(Moniteur belge n°221, du 9 août 1833 et Moniteur belge n°222, du 10 août 1833)
(Moniteur belge n°221, du 9 août 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi,
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Dumortier, rapporteur, a la parole. (Nous donnerons son rapport.)
L’honorable membre annonce que dans une des prochaines séances il présentera le rapport sur le budget concernant la dette publique.
M. Schaetzen, rapporteur, s’exprime en ces termes : (suit le rapport de la section centrale, non repris dans la présente version numérisée.)
- La chambre, consultée, décide que la proposition sera discutée lundi.
M. Liedts. - A la vue des nombreuses pétitions arrivées au congrès et à la chambre, pour vous signaler les vices de la législation sur les demandes en expulsion des fermiers et locataires ; convaincu d’ailleurs, par l’expérience, que ces réclamations n’avaient rien que de juste et de fondé, j’ai cru de mon devoir de provoquer de la chambre une révision si vivement sollicitée et si longtemps attendue. Mais, en vous présentant mon projet, je n’ai pas eu la prétention de la croire si parfait qu’il ne fût susceptible d’aucune amélioration ; je me suis même volontiers associé aux travaux de votre commission pour y introduire les changements nécessaires, à l’effet de le mettre en harmonie avec tout le système de législation en vigueur.
Ma proposition présentait trois grands avantages sur la législation actuellement existante 1° En mettant le juge de paix à la place des tribunaux de première instance, elle rapprochait le juge du justiciable, qui était ainsi dispensé de se rendre au chef-lieu d’arrondissement pour une simple demande en expulsion. En second lieu, à une procédure lente elle substituait des formalités simples et à la portée de tous les citoyens ; et enfin, ce qui en était la conséquence, des procès, qui souvent absorbaient le capital, étaient remplacés par une procédure peu coûteuse.
Voyons jusqu’à quel point ces mêmes avantages sont obtenus par la proposition amendée par la commission. Elle divise les demandes d’expulsion en deux catégories : la première rentre dans la compétence des juges de paix, et sur les autres il peut être provisoirement statué par le juge des référés. Il en résultera que ces affaires seront expédiées avec au moins autant de célérité que si ma proposition primitive avait été adoptée. Cette célérité sera même telle, que quatre ou cinq jours suffiront pour demander et exécuter l’expulsion.
Quant aux frais la procédure en référé n’en entraîne pas plus que celle devant le juge de paix ; et il y aura même cette différence que l’ordonnance du juge des référés sera toujours exécutoire sur minute, tandis que le jugement du juge de paix ne peut être mis à exécution qu’en levant l’expédition du jugement.
On ne manquera pas de dire sans doute que, le président ne statuant que provisoirement, le locataire se pourvoira chaque fois à l’audience pour faire réformer la décision du président ; c’est une crainte, messieurs, que je ne puis partager. Tous ceux qui ont l’expérience du barreau savent que presque toujours les locataires de mauvaise foi qui refusent de quitter les lieux à l’expiration du bail, n’ont d’autre but, en s’opposant à l’action en expulsion, que de prolonger autant que possible leur possession ou de déterminer le propriétaire à une transaction par la crainte des frais ; mais du moment que l’expulsion est consommée, du moment que le locataire se voit privé de la possession, il ne pousse pas plus loin son opposition contre la demande parce qu’il sait trop bien d’avance qu’il ne peut plus rentrer dans cette possession qui formait le seul objet de ses désirs.
Je pense donc, messieurs, que, sous le double rapport de la célérité et de l’économie, le projet amendé ne laisse rien à désirer.
Pour ce qui regarde le troisième avantage que présentait la proposition primitive, et qui consistait à rapprocher le juge des justiciables, celui-là ne se rencontre pas tout à fait dans la proposition de la commission. Mais il est largement compensé par les garanties qu’il ajoute au projet primitif, en substituant dans certains cas, au juge de paix, un magistrat dont on peut attendre plus de lumières et plus d’expérience.
La proposition première offrait encore un inconvénient qui a échappé à la commission, et qui me paraît si grave, qu’il suffirait seul pour faire adopter le changement qu’on lui a fait subir. En effet, messieurs, en permettant aux juges de paix de la campagne à connaître, dans presque tous les cas, des actions en déguerpissement, on faisait plus que doubler le nombre de leurs affaires, et par cela même on doublait aussi le nombre des agents d’affaires, parmi lesquels il se rencontre sans doute des honnêtes gens, mais qui pour la plupart enfantent les procès, exploitent les justices de paix, assiègent la salle d’audience, et s’emparent de toutes les causes qui s’y présentent, bonnes ou mauvaises. Ce fléau de nos campagnes, qui augmente à mesure qu’il trouve plus d’aliment, aura moins l’occasion de s’étendre avec la proposition amendée qu’avec la proposition primitive.
