D'Anethan Jules, Joseph, Dominique catholique
né en 1803 à Bruxelles décédé en 1888 à Schaerbeek
Ministre (justice, inérieur, guerre, affaire étrangères et travaux publics) entre 1843 et 1871 Représentant entre 1844 et 1848, élu par l'arrondissement de LouvainA) (Extrait de : E. TANDEL, Les Luxembourgeois ministres, dans Annales de l’Institut archéologique du Luxembourg, tome XXI, 1889, pp. 782-784)
(page 782) La famille d'Anethan, originaire de Trèves, s'établit au 18e siècle dans le pays de Luxembourg. F. F. de P. H. J. d'Anethan de la Trapperie, ex seigneur de Densborn, né à Luxembourg le 6 juillet 1743, haut-forestier de la province, Président du corps équestre de la province de Luxembourg et membre de la première Chambre des Etats-Généraux du royaume des Pays-Bas, membre de la Commission chargée de la rédaction de la loi fondamentale en 1815, mort le 10 mars 1824 au château de la Trapperie (Habay-la- Vieille), eut de son premier mariage avec B. P. de CassaI, deux filles et un fils ; celui-ci, Jacques Joseph Dominique, né à Luxembourg le 4 août 1769, devint Conseiller municipal à Bruxelles, conseiller de préfecture du département de la Dyle, intendant ou préfet de ce même département, conseiller d'état en 1816. Il épousa A. J. Verseyden de Varick dont il eut cinq enfants ; le troisième, le baron Jules Joseph d'Anethan, né à Bruxelles le 23 avril 1803, fut ministre de la Justice et président du Sénat.
C'est en raison de son origine luxembourgeoise que nous rappelons à cette place sa carrière.
Nommé, le 17 juin 1826, substitut du procureur du roi à Courtrai, il passa ensuite à Termonde et à Anvers ; le 24 février 1831 il arrive à Louvain comme commissaire du gouvernement près le tribunal de 1e instance ; en octobre 1832, il fut appelé à Bruxelles comme substitut du Procureur-général et, le 14 août 1836, il devint avocat-général près de cette même cour.
Le 16 avril 1843, sur la proposition de M. J.-B. Nothomb, M. d'Anethan reçut le portefeuille de la Justice qu'il conserva dans les deux ministères de Van de Weyer, en 1845, et du comte de Theux, en 1846. En 1844, il entra à la Chambre comme député de l'arrondissement de Louvain.
Du 19 juin au 30 juillet 1845, il fut chargé de l'intérim du ministère de l'Intérieur.
Le 12 août 1847, il quitta le pouvoir qu'il devait reprendre en juillet 1870 pour l'abandonner en novembre 1871. Il avait été chargé de la formation du ministère et s'était réservé le département des affaires étrangères qui allait prendre cette année là une importance considérable.
(page 783) N'ayant plus obtenu le renouvellement de son mandat dans l'arrondissement de Louvain, il posa sa candidature comme sénateur à Thielt, le 3 août 1849, arrondissement qui lui resta toujours fidèle.
En 1856, le roi le nomma Ministre d'Etat ; en 1866, Léopold II le chargea d'aller annoncer au roi de Hanovre la mort de Léopold 1 et son propre avènement au trône ; en 1869, le sénat le porta à la vice-présidence et, en 1884, à la présidence. Le 10 novembre 1885, l'état de sa santé le força à décliner l'honneur d'être de nouveau porté à la présidence et, en juin 1888, il donna sa démission de sénateur ; le 8 octobre de la même année, il s'éteignait doucement et sans souffrance.
Il était Grand-Cordon de l'ordre de Léopold, de l'Ordre des Guelfes, du Christ de Portugal, des ducs d'Anhalt, de la Rose du Brésil et de la Croix du Sud.
M. d'Anethan s'était signalé par la rédaction et la révision de nombreuses lois, principalement :
- Loi sur le domicile de secours, 18 février 1845.
- Loi prescrivant un nouveau mode de sanction et de publication des lois et arrêtés. 28 février 1845.
