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Richald Louis (1838-1897)

Portrait de Richald Louis

Richald Louis, Joseph libéral

né en 1838 à Namur décédé en 1897 à Bruxelles

Représentant entre 1892 et 1894, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(Extrait du Peuple, du 27 juin 1897)

M. Louis Richald, ancien député de Bruxelles, est mort samedi matin, à 11 heures, d'une cruelle maladie dont il souffrait depuis longtemps, le cancer des fumeurs.

On sait que M. Louis Richald a pris une part très active à nos luttes politiques. II fut parmi la bourgeoisie un des premiers défenseurs du suffrage universel, à l’époque où il y avait quelque audace et du mérite à oser afficher des idées démocratiques.

Démocrate, il le fut ardemment et, au conseil provincial, comme au conseil communal de Bruxelles, comme à la Chambre, les droits politiques des travailleurs furent toujours énergiquement défendus par lui.

On connaît sa compétence en matière financière C'est lui qui dénonça au conseil communal dé Bruxelles les fameuses émissions de l'Argentine. Son discours eut du retentissement dans le pays. Son livre sur les « Finances communales » est des plus remarquables.

Depuis plusieurs années, M. Richald présidait l'Union du Crédit, où il réalisa d'utiles réformes, notamment en faveur du personnel.

Lorsque sous le régime censitaire, nous luttions pour avoir une représentation spéciale au conseil communal, M. Richald fut parmi ceux qui réclamèrent une place spéciale pour les travailleurs socialistes sur la liste de l'Association libérale.

Ces temps semblent loin déjà, tant les événements se succèdent avec rapidité. A cette époque surtout, il fallait un réel courage aux hommes de la bourgeoisie qui luttaient contre les privilèges de leur propre classe.

Quand on veut juger impartialement un homme, il faut le voir dans son milieu, dans son temps, avec l'éducation qu'il a reçue. A ce point de vue, M. Richald mérite tous les hommages de la démocratie.

Dans la vie privée, il était d'une grande amabilité. II était aussi des plus serviables. Si tous ceux qu'il a obligés suivent son cercueil le cortège sera très long !

M. Louis Richald fut un de ceux qui contribuèrent largement à appeler la classe ouvrière à la vie politique. Les travailleurs se découvriront respectueusement devant sa tombe.


(Extrait de La Réforme, du 27 juin 1897)

Un deuil bruxellois

Louis Richald vient d’expirer, après une longue et implacable maladie ; son agonie a commencé jeudi matin. La mort d ce vaillant, dont l’existence n’a été qu’un sacrifice continu à la chose publique, impressionnera douloureusement la population de Bruxelles et du pays.

Si populaire à Bruxelles et considéré comme l’élu par excellence du commerce local, Louis Richald était cependant Namurois et il avait conservé dans sa ville natale beaucoup de relations et de sympathies.

Il vint à Bruxelles pour entre comme commis dans les bureaux de la Cour des comptes où il fit son apprentissage financier et acquit cette compétence technique dont il donna tant de preuves plus tard dans l’administration et les assemblées. En même temps, il faisait son apprentissage commercial en dirigeant un magasin d’outils et objets en fer, rue des Pierres.

De là sa double activité qui le porta, par le libre suffrage de ses pais et de ses concitoyens, d’une part à l’hôtel de ville et à la Chambre, de l’autre à la présidence de l’Union du Crédit, la banque du commerce bruxellois.

Louis Richald fut conseiller communal de Bruxelles de 1879 à 1895 ; il fut conseiller provincial pendant de longues années ; il fut membre de la Chambre des représentants ; administrateur de l’Union du Crédit dès 1884, il fut président en mars 1894.

Une délégation du Conseil provincial vint lui offrir une place au sein de la députation permanente du Brabant. Le gouverneur fit auprès de lui une démarche personnelle pour le déterminer à accepter ; mais Richald refusa obstinément, parce que ces fonctions étaient incompatibles avec celles de conseiller communal, et qu’il n’entendait point abandonner ces dernières fonctions qui lui permettaient d’être utile dans une plus large mesure à ses chers concitoyens.

