(Moniteur belge n°75, du 15 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi et demi.
Après l’appel nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
M. Lebègue analyse quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. Dautrebande demande un congé jusqu’àu 25 pour les affaires de son administration.
- Accordé.
Il est donné lecture d’une lettre de M. Devaux, ainsi conçue :
« M. le président,
« Une indisposition qui m’interdit toute espèce d’occupation m’a empêché hier, et m’empêchera encore pendant quelques jours, de prendre part aux travaux de mes honorables collègues. Veuillez, je vous prie, informer la chambre de la cause de mon absence.
« Je regrette d’autant plus vivement cette contrariété, que j’apprends qu’à la séance d’hier, en mon absence, on a essayé de jeter du doute sur des faits que j’avais allégués antérieurement et dont il m’aurait été extrêmement facile de prouver la réalité et l’exactitude.
« Agréez, M. le président, etc.
« Paul Devaux. »
M. le président. - L’ordre du jour est la discussion des articles du budget de la guerre.
« Art. 3. Frais de route et de séjour : fl. 3,000. »
La commission ne propose aucune réduction.
- L’article est adopté.
« Art. 4. Matériel du ministère : fl. 31,500. »
La commission propose de n’allouer de ce chef que 22,000 florins.
M. Goblet. - Messieurs, j’ai fait hier partie de la minorité qui voulût s’opposer à la réduction de la somme destinée aux traitements des employés du département de la guerre. Aujourd’hui encore je voterai contre la diminution que l’on veut apporter dans les ressources matérielles que réclame ce ministère.
Ce n’est pas sans examen, messieurs, que j’adopte en cette circonstance les chiffres du budget présenté, c’est après y avoir mûrement réfléchi ; et je crois qu’il est de mon devoir de vous donner en très peu de mots les motifs de mon vote.
A la suite de la séance d’hier, je n’ai pu me rendre compte de certaines réductions ; je n’ai pu m’expliquer comment il était possible d’avoir assez de foi dans un ministre pour voter de confiance, sur sa demande, un contingent d’armée aussi considérable que celui de la Belgique ; je n’ai pu, dis-je, m’expliquer comment on pouvait croire ce haut fonctionnaire sur parole, quand il s’agissait de millions, et ne pas s’en rapporter à la véracité de ses assertions, quand elles n’avait rapport qu’à peu de milliers de florins destinés à la solde de quelques employés, dont l’état dans lequel nous nous trouvons rend la présence indispensable au ministère.
Je me suis demandé si peut-être la chambre n’avait pas perdu de vue que c’était un budget sur le pied de guerre qu’elle discutait : et en effet, messieurs, je devais le supposer en voyant qu’après avoir eu, dans les grandes choses, confiance dans les capacités du ministre, on résistait à ce même ministre quand il déclarait qu’il ne pouvait plus à l’avenir conserver la responsabilité si l’on persistait dans des réductions sur les frais d’administration générale de son département.
Je concevrais, messieurs, une telle résistance si c’était un budget de paix, un budget sur lequel on pût faire des essais sans périls, un budget enfin qui dût être le manuel permanent d’une administration pacifique. Mais non, messieurs, celui que vous discutez n’aura probablement que deux ou trois mois au plus d’existence, et vous refusez au ministre qui pendant deux ou trois mois encore veut bien conserver une pénible responsabilité, vous lui refusez, dis-je, les faibles sommes qu’il juge indispensables à la conservation et à la mise en mouvement de forces imposantes, à l’organisation desquelles vous reconnaissez vous-mêmes qu’il a tant contribué ! Oui, messieurs, je le répète, il faut que l’on ait perdu de vue que c’est un budget de guerre que nous discutons.
Admettons un instant que la chambre persiste dans ses réductions, qu’en arrivera-t-il ? Le ministre pourra-t-il rester en place quand il vous a déclaré hier que vous lui ôtiez tous les moyens d’une bonne administration ? J’en doute. Mais encore supposons que son dévouement au pays surmonte les sentiments pénibles qu’il doit éprouver : que fera-t-il pour subvenir aux besoins du service ? Ne se verra-t-il pas forcé d’avoir recours à des officiers pour l’exécution du travail de ses bureaux ? Oui, messieurs, il usera probablement de ce moyen ; il attirera au ministère des officiers propres à remplacer les employés qu’il sera forcé de renvoyez ; et croyez-vous qu’alors vos décisions seront une source d’économies ? Non, messieurs. Je suppose que les cadres de notre armée ne sont pas tellement complets que le ministre puisse se dispenser de créer de nouveaux officiers pour remplacer dans les corps ceux que l’on y aura enlevés pour les employer au ministère.
