement du gouvernement l’occupation du local de la gendarmerie, et on nous demande un loyer très élevé. Ce bâtiment d’ailleurs n’offre aucune sécurité. Déjà on avait signalé l’évasion de plusieurs détenus ; des évasions récentes ont démontré combien nos appréhensions étaient fondées ; c’est à tel point que les habitants du voisinage en conçoivent les plus grandes inquiétudes.
En attendant qu’une décision fût prise relativement à Arlon, on pourrait bâtir une prison qui servirait provisoirement de maison de sûreté civile et militaire, et plus tard on la convertirait en maison d’arrêt ou de passage.
Une demande de 50 mille fr. pour une construction de cette nature prouve que les vœux des autorités locales ne sont pas très élevés, car avec cette somme on ne peut faire qu’un bâtiment de très petite dimension. L’administration aurait manqué à ses devoirs si elle n’avait pas appelé votre attention sur un objet qui intéresse la sécurité de la province du Luxembourg.
Un honorable représentant a appelé l’attention du gouvernement sur les moyens de procurer du travail aux détenus. Des ateliers existent dans quelques maisons, et ce qui nous a empêchés d’en introduire dans les autres, c’est le manque d’espace. Le préopinant nous a parlé aussi de constructions dont les devis n’ont pas été exactement exécutés : le fait est vrai ; mais il ne peut être reproché à l’administration, car ce n’est pas sa faute si un officier du génie n’a pas surveillé les travaux dont la direction lui avait été confiée.
M. Fleussu, rapporteur. - Les deux objections qui ont été faites relativement à la prison d’Arlon ne sont que spécieuses. La prison actuelle est une maison que le gouvernement a appropriée à une prison et qui est louée par toutes les communes de l’arrondissement.
Il est évident que l’Etat ne peut pas faire payer aux communes d’un arrondissement le loyer d’une maison qu’il a appropriée à une prison ; est-ce à dire pour cela qu’il faille construire une autre prison ? Non ; c’est de demander une allocation pour payer ce loyer. Nous ne refusons pas tout subside. Prenez de quoi assurer les prisonniers ; faites faire des réparations pour qu’ils ne puissent pas s’évader : il me semble qu’avec 100,000 fr., on peut arriver à ce but.
Les objections qui ont été faites se réfutent d’elles-mêmes.
M. Verdussen. - Puisque toute la différence porte sur la prison d’Arlon, je relèverai une erreur de calcul de M. le rapporteur. Au tableau des constructions nouvelles, la prison d’Arlon est portée pour 50 mille fr. ; mais ensuite on nous a dit que l’évaluation totale des constructions nouvelles a été réduite d’un tiers pour arrêter le chiffre de 153 mille fr. demandé. Ainsi, donc si vous voulez retrancher de cette somme de 153 mille fr. l’allocation demandée pour la prison d’Arlon, vous devez lui faire subir la réduction d’un tiers, c’est-à-dire de 17 mille fr., plus 3 mille fr, qu’on avait diminués en plus : vous avez une différence de 20 mille fr. de moins à déduire. Il en résulte que les observations de la section centrale ne portent que sur Arlon ; elle n’est pas d’accord avec elle-même.
Je proposerai de fixer le chiffre de cet article à 120 mille fr.
M. Fleussu, rapporteur, persiste dans les conclusions de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si vous retranchez la somme de cinquante-trois mille francs, vous ne tenez plus compte des frais de réparation pour la prison actuelle d’Arlon. Je concevrais les observations de M. le rapporteur s’il disait : Nous ne croyons pas qu’il y ait lieu de construire une prison nouvelle à Arlon ; nous n’accordons pas la somme pétitionnée de 53 mille fr., mais nous vous donnons le conseil de faire les dépenses d’appropriation nécessaires, si tant est que l’appropriation soit possible.