On serait tenté de croire, à une première lecture de l’article premier qui vous est proposé, qu’il ne trouvera presque jamais son application. En effet, dira-t-on, rendre le juge de paix compétent pour connaître d’un bail dont le loyer de toutes les années réunies n’excède pas 100 fr., c’est une disposition illusoire ! Mais si l’on veut bien remarquer, d’un côté, que la loi est principalement proposée dans l’intérêt de la petite propriété, et d’un autre côté, que généralement les propriétés sont occupées ou sans bail, ou par tacite reconduction, et que dans ces deux cas le bail n’est, d’après l’usage de presque toutes nos provinces, que d’une année, on s’apercevra qu’en réalité le juge de paix, par cet article premier, est rendu compétent pour connaître de la plupart des baux dont le prix annuel n’excède pas 100 francs. Et quel mal, après, que la valeur du bail excède la compétence du juge de paix, puisqu’aux termes de l’article 2, on pourra obtenir dans ce cas l’expulsion en s’adressant au président du tribunal de première instance, qui statuera aussi rapidement et sans causer plus de frais que le juge de canton.
Voilà, messieurs, les motifs qui m’ont engagé à me rallier à la proposition de la commission ; je me réserve de répondre aux objections dont elle pourrait être l’objet.
(Moniteur belge n°222, du 10 août 1833) M. Doignon. - Messieurs, il n’est personne qui ne partage le désir de l’honorable M. Liedts, de faire droit enfin aux justes plaintes des propriétaires sur la lenteur et les frais excessifs de la procédure à laquelle ils sont tenus de se soumettre jusqu’ici, pour expulser les locataires qui prétendent continuer la jouissance de leurs biens sans droit ni titre, ou après l’expiration de leur bail.
Mais son projet, en attribuant aux juges de paix la connaissance des actions en déguerpissement, atteignait-il bien le but qu’il se proposait ? présentait-il en effet la marche la plus prompte, la plus sûre et la plus économique ? Nous adoptons à cet égard l’avis de la commission, qui est conforme à l’opinion que nous avons toujours professée sur cette matière. En admettant, messieurs, sa proposition, vous consacrerez par la législature ce que déjà on voit depuis longtemps se pratiquer par quelques-uns de nos tribunaux. D’après la jurisprudence qui s’y est formée, on assigne dans les vingt-quatre heures en expulsion provisoire devant le président du tribunal civil, siégeant en audience de référé ; et ce magistrat, après avoir entendu les parties, et s’être assuré que le locataire n’a ni droit ni titre, lui ordonne, sans autre forme, de déguerpir, en autorisant au besoin l’exécution de son ordonnance sur minute.
Nos jurisconsultes, tout en reconnaissant les avantages de cette procédure, n’exprimaient qu’un regret, celui de ne pas voir la compétence du président, en cette matière, formellement reconnue par la loi. En effet, messieurs, la marche de cette action est de cette manière aussi simple et aussi rapide que le comporte la nature de la cause qui, dès lors, devient nécessairement urgente. Lorsqu’un locataire n’a point de bail, ou que son bail est expiré, et que nonobstant il s’obstine sans aucune raison légitime à demeurer en possession, n’est-il pas rationner de le mettre sur la même ligne que l’usurpateur qui s’empare de l’héritage d’autrui et veut s’y maintenir ? Fur videtur, dit le jurisconsulte romain.
Dès que le président a une fois constaté sa mauvaise foi évidente, il devient aussi juste qu’urgent de le faire déguerpir au moins par provision. Le propriétaire ayant compté sur la libre disposition de sa maison à l’époque fixée, l’a ordinairement louée à un autre ou a pris des mesures pour venir l’habiter avec sa famille ; mais, ne voulant pas se faire justice lui-même, il attend en quelque sorte chaque moment à la porte de sa maison que le magistrat veuille bien lui en remettre les clefs : son nouveau locataire ou lui-même, ayant déménagé, se trouvent pour ainsi dire sur le pavé avec leur mobilier ; ou bien, si eux-mêmes continuent leur occupation après avoir pris l’engagement envers d’autres de sortir à telle époque, ils font souffrir à leur tour à ceux-ci les mêmes désagréments et le même préjudice qu’on leur fait essuyer et c’est ainsi que, par suite de la mauvaise foi d’un seul locataire, plusieurs se trouvent dans des embarras très pressants, et éprouvent chaque jour toute espèce de dommage.
Ces demandes en expulsion doivent donc naturellement tomber dans la catégorie des cas d’urgence prévus par l’article 806 du code judiciaire.
A l’égard de l’occupation des terres, la nature des choses veut également que l’action soit suivie avec célérité ; la terre exige pendant la majeure partie de l’année des actes de culture, des soins presque continus, dont la moindre négligence est plus ou moins nuisible.
Quant aux dépens, il ne serait pas possible de faire rentrer le propriétaire dans la possession de son bien avec moins de frais. Une simple citation en référé, une ordonnance du président suivie d’un commandement, telle sont les seules formalités à remplir pour arriver au déguerpissement du locataire de mauvaise foi. On ne peut trouver une procédure plus sommaire et moins dispendieuse : l’exécution de l’ordonnance sur minute peut même dispenser de frais d’une expédition de jugement, qui serait toujours nécessaire devant le juge de paix.
Mais d’autres considérations puissantes doivent nous déterminer à attribuer de préférence au président du tribunal l’expulsion provisoire ; comme ce n’est que dans les cas douteux ou difficiles que ce magistrat aura réellement quelque chose à juger, le propriétaire comme le locataire trouveront assurément dans le président plus de lumières et d’expérience que dans les juges de canton qui, pour la plupart ne sont pas licencié en droit. La position élevée de ce magistrat, en même temps qu’elle inspire plus de respect, écarte toute espèce d’inconvénient. Le juge de paix, tous les jours en rapport avec les cultivateurs, peut se voir quelquefois dans une position fâcheuse à leur égard.
