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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 octobre 1831

(Moniteur belge n°129, du 22 octobre 1831)

(Présidence de M. Destouvelles.)

On savait que M. le ministre des affaires étrangères devait communiquer à la chambre les nouveaux articles arrêtés par la conférence de Londres ; en conséquence, une foule considérable qui se pressait aux portes du palais a bientôt envahi toutes les tribunes. Un grand nombre de sénateurs sont aux tribunaux supérieures.

- La séance est ouverte à une heure.

Lecture du procès-verbal

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

Après l’analyse de quelques pétitions faite par M. Lebègue, M. le président accorde la parole à M. le ministre des affaires étrangères. (Vif mouvement de curiosité.)

Etat des négociations diplomatiques

Communication du gouvernement

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere), à la tribune. - Messieurs, ce serait donner au pays et à vous-mêmes une idée imparfaite des négociations, que de les isoler des évènements qui ont suivi la reprise des hostilités et qui ont dû influer d'une manière plus ou moins directe, plus ou moins décisive, sur la politique étrangère. Trois mois se sont écoulés depuis l'acceptation des dix-huit articles préliminaires de paix ; c'est au lendemain de cette époque qu'il faut en quelque sorte nous reporter, pour considérer les négociations dans leur rapport avec les évènements qui sont survenus, pour les suivre dans leur marche, dans leurs progrès et leurs déviations, enfin pour apprécier le résultat qu'elles ont amené.

C'est le 9 juillet que le congrès national de Belgique a adopté les préliminaires de paix, arrêtés et proposés par la conférence de Londres ; le même jour le ministre des affaires étrangères notifia aux plénipotentiaires des cinq cours cette résolution ; « nouveau témoignage du désir qu'avait la Belgique de consolider son indépendance sans troubler la paix de l'Europe. »

Les discussions que les préliminaires de paix ont soulevées sont du domaine de l'histoire ; quelle qu'ait été la divergence des opinions, ces articles sont devenus, par la sanction de l'assemblée nationale, loi de l'Etat ; ils forment en quelque sorte la charte de la politique extérieure du pays. C'est sous ce rapport que le gouvernement les a constamment considérés ; s'il avait agi autrement, il se serait mis en opposition avec le principe même de son institution, et se serait placé hors de la légalité.

Avant de se dissoudre, le congrès avait d'avance tracé la marche que devait suivre le gouvernement du Roi ; le devoir du ministère était de réclamer l'exécution des préliminaires de paix, et de négocier à l'effet de les résoudre en un traité définitif. C'est là, en peu de mots, le résumé de notre système politique et des instructions que nous avons pu donner à nos agents.

Le ministère a-t-il constamment réclamé l'exécution des préliminaires de paix ?

A-t-il négocié afin de résoudre ces articles en un traité définitif ?

Telles sont les questions que doivent se poser les représentants du pays. Le ministère doit compte de ses efforts ; et s'il a tout fait, s'il n'a rien négligé pour obtenir un résultat favorable, il aurait le droit de décliner la responsabilité du dénouement même le plus malheureux.

Reconnaissons toutefois que l'adoption des préliminaires de paix eut, par elle-même, une première conséquence qu'il est nécessaire de ne pas perdre de vue pour apprécier cette grande mesure politique ; le prince à qui le congrès avait décerné la couronne, a regardé les difficultés qui arrêtaient la constitution définitive de la Belgique, comme aplanies « quant à lui, » et il s'est empressé de se rendre aux vœux de sa nouvelle patrie. C'est le 21 juillet que la royauté nationale a été solennellement inaugurée.

Le 28 juillet le ministère reçut communication d’une note en date du 25 du même mois, par laquelle la conférence l'informait que la Hollande n'avait point adhéré aux préliminaires de paix, et invitait le gouvernement belge, nonobstant cette circonstance, à envoyer à Londres, aux termes de l'article 18 des préliminaires, des plénipotentiaires munis de pleins pouvoirs pour négocier le traité définitif dont il est question dans cet article.

Il a semblé au gouvernement qu'avant de commencer des négociations nouvelles, il était en droit d'exiger l'adhésion préalable de la Hollande aux préliminaires de paix, et qu'il y aurait contradiction dans la conduite du gouvernement hollandais, qui d'une part refuserait d'accepter les préliminaires, et qui d'autre part, se prévaudrait d'un des articles de ces mêmes préliminaires pour négocier.

C'est dans ce sens que fut rédigée la note du 28 juillet, par laquelle le ministère déclara qu'il consentirait à l'envoi de plénipotentiaires chargés de négocier le traité définitif, après que la Hollande aurait accepté les préliminaires destinés à servir de bases à ce traité.

Le gouvernement aurait probablement persisté dans cette résolution, si des évènements inattendus n'étaient venus rompre le cours ordinaire des choses.

La Hollande et la Belgique étaient placées depuis le mois de novembre sous l'empire d'une suspension d'armes dont les cinq puissances s'étaient portées garantes, en la déclarant indéfinie.

Cette suspension d'armes avait été provoquée par le roi de Hollande lui-même, alors que par l'effet naturel de la séparation des deux peuples, il avait vu l'armée du royaume des Pays-Bas se dissoudre avec le royaume, et la Hollande désorganisée et dans l'impuissance d'opposer à nos volontaires des troupes régulières. Le gouvernement belge aurait pu continuer à profiter de cet état de choses, et pousser une partie de la population hors des limites du pays : sur l'assurance donnée par les cinq cours, que l'indépendance de la Belgique était reconnue, il déféra à leur demande, en signant une suspension d'armes le 21 novembre.

La Belgique mit ainsi volontairement, et dans l’intérêt de l'Europe, un terme à une lutte où tous les avantages étaient de son côté, mais qui, en se prolongeant, pouvait compromettre le repos du monde. Elle marqua sa rentrée sur la scène politique par un sacrifice à la paix générale.

Par le protocole du 17 novembre, la conférence régla les conditions d'un armistice qui, « convenu de part et d'autre, devait constituer un engagement pris envers les cinq puissances » : la Hollande adhéra à ce protocole le 30 novembre, la Belgique le 15 décembre : la conférence se prévalut de cette adhésion pour enjoindre, par le protocole du 9 janvier, au roi de Hollande, d'ouvrir l'Escaut, et au gouvernement provisoire de débloquer Maestricht, en déclarant que le refus de l'une ou de l'autre partie serait regardé comme un acte d'hostilité envers les cinq puissances elles-mêmes ; que la cessation entière et réciproque des hostilités était placée sous leur garantie, et qu'elles n'en admettraient le renouvellement dans aucun cas ; les deux gouvernements obéirent à cette injonction.