Au Conseil communal, où il fut pendant plus de quinze ans le chef de l’opposition progressiste, il a rendu d’incomparables services par son contrôle vigilant de la gestion des deniers publics, sa critique impitoyable des budgets du collège équilibrés par des bonis à la Beernaert, ses campagnes pour les réformes qui sont maintenant les unes accomplies, comme l’abaissement du prix du gaz, les autres inscrites au programme des progressistes et des ouvriers. On se rappelle encore ses courageuses révélations des scandales de la ferme des boues, la part qu’il prit à la lutte contre la conversion, les piquants détails qu’il donnait pendant la dernière campagne électorale sur les travaux prodigieux exécutés aux fenêtres de la Bourse. Car sa verve et sa bonhomie égalaient sa compétence et lui permettaient de populariser par des traits amusants les colonnes de chiffres qu’il avait alignés. Il n’est pour ainsi dire aucune branche de l’administration communale où il n’ait largement contribué à des réformes utiles, cherchant partout un peu plus de lumière et un peu moins d’arbitraire.

Faut-il parler de son dévouement comme conseiller communal ?

Il recevait volontiers ses électeurs ; son bureau ressemblait, de cinq à sept heures, à un cabinet d'avocat bien achalandé. Ses commettants se pressaient chez lui en foule.

Du ton bref t sec qu’on lui connaissait, il leur donnait des conseils, des avis ; les services qu'il a rendus sous ce rapport sont innombrables.

Il pensait que le conseiller communal devait avoir le souci de défendre au même titre les intérêts de ses concitoyens et ceux de la ville.

Pendant les quinze ans qu'il a occupé le siège de conseiller communal, jamais il n’a manqué à aucune séance du Conseil.

Il lui arrivait de prendre vacance, pour se rendre en Suisse (pays pour lequel il avait une prédilection spéciale et qu’il visitait au moins une fois l’an).

Immédiatement après la séance du Conseil, il se faisait envoyer la sténographie du discours financier qui avait été prononcé par l’un ou l’autre de ses collègues, et venait huit jours après réfuter, pendant des heures, ce discours par des considérations bourrées de chiffres irréfutables.

Son travail tant apprécié sur les pensions des employés et qui fut adopté par la Caisse d’épargne, par l’Union du Crédit, par la Banque nationale, l’avait occupé pendant de longs mois consacrés à un rude labeur, à d‘interminables calculs ; lorsqu’il constata que le résultat qu’il allait obtenir ne correspondait pas à ses prévisions, d’un mouvement nerveux et irréfléchi, il jeta au feu ses papiers, lesquels formaient un gros volume ; mais au même instant une inspiration heureuse les lui fit retirer du foyer et il constata alors qu’il s’était trompé d’une virgule et que ses prévisions étaient réelles. Il a toujours conservé les originaux, dont on peut voir encore les coins roussis et les feuillets léchés par les flammes.

Seule la majorité du Conseil communal ne voulut jamais adopter son système de pensions ; celui-ci, trop démocratique, rencontra toujours une oppositions systématique de la part du haut fonctionnarisme, qu’il n’avantageait pas suffisamment.

Aussi nul n’était-il plus populaire parmi les électeurs, parmi les employés de la ville, qui savaient sa serviabilité inépuisable. Il en était de même à l’Union du Crédit où il fut élu président après une lutte fameuse (son concurrent était Pierre Dustin) et où il rendit également d’innombrables services, qui lui valaient une étonnante popularité personnelle.