Mais les demandes en déguerpissement sont d’ailleurs d’une trop grande importance pour en saisir les juges de canton, et puisque la procédure du référé devant le président procure également les avantages de l’économie dans les frais et de la célérité dans l’action, il ne résulterait aucune raison plausible de dévier ici de la règle ordinaire à l’égard de la compétence des juges de paix. Non seulement il s’agit toujours d’un objet d’une valeur indéterminée, et qui peut être aussi bien de 50,000 fr. que de 500 ou 50 fr., mais souvent même de l’établissement du locataire ou du propriétaire, et peut-être même de toute leur fortune.
La loi d’organisation judiciaire de 1822 n’avait point étendu la juridiction du juge de paix de canton à l’expulsion des fermes et terres, parce que cet objet était d’un trop grand intérêt. On sait qu’il n’y a déjà que trop d’inconvénients à rendre les actions possessoires de la compétence des juges de paix ; il n’est presque pas un de leurs jugements qui ne soit porté en appel et réformé. Or, si le possessoire emporte souvent pour le propriétaire la question de propriété, le déguerpissement aussi emporte souvent pour le locataire la question de son établissement, ou plutôt de son existence, et ces observations sont applicables aux petits comme aux grands locataires ou propriétaires.
Il ne s élève que trop souvent, dans les demandes en expulsion, de demandes de droit et de fait qui embarrassent les tribunaux ordinaires eux-mêmes. La reconduction, l’interprétation des conventions écrites ou verbales, la validité des congés, les clauses relatives à la sortie du preneur etc., font naître assez fréquemment les contestations les plus sérieuses. Qu’on y prenne garde. Si l’on ne craignait pas de déférer aux juges de canton des causes d’un intérêt aussi majeur, il n’y aurait pas de motif pour ne pas leur en attribuer aussi bien d’autres qui sont de la compétence des tribunaux civils. Par exemple, pourquoi ne leur donnerait-on pas également à juger d’autres matières sommaires telles que les demandes purement personnelles, à quelque source qu’elles puissent remonter quand il y a titre, et qu’il n’est pas contesté ? Et une fois que l’on aurait ainsi franchi les limite fixées pour la compétence des justices de canton, on ne sait plus réellement où il faudrait s arrêter.
Le but du projet de loi est de faire obtenir au propriétaire promptement et à très peu du frais la libre possession de son bien, lorsqu’il est évident que celui qui occupe est sans droit ni titre pour le détenir plus longtemps. Or, la faculté laissée au président d’accorder l’expulsion provisoire en audience de référé atteindra parfaitement ce but. La sagacité ordinaire de ce magistrat lui fera apercevoir aussitôt quand la défense du locataire n’est réellement pas soutenable ; et dans ce cas, et alors seulement, il lui ordonnera de déguerpir provisoirement, sauf à celui-ci à ramener immédiatement la cause au tribunal, pour faire statuer définitivement, s’il le juge convenable.
Le président sera d’autant plus circonspect dans l’usage de cette faculté, que sa décision peut être de suite soumise à la censure du tribunal qu’il préside. Or, on sent que, pour les locataires de mauvaise foi qui auraient l’envie de se maintenir à toute fin, ce provisoire ainsi accordé par le président emporte le fond ; et, obligés de se résigner à son ordonnance, ils seront peu tentés de poursuivre devant le tribunal une procédure en pure perte. De plus, ces mauvais locataires, sachant qu’il existe une manière aussi expéditive et aussi peu coûteuse de les faire expulser, ne s’aviseront guère de continuer leur occupation contre le gré des propriétaires ; mais, convaincus de l’inutilité de leur opposition et ne consultant que leur propre intérêt, ils prendront à l’avance leur mesure pour sortir des lieux au terme convenu, et se pourvoir ailleurs.
Mais si au contraire, le président du tribunal, après avoir pesé les raisons du demandeur et du défendeur, juge qu’il y a doute ou difficulté, dans ce cas il se fera un devoir de refuser le provisoire qui ne peut être dû qu’à la certitude ou à l’évidence du fait, et il renverra la cause à la plus prochaine audience de tribunal qui prononcera sur le tout. Dans cette dernière hypothèse qui se présente moins fréquemment, une contestation réellement sérieuse s’étant engagée entre le preneur et le propriétaire, et son objet étant d une valeur indéterminée, c’est au tribunal de première instance qu’il doit appartenir de la juger : le refus du président d’accorder un référé à l’expulsion provisoire est une preuve que quelque présomption milite en faveur du locataire, et qu’ainsi il ne peut plus être question de le traiter avec rigueur et par urgence, mais d’examiner ses droits avec la plus grande attention. Le propriétaire comme le locataire préféreront avoir pour juge d’un litige aussi important, et peut-être d’une question ardue, le tribunal de première instance qui, pour des cas semblables, leur inspire à juste titre plus de confiance.
