(Moniteur belge n°103, du 26 septembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à 2 heures.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal. Il est adopté.
M. Liedts lit le sommaire de quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. de Roo demande que le bureau fasse connaître de nouveau au ministre de l’ntérieur que M. Angillis, qui avait été élu député par les district d’Ypres, de Thielt et de Courtray, a opté pour ce dernier, afin que les collèges électoraux de Thielt et d’Ypres soient convoqués. L’honorable membre s’étonne de ce que ces collègues n’ont pas été convoqués par le même arrêté que les autres.
M. le président. - Je tiens en main la minute de la lettre écrite au ministre de l’intérieur, pour lui faire connaître l’option de plusieurs membres, et le nom de M. Angillis s’y trouve.
M. Liedts. - L’honorable membre s’étonne de ce que le même arrêté qui convoque les collèges des districts de Nivelles, Bruxelles et autres ne convoque par ceux d’Ypres et de Thielt ; je lui ferai observer que, quand cet arrêté a été rendu, M. Angillis ni M. de Muelenaere n’avaient encore fait leur option.
M. Goethals. - Je demande que le bureau fasse connaître aussi au ministre qu’il faut élire un sénateur dans le district de Courtray.
M. Liedts. - Cela ne nous regarde pas.
M. A. Rodenbach. - Plusieurs membres ne sont pas encore venus prendre part aux travaux de la chambre ; je demande que le bureau les invite à se rendre aux séances.
M. le président. - La lettre est prête.
M. Destouvelles. - Dans l’arrêté qui convoquait le collège du district de Maestricht lors des dernières élections, il avait été dit que les électeurs de la rive droite de la Meuse se réuniraient à … et ceux de la rive gauche à Tongres. Cette fois-ci, l’arrêté porte qu’on se réunira à Tongres ; les électeurs habitant sur la rive droite devront-ils venir à Tongres ?
M. le président. - En quoi cela peut-il concerner la chambre ? Il me semble que cela est du ressort de l’administration.
L’ordre du jour est la discussion du projet proposé par M. Jamme, relatif aux objets que les communes devront fournir à la garde civique mobilisée.
M. Jamme, rapporteur de la section centrale, fait connaître que les 1ère, 2ème, 3ème et 6ème sections ont été d’avis d’adopter le projet ; dans la 5ème section, quatre membres ont été d’avis de l’adopter, et deux de le rejeter, parce que la loi du 31 décembre leur paraît assez claire. La 5ème a pensé qu’il fallait, dans les circonstances où se trouve le pays, seconder de toutes nos forces la marche du gouvernement ; elle a proposé une nouvelle rédaction, qui change totalement le projet, et cette rédaction a été adoptée par la section centrale. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer l’adoption du projet suivant :
« Léopold, etc.
« Art. 1er. Les communes sont chargées de pourvoir à l’habillement du premier banc de la garde civique mis en activité.
« Les dépenses qui résulteront de la fourniture d’objets autres qui le shako, la blouse et la ceinture, seront remboursées, dans le semestre qui suivra celui de la fourniture, par l’Etat, dont les objets fournis deviendront la propriété.
« Art. 2. Sont exceptés de cette disposition les remplaçants, qui devront être habillés par les remplacés ou à leurs frais.
« Art. 3. Le gouvernement fixera les pièces d’habillement, et le prix auquel les communes pourront en faire confectionner, ainsi que les mesures à prendre pour constater l’état des fournitures faites par les communes. »
M. Leclercq demande la remise de la discussion de ce projet à un autre jour, afin qu’on ait le temps de l’examiner.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) fait observer que, si la chambre doit adopter le projet, il est urgent qu’elle le fasse ; car déjà des communes se sont refusées à fournir les objets d’habillement ; cela entrave l’organisation de la garde civique, et rendrait impossible son départ pour les frontières.
M. A. Rodenbach appuie la discussion immédiate.
La chambre décide qu’elle s’occupera du projet sans désemparer. La discussion est ouverte sur l’ensemble.
M. Lardinois. - Je ferai observer que l’article 55 de la loi de décembre 1831 n’imposait aux communes que l’obligation d’habiller les gardes qui seraient dans l’impossibilité de s’habiller eux-mêmes. Il semble, d’après le projet, que les communes seraient maintenant obligées d’habiller indistinctement tous les gardes. S’il en était ainsi, les communes seraient écrasées par une dépense aussi énorme.