Les autorités administratives et judiciaires sont unanimes pour déclarer le peu de sûreté que présente cette prison. La fréquence des évasions en est la meilleure preuve ; vous avez pu lire dans les journaux que bon nombre de prisonniers s’étaient évadés. Ces évasions sont bien de nature à porter l’épouvante dans les populations, car ces hommes qui s’échappent n’ont pas d’autre moyen d’existence que le brigandage ; c’est donc pour le gouvernement un devoir impérieux de vous demander de le mettre à même de se garantir contre toute évasion des prisonniers d’Arlon.
C’est un devoir pour lui, car il s’agit de l’exécution des arrêts de la justice ; c’est un devoir encore pour lui de pourvoir à la sûreté de tous. Si l’honorable rapporteur veut être conséquent, il ne nous dira pas de prendre les moyens de réparer cette prison sur les 100,000 fr., mais sur les 53,000 fr. demandés pour la construction, car la destination des 100,000 fr. est justifiée et approuvée par la section centrale.
On a objecté l’incertitude où on était sur le sort d’Arlon. Mais alors même qu’Arlon ne serait pas chef-lieu de la province, il sera toujours chef-lieu d’arrondissement judiciaire et on ne peut pas supposer un chef-lieu d’arrondissement judiciaire sans l’existence d’une maison d’arrêt. Il n’y a pas de luxe dans la construction d’une maison de cette nature, pour laquelle on vous demande 50,000 fr.
Les passages ont donné lieu à des plaintes à cause des désordres qui tiennent à l’état des locaux. Dans la situation actuelle des choses dans notre position politique, si vous croyez que l’allocation entière ne soit pas nécessaire, quoique pour moi cette nécessité soit constante, vous devez au moins allouer les fonds nécessaires pour l’appropriation de la prison actuelle ; il y aurait lieu dans ce cas de réduire le chiffre seulement à 125,000 fr.
M. Fleussu, rapporteur. - Nous ne sommes pas loin de nous entendre avec M. le ministre. Il est étonné que nous retranchions les 53,000 fr. sans lui allouer une somme pour les frais d’appropriation. Mais tant qu’il persiste à demander une somme pour construire une prison nouvelle, et que nous ne croyons pas cette construction nécessaire, il n’y a pas moyen de nous entendre ; si, changeant de résolution, il veut approprier la prison actuelle, qu’il nous fixe la somme dont il a besoin : nous n’avons aucun des éléments pour évaluer cette dépense.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai pas consenti à la diminution du chiffre de 153,000 fr. ; j’ai seulement dit que l’honorable rapporteur, pour être conséquent, n’aurait dû proposer de réduire la somme qu’à 125,000 fr. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je ne consens pas à la diminution. D’abord, pour faire des dépenses d’appropriation, il faut être propriétaire ; car comment faire des dépenses de cette nature dans un local dont la possession est contestée aujourd’hui ?
D’un autre côté, les bâtiments sont dans un tel état de délabrement que des dépenses d’appropriation seraient de l’argent perdu. Ainsi en supposant même que le gouvernement fût reconnu propriétaire, il faudrait encore renoncer à ce projet.
Nous demandons donc que le chiffre soit maintenu. S’il s’agissait d’un vaste pénitentiaire, d’une vaste maison centrale, comme celle de Gand, qui dût coûter un million ou 500,000 fr., nous concevrions que la chambre voulût avoir ses apaisements ; mais ici c’est une dépense de construction très minime, qui ne peut guère être considérée que comme une dépense d’appropriation.
M. Gendebien. - Messieurs, il semble que nous sommes en contradiction avec nous-mêmes, ou plutôt que les orateurs qui ont parlé dans cette discussion sont en contradiction. Les uns disent qu’il y a nécessité urgente de faire une prison à Arlon pour mettre les habitants en sécurité, et nous, tout en reconnaissant cette nécessité, nous refusons les fonds pour sa construction ; mais nous disons : Il faut attendre parce qu’on ne sait pas encore si Arlon sera chef-lieu de province ou chef-lieu d’arrondissement.