La conférence a solennellement réitéré cette déclaration dans plusieurs actes, et notamment dans la note du 25 juillet, où après avoir proposé l'envoi de plénipotentiaires, elle disait que, « garante de la suspension d'armes établie entre les deux pays dès le mois de novembre, elle était tenue de prévenir toute reprise des hostilités. »

Il est vrai que, par un protocole du 11 mai 1831, n°23, la conférence fixa le 1er juin comme terme, avant l'expiration duquel la Belgique devait adhérer aux bases de séparation, en se réservant, en cas de non-adhésion, de prendre des mesures ultérieures ; mais cet acte, qui n'a jamais été notifié officiellement à la Belgique, maintenait par la réserve même qu'il renferme, tous les engagements contractés antérieurement dans la suspension d'armes.

Tel était, en droit et en fait, l'état des choses, lorsque le roi de Hollande, tout en envoyant des négociateurs à Londres, reprit subitement les hostilités, méconnaissant à la fois les engagements qui résultaient de la suspension d'armes et qui interdisaient toute hostilité, et le droit des gens qui, chez tous les peuples civilisés, exige que la reprise des hostilités soit précédée d'un avis préalable.

Le général Chassé donna cet avis, mais au sujet de la citadelle d'Anvers seulement, et en vertu de la capitulation du 5 novembre ; de sorte que si cette capitulation particulière n'eût pas existé, l'agression aurait eu lieu partout sans déclaration préalable.

D'après la lettre du général Chassé du 1er août, la suspension d'armes devait expirer, relativement à la citadelle d'Anvers, le jeudi 4 août à 9 heures du soir.

Le 2 août dans la matinée, les hostilités furent reprises sur toute la ligne ; le même jour à trois heures de l'après-midi, le ministère reçut communication de la lettre du général Chassé ; S. M. qui se trouvait à Liége, en eut connaissance vers la même heure. Nos ministres plénipotentiaires à Paris et à Londres en reçurent avis de Liège et de Bruxelles.

Par une lettre écrite le 3 août, à huit heures du soir, M. Le Hon porta à la connaissance de M. le comte Sébastiani la lettre du général Chassé ; de son côté M. Van de Weyer, par une note du même jour, dénonçait le même fait à lord Palmerston, en énumérant les engagements résultant de la suspension d'armes.

Le lendemain 4 août, par une lettre écrite à huit heures et demie du matin, M. Le Hon, d'après de nouvelles instructions, s'adressa derechef à M. le comte Sébastiani pour réclamer l'intervention armée du gouvernement français.

Vous savez avec quelle promptitude le Roi des Français a répondu à notre appel.

Ce serait sortir des bornes de ce rapport que d'entrer dans les détails de la dernière campagne ; l'histoire qui juge les actions humaines, non d'après les succès qu'elles peuvent avoir eus, mais d'après les idées du juste, dira de quel côté a été le bon droit ; elle dira que le gouvernement belge a refusé de délivrer des lettres de marque, alors qu'on violait à son égard toutes les règles du droit des gens ; elle condamnera l'agression, qui dut ses avantages à la surprise ; elle expliquera et absoudra des revers, résultat d'un excès de bonne foi.

La conférence de Londres annonça au gouvernement belge, par une note du 5 août, qu'elle s'était empressée de faire les démarches nécessaires pour obtenir la cessation immédiate des hostilités, en se fondant sur les engagements contractés dès le mois de novembre. Par la même note, et malgré la réponse qu'elle avait reçue le 28 juillet, elle réitéra ses instances pour le prompt envoi de plénipotentiaires belges à Londres, aux termes de la note du 25 juillet.

M. le général, comte et pair de France Belliard, et le gouvernement belge s'étaient déjà dès le 4, mais en vain, adressés directement au général Chassé.

Le 13 août les troupes hollandaises reçurent l'ordre de se retirer, et le mouvement rétrograde commença le lendemain.

La Belgique et la Hollande devaient se replacer sous l'empire de la suspension d'armes, et conséquemment reprendre respectivement les positions qu’elles occupaient au 21 novembre 1830. Néanmoins les troupes hollandaises refusèrent d’abandonner le Verlaet et le Capitalen-Dam, deux positions qui étaient au pouvoir des Belges au 21 novembre, et que les Hollandais avaient occupées par surprise dans la matinée du 2 août.

Les troupes hollandaises avaient signalé leur irruption dans les Flandres, par la rupture de plusieurs digues, l'inondation des principaux polders, la destruction du village de Calloo et l'assassinat de ses habitants. Le gouvernement a fait minutieusement constater ces excès, qui semblent appartenir à d'autres temps et à d'autres mœurs. Il a employé tous ses efforts pour obtenir le rétablissement des digues ; je me plais à reconnaître qu'il a été noblement secondé dans ses réclamations par les deux ministres plénipotentiaires accrédités à Bruxelles, et il m'est doux de pouvoir publiquement leur offrir ici mes sincères remerciements.

J’ai dit que la conférence, en annonçant par sa note du 5 août qu'elle avait fait les démarches nécessaires pour faire cesser les hostilités, réitéra la demande de l'envoi d'un ou de plusieurs plénipotentiaires ; le gouvernement, après avoir de nouveau mûrement examiné cet objet, résolut de satisfaire à cette invitation. Le 22 août des pleins pouvoirs furent expédiés à M. Van de Weyer, déjà accrédité près du gouvernement britannique ; M. Van de Weyer reçut en même temps des instructions qui lui prescrivaient de se renfermer dans l'exécution des préliminaires de paix.

C'est ici le lieu de parler d'une négociation secondaire qui a totalement changé la position des parties. Par un protocole du 23 août 1831, n°34, la conférence résolut de proposer aux gouvernements belge et hollandais de substituer à la suspension d'armes indéfinie, une suspension de six semaines.

Le ministère belge, par une note du 27 août, déclara qu'avant de répondre définitivement à la proposition contenue dans le protocole du 23 août, il avait besoin d'éclaircissements sur plusieurs points, et notamment sur la question de savoir si les garanties données par les puissances contre la reprise des hostilités devaient cesser par la nouvelle suspension d'armes limitée, et si à l'expiration du terme, il serait loisible à chaque partie de recourir de plein droit aux armes.

