Van Hoegaerden Paul, Victor, Marie libéral
né en 1858 à Bruxelles décédé en 1922 à Harre
Représentant entre 1892 et 1922, élu par l'arrondissement de Liège(Extrait de La Meuse, du 25 juillet 1922)
Mort de M. Paul Van Hoegaerden, ministre d'Etat, député libéral de Liége
Nous apprenons une nouvelle qui surprendra douloureusement tous les Liégeois : M. Paul Van Hoegaerden, ministre d'Etat et député, est mort, lundi matin, dans sa propriété de Harre.
Depuis un certain temps, l'éminent homme politique donnait des signes de fatigue. Mais le travailleur acharné qu'il était se refusait à interrompre son labeur, si bien que les médecins lui ordonnèrent du repos. II alla dans le Midi et en revint mieux portant. Mais le mal implacable qui le minait finit par avoir raison de sa robuste constitution.
C'est une perte immense pour le pays et pour le parti libéral. Car Paul Van Hoegaerden était un patriote ardent qui ne cessa de donner à son pays les preuves les plus magnifiques de son dévouement. On le vit bien pendant l’occupation, quand il mit sur pieds avec ses admirables dons d'organisateur, l'œuvre du Comité provincial de Secours et d'Alimentation.
Sa maison particulière était transformée en un vaste bureau où de tous les coins de la province on venait chercher de l'aide et du réconfort. Sans s'occuper de l'ennemi, il alla droit son chemin et accomplit une œuvre tout fait remarquable. Sans doute, le travail gigantesque qu'il accomplit alors n'était pas étranger à l'issue fatale que nous déplorons aujourd'hui. Paul Van Hoegaerden ne connaissait pas le repos. Toute sa vie fut absorbée uniquement par le travail.
Est-il besoin de dire les qualités précieuses qui en faisaient un industriel de premier plan ? Ingénieur et avocat, Paul Van Hoegaerden était à la tête des affaires les plus importantes et son intelligence pénétrante, son coup d'œil, son activité y faisaient merveille.
Libéral ardent, il joua dans notre politique un rôle décisif et l'on peut dire qu'il fut un des promoteurs les plus agissants de la reconstitution de l'Union libérale dans l'arrondissement de Liége.
Toujours sur la brèche, on le rencontrait partout où l'on avait besoin de lui. Il menait la propagande avec une véritable fougue et tous ceux qui ont travaillé avec lui au moment des élections ont pu apprécier la force de son esprit, son infatigable entrain et sa bonne humeur. Car cet homme, rempli de préoccupations absorbantes, gardait, au milieu de son labeur écrasant, le sourire qui encourage et le bon mot qui réconforte.
Paul Van Hoegaerden était né à Bruxelles le 17 octobre 1858. Il fut nommé conseiller provincial en 1888 ; puis il entra à la Chambre jusqu'en 1895. Il fit ensuite, pendant peu de temps, partie de la Haute-Assemblée et il reprit son mandat à la Chambre, où il tenait une place prépondérante ; ses avis étaient très écoutés et ses interventions dans les questions industrielles étaient toujours marquées au coin du bon sens.
La dernière fois qu'il parla en public à Liége. ce fut lors de la cérémonie de réouverture des cours académiques de notre Université, en novembre 1921. II y fit un discours au nom du ministre des Sciences et et des Arts et remit à M. le pro-recteur Eugène Hubert, aujourd’hui ministre, la plaque de grand-officier de l'Ordre de Léopold.
Nous l'observions pendant ce discours et nous nous rendîmes compte de l'effort énorme qu'il s'imposait. Un moment, il dut s'adosser contre la tribune : ses forces le trahissaient. Mais il se raidit contre la douleur et il continua son discours. C'était un homme et c'était un caractère. C'était aussi un cœur généreux auquel on ne faisait jamais appel en vain.
Le pays perd en lui un citoyen d’élite, le parti libéral un de ses plus vaillants soldais.
La Meuse rend un hommage ému à la mémoire de cet homme qui fut un exemple d'intelligence, d'action, de travail et de haute probité.
(Extrait de La Meuse, du 26 juillet 1922)
La mort de M. Paul Van Hoegaerden, ministre d'Etat, député libéral de Liége
Lundi matin, une des forces agissantes du pays de Liége s’est brusquement éteinte. M. Paul Van Hoegaerden, député, ministre d'Etat, est mort à Harre. aux confins de l'Ardenne. parmi le charme austère d'un paysage âpre. comme le fut l’activité de l’homme.
Ses premiers mandats
Liégeois d'adoption, il était né en 1858. Il était fils de l'ancien gouverneur de la Banque Nationale. Sa famille avait marque déjà dans les sphères économiques à Bruxelles, à Gand et dans le Brabant wallon, où l'un de ses frères s'était fixé à Ohain.