Mais a-t-on bien réfléchi à ce que l’on fait en créant des officiers ? Ne sait-on pas que c’est grever l’Etat de rentes viagères, presque toujours accordées à des jeunes gens ? Ainsi, pour opérer à l’instant même des réductions que vous pourriez obtenir sans danger, lors de la discussion du budget de paix, vous allez obliger le ministre, quel qu’il soit, à remplacer des employés temporaires et révocables par des officiers, c’est-à-dire des employés à vie.
D’ailleurs, messieurs, ne nous le dissimulons pas, s’il est certainement possible de trouver dans des officiers autant d’intelligence que dans certains employés, vous devez renoncer à y rencontrer cette assiduité de bureau qui s’éloigne si fortement des habitudes militaires, et qui constitue le bon employé de profession. Vous serez alors bientôt, et naturellement, conduits à vous récrier contre le grand nombre de militaires occupés au ministère ; et c’est cependant la chambre qui aura mis le ministre dans la dure nécessité de créer un tel état de choses.
Telles sont, messieurs, les considérations qui ont motivé hier mon vote négatif. Voilà toutes les conséquences de la réduction adoptée ; mais au moins je viens de vous indiquer un remède, tandis que, pour les articles qui restent à voter, je ne sais quel moyen le ministre emploiera pour subvenir aux besoins matériels de son administration, si toutefois vous lui refusez les sommes qu’il déclare être indispensables pour y satisfaire. C’est ce qui me détermine encore plus fortement qu’hier à m’opposer à la réduction proposée. Ma conscience me fait un devoir de repousser ces économies chimériques et même quelquefois préjudiciables, et de m’attacher à l’idée bien plus constitutionnelle de ne pas refuser, dans des moments difficiles, les moyens d’administration à un ministre loyal et consciencieux.
M. d’Elhoungne. - L’honorable préopinant s’étant placé tout à fait hors de la question pour remettre en délibération ce qui a été décidé hier, je crois pouvoir me borner à une seul observation. Il a dit que, puisqu’on croyait bien le ministre de la guerre sur parole quand il s’agissait de millions, on devait aussi avoir confiance en lui quand il demandait quelques milliers de florins destinés à la solde des employés. Je ferai remarquer que c’est la même tactique qu’on employait sous le gouvernement déchu. On entendait alors une foule de personnes dire : « Nous devons avoir confiance dans les ministres, dans le gouvernement, dans le Roi. » Mais, messieurs, s’il faut s’en rapporter en tout à MM. les ministres, notre présence est inutile ici, et les 1,500 fr. que coûtent chaque jour nos délibérations ne sont qu’un gaspillage des deniers pubics. La commission a proposé une réduction de 9,500 fl. par des motifs très dignes de considération. Aussi longtemps que ces motifs n’auront pas été refutés, je voterai contre l’allocation entière que demande M. le ministre, qui, d’ailleurs, a été entendu au sein de la commission.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - L’honorable membre a dit que j’avais été entendu dans la commission. C’est une erreur, messieurs : le fait est que l’on m’a seulement demandé quelques renseignements, après quoi la commission est entrée en délibéré. Quant aux motifs dont a parléM. d'Elhoungne, je ne les trouve pas dans le rapport ; il y est seulement dit qu’après un sévère examen la commission a estimé que 22,000 fl. suffisaient.
Hier, messieurs, vous m’avez retranché une partie des fonds pour le personnel. Je conçois très bien que malgré cela l’administration puisse aller, en congédiant, comme j’ai été obligé de le faire ce matin, quelques employés, et en disant aux autres : « Vous travaillerez davantage. » Mais quant au matériel, où rien n’est exagéré, il est impossible de le réduire sans arrêter le service actuel. Dans le mois dernier, les frais du matériel se sont élevé à 5 mille et quelques cents fl., ce qui fait annuellement 35,000 fl. Vous voyez donc que la somme demandée n’est pas trop considérable. Si l’on y met trop de parcimonie, je le répète, le service ne pourra plus exister tel qu’il est aujourd’hui.