La conférence fournit quelques-uns des éclaircissements demandés, et dès lors se crut en droit de regarder le gouvernement belge comme ayant adhéré à la suspension d'armes, dont le terme fut fixé au 10 octobre.

Par une autre note du 8 septembre, le ministère expliqua sa note du 27 août, d'ailleurs assez claire par elle-même, et exposa dans quel sens et sous quelles conditions il pourrait être considéré comme acceptant la suspension d'armes limitée.

Deux autres incidents sont encore venus se mêler aux négociations principales.

Par son protocole du 10 septembre, n°40, la conférence proposa un échange en masse des prisonniers de guerre ; les plénipotentiaires des deux pays ont pleinement adhéré à cette proposition, et l'échange s'est effectué. Toutefois il est à remarquer que les prisonniers hollandais retenus en Belgique étaient en plus grand nombre que les prisonniers belges ; mais S. M. le Roi des Belges, en consentant à un échange en masse, s'est laissé guider par des sentiments d'humanité, et par cet esprit de conciliation qui a toujours animé le gouvernement.

Les changements survenus dans la politique européenne par suite des révolutions de juillet et de septembre, ont fait concevoir la possibilité de modifications dans le système défensif des frontières belges du côté de la France. C'est dans ces vues que les plénipotentiaires d'Autriche, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie ont déclaré dans un protocole du 17 avril 1831, qu'une partie des forteresses construites depuis 1815 pourraient être rasées, et qu'à cette fin, il serait ouvert une négociation séparée avec le gouvernement belge. Vous voyez, messieurs, qu'en cette circonstance le principe de l'indépendance belge a été respecté, et que le droit de la Belgique de prendre part aux délibérations des quatre grandes puissances a été solennellement reconnu. Le Roi a nommé le 10 septembre, M. le général Goblet son ministre plénipotentiaire chargé spécialement de la négociation concernant les forteresses. Le 16 septembre le général Goblet a été présenté aux plénipotentiaires des quatre cours réunis en conférence, et leur a remis ses pleins pouvoirs. Cette négociation n'a pas encore amené de résultat définitif.

Je reviens à la négociation principale. Le 3 septembre, la conférence a invité le plénipotentiaire belge à communiquer ses idées sur les moyens de résoudre, dans un traité définitif, les trois points suivants :

1° La démarcation des limites entre la Hollande et la Belgique ;

2° Les arrangements relatifs au Grand-Duché de Luxembourg ;

3° La nature de la transaction qui pourrait intervenir relativement au partage des dettes.

Les plénipotentiaires des cinq cours se réservaient d'appeler ultérieurement l'attention du plénipotentiaire belge sur d'autres points, tels que la séparation de la Belgique, son indépendance, sa neutralité, la navigation des fleuves et rivières navigables qui traversent à la fois les deux pays.

L'objet de cette note du 3 septembre était trop important pour que le plénipotentiaire belge n'en référât pas à son gouvernement.

La dernière partie de cette note semblait remettre en doute des questions irrévocablement décidées, et le plénipotentiaire belge, avant de répondre à l'invitation faite par la conférence, a demandé, d'après les instructions nouvelles et expresses du gouvernement, des éclaircissements sur la dernière partie de la note.

Le gouvernement s'occupa de la rédaction d'un projet de traité dans l'ordre des idées indiquées dans la note du 3 septembre et dans l'esprit des 18 articles préliminaires de paix. Ce projet, avec l'exposé des motifs, fut approuvé par le conseil des ministres et transmis au plénipotentiaire belge, qui le communiqua à la conférence le 23 septembre.

Le ministère, dans les propositions faites à la conférence, s'était borné à demander l'exécution des préliminaires de paix.

La conférence avait reçu, dès le 5 septembre, les propositions des plénipotentiaires hollandais. Celles-ci tendaient à convertir en une décision, les propositions faites relativement au partage des dettes par le protocole du 27 janvier, qui impose à la Belgique 16/31, en lui conservant la participation au commerce des colonies.

A l'égard des limites, les plénipotentiaires hollandais se sont écartés à la fois du protocole du 20 et du 27 janvier, et des préliminaires de paix du 26 juin. Ils ont introduit un système tout à fait nouveau, d'après lequel la Belgique se composerait des anciens Pays-Bas autrichiens, avec exclusion toutefois du Luxembourg. Ils proposent un échange qui assurerait à la Hollande les deux rives de la Meuse jusqu'à Visé, et se réservent leurs droits sur la principauté de Liége, sur Philippeville et Marienbourg.

La conférence décida que les parties recevraient communication des prétentions respectives, avec invitation de faire telles observations qu'elles jugeraient convenables.

Le plénipotentiaire belge reçu ces pièces le 24 au soir, et le terme des réponses était fixé au surlendemain matin. Dans ce court espace de temps, il rédigea un travail complet, digne de toute l'importance de l'objet.

Par une note du 29 septembre, la conférence invita le plénipotentiaire belge à lui communiquer ses idées sur les autres points qu'il croirait susceptibles d'entrer dans le traité définitif.

Le plénipotentiaire belge adressa à la conférence, le 30 septembre et le 6 octobre, deux nouvelles séries d'articles ayant rapport aux points suivants :

1° Evacuation des territoires et places ;

2° Garanties pour les personnes et les biens ;

3° Port d'Anvers ;

4° Navigation de l'Escaut, pilotage, balisage et pêche ;

5° Navigation du Rhin et des eaux intermédiaires entre ce fleuve et l'Escaut ;

6° Navigation de la Meuse ;

7° Navigation des canaux de Terneuse et du Zuidwillems-Vaart ;

8° Levée des séquestres ;

9° Communications de la forteresse de Luxembourg ;

10° Remise des archives ;

11° Ecoulement des eaux des Flandres, renouvellement des stipulations du traité de Fontainebleau ;

12° Réparations des dommages causés par la reprise des hostilités et les inondations.

Par une note séparée du 12 octobre, le plénipotentiaire belge appela en outre l'attention de la conférence sur le sort des Belges encore au service du gouvernement hollandais dans les Indes.

La suspension d'armes, dont le terme était fixé au 10 octobre, allait expirer sans qu’il fût intervenu d'arrangement, lorsque la conférence, du consentement des deux parties, la prorogea au 25 octobre.

Le plénipotentiaire belge, en consentant à la prorogation, demanda par une note séparée que la ville d'Anvers, considérée comme entrepôt du commerce des deux mondes, fût déclarée neutre en cas d'une reprise des hostilités.