Aussi fallut-il la coalition de toute la presse libérale et pseudo-progressiste avec les vieux doctrinaire de la Ligue pour chasser de l’hôtel de ville, sous prétexte de réaliser une homogénéité absurde et impossible, ce vieux et fidèle serviteur de la cause populaire. Sa vie était si intimement mêlée à celle de la commune de Bruxelles que cet ostracisme immérité lui fut singulièrement sensible : c'est de là que date la maladie qui vient de l’emporter. On ne le vit plus aux réunions amicales qu'auparavant il fréquentait avec assiduité. La grotesque injustice dont les progressistes bruxellois étaient victimes à la première consultation communale du suffrage universel adultéré lui causa un chagrin qui développa rapidement les germes de sa maladie.

Pour la révision après l’élection de Demeur contre M. Goblet, en 1885, Richald avait donné le signal du ralliement autour de l’ Association libérale. II y fut longtemps membre des comités et s’il ne fut pas président, c'est qu’il ne voulut pas mettre sa candidature en compétition avec celle d'Eugène Robert.

Pour le suffrage universel, il fit vaillamment campagne et prononça au Conseil communal, à l’appui d’un vœu qui fut naturellement rejeté par les doctrinaires, un excellent discours qui fut publié en brochure et qu’on peut encore consulter avec fruit.

Lors de la seule élection où depuis treize ans Bruxelles se soit vu représenter par des libéraux, Louis Richald fut élu député à la Constituante. A l’Association, au milieu des compétitions ardentes, sa candidature ne fut combattue par personne ; d’un accord tacite

Elle s’imposait au même titre que celles des membres de l’ancienne extrême gauche progressiste.

A la Constituante, ce fut lui qui, avec Janson, donna le signal des acclamations en l’honneur du suffrage universel par lesquelles les députés progressistes, au grand scandale de la droite et des doctrinaires, accueillirent le discours du trône et couvrirent les cris de : « Vive le roi ! »

Richald n'est pas resté longtemps à la Chambre où bientôt il n'allait plus y avoir de place que pour les cléricaux et les socialistes ; il y a marqué son passage par d'excellents discours sur les questions financières, sur l’équilibre des budgets et l’amortissement, et surtout sa courageuse dénonciation de l’exploitation éhontée de l’épargne publique dans les emprunts argentins. Le retentissement de ce discours fut si éclatant que le gouvernement dut charger une commission spéciale d’élaborer un projet de loi – qui naturellement dort dans les cartons.

* * *

Richald était un travailleur infatigable. Il passait des nuits entières à compulser des documents et à aligner des chiffres.

Son arrivée à l’Union du Crédit marqua une transformation

Complète des services de cette puissante société. Il apporta dans l’exercice de ses nouvelles fonctions tout le zèle et toute la compétence que nous lui connaissons.

Il a démocratisé cette institution.

En 1891, les allocations du personnel s’élevaient à 219,000 fr. ; elles atteignaient, en 1896, 304,00 fr., soit une augmentation de 85,000 fr.

Les garanties du capital souscrit, qui, en 1878, représentaient 13,45 p. c. s’élevaient à 23.50 p. c. en 1895.

Richald introduisit aussi la « retenue spéciale », mesure d’une importance considérable, aujourd’hui appliquée dans toutes les banques d’escompte du pays et de l’étranger.

Autrefois, lorsqu’un sociétaire gêné, même momentanément, faisait de la circulation, l’administration révoquait sur l’heure le sociétaire, et, conformément aux statuts, exigeait le remboursement de toutes les valeurs en cours. C’était la faillite, la ruine, le déshonneur.

D’autre part, beaucoup de débutants, qui offraient toutes les garanties morales désirables, mais ne possédaient pas suffisamment de garanties matérielles, sollicitaient en vain leur admission. Richald institua des retenues spéciales de 1 p. c. ou de 2 p. c., donnant ainsi à cette dernière catégorie de commerçants des facilités d’admission, et il conservait les autres, les éprouvés, en leur appliquant de 3 à 5 p. c. de retenues sur leurs bordereaux. Il sauva pas là de la faillite 50 p. c. de ces malheureux.