Mais, du reste, devant le tribunal civil, une cause de cette nature est rangée de droit parmi celles qui requièrent célérité, et les frais sont taxés modérément comme en matière sommaire, ce qui même sera peut-être moins coûteux que si, à cause des difficultés que présente l’affaire et des intérêts majeurs qu’elle eût à défendre, les parties se voyaient obligées d’envoyer leurs avocats à l’audience du juge de canton.
S’il y a matière à transaction, la médiation du président ou du tribunal sera tout au moins aussi utile que celle du juge de paix.
Nous devons donc conclure avec lui qu’il n’y a nulle nécessité de recourir aux juges de canton pour remédier au mal dont se plaignent le propriétaires, mais qu’il est satisfait à tout ce qu’exigent la protection due à la propriété et même l’intérêt bien entendu des locataires, en autorisant le président du tribunal civil a accorder selon les circonstances, aussitôt et presque sans frais, l’expulsion provisoire sur une simple citation. Or, puisqu’on trouve à cette fin, au titre XVI du livre 5 du code judiciaire, une procédure toute faite, dont la pratique est connue et familière à tout le monde, le législateur aurait donc rempli sa tâche en déclarant simplement applicables aux cas dont il s’agit les dispositions des articles 805 et suivants de ce code.
Déjà l’article 135 établit comme règle générale que l’expulsion provisoire peut être prononcée par le tribunal lorsqu’il n’existe point de bail ou que le bail est expiré ; mais on suppose dans cet article que les délais et les formalités ordinaires telles que les préliminaire de la conciliation, etc., ont été accomplis ; or, c’est justement ce que l’on a en vue d’éviter ici en saisissant d’abord le président de la connaissance de l’affaire pour accorder s’il y a lieu cette provision avant le jugement définitif.
Au surplus, l’extension que l’on voudrait donner à la compétence des juges de paix se lierait aussi avec la grande question de savoir si, en principe, il est à propos d’augmenter leur juridiction. Mais ce principe ne doit être discuté que lorsque la législation s’occupera de leur organisation, et jusque-là il nous paraît prudent de ne rien préjuger sur ce point.
Mais nous prierons ici la commission de nous faire connaître pourquoi elle a cependant jugé à propos d’anticiper, relativement aux intérêts de la petite propriété.
Il lui a semblé, dit-elle, que lorsque la valeur de loyer ou fermages pour toute la durée du bail n’excède pas les limites de la compétence du juge de paix, il peut connaître de la demande en expulsion à son expiration. Mai dans ce cas, l’objet de la demande en déguerpissement n’excède-t-il pas toujours les limites de sa compétence, puisqu’il ne cesse d’être d’une valeur indéterminée ? Pourquoi cette distinction entre la grande et la petite propriété ? Les petits propriétaires ou locataires n’ont-ils pas, comme les grands, le même intérêt à obtenir les meilleures garanties pour qu’il leur soit fait bonne justice ? Si, lorsqu’il s’agit de déguerpissement, la justice de paix, telle qu’elle est organisée maintenant, est reconnue vicieuse pour le château, pourquoi en serait-il autrement lorsqu’il s’agit de la chaumière ?
Les petits propriétaires ou locataires attachent certainement un aussi haut prix à la jouissance de leur petit héritage, d’un quartier ou d’un demi-bonnier de terre, que les grands celle d’un domaine considérable. Pour les premiers, ce petit héritage sera souvent l’unique moyen d’existence d une famille, et son sort tout entier se trouvera entre les mains du juge de paix et dépendra de sa décision. Son mal jugé peut entraîner sa ruine pour toujours. Au contraire, quant aux seconds, l’erreur de ce juge leur sera moins souvent aussi fatale.
Il paraît donc que si la juridiction actuelle de la justice de paix n’offre pas assez de garantie pour le déguerpissement de la grande propriété, il y a peut-être plus de motifs pour qu’il en soit de même à l’égard de la petite. Les justices de paix, dit le rapport de la section centrale n’ont été instituées que pour décider des contestations de peu d’importance, et elles n’ont même pas répondu aux espérances que l’on en avait conçues. Mais, relativement aux petits laboureurs ou locataires, le droit de jouir de leurs fonds de terre ou maison est pour eux de la plus haute importance. Ce n’est aucunement d’après le prix du loyer ou fermage qu’on peut l’évaluer ; tel bien ou telle maison peuvent ne valoir que 100 francs de location et en valoir au preneur plus de 500 ou 1,000 annuellement et au-delà. Cette jouissance est donc certainement inappréciable dans tous les cas.
L’appréciation du titre en son entier appartient au juge de paix, dit la commission, dans le cas où la valeur des loyers ou fermage pour toute la durée du bail n’excède pas les limites tracées à la justice de paix par la loi de 1790.
Sans doute, si c’est une somme fixe, inférieure à 100 francs et due pour loyer, qui est mise en jugement, on conçoit que le juge de paix puisse alors connaître du titre en son entier ; mais il ne peut être question ici d’une somme fixe, mais du déguerpissement, dont l’objet est, par sa nature, d’une valeur indéterminée et ordinairement de l’intérêt le plus majeur.