Telle est l'analyse des instructions qui ont été transmises à notre plénipotentiaire à Londres, et des notes qui ont été adressées par celui-ci à la conférence. Ces pièces, dont il serait trop long de donner lecture à la chambre, seront déposées sur le bureau. Il n’a pas été fait des démarches moins actives près du cabinet des Tuileries. Le gouvernement livre toutes ces pièces avec confiance à votre examen et à celui du pays ; vous le jugerez, non d'après ce qu'il a obtenu, mais d'après ce qu'il a demandé ; non d'après ses succès, mais d'après ses efforts.


La conférence, après avoir reçu les propositions des deux parties, a arrêté le 15 octobre un traité qui a été transmis à notre plénipotentiaire avec les deux notes suivantes (Note du webmaster : Les notes et le texte du projet de traité avaient déjà été insérées au Moniteur belge n°128, du 21 octobre 1831) :

« PREMIÈRE NOTE

« Les soussignés, plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, après avoir mûrement pesé toutes les communications qui leur ont été faites par M. le plénipotentiaire belge, sur les moyens de conclure un traité définitif relativement à la séparation de la Belgique d'avec la Hollande, ont eu le regret de ne trouver dans ces communications aucun rapprochement entre les opinions et les vœux des parties directement intéressées.

« Ne pouvant toutefois abandonner à de plus longues incertitudes des questions dont la solution immédiate est devenue un besoin pour l'Europe ; forcés de les résoudre, sous peine d'en voir sortir l'incalculable malheur d'une guerre générale ; éclairés, du reste, sur tous les points en discussion par les informations que M. le plénipotentiaire belge et MM. les plénipotentiaires des Pays-Bas leur ont données, les soussignés n'ont fait qu'obéir à un devoir dont leurs cours ont à s'acquitter envers elles-mêmes comme envers les autres Etats, et que tous les essais de conciliation directe entre la Hollande et la Belgique ont encore laissé inaccompli ; ils n'ont fait que respecter la loi suprême d'un intérêt européen du premier ordre ; ils n'ont fait que céder à une nécessité de plus en plus impérieuse, en arrêtant les conditions d'un arrangement définitif que l'Europe, amie de la paix et en droit d'en exiger la prolongation, a cherché en vain, depuis un an, dans les propositions faites par les parties, ou agréées tour à tour par l'une d'elles et rejetées par l'autre.

« Dans les conditions que renferment les vingt-quatre articles ci-joints, la conférence de Londres a été obligée de n'avoir égard qu'aux seules règles de l'équité. Elle a suivi l'impression du vif désir qui l'animait, de concilier les intérêts avec les droits, et d'assurer à la Hollande, ainsi qu'à la Belgique, des avantages réciproques, de bonnes frontières, un état de possession territoriale sans dispute, une liberté de commerce mutuellement bienfaisante, et un partage de dettes, qui, succédant à une communauté absolue de charges et de bénéfices, les diviserait pour l'avenir, moins d'après des supputations minutieuses, dont les matériaux mêmes n'avaient pas été fournis, moins d'après la rigueur des conventions et des traités, que selon les principes de cette équité prise pour base de tout l'arrangement, que selon l'intention d'alléger les fardeaux et de favoriser la prospérité des deux états.

« En invitant M. le plénipotentiaire belge à signer les articles dont il a été fait mention ci-dessus, les soussignés observeront :

« 1° Que ces articles auront toute la force et valeur d'une convention solennelle entre le gouvernement belge et les cinq puissances ;

« 2° Que les cinq puissances en garantissent l'exécution ;

« 3° Qu'une fois acceptés par les deux parties, ils sont destinés à être insérés, mot pour mot, dans un traité direct entre la Belgique et la Hollande, lequel ne renfermera en outre que des stipulations relatives à la paix et à l'amitié qui subsisteront entre les deux pays et leurs souverains ;

« 4° Que ce traité, signé sous les auspices de la conférence de Londres, sera placé sons la garantie formelle des cinq puissances ; »

5° Que les articles en question forment un ensemble et n'admettent pas de séparation ;

« 6° Enfin qu'ils contiennent les décisions finales et irrévocables des cinq puissances, qui d'un commun accord sont résolues à amener elles-mêmes l'acceptation pleine et entière desdits articles par la partie adverse, si elle venait à les rejeter.

« Les soussignés saisissent cette occasion d'offrir à M. le plénipotentiaire belge l'assurance de leur très haute considération. »

« Signé : Esterhazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bülow, Lieven, Matuszewic. »


« DEUXIEME NOTE

« Les soussignés, plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, après avoir communiqué à M. le plénipotentiaire belge les 24 articles joints à leur note de ce jour, et après avoir déclaré que ces articles formaient les décisions finales et irrévocables de la conférence de Londres, ont encore une obligation à remplir envers M. le plénipotentiaire, et ils la rempliront avec une franchise dont les motifs ne pourront qu'être appréciés.

« Les cinq cours se réservant la tâche et prenant l'engagement d'obtenir l'adhésion de la Hollande aux articles dont il s'agit, quand même elle commencerait par les rejeter, garantissant de plus leur exécution, et convaincues que ces articles, fondés sur des principes d'équité incontestables, offrent à la Belgique tous les avantages qu'elle est en droit de réclamer, ne peuvent que déclarer ici leur ferme détermination de s'opposer, par tous les moyens en leur pouvoir, au renouvellement d'une lutte qui, devenue aujourd'hui sans objet, serait pour les deux pays la source de grands malheurs et menacerait l'Europe d'une guerre générale, que le premier devoir des cinq puissances est de prévenir. Mais, plus cette détermination est propre à rassurer la Belgique sur son avenir et sur les circonstances qui y causent maintenant de vives alarmes, plus elle autorisera les cinq cours à user également de tous les moyens en leur pouvoir pour amener l'assentiment de la Belgique aux articles ci-dessus mentionnés, dans le cas où, contre toute attente, elle le refuserait.

« Les soussignés saisissent cette occasion d'offrir à M. le plénipotentiaire belge, l'assurance de leur haute considération.

« Londres, le l5 octobre 1831.

« Signé : Esterhazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bülow, Lieven, Matuszewic. »

Texte du projet de traité des XXIV articles

« Art. 1er. Le territoire belge se compose des provinces de : Brabant méridional, Liége, Namur, Hainaut, Flandre occidentale, Flandre orientale, Anvers et Limbourg, telles qu'elles ont fait partie du royaume uni des Pays-Bas constitué en 1815, à l'exception des districts de la province de Limbourg, désignés dans l'article 4.