M. Brabant, rapporteur, explique sur quels objets ont porté les réductions de la commission. C’est d’abord sur les frais d’impression ; 2° sur le chauffage, qui a été estimé à 1,500 fl. au lieu de 3,000 ; 3° sur l’éclairage, évalué à 5,000 fl. au lieu de 15,000 ; 4° sur les achats de cartes, livres et instruments, à diminuer de moitié ; 5° et enfin sur les dépenses pour ports de lettres, que la commission a été d’avis de supprimer.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Je ferai remarquer que les impressions sont à part du papier. On a imprimé 800 mille feuilles l’année dernière. Les impressions de deux mois se montent à 2,600 fl., ce qui porte le total annuel à environ 17,000 fl. Voilà la base sur laquelle je me suis appuyé. Quant au chauffage, il y a 56 foyers : que l’on calcule, et l’on verra que ce que je demande n’est pas de trop. Pour achats de cartes, de livres et d’instruments, on veut réduire de moitié, et on a dit précédemment, pour motiver une économie sur cet objet, qu’il n’y avait point de livres dans les bureaux du ministère. C’est justement à cause de cela qu’il faut nous donner les moyens de nous en procurer. Relativement aux ports de lettres, pour lesquelles on a dit qu’une allocation était inutile, je ferai observer que ce n’est point pour mes relations à l’intéreur, mais pour les lettres et surtout les paquets qui me viennent de l’extérieur, que cette somme est nécessaire.
Parlent encore pour la réduction : M. Osy, M. Delehaye, M. Destouvelles, M. Jullien, M. Leclercq, M. d’Elhoungne, M. Gendebien, et contre : M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere), M. Lardinois et M. Lebeau.
La réduction de la commission est mise aux voix et rejetée.
Un amendement de M. dElhoungne, tenant à porter l’allocation à 24,000 fl., est également rejeté.
« Art. 1er. Etat-major-général au traitement d’activité : fl. 410,516 80 c. »
Cette allocation est maintenue par la commission.
M. Gendebien. - Je ne conçois pas comment on peut donner à un général 18 rations de chevaux, même en y comprenant ceux des domestiques. Il me semble qu’il y a lieu de faire une diminution.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Les généraux de division (car il n’y a pas de général en chef) reçoivent 12 rations de fourrages pour 12 chevaux, sur lesquels il y en a 4 pour fourgons, 3 de main, c’est-à-dire pour les domestiques, et les 5 autres pour lui. Je ne pense pas que ce nombre soit exagéré. Les généraux de brigade en ont 8 : 2 pour fourgons, 2 de main, et 4 pour eux. Du reste, nous sommes plus économes sur cet objet qu’on ne l’est en France.
- L’article est mis aux voix et adopté sans diminution.
La chambre adopte, également sans modification, l’article 2, relatif à l’état-major des places, et s’élevant à 102,000 fl., l’article 3, relatif à l’intendance militaire, et montant à 50,574 fl. et l’article 4, relatif à l’état-major et aux employés d’artillerie à 77,124 fl. 40 c.
La commission n’avait proposé aucune diminution sur ces divers objets.
« Art. 5. Etat-major et employés du génie : fl. 137,198 fl. 40 c. »
La commission propose de déduire de cette somme celle de 25,000 fl. affectée spécialement aux traitements des ingénieurs civils à employer à l’armée.
M. Brabant, rapporteur, explique que la commission n’a regardé ces 25,000 fl. que comme supplément de traitement des ingénieurs, lequel devait être pris sur les dépenses imprévues.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) combat cette diminution.
- Elle est mise aux voix et adoptée. En conséquence le chiffre de l’article demeure fixé à 112,198 fl.
« Art. 6. Troupes d’artillerie : fl. 2,284,413. »
La commission propose de réduire cette somme à 2,237,511 fl.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Je ne me suis pas opposé à cette réduction, quand on m’en a parlé ; cependant comme l’effectif des artilleurs a été augmenté de 1,252 hommes, je demande qu’on laisse subsister toute la somme.
- Sur la proposition de M. Brabant, rapporteur, cet article, ainsi que l’article 7 relatif aux troupes du génie, l’article 8 aux troupes de l’infanterie et l’article 9 aux troupes de la cavalerie qui se trouvent dans le même cas, sont renvoyées à la commission, à l’effet par elle de vérifier l’augmentation d’effectif de ces divers corps.
On passe à l’article 10 relatif aux dépenses de la gendarmerie, qui s’élève à 736,455 fl., et sur lequel la commission n’a rien diminué.
- Cet article est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) demande que l’article 11 sur les gardes civiques mobilisés, montant à 1,934 fl., soit renvoyé aussi à la commission pour vérification, attendu qu’il se trouve dans la même catégorie que les précédents.
