(Moniteur belge n°93, du 16 septembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. le ministre des affaires étrangères, M. le ministre de la justice, M. le ministre des finances et M. le ministre de la guerre sont présents.
M. Lebègue donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. Il est adopté.
M. Liedts lit un message du sénat, qui fait part à la chambre de sa constitution définitive, puis une lettre du ministre de l’intérieur, qui demande qu’on lui fasse immédiatement connaître l’opinion des représentants élus dans plusieurs districts, au fur et à mesure de cette option, afin qu’il puisse faire les nouvelles convocations dans les délais fixés par la loi.
M. le président. - Messieurs, voulez-vous entendre le rapport de l’adresse rédigée par la section centrale, en séance publique ou en comité général ? (En séance publique ! en séance publique !)
M. Rogier. - C’est en qualité de rapporteur de la section centrale que je prends la parole.
Messieurs, la section centrale, éclairée par les observations faites dans les diverses sections, a pensé que le projet d’adresse devait être soumis à une révision générale ; elle a fait ce travail, dans lequel se trouve presque en entier celui déjà fait par la commission. Je crois inutile de vous faire part des observations faites dans chaque section. Cependant je dois dire que la section centrale a eu égard à toutes les observations un peu importantes.
Ici l’orateur lit le nouveau projet d’adresse, dont la chambre ordonne l’impression et la distribution :
« Sire !
« Dès ses premiers pas sur le sol de sa nouvelle patrie, Votre Majesté fut saluée par les acclamations unanimes du peuple belge ; chaque jour ce peuple a senti se resserrer les liens qui l’attachent au chef qu’il s’est choisi, et qui a si noblement répondu à sa confiance. Recevez de nouveau, Sire, par notre organe, l’hommage de son dévouement et de sa reconnaissance.
« Un des premiers soins qui vont occuper votre gouvernement, c’est, nous aimons à le voir, le développement des principes posés dans la constitution que le peuple belge s’est donnée, et qui renferme les germes les plus féconds de civilisation et de prospérité morale pour le pays.
« Les suites inévitables d’une grande commotion politique, quelques causes plus anciennes, et d’autres qui se rattachent à l’état général de l’Europe, ont gravement compromis les intérêts de l’industrie et du commerce. La chambre des représentants voit avec satisfaction la sollicitude de Votre Majesté pour ces souffrances, que les richesses de notre sol et l’activité de ses habitants ne tarderont pas à faire oublier. Nous serons prêts à concourir avec toutes les mesures que nous croirons utiles à favoriser ces deux sources de la prospérité publique.
« Nous accueillons l’espérance que des négociations pourront être ouvertes à cet égard, à l’aide des rapports déjà établis avec deux puissances voisines : notre désir est de les voir bientôt s’étendre aux autres Etats.
« L’ordre et l’économie dans les dépenses publiques sont des conditions essentielles de la richesse des nations. Les vues que Votre Majesté nous communique sur cet objet important sont celles de la chambre. Elle ne négligera rien pour les mettre en pratique et pour alléger, autant que les besoins de l’Etat le permettront, les charges qui pèsent sur le peuple.
« Si la paix générale, si les vœux d’une puissance amie à laquelle nous lient si intimement et nos intérêts et nos sympathies, exigent le sacrifice de quelques-unes de nos forteresses, nous nous flattons, Sire, que dans les négociations relatives à la démolition de ces places, le gouvernement ne négligera rien de ce qui importe à la sûreté et à l’honneur de la Belgique.
« Livrée tout entière à la joie de celui qu’elle regardait comme le gage de son bonheur et de ses relations amicales avec les autres Etats, après avoir accédé aux vues pacifiques des puissances européennes, la Belgique se reposait dans l’espoir d’une paix avantageuse et prochaine, quand elle se vit naguère surprise, au milieu de ses fêtes, par un ennemi déloyal qui, au mépris des engagements contractés par lui et garantis par les cinq puissances, envahit subitement nos frontières désarmées. Le courage de nos soldats dut céder au nombre. Sur eux ne retombe pas le blâme de ce manque d’organisation et d’ensemble que présenta presque toute l’armée, et qui, s’il s’explique peut-être par la confiance des Belges dans l’armistice, reste encore à se justifier aux yeux du pays et de ses représentants. Dans ces circonstances critiques, une nation généreuse nous prêta son assistance et défendit chez nous notre révolution et la sienne, désormais inséparable. S’il fallait vivement regretter que l’imminence du danger n’ait pas permis alors au gouvernement de réunir les mandataires de la nation, pour sanctionner les mesures commandées par le salut de l’Etat, la Belgique n’en a pas moins a vu avec reconnaissance qu’elle pouvait compter sur l’amitié du peuple français et sur le soutien de son illustre monarque.