Et bien, en supposant que nous accordions une somme que je ne regarde pas comme une bagatelle ainsi que M. le ministre, mais comme très forte, car il s’agit de 53.000 fr. ; en supposant, dis-je, que nous allouions cette somme, la prison ne sera pas habitable avant dix-huit mois. Vous serez donc obligés de subir pendant ce temps les nécessités dans lesquelles vous vous trouvez ; d’ici à dix-huit mois vous saurez si Arlon sera chef-lieu de province ou chef-lieu d’arrondissement, et alors seulement vous pourrez déterminer la hauteur de la dépense à faire. Il arrivera de deux choses l’une : Arlon sera chef-lieu de province ou chef-lieu d’arrondissement. S’il est chef-lieu d’arrondissement et que vous fassiez, dès à présent, une prison pour un chef-lieu de province, vous aurez fait une dépense supérieure aux besoins ; si au contraire vous ne faites qu’une dépense proportionnée aux besoins d’un chef-lieu d’arrondissement, et qu’Arlon soit chef-lieu de province, votre prison ne sera pas assez grande, et vous devrez recommencer ou changer vos constructions : il y a donc nécessité absolue de s’abstenir.
Quant aux inquiétudes des habitants, le seul moyen de les faire cesser c’est de doubler la surveillance et non en allouant une somme de 53,000 francs, Nous avons assez de soldats ; et il n’y aurait peut-être pas de mal qu’on augmentât la garnison du Luxembourg qu’on traite comme un pays perdu. En effet, à peine y envoie-t-on des troupes pour le service de la capitale. Indépendamment de la sécurité qu’on rendrait au pays, ce serait un moyen d’y mettre un peu plus d’argent en circulation.
Je regarde donc l’allocation demandée pour cet objet comme inutile. J’en voterai la suppression comme l’a proposé la section centrale, sauf au ministre à nous demander telle allocation qu’il jugera convenable, non pour approprier la prison actuelle, mais pour son entretien ; car ce serait encore une allocation inutile, parce que la propriété, ne nous appartenant pas, devrait probablement être achetée, et l’on se trouve toujours sous certains rapports dans la même position que pour la construction d’une prison.
Ainsi donc, quoi qu’on fasse, toute allocation est inutile quant à présent, et la seule chose à faire est d’envoyer un bataillon de plus à Arlon : les habitants seront en sécurité, ils auront l’avantage qui résultera pour eux d’une plus grande circulation d’argent. Nous aurons à la fois bien agi dans les intérêts du Luxembourg, nous aurons bien géré les intérêts du trésor.
M. Verdussen. - Je propose le chiffre de 120,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai déjà dit que, pour faire des appropriations, il faudrait être propriétaire ; cependant, si vous n’allouez pas la somme que nous vous demandons, au moins nous donnerez-vous de quoi subvenir aux réparations les plus urgentes. Il y a quelques jours qu’un tour s’est écroulé. Le rétablissement n’est pas une dépense d’appropriation, mais de réparation. Je pense qu’avec l’allocation de M. Verdussen, nous pourrions faire le nécessaire pour assurer la sécurité ; mais je ne m’engage pas à faire une appropriation qui a été reconnue impossible par les autorités locales.
M. Gendebien. - A moins que le ministre n’ait trouvé le secret de faire pousser une prison en 15 jours, il fallait bien entretenir le local employé provisoirement à ce service ; et comme il est impossible qu’une nouvelle prison soit faite avant la fin de 1834, il a dû comprendre l’entretien de la prison d’Arlon dans son chiffre global destiné à cette nature de dépense : s’il n’y pas pensé, il y a imprévoyance de sa part ; ce n’est pas à nous à réparer cette omission, car nous n’avons pas les éléments.
Je ne vois pas qu’il soit nécessaire de rien changer à la proposition de ma section centrale.
M. Pollénus. - J’ai demandé des ateliers de travail dans les prisons.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Ce sont les locaux qui empêchent d’établir des ateliers de travail ; nous en établissons autant que nous le pouvons.
Depuis la rédaction du budget une circonstance inattendue a exigé une prompte réparation. A Arlon un mur est tombé à la prison. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre proposé par M. le ministre de la justice et celui proposé par M. Verdussen, mis aux voix, sont rejetés.
Le chiffre de 100,000 fr. présenté par la section centrale est adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.