(Moniteur belge n°65, du 5 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure.
Après l’appel nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
M. Lebègue analyse quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. le président. - L’ordre du jour est le rapport des pétitions.
M. Milcamps, rapporteur. - « Le sieur Berré, à Bruxelles, adresse des observations relatives aux distilleries et à l’accise sur les sels, les vins et eaux-de-vie étrangers, et demande à être entendu devant une commission. »
Le rapporteur conclut à l’ordre du jour, parce que le pétitionnaire ne donne aucun renseignement, et annonce seulement qu’il a des documents à fournir, demandant que l’on nomme une commission à cet effet, ce qu’il n’est pas d’usage de faire.
M. Olislagers demande le dépôt au bureau des renseignements.
M. Destouvelles. - Mais on ne dépose à ce bureau que les pétitions qui contiennent des renseignements. Or comme le pétitionnaire veut fournir verbalement ses documents, c’est lui-même qu’il faudrait y déposer. (Hilarité générale.)
M. Jullien appuie le dépôt de la pétition au bureau de renseignements, pour mettre à profit la bonne volonté du sieur Berré.
M. Osy. - Il me semble convenable d’ordonner le renvoi à la commission d’industrie.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Milcamps, rapporteur. - « Les présidents et membres du conseil communal de la garde civique, établi à Langemarck, et les bourgmestres des communes ressortissant du même canton, prient la chambre de sanctionner par une disposition législative, pour ce qui concerne la garde civique, le principe consacré par la loi du 8 janvier 1817, sur la milice nationale, portant que le service actif d’un frère, soit en personne, soit par remplaçant, exempte un autre frère, selon la règles y établie. »
La commission conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.
M. A. Rodenbach. - Une pétition dans le même sens a été adressée, vendredi dernier, par des habitants de Malines. J’ai déjà dit, à cette occasion, qu’il était absurde que quatre frères dussent remplacer six fois dans la milice et la garde civique. Je suis plus convaincu que jamais que le ministre a faussement interprété la loi, et que tel n’était pas le vœu du législateur. Si un ministre a mal interprété, rien ne l’a empêché de revenir sur sa décision. En conséquence, je prie le bureau de bien vouloir joindre à la pétition de Langemarck la note ci-jointe ; elle contribuera, peut-être, à faire changer M. le ministre d’opinion.
Si ce dernier persiste à soutenir qu’il a bien interprété la loi, dans ce cas, je l’invite à nous présenter un nouveau projet pour faire disparaître cette absurdité.
M. Liedts. - Mais le bureau ne peut pas engager le ministre à changer la loi.
M. Goethals. - J’ai déjà dit que la loi était précise et qu’une interprétation ministérielle ne peut rien changer.
- Le double renvoi est ordonné.
M. Milcamps, rapporteur. - « Le sieur J.-J. Gillot, à Bruxelles, commandant du corps des sapeurs-pompiers, demande à être réintégré dans la totalité de la pension dont il jouissait jusqu’en 1821, époque à laquelle elle a été réduite de moitié par le roi Guillaume. »
M. Zoude. - Un soldat couvert de cicatrices honorables, après avoir obtenu sur le champ de batailles le grade de capitaine et la décoration des braves, reçut en 1818 la pension que les règlements militaires attribuaient à ses services. Cette pension fut payée jusqu’au moment où la régence de la ville de Bruxelles lui confia le commandement du corps des sapeurs-pompiers, place révocable à la volonté de la régence et salariée exclusivement par la caisse municipale.
Cependant le roi Guillaume voulut y voir un cumul et réduisit arbitrairement cette pension de moitié.
Je dis arbitrairement, parce que d’autres individus placés dans la même catégorie continuèrent à jouir de leur pension, et peut-être même le pétitionnaire est-il la seule victime de cet arbitraire. D’ailleurs, les lois ne reconnaissent de cumul que lorsque les pensions et sanctions cumulées sont payées par l’Etat.