« Votre Majesté nous informe que des négociations sont ouvertes pour terminer nos différends avec la Hollande. Nous sommes convaincus, Sire, que conformément à vos nobles paroles, l’honneur et les intérêts du peuple belge y seront défendus avec persévérance et dignité. Les puissances médiatrices ne peuvent avoir oublié qu’à leur intervention la Belgique s’arrêta au milieu de sa victoire, pour assurer le repos de l’Europe ; et nous ne pouvons croire que ce soit en violant la foi jurée, que notre adversaire ait amélioré sa position.
« Nous attendons, Sire, avec confiance, le résultat des négociations ; s’il trompait notre espoir, si la paix n’était pas possible à des conditions justes et honorables, comptez, Sire, sur le dévouement de la nation ; elle est prête à tous les sacrifices pour maintenir ses droits et l’honneur de votre couronne.
« Parmi les projets qui lui sont annoncés, et qui doivent fixer son attention particulière, la chambre accueillera avec le plus vif empressement les lois relatives à l’organisation militaire. La bravoure la moins contestée ne supplée point à l’absence d’une organisation et d’une discipline sévère. Pénétré de ce principe, votre gouvernement ne saurait donc presser avec trop d’activité et d’énergie la recomposition de cette armée qui, ralliée autour de son Roi, sous la conduite de chefs habiles, saura défendre avec honneur, avec succès, l’indépendance de notre commune patrie.
« Non, Sire, cette patrie adoptive qui vous est chère, et dans laquelle vous n’avez jamais cessé d’espérer, ne trahira ni ses devoirs ni sa confiance. Non, la crise d’où sort la Belgique n’aura point eu pour elle les conséquences fâcheuses qu’en espéraient ses ennemis. Vous la retrouverez aujourd’hui plus forte, plus dévouée, plus déterminée à soutenir par tous ses efforts, ses droits et les vôtres. Nous savons que, pour fonder son indépendance et ses libertés, une nation a besoin de courage et de constance ; qu’elle s’instruit et retrempe ses forces aux épreuves mêmes de l’adversité. Les Belges n’ont pas oublié non plus qu’il y a un an, à pareille époque, il ne leur fallut que quatre jours pour s’élever au rang de nation. Fiers d’un si beau souvenir, fiers d’avoir à leur tête le roi de leur affection et de leur choix, si le salut du pays le demande, ils combattront pour lui avec la même ardeur qu’ils l’ont vu combattre pour eux, et la victoire n’abandonnera pas les drapeau qui porte pour devise « Justice et Liberté ! »
« Bruxelles, le 15 septembre 1831.
« de Gerlache, président ; Destouvelles, de Theux, Devaux, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Jamme, Jullien, Lebègue, Lebeau, Rodenbach, Ch. Rogier, rapporteur.
M. Devaux. - Messieurs, nous avions différé l’admission des députés élus par les districts d’Ath et de Mons. Pour le premier, nous n’avons pas encore reçu les pièces qui nous sont nécessaires pour bien fixer notre opinion [Note du webmaster : le Moniteur n'indique pas quand les pouvoirs des représentants d'Ath ont été vérifiés] ; en conséquence, je ne vous soumettrai que ce qui est relatif aux opérations du collège électoral de Mons. Il résulte des renseignements pris que les élections de MM. Gendebien et Blargnies sont incontestables, quoique les électeurs de Glain et d’une autre commune des environs de Mons aient été tardivement convoqués. En effet, en admettant qu’aucun de ces électeurs ne se fût rendu, et il est prouvé que cinq prirent part à l’élection, le nombre total de ces électeurs n’étant que de 11, en déduisant ces 11 voix de celles obtenues par les deux candidats, il leur en resterait plus qu’il n’en fait pour la validité de leur élection ; car M. Gendebien a obtenu 40 voix de majorité et M. Blargnies 28 ou 30. En conséquence j’ai l’honneur de vous proposer l’admission de MM. Gendebien et Blargnies.
- Cette admission est mise aux voix et prononcée.