« Art. 1er. Frais de bureau de l’état-major général, de l’intendance militaire, de l’artillerie, du génie et de l’état-major de place : fl. 64,500. »
- Cet article, sur lequel la commission ne propose aucune diminution, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Frais de route et de séjour évalués par approximation à 80,000 fl. »
La commission propose de fixer le chiffre à 25,000 florins seulement.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Chaque jour, nous nous trouvons dans la nécessité d’envoyer des officiers en mission pour des reconnaissances statistiques, et trois sont encore partis récemment dans ce but. Il faut qu’à chaque instant nous soyons au courant de l’état moral de l’armée. Cela est indispensable dans les circonstances où nous nous trouvons. Je ne crois donc pas qu’il soit possible d’admettre la rédaction de la commission.
M. Brabant. - Je crois que nous nous sommes trompés dans la commission ; car nous avons calculé cet article sur le pied de paix, au lieu de l’évaluer sur le pied de guerre.
M. d’Elhoungne propose, par amendement, de porter le chiffre à 60,000 fl.
M. Gendebien propose un autre amendement, tendant à accorder 50,000 fl. seulement.
M. Lebeau. - Il me semble que la question est extrêmement délicate. Ne perdons pas de vue, messieurs, que dans un moment où nous sommes en état de guerre, il y a une grande part de responsabilité pour la chambre à introduire au budget dont elle s’occupe des modifications et des réductions. Remarquez bien que ces réductions, quand elles ont été combattues par le ministre, dégagent une partie de sa responsabilité et engagent celle de la chambre. Si M. le ministre de la guerre, calculant le nombre approximatif des missions, croit que telle somme est nécessaire, il est de la plus haute importance de la lui accorder ; car il faut qu’il soit à même de surveiller jour par jour, ainsi qu’il vous l’a dit, le moral de l’armée. On ne doit proposer de réduction qu’avec une extrême circonspection, afin de ne pas compromettre le service. Je vote pour l’allocation entière.
M. Osy. - Il me semble que M. le ministre, en réduisant le tarif des frais de routes, pourrait obtenir les mêmes résultats avec 60,000 fl. qu’avec 80,000 fl.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Le tarif n’est pas trop élevé. Il n’y a de différence que pour les généraux qui voyagent en poste. Tout officier qui n’a pas ce grade ne peut le faire sans l’autorisation du gouvernement. (M. le ministre donne lecture de ce tarif pour démontrer qu’il n’est pas exorbitant.)
M. Gendebien croit qu’on pourrait le réduire de moitié pour les généraux et officiers supérieurs, d’un tiers et d’un quart pour les autres. Il insiste pour le chiffre de 50,000 fl., ou, dans tous les cas, pour celui de 60,000 fixé parM. d'Elhoungne.
M. Delehaye. - Je crois, messieurs, que, si nous procédions d’après la doctrine inconstitutionnelle émise par M. Lebeau, il faudrait renoncer à toute réduction. Mais il n’en est point ainsi ; la responsabilité pèse toujours sur le ministre ; seulement, si la décision de la chambre ne lui convient pas, il peut se retirer ; mais la chambre n’engage en rien sa responsabilité. Du reste, je voterai pour le chiffre de 50,000 fl. proposé par M. Gendebien.
M. Lebeau. - Je ne crois avoir rien dit d’inconstitutionnel en expliquant mon opinion. J’ai dit que, lors de la délibération du budget de la guerre, il incombait à la chambre une responsabilité morale. Je crois que, si les réductions sont trop fortes et ne sont pas approuvées par le ministre, son devoir est de se retirer. Mais la chambre aurait sa part de responsabilité. C’est ainsi que le congrès, en empêchant le gouvernement de puiser à l’étranger un aussi grand nombre d’officiers qu’il voulait le faire, a commis une faute grave et a assumé sur lui une grande responsabilité, puisque c’est à ce défaut de prévoyance que nous devons en partie notre désastre. Evidemment, si les moyens que l’on veut allouer sont insuffisants au point de compromettre le service militaire, nous serions cause, en les adoptant, du mal qui en résulterait. A part la responsabilité légale du ministre, il en est une aussi pour la chambre quand elle réduit le budget en temps de guerre. Aussi je déclare que je ne voterai de diminution que celles consenties par le ministre de la guerre. Je n’entends attaquer les intentions de personne, mais c’est une question consciencieuse que j’émets.
M. Gendebien. - La conséquence de la théorie de M. Lebeau, c’est que nous devons clore la séance et que le budget n’est pas discutable. Ce n’est pas ainsi, messieurs, que nous devons entendre notre mission. Nous avons le droit de discuter et de proposer des réductions ; seulement le ministre pourrait se retirer, et ce serait la seule leçon qu’il pourrait nous donner, si toutefois il peut nous donner une leçon.