Docteur en Droit, il vint s’établir à Liége et son mariage avec la fille de Frédéric Braconier. sénateur libéral. l'introduisit dans le monde politique et industriel de notre région.
Très vite, il s'y fit une place importante. C'était l'heure où le dernier ministère libérai luttait pour la création de l’enseignement officiel. où la crise révisionniste mettait aux prises Paul Janson et Frère-Orban.
De ces temps de début, Paul Van Hoegaerden garda l’empreinte ineffaçable.
Individualiste et réaliste, il fut foncièrement hostile au socialisme sous toutes ses formes, se méfiant des utopies et des aventures. il restait fidèle à l’idéal manchestérien, bien que rallié à certaines réformes que rejetait l'orthodoxie classique.
Mais, des années de la lutte scolaire, il avait retenu un ferme attachement à l'école officielle et, fidèle à la tradition de Frère-Orban, il ne sacrifia jamais à des intérêts matériels son idéal philosophique.
Les débuts
C’est au Conseil provincial que, dès 1888, M. Van Hoegaerden fit. ses débuts. Après un poll très disputé (comme tous ceux où il fut mêlé), il entra dans cette assemblée et fut vite au premier rang de la majorité libérale.
Quatre ans après, il était élu à l'un des nouveaux sièges de la Chambre et prenait place à la Constituante, sur le banc de Frère-Orban.
Des onze députés liégeois d'alors, trois seulement: MM. Jeanne, Halbart et Van Marcke survivent à cette heure.
Le jeune député fut mêlé aux multiples négociations d’alors : il s'entremit entre son groupe et le président, M. de Lantsheere, pour réaliser le vote capacitaire. II vota contre la proposition Nyssens, qui institua ce suffrage bâtard, que la célèbre « Brochure grise » qualifia : Vote plural. vote rural. vote clérical.
Le nouveau régime l'écarta du Parlement où il avait fait de brillants débuts.
Avant la guerre
L'activité dévorante qui fut la caractéristique de cet homme ne se pouvait contenter de ce repos. Grand industriel, il dirigeait les charbonnages du Horloz ; il était administrateur de nombreuses sociétés ; partout il apportait son sens des affaires, son esprit entreprenant, son goût de l’autorité et des responsabilités.
L’Union des Charbonnages, Mines et Usines, la Bourse industrielle trouvèrent en lui un président remarquable et la Chambre de Commerce un actif collaborateur.
Les œuvres scolaires eurent en Paul Van Hoegaerden un défenseur obstiné.
Fondateur du « Cercle Laurend », président effectif ou président d'honneur de nombreux groupements, dont le « Patronage laïc d'Agimont », il était. en outre. depuis 1892, vice-président du « Vestiaire Libéral. »
En 1900 et 1908. il accepta des candidatures de sénateur suppléant. En 1912. la mort d'Emile Dupont lui ouvrit les portes de la Haute Assemblée ; il y fit un court séjour, marqué de brillantes interventions.
Président à de multiples reprises de l'Association de l'Union libérale, il fut un chef énergique. propagandiste infatigable, honoré souvent d'obstructions socialistes et de dénigrements cléricaux.
A la veille de la guerre, il fut élu député, remplaçant M. Van Marcke.
Il mena une active campagne, dénonçant les dangers de l’imprévoyance militaire et fiscale du parti clérical. Les événements lui donnèrent tragiquement raison.
Les années tragiques
Au lendemain de l'invasion, dans le grand désarroi économique, quelques hommes se mirent à la tâche pour sauver le pays du désastre total.
A la tête de ce groupe, Paul Van Hoegaerden dirigea dans notre province le Comité de Secours et d’Alimentation et toutes les œuvres qui en dépendaient.
Jamais il ne déploya plus d'éminentes qualités : ordre, méthode, labeur acharné, énergie hautaine. II tint tête à tout, dirigea un personnel improvisé et mérita largement la reconnaissance de tous. Ses collaborateurs de tous les partis lui en rendirent témoignage public. II fut, en ces heures troubles. un bon serviteur de la nation. un exemple de patriotisme agissant et d'optimisme réalisateur.
Les dernières années
A l'armistice, nommé ministre d'Etat, il rentra au Parlement. Très vite il s'affirma. Son éloquence l’emporte-pièce, ses interventions multipliées l'imposaient aux plus hostiles. Il connaissait à fond les budgets, les examinait en professionnel et, sans trêve, crevait les baudruches des bureaux ministériels. Sans illusions. mais sans défaillances, il défendait ce qu’il croyait le bien du pays.
L'unité rectiligne de sa politique, en dépit d'une certaine rugosité. en imposait à tous les partis et ceux mêmes, très nombreux, qui souvent différaient d'avis parmi les libéraux. rendaient hommage à sa probité et sa sincérité.