M. Devaux. - L’élection du troisième député de ce collège présente une difficulté de plus. M. Corbisier n’a été élu qu’à la majorité de six voix ; nombre égal au nombre des électeurs qui ne se sont pas rendus sur la convocation tardive. Six voix de moins, et il aurait eu un nombre égal à celui obtenu par M. Picquet ; en sorte que ce dernier aurait été ballotté avec l’autre candidat et non M. Corbisier. Je tiens à la main une note de M. Corbisier, qui dit qu’un des électeurs de Glain, qui ne s’est pas rendu, n’avait pas le droit de voter, parce qu’il est Français. A l’appui de cette assertion, il produit la liste des électeurs, sur laquelle on voit en effet que cet électeur est né à Fontenay en France, et un certificat du gouverneur de la province, constatant que cet électeur n’a pas fait la déclaration voulue par la loi pour être considéré comme Belge. Dès lors ce n’est plus que cinq électeurs qui auraient manqué, et alors nul doute que M. Corbisier ne dût être admis. D’un autre côté, M. Corbisier fait remarquer qu’on l’a mal à propos privé de deux suffrages, dans lesquels il était très bien désigné par ses nom et prénoms, et où il n’y avait qu’une erreur quant à la qualification ; il offre au surplus de prouver qu’il n’y a pas à Mons d’autre Corbisier que lui, que par conséquent on n’a pu se méprendre. Ces raisons nous ont semblées suffisantes pour faire admettre M. Corbisier, et c’est à quoi je conclus.
L’admission est prononcée.
M. Lebeau, élu dans le district de Bruxelles et de Huy, déclare opter pour celui de Huy.
M. Gendebien, également élu dans deux districts [à savoir Mons et Bruxelles], déclare opter pour celui de Mons.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) présente à la chambre un projet de loi qui a pour but de régler le mode de la publication des lois et de les rendre obligatoires. Il développe les motifs du projet.
M. le président donne acte au ministère de la présentation du projet, qui sera imprimé et distribué.
M. de Theux. - L’impression des projets de loi entraîne des frais, et l’insertion au Moniteur, qui reçoit du gouvernement une allocation de 25,000 fl., pourrait, ce me semble, nous les éviter.
M. Gendebien. - Beaucoup de députés, au nombre desquels je suis, ne reçoivent pas le Moniteur, par conséquent l’insertion des projets de loi dans cette feuille ne remplacerait pas l’impression particulière.
M. de Theux. - Mais il faudrait cependant ne pas payer 25,000 fl. pour rien.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Quoique membre du gouvernement, je ne vois pas la nécessité qu’un journal lui appartienne. Je ne discuterai pas la question de savoir si l’allocation faite au Moniteur est utile ; mais nous sommes liés par un contrat, et nous ne pouvons nous y soustraire. Si les impressions pouvaient se faire par le Moniteur, il y aurait économie réelle.
M. Gendebien. - Je suis surpris que M. de Brouckere vienne appuyer une pareille proposition ; c’est établir en faveur du Moniteur un monopole sur les autres journaux, que le charger de ces impressions.
M. le président. - Mais M. de Theux n’a point fait de proposition formelle. Cette discussion est incidente et consomme inutilement les moments de la chambre.
M. de Theux. - Je vais la rédiger.
M. Devaux. - Je ne conçois pas, le dirai-je, la niaiserie d’un ministère qui n’aurait point un journal à lui ; il faut pourtant bien qu’il puisse communiquer avec le public. Sans un journal à lui, comment le peut-il faire ? On va déclamer tant qu’on voudra contre les journaux ministériels ; il y en a de bons et de mauvais, cela dépend de leurs rédacteurs ; mais il faut que le gouvernement puisse se défendre quand on l’attaque ; il faut qu’il puisse communiquer avec le public, et, pour cela, il lui faut un journal.
M. le président. - Voici la proposition de M. de Theux :
« Je propose que l’impression des projets de loi et communications ministérielles soit faites par le Moniteur. »
M. le président. - Comme la discussion de cette proposition est incidente, il la faudrait, je crois, renvoyer aux sections pour l’examiner. (Appuyé.)
M. Gendebien. - Je demande à dire un mot avant le renvoi. Je ne conçois pas qu’on ait pu traiter de niaiserie l’opinion émise de l’inutilité d’un journal ministériel. Il n’y a jamais de niaiserie à épargner les deniers du peuple. Quand un ministre est attaqué, ou le gouvernement, dites-vous, il faut bien qu’ils puissent se défendre. Ils n’ont pas pour cela besoin d’écrivains à gages, d’écrivains salariés ; ils ont le droit de faire insérer leur justification ou leur défense dans la lettre même qui les a attaqués : un bon gouvernement comme un bon ministre n’a pas besoin de flatteurs.