M. Destouvelles. - Il me semble, messieurs, que, dès que la garde civique est mobilisée, elle est assimilée à la troupe de ligne, et la troupe de ligne subit une retenue journalière dont on forme pour chaque soldat une masse, destinée à parer aux frais d’habillement. Or, messieurs, il me semble qu’il faudrait distinguer entre la garde sédentaire et la garde mobilisée. Pour la garde sédentaire, les communes habilleraient les hommes nécessiteux qui en feraient partie ; mais, quand la garde est mobilisée, il me semble que le garde civique devrait arriver comme le milicien et être traitée comme lui, c’est-à-dire que l’Etat lui ferait l’avance de l’habillement, et ferait sur sa solde une retenue pour se rembourser. Si les fournitures à faire par les communes se réduisaient, comme on l’a dit hier, à deux chemises et à deux paires de souliers, on verrait le terme de cette dépense ; mais si l’hiver approche, les blouses ne suffiront plus pour couvrir les hommes. Faudrait-il que les communes leur fournissent des capotes ? Cela leur serait impossible, le voulussent-elles. En chargeant les communes de ces dépenses, au lieu d’avancer la mobilisation, on la retarde. Il me paraît donc qu’il vaudrait mieux que l’Etat fît pour les gardes civiques ce qu’il fait pour les miliciens : qu’il leur fournit l’habillement, sauf le shako, la blouse et la ceinture que les communes fourniraient toujours, et qu’il se remboursât par des retenues.
M. Devaux. - Je crois qu’il faudrait d’abord éclaircir la question de M. Lardinois. Je demanderai aux membres de la 5ème section s’ils pensent, en effet, que tous les gardes civiques indistinctement devront être habillés aux frais de la commune.
M. Dumortier. - Nous avions d’abord pensé que les seuls indigents seraient habillés par les communes ; mais, M. Jamme ayant fait observer que les informations qu’on serait obligé de prendre pour connaître ceux qui seraient dans ce cas ne feraient que retarder l’habillement, on a préféré étendre la mesure à tous. On a calculé que l’habillement nécessiterait une dépense totale de deux millions.
M. Destouvelles. - L’importance de la somme prouve l’impossibilité où seront les communes de faire face à la dépense. Vous avez déjà voté un emprunt de 12 millions : M. le ministre des finances peut vous dire quelles difficultés présente sa perception ; et on voudrait que les communes pussent supporter ce nouvel impôt ! Il y a une autre difficulté : comme l’uniformité serait-elle maintenue dans un corps, si chaque commune fait à sa guise, ce qui est inévitable ?
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Pour ce qui concerne l’uniformité, je dirai à l’honorable membre que ce n’est ni dans huit jours ni dans quinze jours que nous serions à même de l’établir ; mais je soutiens que nous ne le pourrions pas même dans trois mois. On ne parviendra même à habiller la garde civique comme elle doit l’être, que parce qu’on dira à telle commune d’adopter telle couleur, tel drap ; à une autre, tel et tel autre. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons avoir des hommes promptement habillés. C’est là le but où nous tendons, et, pour l’atteindre, je ne vois qu’un moyen : c’est que les communes fassent l’avance, en leur envoyant les modèles qu’elles devront suivre.
M. Fallon. - Je crois, comme M. Destouvelles, que cette loi manquera totalement son but. Nous voici à la fin de l’année, les communes ont fait leur budget, et certes elles n’ont pas songé à faire des fonds pour cette dépense ; où les prendront-elles ? Je soutiens qu’il sera impossible, aux communes rurales surtout, de faire la dépense.
M. Dumortier fait observer que ce n’est que dans quelques communes que les gardes seront mobilisés.
M. Jamme. - Il est reconnu qu’on ne peut mettre en activité qu’une partie de la garde civique. Les communes, pour l’habiller, pourront faire des marchés à terme, et je crois qu’elles obtiendront de meilleurs marchés que le gouvernement.
M. de Theux. - Pour obvier à l’inconvénient signalé par M. Fallon, M. le ministre pourrait nous dire si l’Etat sera en état de rembourser immédiatement les avances faites par les communes.