Réélu en 1919 et en 1921 vice-président de la gauche libérale, il collabora aux congrès du parti. Il y apporta des dispositions conciliantes qui se manifestèrent aussi lors de la réorganisation du parti dans notre arrondissement.
S'il ne partageait pas toutes les tendances des générations nouvelles, du moins les admettait-il.
Son dernier discours parlementaire fut prononcé contre l'accord belgo-luxembourgeois.
La dernière fois qu'il parla en public à Liége, ce fut lors de la cérémonie de réouverture des cours académiques de notre Université, en novembre 1921. II y fit un discours, au nom du ministre des Sciences et Arts et remit à M. le pro-recteur Eugène Robert, aujourd’hui ministre, la plaque de l'Ordre de Léopold.
Nous l'observions pendant ce discours et nous nous rendîmes compte de l'effort énorme qu’il s’imposait. Un moment, il dut s’adosser à la tribune ; ses forces le trahissaient. Mais il se raidit contre la douleur et il continua son' discours. C'était un homme et un, caractère. C'était aussi un cœur généreux auquel on ne faisait jamais appel en vain.
Au lendemain du vote de l'accord belgo-luxembourgeois, il dut partir pour le Midi. Déjà la mort guettait ce lutteur.. On lui prescrivit le repos.
Lui sentait bien que le repos c’était la fin.
Il fit une courte réapparition au Parlement, salué amicalement par ses collègues, qui espéraient encore.
Puis il s'en fut là-bas à Harre. loin du mouvement. Ses enfants. Mme la baronne de Rosen et M. Jacques Van Hoegaerden-Trasenster n’étaient pas sans inquiétudes et ses fidèles (il eut autour de lui quelques dévouements passionnés) s'effrayaient de le savoir condamné à l’inactivité.
Elle n’a pas en le temps de venir.
Après Warnant, Dupont, Neujean, voici que disparaît l'un des derniers lieutenants de Frère-Orban.
Wallon d'adoption, soldat infatigable de sa cause, l'homme autoritaire et volontaire que fut Paul Van Hoegaerden emporte avec lui le salut respectueux et attristé de tous les libéraux.
Avec lui. c'est une époque, non dépourvue de grandeur, qui s'efface dans l’ombre du passé.
M. Van Hoegaerden était commandeur avec rayure d’or de l’ordre de Léopold, titulaire de la Médaille civique 1914-1918 de première classe, de la Croix civique pour services dans la garde civique (il commanda durant de longues années le corps spécial des chasseurs-éclaireurs). Il portait également la Médaille commémorative de Léopold II.
Il était, en outre, officier de la Légion d'Honneur et de la Couronne d'Italie.
(Extrait du Peuple, du 25 juillet 1922à
M. Paul Van Hoegaerden est mort.
Le député doctrinaire de Liége est mort lundi matin, dans sa propriété de Arre, au nord de la province de Luxembourg. II était né à Bruxelles en 1858. Il était docteur en droit et se lança tout de suite dans les grandes affaires et dans la politique.
II s'occupait d'un tas de choses, étant administrateur de près de vingt sociétés industrielles, depuis les charbonnages et les fabriques de fer jusqu'aux tissages, aux fabriques d'accessoires pour chapellerie et à la société des wagons-lits.
II avait au plus haut degré l'esprit d'entreprise; il était d'une activité dévorante ; il était censeur à la Banque nationale et administrateur à la Caisse d'Epargne.
Il entra, en 1888, au conseil provincial de Liége, puis siégea à la Chambre jusqu'en 1895. Après un court passage au Sénat, il rentra à la Chambre, s'imposant en quelque sorte à l'Association libérale de Liége.
C’était un autoritaire, imbu des principes du libéralisme ; il n'hésita jamais à prendre contre nous les attitudes les plus nettes ; il fit condamner jadis notre camarade Smeets et saisir son indemnité parlementaire.
II fut pendant la guerre le chef, pour la province de Liége, des services de secours et d'alimentation. II faut lui rendre cet hommage qu'il s'y dévoua en entier, et sans compter. Malheureusement, il se figurait toujours un peu vite avoir assez fait pour les pauvres gens. C'était tout son tempérament ! hostile à l'interventionnisme, hostile à la pension gratuite, hostile aux huit heures, hostile aux commissions paritaires, hostile à toutes les tendances modernes.
Mais à l'inverse de beaucoup d'autres, il le disait carrément ; il était très combatif ; et chose rare, on pouvait lui répondre avec force, avec violence même, il n'en gardait pas rancune et l'instant d'après était capable d'être à votre côté pour vous appuyer dans maint ordre d'idées.
C'est l'un des rares survivants de l'époque de Frère Orban qui disparait. II manquera au Parlement.
Voir aussi : HONEST D. Paul Van Hoegaerden, Liège, 1932