M. Devaux. - Je m’étonne de cette sortie de la part d’un ancien membre du congrès qui, quand il fit partie du gouvernement provisoire, sollicita lui-même l’établissement d’un journal dans ce but, qui était précisé rétribué à raison de 6,000 fl. par mois.
M. Gendebien. - Mais dans ce temps ce journal n’a point contenu un seul article adulateur. Je n’ai jamais été ministériel ; je ne le serai jamais.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, je viens vous présenter plusieurs projets de loi que nous croyons d’une urgence nécessité. Le premier est relatif à la faculté à accorder au Roi de démissionner, dans certains cas, des officiers de l’armée sans leur conserver ni pension, ni traitement. Vous savez que l’article 124 de la constitution veut qu’aucun officier ne soit privé de son grande et de son traitement qu’en vertu d’une loi. Les articles 25 et 26 des règlements de discipline permettaient de destituer des officiers qui se livreraient habituellement au jeu et à la boisson ; mais, dans l’exécution de ces articles, il pouvait entrer trop d’arbitraire, et le gouvernement veut accorder aux officiers toutes les garanties compatibles avec la régularité et les exigences d’un bon service et d’une exacte discipline. En conséquence je suis chargé de vous proposer le projet suivant :
« Léopold, etc.
« De l’avis de notre conseil des ministres, nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de la guerre est chargé de présenter aux chambres, en notre nom, le projet de loi dont la teneur suit :
« Vu l’article 124 de la constitution, portant : « Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions, que de la manière déterminée par la loi ; »
« Vu les articles 25 et 26 du règlement de discipline pour l’armée de terre, encore en vigueur, statuant que lorsque des officiers se rendront coupables d’excès dans la boisson ou de mauvaises conduite, et s’adonneront aux jeux et dépenses excessifs, il sera loisible au département de la guerre, sur le rapport qui lui sera fait à l’égard des officiers auxquelles semblables reprochent pourraient être adressés, de prendre à leur égard telle mesure qu’il jugera convenir ;
« Voulant faire cesser l’arbitraire qui résulte d’une semblable disposition ;
« Considérant cependant que l’honneur militaire exige que les officiers qui, sans commettre un crime ni délit prévus par les lois existantes, se rendraient indignes de figurer dans les rangs de l’armée, puissent en être renvoyés ;
« Nous avons, de commun accord avec le sénat et la chambre des représentants, décrété, et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. Le Roi est autorisé à démissionner sans traitement ni pension ;
« 1° Tout officier qui se livrera habituellement et publiquement à l’ivresse et au libertinage, ou mènera notoirement une conduite crapuleuse ;
« 2° Tout officier qui aura contracté des dettes excédant une année des appointements du grade dont il est revêtu ;
« 3° Tous officiers qui, dans un lieu public, se seront entre eux livrés à des querelles ou voies de fait ;
« 4° Tout officier qui, sur le rapport du chef de corps, de son chef de bataillon et du plus ancien officier de son grade, sera désigné comme étant incapable ;
« 5° Tout officier qui, six mois après la date de la présente loi, ayant été soumis à un examen, n’aura pas fait preuve de connaissances nécessaires ou d’aptitude et de bonne volonté à les acquérir.
« Art. 2. Dans les cas spécifiées aux 1°, 2°, 3°, 4°, l’officier commandant, après avoir consulté le chef de bataillon et le plus ancien officier du grade de l’inculpé, fera son rapport au ministre de la guerre, en suivant l’ordre hiérarchique établi.
« Art. 3. Le ministre de la guerre renverra toutes les pièces qui lui auront été transmises à l’auditeur de la province où le corps auquel appartient le délinquant se trouvera en garnison.
« Art. 4. L’auditeur assemblera, dans les huit jours suivants, un conseil de guerre, et lesdites pièces seront soumises à son avis, qui, dans le plus bref délai, sera transmis au ministre de la guerre, sur le rapport duquel nous statuerons.
« Si c’est un officier supérieur qui se trouve dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus prévus, rapport sera fait par les généraux de brigade et de division au ministre de la guerre, qui, après avoir demandé l’avis de la haute cour de justice militaire, nous fera ses propositions.
« Art. 5. Dans le cas du 5° de l’article premier, les propositions du ministre seront basées sur le rapport de la commission d’enquête.