M. Leclercq soutient que l’on ne peut grever les communes de cette dépense, sans commettre une inconstitutionnalité ; car l’article 110 de la constitution porte : « qu’aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. »
M. Devaux. - C’est une erreur, il y a une exception dans cet article qui permet à la loi d’imposer des charges dans certains cas.
M. Leclercq. - J’avais pensé à cette exception, mais je ne la crois pas applicable dans l’espèce. Le dernier paragraphe de l’article 110 dit : « La loi détermine les exceptions dont l’expérience démontrera la nécessité, relativement aux impositions provinciales et communales. » Mais ceci n’est pas une dépense démontrée nécessaire par l’expérience ; c’est une dépense de circonstance, et qui n’est pas dans les termes de la loi.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Le préopinant est dans l’erreur. Il ne s’agit pas ici d’imposer les communes, mais au contraire de les décharger d’un impôt qu’elles étaient obligées de payer d’après l’article 55 de la loi du 31 décembre. D’après cet article, elles devaient fournir l’habillement aux gardes civiques qui ne pouvaient s’habiller à leur frais Or, que fait-on ici ? On charge les communes de faire l’avance de l’habillement, et l’on impose à l’Etat l’obligation de la rembourser ; il me semble que cela est tout à fait différent.
M. Brabant. - Puisque M. le ministre revient à son système d’hier, je vais prouver que la loi du 31 décembre n’impose aucune obligation aux communes au-delà de l’obligation de fournir les objets voulus par l’article 53. L’article 50 de cette loi statue : « Quand les gardes sont requis pour un service militaire, ils en ont les avantages et les droits. » Or, un des avantages du soldat, c’est d’être habillé par l’Etat. Le paragraphe 2 porte : « Ils reçoivent la solde et les prestations en nature comme les troupes de l’armée, depuis le moment de leur mise en activité jusqu’à l’époque de leur rentrée dans les communes. » Or, il est certain que l’habillement de la troupe est une prestation en nature. Ici l’orateur explique comment on opère journellement une retenue sur la paie du soldat pour la masse d’habillement, et il en conclut qu’on doit faire de même pour la garde civique.
Il soutient enfin que le projet est inconstitutionnel et contraire à l’article 110 du pacte fondamental.
M. Lardinois demande l’ajournement de la discussion.
M. Jamme prie le ministre de dire à quoi se porterait la valeur « morale » de l’équipement.
M. Dumont appuie l’ajournement de la discussion.
- L’assemblée, consultée, décide que la discussion continuera.
M. Barthélemy. - Messieurs, je dois reporter votre souvenir sur les circonstances dans lesquelles fut adopté le dernier paragraphe de l’article 110 de la constitution. Ce fut sur l’observation de M. Legrelle que ce paragraphe fut ajouté à l’article, parce qu’il fit remarquer qu’il pourrait arriver des circonstances, par exemple, celle où une commune aurait été condamnée à payer une somme pour laquelle elle aurait refusé de voter des fonds dans son budget ; et, dans ce cas, on a voulu donner au pouvoir législatif le droit de la contraindre. Mais ici s’agit-il d’une charge communale à imposer ? Non. C’est d’une mesure d’intérêt général, mesure que vous avez le droit de prendre. Certes, vous pouviez décider que des cents additionnels seraient ajoutés aux contributions ordinaires pour faire face à cette dépense ; pourquoi ne pourriez-vous pas décider que les communes feront la dépense en nature ?
L’orateur termine en faisant observer que la marche proposée sera la plus expéditive ; car sans cela, il faudrait recourir à des adjudications, trouver des fournisseurs, et cela entraînerait de longs délais. Pour ce qui est de l’uniformité, elle existera, puisque la blouse sera adoptée partout, et que peu importe la couleur de la veste qui sera par dessous.
Après un discours contre le projet, prononcé par M. Jullien, on entend M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere), qui réfute victorieusement tous les arguments des adversaires du projet ; il démontre que le gouvernement n’a aucun intérêt à ce que ce soient les communes plutôt que lui qui paient la dépense, puisqu’en définitive ce sera le contribuable qui y fera face ; mais l’intérêt du gouvernement est d’aller vite, et on ne peut aller vote que par le moyen proposé.