« Le territoire belge comprendra en outre la partie du Grand-Duché de Luxembourg, indiquée dans l'article 2.


« Art. 2. S. M. le roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, consent à ce que dans le Grand-Duché de Luxembourg, les limites du territoire belge soient telles qu'elles vont être décrites ci-dessous.

« A partir de la frontière de France entre Rodange, qui restera au Grand-Duché de Luxembourg, et Athus qui appartiendra à la Belgique, il sera tiré, d'après la carte ci-jointe, une ligne qui, laissant à la Belgique la route d'Arlon à Longwy, la ville d'Arlon avec sa banlieue et la route d'Arlon à Bastogne, passera entre Messancy, qui sera sur le territoire belge, et Clemency qui restera au Grand-Duché de Luxembourg pour aboutir à Sleinfort, lequel endroit restera également au Grand-Duché ; de Steinford cette ligne sera prolongée dans la direction d’Eischen, de Hecbus, Guirsch, Oberpalen, Grende, Nothomb, Pareth et Perlé jusqu'à Martelange ; Hecbus, Guirsch, Grende, Nothomb et Pareth devant appartenir à la Belgique, et Eischen, Oberpalen, Perlé et Martelange au Grand-Duché. De Martelange, ladite ligne descendra le cours de la Sûre dont le Thalweg servira de limite entre les deux Etats jusque vis-à-vis Tintange, d'où elle sera prolongée aussi directement que possible vers la frontière actuelle de l'arrondissement de Diekirch et passera entre Surrel, Harlange, Tarehamps qu'elle laissera au Grand-Duché de Luxembourg, et Houville, Livarchamp et Loutremange qui feront partie du territoire belge ; atteignant ensuite aux environs de Doncols et de Soulez qui resteront au Grand-Duché, la frontière actuelle de l'arrondissement de Diekirch, la ligne en question suivra ladite frontière jusqu'à celle du territoire prussien. Tous les territoires, villes, places et lieux situés à l'ouest de cette ligne appartiendront à la Belgique, et tous les territoires, villes, places et lieux situés à l'est de cette même ligne continueront d'appartenir au Grand-Duché de Luxembourg.

« Il est entendu qu'en traçant cette ligne et en se conformant autant que possible à la description qui en a été faite ci-dessus, ainsi qu'aux indications de la carte jointe pour plus de clarté au présent article, les commissaires démarqueurs dont il est fait mention dans l'article 8, auront égard aux localités, ainsi qu'aux convenances qui pourront en résulter mutuellement.


« Art. 3. S. M. le roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, recevra pour les cessions faites dans l'article précédent une indemnité territoriale dans la province du Limbourg. »


« Art. 4. En exécution de la partie de l'article premier relative à la province du Limbourg, et par suite des cessions que S. M. le roi des Pays-Bas fait dans l'article 2, sadite majesté possédera, soit en sa qualité de Grand-Duc de Luxembourg, soit pour être réunis à la Hollande, les territoires dont les limites sont indiquées ci-dessous.

« 1° Sur la rive droite de la Meuse, aux anciennes enclaves hollandaises, sur ladite rive, dans la province du Limbourg, seront joints les districts de cette même province, sur cette même rive qui n'appartenait pas aux états-généraux en 1790, de façon que la partie de la province actuelle du Limbourg, située sur la rive droite de la Meuse et comprise entre ce fleuve à l'ouest, la frontière du territoire prussien à l'est, la frontière actuelle de la province de Liége au midi, et la Gueldre hollandaise au nord, appartiendra désormais tout entière à S. M. le roi des Pays-Bas, soit en sa qualité de Grand-Duc de Luxembourg, soit pour être réunis à la Hollande.

« 2° Sur la rive gauche de la Meuse : à partir du point le plus méridional de la province hollandaise du Brabant septentrional, il sera tiré, d'après la carte ci-jointe, une ligne qui aboutira à la Meuse au-dessus de Wessem entre cet endroit et Stevensweert au point où se touchent sur la rive gauche les frontières des arrondissements actuels de Ruremonde et de Maestricht, de manière que Bergerot, Stamproy, Heer-Itteren, Ittervoord et Thorn, avec leurs banlieues, ainsi, que tous les autres endroits situés au Nord de cette ligne feront partie du territoire hollandais.

« Les anciennes enclaves hollandaises dans la province de Limbourg, sur la rive gauche de la Meuse, appartiendront à la Belgique, à l'exception de la ville de Maestricht, laquelle, avec un rayon de territoire de 1200 toises, à partir du glacis extérieur de la place sur ladite rive de ce fleuve. continuera d'être possédée en toute souveraineté et propriété par S. M. le roi des Pays-Bas.


« Art. 5. S. M. le roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, s'entendra avec la confédération germanique et les agnats de la maison de Nassau, sur l'application des stipulations renfermées dans les articles 3 et 4, ainsi que sur tous les arrangements que lesdits articles pourraient rendre nécessaires, soit avec les agnats ci-dessus nommés de la maison de Nassau, soit avec la confédération germanique.


« Art. 6. Moyennant les arrangements territoriaux ci-dessus, chacune des deux parties renonce réciproquement pour jamais, à toute prétention sur les territoires, villes, places et lieux situés dans les limites des possessions de l'autre partie, telles qu'elles se trouvent décrites dans les articles 1, 2 et 4.

« Lesdites limites seront tracées conformément à ces mêmes articles par des commissaires-démarcateurs belges et hollandais qui se réuniront le plus tôt possible en la ville de Maestricht.


« Art. 7. La Belgique dans les limites indiquées aux articles 1, 2 et 4 formera un état indépendant et perpétuellement neutre. Elle sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres Etats.


« Art. 8. L'écoulement des eaux des Flandres sera réglé entre la Hollande et la Belgique d'après les stipulations arrêtées à cet égard dans l'article 6 du traité définitif conclu entre S. M. l'empereur d'Allemagne et les états-généraux, le 8 novembre 1785 , et conformément audit article, des commissaires nommés de part et d'autre s'entendront sur l'application des dispositions qu'il consacre.


« Art. 9. Les dispositions des articles 108-117 inclusivement de l'acte général du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliqués aux fleuves et rivières navigables qui séparent ou traversent à la fois le territoire belge et le territoire hollandais.