Ne convient-il donc pas de faire disparaître cette distinction entre le déguerpissement de la petite et de la grande propriété, distinction qui peut sembler d’autant plus choquante que tous les Belges sont égaux devant la justice comme devant la loi. Ne pourrait-on pas, en déclarant urgentes les demandes en expulsion lorsqu’il n’y a point de bail ou que le bail est expiré, leur appliquer indistinctement les dispositions de l’article 806 et suivants du code judicaire ?
Nous attendrons sur tous ces points les explications de M. le rapporteur de la commission. Il importe aussi de connaître si son projet prévoit le cas où le preneur n’a pas eu de bail écrit, ou si l’on a entendu qu’il y est compris.
Loin de nous la pensée que la section centrale aurait voulu accorder un privilège à la grande propriété ; nous ne doutons pas au contraire qu’il n’ait été dans son intention de faire quelque chose de favorable à la petite propriété. Mais, dans ce cas, nous le demandons, pourquoi lui donner pour juge le juge de paix, au lieu du président du tribunal civil ?
A l’égard de la demande en résolution et expulsion pour défaut de paiement du loyer, lorsqu’il existe un bail et qu’il n’est pas expiré, la provision étant due à ce titre, ne semble-t-il pas qu’on ne peut appliquer à ce cas la procédure des référés ?
Les mêmes raisons militent pour continuer aux tribunaux ordinaires la connaissance de ces affaires, car la résolution du bail est dans ce cas, comme dans les autres, d’un intérêt urgent, et peut dépendre d’une foule de circonstances qu’il est plus prudent de laisser, comme précédemment, à l’appréciation des tribunaux civils. Seulement, puisque dans l’intérêt des propriétaires ou rentiers, on a dispensé du préliminaire de la conciliation la demande en paiement de loyer ou de fermage, il paraît tout à fait rationnel d’en exempter également la demande en expulsion qui en est la suite. Par ce moyen on pourrait saisir les tribunaux civils de ces deux objets par un seul et même exploit. On pourrait aussi, afin d’empêcher les parties de se faire trop de frais pour une location de peu de valeur, autoriser ces tribunaux à prononcer en dernier ressort et sans appel, lorsque le prix annuel n’excède pas 150 fr.
Telles sont, messieurs, les observations que j’ai l’honneur de vous soumettre sur le projet de loi en discussion.
M. Milcamps. - Le projet de loi présenté par la commission chargée de l’examen de la proposition de M. Liedts, continue aux juges de paix l’attribution de connaître tant de la demande en résolution du bail que de celle en expulsion à son expiration, lorsque la valeur des loyers ou fermages pour toute la durée du bail n’excède pas les limites de sa compétence.
Mais quand la valeur des fermages excédera-t-elle les limites de la compétence du juge de paix ? En matière personnelle le juge de paix connaît des demandes à charge d’appel jusqu’à concurrence de 100 fr., et en dernier ressort jusqu’à concurrence de 50 fr.
Ainsi, s’il s’agit par exemple de la demande en résolution pour défaut de paiement d’un bail pour un terme de 6 ans, il est évident que le juge de paix ne pourra en connaître en dernier ressort qu’autant que le prix du bail soit de 8 fr. 33 c., et en premier ressort qu’autant que le prix du bail soit de 16 fr. 66 c.
S’il s’agit d’une demande en résolution d’un bail verbal pour une maison, ou pour des biens ruraux dont les fruits se récoltent en entier dans le cours d’une année, le juge de paix en connaîtra en dernier ressort su le prix n’excède pas 50 fr. et en premier ressort si le prix n’excède pas 100 fr.
Ainsi, il est vrai de dire que la proposition de la commission maintient la compétence actuelle des juges de paix avec cet avantage de faire cesser une controverse, avec cette seule différence que le jugement du juge de paix rendu en premier ressort sera exécutoire par provision, nonobstant appel et sans donner caution.
Mais le projet de la commission, pour les cas où le juge de paix ne sera pas compétent, et ces cas seront les plus nombreux, dispose que la demande en expulsion formée, soit à l’expiration du bail, soit pour défaut de paiement, pourra être portée directement en référé devant le président du tribunal, qui statuera provisoirement sur la demande, sans préjudice au principal pour lequel les parties pourront se pourvoir à l’audience sans préliminaire de conciliation, et l’ordonnance du président sera exécutoire sur la minute, nonobstant opposition ou appel, et sans caution.
Cette proposition à la vérité présente l’avantage de dispenser du préliminaire de conciliation les demandes en expulsion après l’expiration des baux, mais ces sortes de demandes sont assez rares ; elle présente le même avantage relativement aux demandes en résiliation de baux pour défaut de paiement qui sont plus fréquentes, surtout en ce qui concerne les locataires de maisons qui, malgré qu’ils n’acquittent pas leurs fermages, se refusent souvent à déguerpir.
Mais cette proposition étendue aux baux de grandes fermes peut donner lieu à de graves inconvénients.
Un propriétaire agira par voie de référé en expulsion de la ferme, après l’expiration du bail, et son locataire prétendra avoir droit à la tacite reconduction.
Un propriétaire agira en résolution du bail pour défaut de paiement ; le locataire soutiendra que de son côté le propriétaire n’a pas rempli ses obligations, ou qu’il ne doit rien.