M. A. Rodenbach. - Dans cette circonstance, il faut adhérer au projet, afin que le ministère ne nous reproche pas plus tard d’avoir entravé la mobilisation de la garde civique ; mais je ne veux pas qu’on soit obligé d’habiller les hommes qui n’auront pas reçu de fusils. Je demande aussi qu’on organise le service des espions : les Hollandais en avaient jusque dans nos rangs. Le cri de « sauf qui peut » a été proféré ; il n’a pu l’être que par nos plus cruels ennemis. Mais, je le répète, il faut des fusils : il y a des personnes qui en ont offert au gouvernement jusqu’à 60 mille ; ainsi on a pu s’en procurer.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - La chambre me dispensera sans doute de m’expliquer sur le système d’espionnage (on rit), mais je répondrai à ce qu’on a dit des offres de fusils. Il est vrai que l’on a fait au gouvernement des offres considérables, on en a offert des millions ; mais il ne suffit pas d’offrir, il fait pouvoir réaliser l’offre, et c’est là le difficile. Pour accepter, le gouvernement a dû prendre des sûretés afin de ne pas mettre dans les mains de ses soldats des armes incapables de servir. Il faut qu’on fournisse un modèle, que l’on donne des sûretés pour la fourniture, etc., etc. Du reste, je peux assurer la chambre que dans peu de jours nous recevrons un approvisionnement de fusils considérable, et tous du premier numéro et d’une qualité semblable à celle dont se servent les armées les mieux organisées de l’Europe. (Marques générales de satisfaction.)
On entend encore M. de Terbecq, M. Jullien, et M. Lardinois contre le projet, et M. Lebeau pour, et la discussion générale est fermée.
M. le président donne lecture de l’article premier et d’un amendement de M. Jamme.,
M. le président ajoute. - L’amendement est-il appuyé ? (Non !) L’amendement ne sera pas discuté.
M. Jamme. - Je ferai seulement observer…
Voix nombreuses. - Vous n’avez pas la parole ; votre amendement n’est pas appuyé.
M. Jamme descend de la tribune au milieu de l’hilarité de l’assemblée.
M. Fallon propose aussi un amendement qui n’est pas appuyé.
M. Goethals propose ensuite un amendement qui est rejeté.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) propose un amendement qui est mis aux voix et adopté en ces termes : « Les gardes civiques qui se seront habillés à leurs frais jouiront d’un supplément de solde de dix cents par jour. »
- Cet article deviendra l’article 3 du projet.
L’article premier est mis aux voix et adopté.
Les articles 2 et 3, devenu le 4ème, sont mis aux voix et adoptés sans amendements.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet qui est adopté par 38 voix contre 14.
Les 14 opposants sont MM. de Roo, Brabant, Seron, Leclercq, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, de Theux, Vergauwen, Berger, Fallon, Lardinois, Jullien et de Robaulx.
(Note du webmaster : ce projet sera finalement rejeté par le sénat. Voir la notification de ce refus dans la séance de la chambre du 30 septembre 1831)
M. Dumortier fait un rapport sur le projet de loi relatif à la faculté à accorder au Roi de faire occuper ou traverser le territoire par des troupes étrangères ; il déclare que les sections ont été unanimes pour son adoption.
- La discussion est ouverte sur l’ensemble.
M. A. Rodenbach. - Les ministres français ont dit à l’assemblée nationale que, si les troupes hollandaises entraient en Belgique, aussitôt l’armée française y entreraient de son côté. Donc nous devons adopter le projet qui autoriser S. M. à la laisser entrer. Alors nous devons combattre dans les rangs de nos amis français qui nous ont sauvé. Je pense que notre drapeau doit s’unir au drapeau français et qu’il ne pâlira pas, comme il a déjà pâli une fois.
M. de Robaulx. - Je déclare que je ne donnerai pas mon assentiment au projet si on n’y insère une disposition qui dise qu’en entrant dans la Belgique, les troupes étrangères n’y seront admises que pour maintenir le système que nous devons adopter ; aujourd’hui c’est pour faire entrer les Français, mais demain il dépendrait du gouvernement de faire entrer des Anglais. Je ne donne pas ainsi mon consentement à une pareille loi. Je n’ai pas assez de confiance dans le gouvernement. Je ne livre pas ainsi mon pays.