« En ce qui concerne spécialement la navigation de l'Escaut, il sera convenu que le pilotage et le balisage, ainsi que la conservation des passages de l'Escaut en aval d'Anvers, seront soumis à une surveillance commune ; que cette surveillance commune sera exercée par des commissaires nommés à cet effet de part et d'autre ; que des droits de pilotage modérés seront fixés d'un commun accord et que ces droits seront les mêmes pour le commerce hollandais et pour le commerce belge. Il est également convenu que la navigation des eaux intermédiaires entre l'Escaut et le Rhin pour arriver d'Anvers au Rhin et vice-versa, restera réciproquement libre ; et qu'elle ne sera assujettie qu'à des péages modérés qui seront provisoirement les mêmes pour le commerce des deux pays.

« Des commissaires se réuniront de part et d'autre à Anvers, dans le délai d'un mois, tant pour arrêter le montant définitif et permanent de ces péages, qu'afin de convenir d'un règlement général pour l'exécution des dispositions du présent article, et d'y comprendre l'exercice du droit de pêche et du commerce de pêcherie dans toute l'étendue de l'Escaut. sur le pied d'une parfaite réciprocité en faveur des sujets des deux pays.

« En attendant, et jusqu'à ce que ledit règlement soit arrêté, la navigation des fleuves et rivières navigables ci-dessus mentionnés, restera libre au commerce des deux pays qui adopteront provisoirement à cet égard les tarifs de la convention signée le 31 mars 1831, à Mayence, pour la libre navigation du Rhin, ainsi que les autres dispositions de cette convention, en autant qu'elles pourront s'appliquer aux fleuves et rivières navigables qui séparent ou traversent à la fois le territoire hollandais et le territoire belge.


« Art. 10. L'usage des canaux qui traversent à la fois les deux pays, continuera d'être libre et commun à leurs habitants. Il est entendu qu'ils en jouiront réciproquement et aux mêmes conditions ; que de part et d'autre, il ne sera perçu sur la navigation des canaux que des droits modérés.


« Art. 11. Les communications commerciales par la ville de Maestricht et par celle de Sittard resteront entièrement libres et ne pourront être entravées sous aucun prétexte.

« L'usage des routes qui, en traversant ces deux villes, conduisent aux frontières de l'Allemagne, ne sera assujetti qu'au paiement de droits de barrière modérés pour l'entretien de ces routes, de telle sorte que le commerce de transit n'y puisse éprouver aucun obstacle et que moyennant les droits ci-dessus mentionnés, ces routes soient entretenues en bon état et propres à faciliter ce commerce.


« Art. 12. Dans le cas où il aurait été construit en Belgique une nouvelle route ou creusé un nouveau canal qui aboutirait à la Meuse vis-à-vis le canton hollandais de Sittard, alors il serait loisible à la Belgique de demander à la Hollande, qui ne s'y refuserait pas dans cette supposition, que ladite route ou ledit canal fussent prolongés d'après le même plan, entièrement aux frais et dépens de la Belgique, par le canton de Sittard, jusqu'aux frontières de l'Allemagne.

« Cette route ou ce canal qui ne pourraient servir que de communication commerciale, seraient construits au choix de la Hollande, soit par des ingénieurs et ouvriers que la Belgique obtiendrait l'autorisation d'employer à cet effet dans le canton de Sittard, soit par des ingénieurs et ouvriers que la Hollande fournirait, et qui exécuteraient aux frais de la Belgique les travaux convenus, le tout sans charge aucune pour la Hollande et sans préjudice de ses droits de souveraineté exclusifs sur le territoire que traverserait la route ou le canal en question.

« Les deux parties fixeraient d'un commun accord le montant et le mode de perception des droits et péages qui seraient prélevés sur cette même route ou canal. »


« Art. 13. § 1. A partir du 1er janvier 1832, la Belgique du chef du partage des dettes publiques du royaume-uni des Pays-Bas, restera chargée d'une somme de huit millions quatre cent mille florins des Pays-Bas de rentes annuelles dont les capitaux seront transférés du débet du grand-livre à Amsterdam ou du débet du trésor général du royaume-uni des Pays-Bas, sur le débet du grand-livre de la Belgique.

« § 2. Les capitaux transférés et les rentes inscrites sur le débet du grand-livre de la Belgique par suite du paragraphe précédent, jusqu'à la concurrence de la somme totale de 8,400.000 florins des Pays-Bas, de rentes annuelles, seront considérés comme faisant partie de la dette nationale belge, et la Belgique s'engage à n'admettre ni pour le présent ni pour l'avenir aucune distinction entre cette portion de la dette publique, provenant de sa réunion avec la Hollande et toute autre dette nationale belge déjà créée ou à créer.

« § 3. L'acquittement de la somme de rentes annuelles ci-dessus mentionnée de 8,400,000 florins des Pays-Bas, aura lieu régulièrement de semestre en semestre, soit à Bruxelles, soit à Anvers, en argent comptant, sans déduction aucune de quelque nature que ce puisse être, ni pour le présent, ni pour l'avenir.

« § 4. Moyennant la création de ladite somme de rentes annuelles de 8,400,000 florins, la Belgique se trouvera déchargée envers la Hollande de toute obligation du chef du partage des dettes publiques du royaume-uni des Pays-Bas.

« § 5. Des commissaires nommés de part et d'autre se réuniront dans le délai de quinze jours en la ville d'Utrecht, afin de procéder à la liquidation du fonds du syndicat d'amortissement et de la banque de Bruxelles, chargés du service du trésor général du royaume-uni des Pays-Bas. Il ne pourra résulter de cette liquidation aucune charge nouvelle pour la Belgique, la somme de 8,400,000 florins de rentes annuelles comprenant le total de ses passifs. Mais s'il découlait un actif de ladite liquidation, la Belgique et la Hollande le partageront dans la proportion des impôts acquittés par chacun des deux pays pendant leur réunion, d'après les budgets consentis par les états-généraux du royaume-uni des Pays-Bas.

« § 6. Dans la liquidation du syndicat d'amortissement seront comprises, les créances des domaines, dites domein los-renten. Elles ne sont citées dans le présent article que pour mémoire.