- Augmentation du traitement des membres de l'ordre judiciaire. 1845.
- Loi relative à la nomination des juges de paix et à leur inamovibilité. 26 février 1847.
- Répression des outrages envers la personne du Roi et la modification de certaines dispositions de la loi sur la presse et du code d'instruction criminelle. 6 avril 1847.
- Loi sur les circonscriptions cantonales. 8 mai 1847.
Outre de nombreux articles dans le Courrier de Louvain, dans la Revue de Belgique, mais surtout dans le Journal de Bruxelles, M. d'Anethan a écrit plusieurs brochures sur certains points juridiques et politiques, notamment :
- Existence légale des institutions charitables créées par des particuliers. 1849.
- Des droits et des devoirs des congrégations hospitalières de femmes. 1849.
- Un mot sur quelques idées émises par le libéralisme exclusif en matière de charité. 1849.
- Les arrêtés qu'invoque M.de Haussy en matière de bienfaisance. 1849.
- La charité est-elle libre en Belgique 1851.
- Examen sommaire du projet de loi sur la charité, présenté par M. Nothomb. 1856.
- Constitution des partis. 1859.
- La politique ministérielle et les griefs de l'opposition. 1862.
- Examen du budget de la Justice. 1849.
- (page 784) Situation de la Belgique comparée à celle de la France en 1830-1848. 1858.
« Depuis 1847, dit son biographe anonyme, il fut un des leaders du parti catholique, un des plus actifs et des plus zélés ; pour énumérer tous ses actes, il faudrait citer les Annales Parlementaires ; pas une discussion importante n'avait lieu sans que son opinion modérée, son esprit conciliant ne se manifestât.
« Bien que très-ferme et très-arrêté dans ses idées religieuses, il était assez indépendant et à différentes reprises il se sépara de la droite et entraîna plusieurs amis dans son vote : ce qui lui valut souvent une polémique assez vive de la part du Bien Public, du Courrier de Bruxelles, etc., car, en somme, sa politique avait une certaine nuance de libéralisme, mais d'un libéralisme relatif.
« Quand le Bien public traita la constitution de tombereau d'ordures, le baron d'Anethan se constitua le défenseur des libertés constitutionnelles et repoussa toute solidarité avec ceux qui les insultaient.
« Dans d'autres occasions, il put encore montrer son indépendance ; ainsi, dans la question des cimetières, il tint tête à l'Episcopat belge en revendiquant le droit de chercher sans lui la solution de cette importante question.
« (…) Comme orateur, le Baron d'Anethan n'était pas précisément éloquent, mais s'il ne faisait pas des discours à effet, toujours son bon sens et la rectitude de son jugement le faisaient écouter et excitaient le respect même de ses adversaires. »
A sa mort, on put lire dans l'Indépendance belge :
« Le sentiment qui nous domine est celui d'un deuil sincère, le baron d'Anethan était une personnalité de première place ; un homme dont les talents font honneur au pays, un esprit d'une distinction peu commune, bien que dans son parti même on pût citer des rivaux qui peut-être le distançaient (…)
« C'est avec respect, et non sans émotion, que nous saluons la tombe qui se creuse pour l'homme de mérite, pour le patriote éprouvé, pour l'un des principaux chefs du parti que nous combattons.
(Extrait de : A. COSEMANS, dans Biographie nationale de Belgique, tome XXIX, 1956-1957, col. 93-96)
d’ANETHAN, Jules-Joseph, baron, homme d’Etat, né à Bruxelles le 23 avril 1803, y décédé le 8 octobre 1888.