La proposition de la commission fait cependant une obligation, un devoir, au président du tribunal, de statuer provisoirement, n’y eût-il pas même urgence à statuer.
S’il décide contre le fermier, son ordonnance sera exécutoire sur la minute ; ainsi on pourra, en vertu de cette ordonnance, faire mettre les meubles du fermier sur le carreau, le faire déguerpir.
A la vérité le fermier pourra se pourvoir à l’audience, pour faire prononcer par le tribunal sur le principal.
Mais pour le fermier les choses ne seront plus entières ; il aura dû abandonner sa ferme, vendre ses bestiaux, disposer de ses denrées.
Messieurs, je crains, je vous l’avoue, de donner un aussi grand pouvoir à un président de tribunal.
Les états-généraux du ci-devant royaume, dans la loi d’organisation du pouvoir judicaire de 1827, étaient moins hardis ; d’après cette loi le juge de paix ne connaissait des demandes en expulsion, après l’expiration du bail, que pour les maisons, et des demandes en résolution des baux de maisons et fermes, pour défaut de paiement sans appel, qu’autant que le prix du bail ne s’élevait pas au-delà de 50 fl., et à charge d’appel, lorsque le prix du bail n’était pas au-dessus de 200 fl.
Messieurs, les développements de la proposition de la commission ne nous ayant été remis que hier, l’on doit sentir que le temps a dû nous manquer pour bien apprécier les avantages et les désavantages de cette proposition. Les observations que je viens de présenter ne sont pas le fruit d’une méditation ; ce sont simplement des idées que la lecture de la proposition m’a suggérées, et que je ne reproduis ici que pour provoquer des explications des membres de la commission.
M. Jullien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Pour tous ceux qui par état ou par expérience peuvent apprécier les difficultés sans nombre qu’il faut surmonter, les frais, le temps qu’il faut dépenser pour parvenir à faire déguerpir un locataire de mauvaise foi, la proposition de M. Liedts amendée par la commission, est un véritable bienfait pour les justiciables. En effet, rien n’est pas commun que les locataires de mauvaise foi qui, lorsqu’ils sont devenus solvables, persistent à continuer la jouissance des biens dont ils ne peuvent pas acquitter le loyer, ou qui, à l’expiration de leur bail authentique, restent malgré le propriétaire, causent des dégâts dans les fermes et traînent la contestation pendant des années ; et quand la contestation est vidée, le propriétaire a dépensé beaucoup d’argent et le fermier a absorbé le peu de ressources qui lui restaient. Mais d’un autre côté, s’il est des locataires de mauvaise foi, il est aussi des propriétaires de mauvaise foi, des propriétaires infiniment exigeants, des propriétaires qui, lorsqu’ils se sont brouillés avec leurs fermiers, cherchent à s’en débarrasser par tous les moyens.
Il faut donc, dans le projet qui vous est soumis, chercher à concilier ces deux intérêts, l’intérêt du propriétaire et celui du locataire ; car, si vous devez conserver intact le droit du propriétaire, vous devez considérer que toute la fortune d’un fermier est dans la jouissance de son bail. Le projet de la commission répond-il à ces vues ? Malheureusement je ne le pense pas.
Je suis persuadé qu’il vous sera présenté beaucoup d’amendements, sur lesquels il sera difficile de s’entendre. Pourquoi ? Parce que le projet de loi n’a pas été assez mûri. Si vous voulez en avoir la preuve, examinez l’article premier par lequel on a proposé de donner aux juges de paix la connaissance, dans les limites de leur compétence, de toutes les demandes en résiliation de baux ; eh bien ! la compétence des juges de paix n’excède pas 100 fr. ; or, pour les Flandres, je vous demande ce que c’est qu’un bail de 3, 6 ou 9 années, qui n’excède pas 100 fr. ? Il n’y en a pas de cette espèce, ou ils sont infiniment rares.
D’un autre côté, on parle de saisie des meubles et effets d’un locataire qui a un bail de 100 fr. Si on parlait d’un procès-verbal de carence, à la bonne heure. Vous voyez bien que l’article premier est insuffisant, à moins qu’on n’étende la compétence du juge de paix. Il faudrait qu’on l’étendît jusqu’à 5 ou 600 fr., pour que la loi s’appliquât à une grande partie du royaume ; autrement elle sera inutile.
Par l’article 2, on peut demander référé, lorsque le bail est expiré, et lorsqu’on demande résolution de bail par défaut de paiement. Ainsi on suppose qu’il y a demande en résolution ; le président du tribunal se trouve dès lors dans une position difficile, car il pourra prononcer d’une façon, et le tribunal prononcer d’une autre.
Je ne pense pas, messieurs, que pareille chose puisse exister. Il est vrai que l’expulsion du fermier, d’après le projet, ne porte pas préjudice au principal ; d’où il suit qu’un fermier expulsé pourrait être réintégré, et dans ce cas il faudrait lui donner des dommages-intérêts considérables.
Les inconvénients du projet, s’il n’était pas amendé, seraient peut-être plus grands que ceux que l’on veut éviter.
Je demande que le projet de loi soit renvoyé à l’avis des cours et tribunaux, c’est-à-dire soit soumis aux cours et tribunaux qui seraient invités à donner leur opinion.