« § 7. Les commissaires hollandais et belges mentionnés au § 3 du présent article et qui doivent se réunir en la ville d'Utrecht, procéderont, outre la liquidation dont ils sont chargés, au transfert des capitaux et rentes qui du chef du partage des dettes publiques du royaume-uni des Pays-Bas doivent retomber à la charge de la Belgique jusqu'à la concurrence de 8,400,000 florins de rentes annuelles. Ils procéderont aussi à l'extradition des archives, cartes, plans, et documents quelconques appartenant à la Belgique ou concernant son administration.


« Art. 14. La Hollande ayant fait exclusivement depuis le 1er novembre 1830 toutes les avances nécessaires au service de la totalité des dettes publiques du royaume des Pays-Bas, et devant le faire encore pour le semestre échéant au 1er janvier 1832, il est convenu que lesdites avances calculées depuis le 1er novembre 1880 jusqu'au 1er janvier 1832 pour quatorze mois au prorata de la somme de huit millions quatre cent mille florins des Pays-Bas de rentes annuelles dont la Belgique reste chargée, seront remboursés par tiers au trésor hollandais par le trésor belge. Le premier tiers de ce remboursement sera acquitté par le trésor belge au trésor hollandais le ler janvier 1832, le second au 1er avril et le troisième le 1er juillet de la même année ; sur ces deux derniers tiers, il sera bonifié à la Hollande un intérêt calculé à raison de 5 pour 100 par an jusqu'à parfait acquittement aux susdites échéances.


« Art. 15. Le port d'Anvers, conformément aux stipulations de l'article 15 du traite de Paris du 30 mai 1814, continuera d'être uniquement un port de commerce.


« Art. 16. Les ouvrages d'utilité publique ou particulière, tels que, canaux, routes, ou autres de semblable nature, construits en tout ou en partie aux frais du royaume-uni des Pays-Bas, appartiendront, avec les avantages et les charges qui y sont attachés, au pays où ils sont situés. Il reste entendu que les capitaux empruntés pour la construction de ces ouvrages et qui y sont spécialement affectés, seront compris dans lesdites charges, pour autant qu'ils ne sont pas encore remboursés et sans que les remboursements déjà effectués puissent donner lieu à liquidation.


« Art. 17. Les séquestres qui auraient été mis en Belgique pendant les troubles, pour cause politique, sur des biens et domaines patrimoniaux quelconques, seront levés sans nul retard, et la jouissance des biens et domaines susdits, sera immédiatement rendue aux légitimes propriétaires.


« Art. 18. Dans les deux pays dont la séparation a lieu en conséquence des présents articles, les habitants et propriétaires, s'ils veulent transférer leur domicile d'un pays à l'autre, auront la liberté de disposer pendant deux ans de leurs propriétés meubles ou immeubles, de quelque nature qu'elles soient, de les vendre et d'emporter le produit de ces ventes, soit en numéraire, soit en autres valeurs, sans empêchement ou acquittement de droits autres que ceux qui sont aujourd'hui en vigueur dans les deux pays pour les mutations et transferts. Il est entendu que renonciation est faite pour le présent et pour l'avenir à la perception de tout droit d'aubaine et de détraction sur les personnes et sur les biens des Hollandais en Belgique et des Belges en Hollande.


« Art. 19. La qualité de sujet mixte, quant à la propriété, sera reconnue et maintenue.


« Art. 20. Les dispositions des articles 11 jusqu'à 21 inclusivement du traité conclu entre l'Autriche et la Russie, le 3 mai 1815, qui fait partie intégrante de l'acte général du congrès de Vienne, dispositions relatives aux propriétaires mixtes, à l'élection de domicile qu'ils sont tenus de faire, aux droits qu'ils exerceront comme sujets de l'un ou de l'autre Etat, et aux rapports de voisinage dans les propriétés coupées par les frontières, seront appliquées aux propriétaires ainsi qu'aux propriétés qui, en Hollande, dans le Grand-Duché de Luxembourg, ou en Belgique, se trouveront dans le cas prévu par les susdites dispositions des actes du congrès de Vienne. Les droits d'aubaine et de détraction étant abolis dès à présent entre la Hollande, le Grand-Duché de Luxembourg et la Belgique, il est entendu que, parmi les dispositions ci-dessus mentionnées, celles qui se rapporteraient aux droits d'aubaine et de détraction seront censées nulles et sans effet dans les trois pays.


« Art. 21. Personne dans les pays qui changent de domination ne pourra être recherché ni inquiété en aucune manière pour cause quelconque de participation directe ou indirecte aux évènements politiques.


« Art. 22. Les pensions et traitements d'attente, de non-activité, et de réforme, seront acquittés à l'avenir de part et d'autre à tous les titulaires, tant civils que militaires qui y ont droit, conformément aux lois en vigueur avant le premier novembre 1830. Il est convenu que les pensions et traitements susdits des titulaires nés sur les territoires qui constituent aujourd'hui la Belgique, resteront à la charge du trésor belge, et les pensions et traitements des titulaires nés sur les territoires qui constituent aujourd'hui la Hollande, à celle du trésor hollandais.


« Art. 23. Toutes les réclamations des sujets belges sur des établissements particuliers tels que fonds de veuves et fonds connus sous la dénomination de fonds des leges et de la caisse des retraites civiles et militaires, seront examinées par la commission mixte de liquidation, dont il est question dans l'article 13 et résolues d'après la teneur des règlements qui régissent ces fonds ou caisses.

« Les cautionnements fournis, ainsi que les versements faits par les comptables belges, les dépôts judiciaires et les consignations seront également restitués aux titulaires sur la présentation de leurs titres. Si du chef des liquidations dites françaises, des sujets belges avaient encore à faire valoir des droits d'inscription, ces réclamations seront également examinées et liquidées par ladite commission.


« Art. 24. Aussitôt après l'échange des ratifications du traité à intervenir entre les deux parties, les ordres nécessaires seront envoyés aux commandants des troupes respectives pour l'évacuation des territoires, villes, places et lieux qui changent de domination. Les autorités civiles y recevront aussi en même temps les ordres nécessaires pour la remise de ces territoires, villes, places et lieux aux commissaires qui seront désignés à cet effet de part et d'autre. Cette évacuation et cette remise s'effectueront de manière à pouvoir être terminées dans l'espace de 15 jours ou plus tôt si faire se peut.


« Signé : Esterhazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bülow, Lieven, Matuszewic. »


« DEUXIEME LETTRE D’ACCOMPAGNEMENT

« Les soussignés, plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, après avoir communiqué à M. le plénipotentiaire belge les vingt-quatre articles joints à leur note de ce jour, et après avoir déclaré que ces articles formaient les décisions finales et irrévocables de la conférence de Londres, ont encore une obligation à remplir envers M. le plénipotentiaire, et ils la rempliront avec une franchise dont les motifs ne pourront qu'être appréciés.