En effet, s’il en était autrement, il faudrait déclarer que les pensionnaires sont en interdiction ; qu’il leur est défendu à jamais d’utiliser leur talent au profit d’une fraction de la société, sous peine d’être dépouillés des ressources que la loi leur a ménagées pour les services rendus à l’Etat. Cette réduction fut donc une violation des règlements qui ont fixé les pensions. Or, les règlements ont force de loi ; ils ont été exécutés comme tels sous Guillaume, et servent encore de régulateurs même aujourd’hui sous l’empire de la constitution (rapport du ministre de la guerre sur le projet de loi des pensions). Cette violation de la loi devait disparaître sous un gouvernement réparateur ; aussi le gouvernement provisoire s’était hâté d’ordonner que le pétitionnaire fût réintégré dans sa pension ; mais son arrêté n’a pas reçu d’exécution jusqu’ici. Et cependant le ministre des finances, chargé spécialement de prévenir les abus du cumul, soin dont il s’acquitte avec zèle et succès, ce ministre, dis-je, jugera que le sieur Gillot était fondé dans sa demande, et que sa réclamation devait être accueillie. Mais le département de la guerre, auquel on ne reproche pas toujours un excès de scrupule, a craint qu’en faisant cet acte de justice il ne consentît à une pension nouvelle. Mais ce n’est pas une nouvelle pension que le pétitionnaire sollicite, il demande seulement qu’on fasse cesser les effets de l’arbitraire, dont il est la victime. Il demande que la loi reprenne son emprise, et sa réintégration dans sa pension sera l’effet nécessaire de cet acte de justice.
Je demande le double renvoi aux ministres des finances et de la guerre.
- Le double renvoi proposé par M. Zoude est ordonné.
M. Milcamps, rapporteur. - « Les sieurs J. Blairon et F. André, fermiers de barrières à Mons, exposent les conséquences fâcheuses, résultant pour eux de l’arrêté du congrès national du 29 juin 1831, et sollicitent une indemnité pour eux et tous les autres fermiers de barrière qui sont dans le même cas. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. d’Elhoungne s’oppose au renvoi et demande l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
Sur les conclusions de la commission, la chambre a renvoyé sans discussion au ministre de la guerre les pétitions :
« 1° du sieur E.-J. de Ridder, à Anvers, ex-canonnier de la garde civique, blessé dans les journées d’octobre 1830, ne pouvant plus continuer son état de tonnelier, qui demande une pension. »
« 2° du sieur Solie, à Bruxelles, ex-sous-lieutenant quartier-maître dans le 3ème régiment de chasseurs, qui énumère ses services et demande l’intervention de la chambre pour lui faire obtenir une place dans l’administration de la guerre, ou une nomination définitive de receveur des contributions pour laquelle il a un brevet en disponibilité. »
3° Et du sieur A.-J. Wilmotte, à Bruxelles, ex-sergent au bataillon des volontaires liégeois, devenu incapable d’un service actif, qui demande une modeste place quelconque. »
Au ministre de l’intérieur :
« Celle du sieur J.-M. Boembeke-Willens, instituteur de première classe à Grimbergen, qui expose que la concurrence qui naît de la liberté d’instruction nuit à son institution particulière, et demande pour ce motif une légère pension. »
Au bureau des renseignements celles :
« 1° Du sieur Destaville, à Liége, qui signale une prétendue fausse interprétation des articles 110, 113 et 138 de la constitution, par l’autorité administrative, en défendant de recevoir des leges, et demande une disposition à cet égard. »
« 2° Du sieur F. Lemoine, à Bruxelles, ex-capitaine au troisième régiment de chasseurs à pied, qui réclame l’intercession de la chambre auprès de M. le ministre de la guerre afin d’obtenir sa réintégration dans son grade. »
« 3° De trois distillateurs à Wavre, qui adressent à la chambre des observations tendantes à introduire dans les lois sur les distilleries des changements, notamment à prolonger le temps fixé pour les bouillées. (Cette dernière pétition est, en outre, renvoyée au ministre des finances.)
Enfin la chambre passe à l’ordre du jour sur celles :
« 1° Des sieurs François Stiénon et Jules Stiénon, à Namur, qui réclament le paiement de l’indemnité qu’ils disent leur être due du chef de pillage exercé dans la maison de leur père, lors de la révolution brabançonne. »
« 2° De l’administration communale et 16 habitants de la commune de Bovekerke, qui demandent que l’Etat se charge du traitement de leur curé, et ce à titre d’indemnité pour les biens enlevés à la fabrique de leur église. »
« 3° Du sieur Hebbelinck, qui adresse la copie de sa première pétition, par laquelle il demandait une indemnité ou sa pension de retraite, étant devenu incapable d’un service actif. »
« 4° Du conseil général d’administration des hospices et secours de Bruxelles, qui renouvelle sa demande tendante à ce qu’il soit pris une disposition spéciale qui excepte ces établissements de la contribution des emprunts qui ont été décrétés. »
La séance est levée à deux heures.