« Mandons et ordonnant que les présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du royaume. »
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Le second projet est relatif au rappel des miliciens de la classe de 1826 sous les drapeaux. Vous savez, messieurs, que nos ennemis n’ont pas perdu de temps pour mettre sur pied des forces beaucoup plus considérables que les nôtres ; il faut agi comme eux ; mais ce qu’il nous faut principalement aujourd’hui, ce sont des hommes exercés, prêts à servir utilement et sans délai. Vous savez qu’un arrêté du régent avait renvoyé dans leurs foyers les miliciens de 1826 ; je viens vous demander de rapporter cet arrêté ; ainsi nous aurons 8,000 hommes de plus, et ce seront des hommes exercé qui viendront joindre leurs frères d’armes.
(Suit le texte du projet, non repris dans la présente version numérisée.)
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, reprend le ministre, vous voyez qu’il est question de renforcer l’armée. Non seulement nous voulons rappeler les hommes de la classe de 1826, mais nous avons le droit d’appeler sous les drapeaux ceux des classes postérieures, dont le nombre n’a jamais été épuisé, quoiqu’il ne fût que de trois hommes sur mille de population. En augmentant ainsi nos forces, nous devons augmenter nos cadres. Vous savez que, pendant quinze ans de paix, le nombre de nos officiers n’a jamais été porté au complet ; la Belgique principalement a été maltraitée. Sous ce rapport, et dans certaines armes, nous manquons absolument d’officiers. Si nous voulons agir prudemment, alors qu’il est possible que le sort de notre pays doive être décidé par les armes, pour nous le rendre favorable, il faut absolument que le gouvernement puisse introduire dans l’armée des officiers étrangers. Ils pourront être divisés en deux catégories : la première sera composée de ceux qui entreront dans l’armée comme des officiers indigènes, et prêteront serment à la constitution ; la seconde, de ceux qui, sans cesser d’appartenir à l’armée de leur nation, en y conservant leurs grades et leur rang, voudront bien nous aider officieusement de leurs bras et de leurs conseils.
Je vais, en conséquence, vous donner lecture du troisième projet :
« Léopold, etc.
« De l’avis de notre conseil des ministres, nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de la guerre est chargé de présenter aux chambres, en notre nom, le projet de loi dont la teneur suit :
« Vu l’article 6 de la constitution :
« Considérant que les circonstances graves où se trouve la Belgique exigent impérieusement que des emplois militaires soient conférés, par exception, à des étrangers ;
« Nous avons, de commun accord avec le sénat et la chambre des représentants, décrété, et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. Le roi est autorisé à prendre au service de l’Etat un nombre d’officiers étrangers qu’il jugera nécessaire ou utile pour le bien du pays.
« Art. 2. Avant d’entrer en fonctions, ils prêteront le serment prescrit aux officiers de l’armée.
« Art. 3. Le roi est également autorisé à employer des officiers étrangers qui, sans renoncer à leurs grades et prérogatives dans leur patrie, offriraient leurs services pour la durée de la guerre.
« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le troisième jour après celui de sa promulgation.
« Mandons et ordonnant que les présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme loi du royaume. »
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Vous sentirez, messieurs, dit le ministre en terminant, l’urgence de ces projets. Mon collègue, M. le ministre des finances, vous en présentera un autre, non moins urgent. Quand je suis entré au ministère de la guerre, il n’y avait pas deux millions en caisse ; il a fallu pourvoir à tout avec cette somme, et nous avons besoin de fonds pour assurer le service de septembre. D’un autre côté, il a fallu conclure des marchés pour compléter le matériel d’artillerie, pour l’achat des chevaux, et pour un grand nombre de dépenses que j’ai pris sous ma responsabilité d’ordonner, parce qu’elles ne pouvaient souffrir de retard. La chambre sentira le besoin de payer comptant les divers entrepreneurs avec lesquels des marchés ont été conclus ; c’est le moyen le plus sûr de n’être pris au dépourvu pour rien, et d’assurer la régularité du service.