M. Liedts. - Je concevrais l’utilité d’un renvoi aux cours et tribunaux, si le projet bouleversait totalement la jurisprudence : dans une circonstance semblable, sans doute qu’il serait nécessaire de recueillir l’opinion des magistrats.
Mais la proposition n’est pas un bouleversement de la jurisprudence ; elle n’est qu’un moyen d’arriver à une jurisprudence uniforme. A quoi tend l’article premier ? Il tend à déclarer, par une loi formelle, que ce qui existe en France existera dans tout le royaume. La jurisprudence de la cour de cassation française est constante sur ce point. La jurisprudence de la cour de Liége est même conforme à la jurisprudence française, elle déclare les juges de paix compétents ; il en est autrement à Bruxelles. Ainsi l’article premier tend à supprimer la diversité des décisions de nos cours.
M. Jullien a manifesté la crainte qu’en référé le président ne prononçât autrement que le tribunal qui serait saisi de la question au fond ; mais l’article 2 contient moins une disposition nouvelle que l’explication de l’article 806 du code de procédure civile.
De plus, la crainte de M. Jullien est la condamnation de tous les jugements en référé. Sans doute que le président peut ordonner le déguerpissement ; et que le tribunal peut repousser la demande en résiliation de bail ; alors il faudra des dommages et intérêts, dans ce cas il vaut mieux que ce soit le propriétaire qui les donne, parce qu’il présente plus de garanties que le fermier.
M. Helias d’Huddeghem lit un discours pour appuyer la proposition de M. Jullien. L’honorable membre ne nous ayant pas communiqué son manuscrit, nous ne pouvons publier ce discours.
M. Dubus. - Messieurs, je ne suis pas convaincu de l’utilité de soumettre le projet aux cours et tribunaux.
Je conçois une pareille mesure quand il s’agit d’une loi importante, d’une loi qui embrasse un système ; mais lorsqu’il s’agit d’une simple modification à la loi existante, et que la difficulté se réduit à un point aussi simple, je ne sais pourquoi on irait occuper les magistrats du pays d’une semblable chose. Cette mesure serait d’ailleurs sans exemple dans la chambre, et il est inutile de créer un précédent.
La chambre a renvoyé devant les cours et tribunaux le projet sur l’organisation judiciaire, mais ce projet était un système tout entier. On ne propose ici que deux dispositions tout à fait en harmonie avec les dispositions de nos codes ; tout ce qu’il y a de jurisconsultes éclairés dans l’assemblée peut très bien apprécier les modifications qui seraient proposées à la loi.
M. Jullien présente une objection, tirée de ce que le président en référé pourrait décider autrement que le tribunal ; eh bien, dans ce cas, si le président a ordonné l’expulsion, il faudra réintégrer le fermier. Cet inconvénient a lieu dans beaucoup d’autres cas ; il est inévitable, ce n’est donc pas là une objection. On fait le procès à la législation en vigueur, et non au projet de loi.
Quant aux autres critiques qui ont été faites, elles sont de nature à être appréciées dans la discussion des articles ; elles pourront amener des amendements, et il y a lieu à continuer la discussion.
M. de Muelenaere. - Je ne suis pas entièrement convaincu de la nécessité de renvoyer le projet actuel devant les cours et tribunaux ; je crois cependant qu’il est nécessaire de le soumettre à un examen plus approfondi.
Tout le monde a senti les vices de la législation existante sur la procédure à laquelle sont soumises les actions en déguerpissement ; tout le monde a senti le besoin de la modifier, et sous ce rapport la proposition de M. Liedts a été accueillie avec faveur. Mais il me semble que, telle que nous la voyons aujourd’hui, elle est bien loin de répondre à l’attente du pays. En effet, messieurs, le projet contient deux clauses seulement. Par la première on consacre une jurisprudence déjà établie dans plusieurs localités ; par la seconde on se borne à déclarer que les actions en déguerpissement seront réputées urgentes.
Quant au premier point, l’article est insuffisant, car il ne remédiera à aucun des inconvénients actuels. Quant au deuxième, l’article est mal rédigé, et j’avoue que je ne le comprends pas.
M. Liedts. - Je prie alors M. le président de donner lecture de l’amendement que j’ai proposé sur l’article 2.
M. le président. - Le voici :
« Art. 2. Lorsque le juge de paix n’est pas compétent pour en connaître, la demande en expulsion soit pour cause d’expiration du bail, soit pour défaut de paiement pourra, etc. »
M. Liedts propose également à l’article 2, paragraphe 2, la suppression des mots : « nonobstant opposition. »
M. de Muelenaere. - D’après cet amendement le vice de la rédaction disparaît en partie, mais il reste encore vrai que l’introduction de cet amendement ne nous fera pas encore toucher le but qui est de simplifier la législation et de la rendre plus expéditive.
Par tous ces motifs, il semble que le projet de loi devrait être soumis à un nouvel examen. D'ailleurs, plusieurs difficultés ont été soulevées par M. Milcamps ; il n’y a pas encore été répondu et le projet n’y pourvoit pas d’une manière satisfaisante.