M. le président. - Proposez un amendement dans ce sens.
M. de Robaulx. - Je ne proposerai pas d’amendement, je dis seulement que je ne donnerai pas mon vote au projet tel qu'il est, et si on n’y insère pas une disposition comme je l'ai dit. Quand j’aurais confiance dans le ministère actuel, un autre ministère pourrait lui succéder qui ne la mériterait pas.
M. Lebeau. - Les craintes de l’honorable préopinant sont faciles à dissiper. Si un ministère abusait du pouvoir au point de profiter de cette loi pour renverser le système établi, la chambre a l’initiative ; elle en profiterait pour faire une loi qui révoquerait celle-ci.
M. Berger. - Il ne suffirait pas de cela, il faudrait que la loi fût adoptée par les trois pouvoirs.
M. Lebeau. - N’y a-t-il pas d’autres moyens. Celui de présenter une adresse au Roi ? de mettre les ministres en accusation ? Sans doute un ministère peut succéder à un autre, à moins qu'on ne voulût donner au ministère un brevet d’immortalité : mais toujours la chambre aura les moyens d’empêcher qu’on n’abuse de la loi.
M. de Robaulx. - Je ne sais ce qu’on veut dire en parlant de brevet d’immortalité. Je sais bien que ce ministère ni celui M. Lebeau n’iront pas à l’immortalité.
M. Lebeau. - Ce n’est pas dans ce sens que j’ai prétendu parler (Agitation prolongée.)
M. de Robaulx. - J’ai la parole, vous ne pouvez pas me l’ôter.
M. Lebeau. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - M. de Robaulx a la parole, vous lui répondrez.
M. de Robaulx. - Je déclare que je n’ai fait allusion ni au ministère présent, ni aux ministères passés, ni aux ministères futurs ; mais je dis que je n’ai pas assez de confiance dans le gouvernement pour donner mon vote en faveur de la loi, telle qu’elle est. Il est certain qu’une fois la loi rendue, si le gouvernement voulait s’en servir d’une manière contraire au système actuel, vous auriez beau faire des projets de loi et des adresses, le gouvernement ne les adopterait pas.
M. Lebeau. - Du moment que M. de Robaulx, qui semble vouloir convertir la discussion en question personnelle, se rabat sur la question de principe, je n’ai plus rien à dire.
M. Leclercq. - Il me semble que les craintes de l’honorable préopinant ne sont nullement fondées. Si un ministère est en effet assez coupable pour vouloir introduire dans la Belgique les ennemis de ses institutions, il n’aurait pas besoin de l’autorisation de la chambre ; il saurait bien s’en passer ; en sorte que le projet actuel ne lui donnerait aucune force.
M. Dewitte. - Messieurs, il me semble que le projet présenté par un Roi qui a tant donné de gage de son attachement à la Belgique et à ses institutions, par un Roi qui a exposé sa personne aux plus grands dangers dans la dernière guerre, méritait moins de défiance. Je vote avec tout confiance pour le projet.
M. de Robaulx. - Je me permettrai de faire une observation : c’est qu’il ne faut pas permettre que le nom du Roi soit mis en avant dans cette enceinte au milieu de nos discussions. C’est un manque, c’est un défaut parlementaire de parler de la personne du Roi. Puisque dans le gouvernement représentatif, le chef de l’Etat a été placé dans une région inaccessible aux orages de la discussion, il ne faut pas le faire descendre de cette région ; si vous le faites, voyez-vous, vous l’exposez à des attaques personnelles, ce qui ne doit pas être.
Plusieurs voix. - C’est juste ! c’est juste !
- La discussion générale est fermée.
Les articles sont ensuite adoptés successivement par assis et levé et par appel nominal, à la majorité de 50 voix contre 2.
Les deux opposants sont MM. Seron et de Robaulx.
Voici le texte du projet de loi adopté :
« Léopold, etc.
« Vu l’article 121 de la constitution ;
« De l’avis de notre conseil des ministres, nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de la guerre est chargé de présenter aux chambres, en notre nom, le projet de loi dont la teneur suit :
« Art. 1er. Le Roi pourra permettre d’occuper ou de traverser le territoire du royaume à telle troupe étrangère qu’il trouvera convenable. »
« Art. 2. La présente loi n’aura force obligatoire que jusqu’à la paix. »
La séance est levée à 4 heures.