M. A. Rodenbach. - Personne ne conteste la prodigieuse activité de M. de Brouckere, et les trois projets qu’il vient de nous présenter en fournissent une nouvelle preuve ; mais, tout en lui rendant cette justice, je dois dire qu’on néglige tout à fait l’organisation de la garde civique. La garde civique est aujourd’hui complétement désorganisée et démoralisée : depuis un mois, on ne lui fait plus faire des manœuvres ni d’exercices ; et cependant il est certain que si les gardes civiques avaient été bien organisées sous le précédent ministère, ils se seraient vaillamment défendus contre l’ennemi. Je le prouve par ce qui s’est passé dans les Flandres, où des individus qui n’avaient jamais été exercés et qui n’avaient un mauvais fusil que de la veille, ont combattu avec courage contre les Hollandais, et les ont empêchés de pénétrer dans notre pays. Je ferai une autre observation, c’est que les officiers de la garde civique rentrent dans leurs villages pour s’y débarrasser de leurs grades ; et ainsi il n’y a plus, à proprement parler, de gardes civiques de premier ban.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - L’honorable préopinant ne veut pas sans doute me rendre responsable de ce qui s’est passé dans les derniers événements.
M. A. Rodenbach. - Non, j’ai parlé du précédent ministère.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - L’honorable membre a dit que tout se désorganisait depuis un mois. Je lui ferai observer que tant que les gardes civiques ne sont pas mobilisés, le ministre de la guerre n’a aucune attribution sur eux ; ils ne sont astreintes à faire l’exercice qu’une fois la semaine, et les gardes qui y manquent ne sont soumis qu’à des peines disciplinaires. Je dois le dire, il y a fort peu d’assiduité à ces exercices. J’y suis allé trois fois depuis un mois, et je me suis convaincu par moi-même qu’il faudrait punir des bataillons entiers si l’on voulait exécuter la loi. A peine s’il s’y rend 100 hommes par bataillon. Toutefois, je peux annoncer au préopinant que, pour ce qui concerne les Flandres, il y aura trois mille gardes civiques sur pied à la fin de la semaine. Sur tous les points du pays nous avons envoyé des officiers d’ordonnance pour prendre des renseignements sur l’état où se trouve le premier ban de la garde civique. Cette mesure nous a paru plus expéditive que d’attendre les renseignements des gouverneurs de provinces, attendu que, lorsqu’on entame une correspondance pour de tels objets, on est parfois trois semaines avant d’avoir une réponse. Je peux donc promettre à l’honorable membre que dans quinze jours il verra qu’on a songé à la garde civique.
M. A. Rodenbach. - Je suis assez satisfait de la réponse du ministre, mais je crains qu’on n’organise les gardes civiques que sur le papier. (Rumeurs.)
M. Rogier. - M. le ministre a dit que les peines de discipline étaient insuffisantes contre les gardes civiques ; je lui ferai observer que la loi punit, en certains cas, les gardes de la peine de la prison ; cette peine est plus qu’une peine disciplinaire.
- L’orateur ajoute quelques mots hors de la question relativement aux gouverneurs de province, et soutient que lui n’a cessé de demander au gouvernement l’organisation de la garde civique, des armes et des officiers. (Assez ! assez !)
M. le ministre des finances (M. Coghen) monte à la tribunal et présente un projet de loi, ouvrant un crédit de 10 millions de florins au ministre de la guerre pour le complément des dépenses du troisième trimestre et pour les besoins du quatrième trimestre de l’exercice de 1831. Il lit le projet et un tableau des objets dont il est nécessaire de faire l’acquisition pour l’armée ; le ministre termine en promettant de donner sous peu de jours à la chambre un état de la situation financière de la Belgique.
M. A. Rodenbach. - Je désirerais aussi que M. le ministre de la guerre nous donnât un état de l’emploi qui a été fait des 12 millions de florins que nous avons votés pour la guerre.
M. Legrelle demande que l’impression des projets de loi et autres, dont la chambre pourrait avoir besoin, soit mise en adjudication.
M. Barthélemy demande que cette proposition soit renvoyée aux sections comme celle de M. de Theux, pour être traitée simultanément.
- Cette proposition est adoptée.
Tous les projets présentés par les divers ministres seront imprimés et distribués, excepté le tableau lu par M. le ministre des finances dont, à la lecture de M. Raikem, il sera fait cinq copies à la main, dont un pour chaque section.
M. Liedts lit une lettre de M. F. de Mérode, élu dans plusieurs districts [à savoir Bruxelles et Nivelles], et qui déclare opter pour celui de Bruxelles.
M. Devaux. - Je profiterai de la présence de tous les ministres, pour leur faire observer qu’il serait utile de ne convoquer les collèges électoraux qu’à des jours différents, afin d’éviter de doubles élections, parce que, s’il fallait réunir les électeurs une troisième fois, il est probable qu’ils ne se rendraient pas aux collèges électoraux.
- La séance est levée à 2 heures.