M. Jullien. - Le projet dont nous nous occupons a paru aux uns d’un médiocre intérêt, et aux autres, d’une très grande importance. Je pense que si tout le monde était bien convaincu qu’une simple lacune, qu’une seule omission, qu’un sens obscur peuvent entraîner la ruine de plusieurs familles, on y regarderait de plus près avant de voter de semblables articles. C’est précisément parce qu’il s’agit d’une matière judiciaire qu’il faut adopter des dispositions précises, afin de ne donner aucune prise à la chicane. Or, sous ce point de vue déjà, le projet ferait plus de mal que de bien.
On dit que l’on veut respecter la juridiction des juges de paix, mais c’est précisément ce qui est en question. Jusqu’à présent on avait admis la compétence des juges de paix jusqu’à la concurrence de 100 fr., pour les actions pures, mobilières et personnelles ; mais on avait considéré les résiliations de bail comme une action mixte. On a dit que les dispositions de l’article 2 étaient la conséquence de ce qui se pratique ordinairement ; mais pourquoi multiplier les actions lorsqu’on peut éviter un résultat aussi fâcheux ? pourquoi s’enfermer, comme on le propose, dans un cercle vicieux ?
On peut quelquefois, lorsqu’il s’agit de l’exécution d’une action, apprécier si l’obstacle que l’on oppose vient d’un esprit de chicane, parce que l’action est là et permet d’en juger. Mais lorsqu’on demande d’expulser un fermier sous prétexte qu’il n’a pas payé, et que de son côté le fermier prétend ou qu’il a payé ou qu’il n’a pas eu toutes les jouissances qu’il avait stipulées, et que, par conséquent, il y a lieu pour lui à des indemnités, comment voulez-vous que le juge ordonne l’expulsion, quand devant son propre tribunal il a été porté une demande en résiliation de bail ?
On ne risque jamais rien à s’entourer de lumières ; d’ailleurs, je ne vous propose pas de créer un précédent. Jusqu’ici, lorsqu’il s’est agi de dispositions judiciaires pour innover à une loi, ou pour la refaire, on a toujours eu le bon esprit de donner une grande publicité au projet et de consulter les cours et tribunaux. En adoptant ma proposition, la chambre ne créera donc pas un précédent ; elle ne fera que se conformer à ses précédents.
M. A. Rodenbach. - Il me semble que le renvoi demandé nous ferait perdre encore du temps, et le projet est urgent car voilà bientôt trois années que l’on pétitionne à cet égard. Je demande qu’une nouvelle commission soit nommée, et qu’on en prenne les membres parmi ceux qui sont opposés au projet. Il y a d’ailleurs, parmi nous, un grand nombre de jurisconsultes distingués auxquels on pourrait soumettre de nouveau la proposition de M. Liedts.
M. Jullien. - Je ne connais pas de jurisconsultes plus distingués que ceux auxquels la proposition a été soumise. Certainement, sous le rapport des lumières et des aperçus, il n y a rien à reprendre dans le rapport de l’honorable M. Fallon, et cependant le projet est défectueux. C’est que le projet présente de très grandes difficultés.
Il y a plusieurs années, dit-on, que l’on réclame ; mais on a réclamé aussi en France et ailleurs. Le sujet a paru si grave, qu’on n’a pas voulu s’en rapporter à l’avis de Merlin. La question est difficile, et rien ne s’oppose à ce que nous demandions aux cours et tribunaux leur avis, en les priant de nous les faire parvenir dans un délai déterminé.
M. A. Rodenbach. - Mon intention est que l’on renvoie la proposition de M. Liedts à la commission, à laquelle devront s’adjoindre les membres et les jurisconsultes distingués opposés au projet ; de cette manière nous éviterons des retards. Il est temps, messieurs, il est bien temps de donner des lois à la nation.
M. de Theux. - Ce n’est pas la première fois qu’un projet présente de graves difficultés, que cependant la chambre parvient à écarter. Je propose de nous conformer dans cette occasion à l’usage qu’elle a constamment suivi. Quand un projet difficile donne lieu à des amendements, on les fait imprimer, et la chambre les examine. Je demande que les membres qui ont critiqué le projet déposent des amendements ; nous pourrons les discuter samedi.
M. A. Rodenbach. - Je désire que les membres de la commission répondent à la question que je vais faire :
Serait-il nécessaire à ceux qui vont en référé devant un président de se faire assister d’un avocat ou d’un avoué ?
Cette question m’intéresse, car je n’aime pas les frais de ce genre.
M. Fallon. - Je puis satisfaire à la demande de M. Rodenbach ; la commission a choisi la voie du référé précisément pour éviter le service d’un avocat ou d’un avoué.
M. le président. - La proposition de M. de Theux est-elle appuyée ? (Oui ! oui !)
M. de Brouckere. - Il y aurait un moyen de concilier toutes les opinions, ce serait d’ordonner le renvoi des amendements à la commission, en priant les membres qui les ont proposés de s’adjoindre à elle. (Appuyé ! appuyé !)
- La proposition de M. de Theux, modifiée par M. de Brouckere, est mise aux voix et adoptée.
Le nouveau rapport sur la proposition de M. Liedts aura lieu samedi.
- La séance est levée à trois heures
M. le président. - La chambre devant aller en corps à la cérémonie du baptême, j’invite messieurs les députés à se rendre au palais de la chambre à dix heures et demie.