Maintenant on a dit que le congrès avait commis une faute en empêchant d’engager des officiers étrangers. Messieurs, je déclare que j’ai fait partie de ceux qui se sont opposés à cette mesure quand j’ai su qu’on avait jeté les yeux sur un général anglais, après que j’avais vu des envoyés de cette nation travailler, pendant quatre ou cinq mois, en faveur de la famille déchue, et quand j’ai su qu’on avait fait des démarches sans l’autorisation du régent, à ce que je crois, pour notre réunion à la confédération germanique. Voilà les motifs pour lesquels j’ai été un des opposants, et j’ai cru avoir fait mon devoir. Au surplus, le congrès n’a pas refusé, mais accordé l’autorisation que le gouvernement lui demandait.
M. A. Rodenbach. - Lorsque M. de Brouckere nous demande 28,400,000 fl. pour une armée de plus de 80,000 hommes sur pied de guerre, je suis convaincu que nous aurons cet effectif. Je ne confonds pas ce ministre avec ses prédécesseurs qui se sont si scandaleusement joués de notre bonne foi. Ils osèrent tromper le congrès, ces imposteurs officiels, en portant l’armée à 57,000 combattants. Ils eurent même l’impudence de demander des subsides pour 68,0000 hommes, tandis qu’il est avéré qu’il n’y avait pas 30,000 soldats d’Anvers à la Meuse.
La patrie a été mise à deux doigts de sa perte par la perfidie et l’ineptie de ces hommes, qui ont su rendre inutiles le patriotisme et le courage du peuple et de l’armée.
Mais brisons là-dessus en égard de la chambre, qui a décidé que le passé était irrévocable.
Je demande pardon à la chambre de revenir sur le passé ; c’est M. Lebeau qui nous a placés sur ce terrain, en parlant sans cesse de cette responsabilité légale qui jusqu’à présent n’a été qu’une mystification.
M. Lebeau. - Je demande la parole pour un fait personnel. Messieurs, on a été jusqu’à dire de moi, qui ne me suis jamais mêlé de l’administration de la guerre, que j’avais envoyé en Allemagne dans le but d’y déterrer quelques notabilités militaires.
- Plusieurs voix. - Non, on n’a pas dit cela.
M. Lebeau. - On a ajouté que c’était de mon chef et sans l’autorité de M. le régent que j’avais fait cette démarche. Notez que les pouvoirs de la personne qui a été envoyée pour cette mission ont été données en conseil des ministres, et signés par M. le régent. Du reste, je ne crains pas de publier le but que je m’étais proposé, c’était de faire entrer la Belgique dans la confédération germanique sous le rapport commercial. Qu’on relise la note qui a été imprimée à cet égard, et l’on verra quelle était mon intention. Quant à l’allégation que j’aurais pu le faire sans l’autorisation de M. le régent, je n’ai pas besoin de la repousser ; je crois inutile de descendre à une pareille justification.
M. Destouvelles. - Je ne vois pas pourquoi, à l’occasion de frais de routes et de séjour, on va voyager sur les bords du Rhin. (On rit.) Je demande qu’on en revienne au budget.
M. Barthélemy annonce qu’il votera pour le chiffre de M. d'Elhoungne.
- La discussion est close.
L’amendement de M. d'Elhoungne fixant l’allocation à 60,000 fl., auquel se rallie M. Gendebien, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Transports généraux évalués approximativeent à 180,000 fl. »
La commission propose 100,000 fl. seulement.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Chauffage et éclairage des corps de garde : fl. 80,000. »
- Cette allocation, maintenue intégralement par la commission, est adoptée.
« Art. unique. Service de santé : fl. 576,972. »
La commission propose de fixer cette dépense à 520,172 fl. Seulement.
- Cette réduction est mise aux voix et adoptée.
« Art. 1er. Ecole militaire : fl. 38,552. »
La commission propose de n’accorder que 18,552 fl.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) s’oppose à cette diminution parce qu’il est nécessaire d’avoir une pépinière de bons officiers, et il annonce qu’une loi relative à l’établissement d’une école militaire est déjà faite, et qu’en outre le règlement organique de cette école est prêt également.
M. Pirson, M. Gendebien et M. Lebeau appuient l’allocation demandée.
M. d’Elhoungne, M. Leclercq et M. Destouvelles soutiennent que ce n’est pas dans le budget qu’il faut consacrer en principe la nécessité d’une école et qu’aussi longtemps qu’une loi n’aura pas été votée sur cet objet, il n’y a pas lieu à accorder de fonds.
- La proposition de la commission, réduisant le chiffre de 18,000 fl., est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à 4 heures 1/2.