« Les cinq cours se réservant la tâche et prenant l'engagement d'obtenir l'adhésion de la Hollande aux articles dont il s'agit, quand même elle commencerait par les rejeter, garantissant de plus leur exécution et convaincues que ces articles, fondés sur des principes d'équité incontestables, offrent à la Belgique tous les avantages qu'elle est en droit de réclamer, ne peuvent que déclarer ici leur ferme détermination de s'opposer, par tous les moyens en leur pouvoir, au renouvellement d'une lutte qui, devenue aujourd'hui sans objet, serait pour les deux pays la source de grands malheurs, et menacerait l'Europe d'une guerre générale, que le premier devoir des cinq puissances est de prévenir. Mais plus cette détermination est propre à rassurer la Belgique sur son avenir et sur les circonstances qui y causent maintenant de vives alarmes, plus elle autorisera les cinq cours à user également de tous les moyens en leur pouvoir pour amener l'assentiment de la Belgique aux articles ci-dessus mentionnés, dans le cas où, contre toute attente, elle les refuserait.

« Les soussignés saisissent cette occasion d'offrir à M. le plénipotentiaire belge l'assurance de leur haute considération.

« Londres, le 15 octobre 1831.

« Signé : Esterhazy, Wessemberg, Talleyrand, Palmerston, Bülow, Lieven, Matuszewic. »


« REPONSE DU PLENIPOTENTIAIRE BELGE

« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le Roi des Belges, s'empresse d'accuser réception à LL EE. les PP. d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie : 1° des 24 articles rédigés et arrêtés par la conférence de Londres, comme bases du traité de séparation entre la Belgique et la Hollande ; 2° des deux notes qui accompagnaient ces 24 articles, et dans lesquelles, après avoir exposé ses motifs, ses vues et ses principes, la conférence invite le soussigné à signer le projet de traité définitif qui lui est envoyé. Quelque vif que soit le désir du soussigné de voir se réaliser promptement les vues de LL. EE. les PP. des cinq cours pour le maintien de la paix générale, il est de son devoir de déclarer que les 24 articles en question s'écartent trop des instructions qu'il a reçues de son gouvernement et des préliminaires qui ont servi de base à ces instructions, pour que le soussigné puisse apposer sa signature au bas des 24 articles. En conséquence, il a l'honneur d'informer LL. EE. qu'il transmettra, sans aucun délai, les 24 articles et les deux notes à S. M. le roi des Belges, et qu'il attendra sa décision souveraine.

« Le soussigné prie LL. EE. de vouloir bien agréer les nouvelles assurances de la plus haute considération.

« Londres, le 18 octobre 1831.

« Signé : Sylvain Van de Weyer. »

Messieurs, à peine trente-six heures se sont écoulées depuis que le gouvernement a reçu communication des pièces que je viens de vous faire connaître ; ce court intervalle a dû être employé à la rédaction et à l'examen de ce rapport. Dans des circonstances aussi graves, il importait à tous, à vous, organes constitutionnels du pays, comme à nous, ministres du roi, de nous rendre avant tout un compte sincère de l'état des choses sous l'empire desquelles nous discutons. Les propositions de la conférence continuent à faire l'objet des délibérations du cabinet ; aujourd'hui j'ai dû me renfermer dans le rôle de simple rapporteur.

- La lecture du rapport et des 24 articles est suivie d’une longue agitation.

M. Osy demande l’impression immédiate des 24 articles.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) annonce que le rapport et les articles du traité seront imprimés ce soir même.

M. le président. - Ils seront de suite distribués aux membres.

M. Legrelle. - Il me semble, messieurs, que la position du pays et que l’intérêt de la défense nécessitent une première question. Avant que les 24 articles aient été discutés, et que notre décision transmise à la conférence de Londres ait été par elle envoyée au gouvernement hollandais, l’époque du 25 octobre, fixée pour la reprise des hostilités, sera passée ; or, je désire savoir si l’armistice sera prolongé au-delà du 25, ou si nous sommes toujours à la veille de recourir aux armes.

M. Pirmez fait observer que la chambre n’a rien encore à discuter, puisque c’est au Roi seul à faire les traités de paix.

- L’agitation de l’assemblée est extrême, et des conversations particulières s’engagent sur plusieurs points.

M. Ch. Vilain XIIII. - Je demande que M. le ministre veuille bien faire lithographier les cartes du Limbourg et du Luxembourg, avec les lignes telles qu’elles ont été tracées dans les 24 articles.

- Un membre. - C’est au bureau à faire ces cartes. (Appuyé ! appuyé !)

M. le président. - Ces cartes seront lithographiées.

M. Legrelle renouvelle son interpellation à M. le ministre des affaires étrangères, relativement à la reprise des hostilités.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je regrette de ne pouvoir rendre une réponse satisfaisante à la demande de l’honorable M. Legrelle ; mais j’ignore si la reprise des hostilités aura lieu. (Agitation.)

Proposition de loi sur les passeports

Mise à l'ordre du jour

M. le président. - Le second objet qui est à l’ordre du jour, c’est la proposition de M. C. Rodenbach. (Non ! non ! Oui ! oui !)

M. A. Rodenbach. - Il me semble qu’au moment où nous sommes profondément affligés des communications qui viennent de nous être faites, nous ne pouvons nous occuper…

M. le président. - Messieurs, si vous m’eussiez laissé achever ma phrase, je vous aurais épargné cette observation. C’est la proposition de M. C. Rodenbach, mais le rapport de la section centrale ne sera prêt que demain. Maintenant la chambre désire-t-elle entendre un rapport de la commission des pétitions ? (Non ! non ! Oui ! oui !)

M. Rogier. - Il me semble qu’on peut entendre ce rapport ; car demain nous éprouverons comme aujourd’hui le sentiment pénible que la communication de M. le ministre vient d’exciter parmi nous. (A demain ! à demain !)

M. le président consulte l’assemblée, qui décide que le rapport sur les pétitions ne sera pas entendu.

- Rien n’étant plus à l’ordre du jour, la séance est levée à deux heures et demie.

Au sortir de la séance, plusieurs groupes de députés se forment sous le péristyle du Palais de la Nation, sur la place à et à l’entrée du Parc ; les conversations paraissent fort animées.