Appartenant à une famille luxembourgeoise, fils de Jules-Joseph-Dominique, président du corps équestre du Luxembourg et à l’époque hollandaise, et d’Apolline-Josephine Versyden de Varick, J.-J. d’Anethan termina ses études de droit à l’Université de Louvain en 1824 et entra, après un court passage au barreau de Bruxelles, dans la magistrature dès 1826 comme substitut près le tribunal de Courtrai ; ensuite il fut nommé successivement substitut, puis juge d’instruction à Termonde et à Anvers, procureur du Roi à Louvain, substitut du procureur général en 1832 et avocat général près la cour d’appel de Bruxelles en 1836. Le 16 avril 1843 il débuta dans la carrière politique comme ministre de la justice au sein du cabinet unioniste de J. Nothomb, jusqu’à la démission de celui-ci le 19 juin 1845. A partir de 1844 il représenta l’arrondissement de Louvain à la chambre des représentants. Il est du 19 juin au 30 juillet ministre ad interim de l’intérieur dans le même cabinet, et à partir de cette dernière date, ministre de la justice dans le cabinet Sylvain van de Weyer ; il assuma aussi les fonctions de ministre de la guerre pendant le mois de mars 1846. A la démission du gouvernement van de Weyer le 31 mars 1846, le Baron d’Anethan entra en qualité de ministre de la justice dans le cabinet catholique de Theux de Meylandt, jusqu’au 12 juin 1847. A partit de 1849 il représenta l’arrondissement de Tielt comme sénateur, charge qu’il assumera jusqu’en 1888. En 1856 Léopold Ier lui conféra le titre de ministre d’Etat.
A la suite des élections partielles du 14 juin 1870 et de la retraite du gouvernement Frère-Orban le 2 juillet suivant, d’Anethan constitua le gouvernement catholique qui eut à résoudre les nombreuses difficultés résultant de la guerre franco-allemande, du statut de neutralité de la Belgique, et de la constitution du royaume d’Italie, tâche dont le gouvernement, bénéficiant d’ailleurs d’une trêve des luttes politiques, s’acquitta avec tact et modération. Le chef du cabinet, titulaire du ministère des affaires étrangères, jouissait de la confiance de Léopold II. Mais deux de ses ministres, Cornesse et Jacobs, s’étaient compromis aux yeux du roi par leurs violentes campagnes anti-militaristes. Quand l’ancien ministre de Decker, qui avait été mêlé à l’affaire Langrand-Dumonceau, fut nommé gouverneur du Limbourg, nomination suivie de l’interpellation de Bara du 22 novembre 1871 et de graves désordres à Bruxelles et en province, le souverain révoqua le gouvernement le 1er décembre suivant, et le remplaça par un cabinet de Theux. De 1880 à 1885, d’Anethan fut président du Sénat. Comme ministre et comme sénateur il s’est intéressé à la solution des multiples problèmes posés devant le parlement et devant l’opinion publique : l’enseignement, le temporel des cultes, la bienfaisance, les fondations pieuses, les cimetières, l’extension du corps électoral par l’abaissement du cens provincial et communal ; seule cependant cette dernière réforme put être menée à bonne fin. Toujours il a défendu sa politique et ses convictions avec fermeté et un désintéressement complet, mais aussi avec une grande indépendance d’esprit, allant même jusqu’à une désapprobation des opinions de l’épiscopat, notamment dans les questions de la sécularisation des cimetières et de la reconnaissance du gouvernement italien issu de la révolution de 1870 et de la conquête de Rome. Fort écouté dans les débats parlementaires souvent passionnés, il est aussi l’auteur de multiples articles, au style concis et convaincant, parus dans le Journal de Bruxelles. Mais sa sagesse est toujours restée pratique : le baron d’Anethan était doué d’un sens aigu des possibilités. Unioniste sincère, formé à l’école de 1830, il a pourtant contribué largement à l’organisation du parti catholique, rendue nécessaire et inévitable à la suite de l’accentuation des revendications libérales, sous la conduite d’hommes nouveaux comme Frère-Orban, Bara et Janson. Il a partagé les idées de son époque : il était opposé à l’instruction populaire et au progrès social, mais partisan de la charité privée qu’il a pratiquée généreusement, tout au long d’une carrière toute de dévouement à la chose publique et d’amour pour son pays. Le titre de baron lui avait été conféré par lettres patentes du 15 février 1840.