Le montant des retenues de l’espèce s’élève aujourd’hui à près de trois millions. Les retenues spéciales sont intervenues à concurrence de 600,000 fr. dans les pertes depuis leur application.

* * *

Du savoir considérable de Louis Richald, de son expérience financière et administrative, il reste heureusement, en dehors de discours. deus véritables monuments : »L’Histoire des Finances publiques de la Belgique » et le traité sur les « Finances communales. » Le premier s'adresse surtout aux spécialistes et aux savants ; le second devrait être lu, étudié et médité par quiconque s'occupe d'administration communale. C’est une véritable encyclopédie en cette difficile matière, et dans bien des années encore, grâce à ce livre, Richald rendra de signalés services à ses concitoyens à qui il a donné une si large part d'une vie toute d'activité et de travail et qui perdent en lui un des plus utile et des plus laborieux serviteurs de la cause libérale et démocratique.


(Extrait de La Réforme, du 29 juin 1897)

Louis Richald. Souvenirs et hommages

Pas chevalier de l’ordre de Léopold

Rappelons que Louis Richald, en dépit des nombreux mandats qui lui avaient été alloués par le corps électoral, à la commune, au Conseil provincial et à la Chambre, n’état pas décoré de l’ordre de Léopold.

Quand on lui fit, au ministère, des ouvertures pour sa nomination de chevalier, alors qu’il était président de l’Union du Crédit, il se récusa modestement, désignant au choix du gouvernement un de ses collaborateurs, le plus ancien du personnel de l’Union du Crédit, M. Communaut.

Quand on lui parlait du ruban ponceau qui manquait à sa boutonnière, il montrait le ruban liséré de noir et de jaune de la décoration civique : « Celle-là m suffit, disait-il : je n’en ambitionne pas d’autre. »

L’hommage des douanier

Parmi les hommages nombreux qui nous parviennent à la mémoire du tant regretté défunt, nous reproduisons ces extraits d’une lettre que nous adressent des douaniers :

« La mort de M. Richald est une véritable calamité pour tous les petits employés de l’Etat en général et en particulier pour les douaniers. Les services rendus à la cause des petits par cet homme au cœur généreux sont inappréciables : c’est à ces magnifiques discours de 92 et 93 et à ses amendements au budget des finances des mêmes années que les douanier doivent leur minime augmentation.

« Les douaniers proclamaient avec raison M. Richald leur défenseur ; toute cause juste l’a toujours trouvé parmi ceux qui luttaient pour elle, et les humbles n’ont jamais en vain fait appel à son appui.

« Si nous, les progressistes bruxellois, nous disait-il à la veille des élections de 1894, restons à la Chambre, l’augmentation des douaniers sera sérieuse ; dans le cas contraire, ce sera une aumône. » Et il avait raison : le gouvernement trouve que l’aumône est encore trop forte, puisqu’il vient d’augmenter de trois francs par mois la retenue opérée mensuellement sur le traitement déjà si maigre du douanier au profit de la masse d’habillement ! »

Celui du personnel des trains

La rédaction du Chempostel et celle du Moniteur des Employés, viennent d’adresser au personnel une circulaire encadrée de noir, dont nous extrayons ce passage :

« Monsieur Louis Richald, ancien membre de la Chambre des représentants, se consacra avec un dévouement absolu à la défense des intérêts du personnel. Ses discours bien étudiés, d’une irréfutable logique, obtinrent un grand retentissement parmi tous nos collègues. Ceux-ci, et surtout le personnel des trains se souviennent que c’est à M. Louis Richald qu’ils doivent l’amélioration de la durée des services, la suppression du surmenage pourrait-on dire.

Le personnel tout entier, sans distinction d’opinion ni de classe, considérera comme un devoir d’assister aux funérailles du regretté défunt.

Nous convions nos collègues à se réunir, en tenue, mardi 29 juin, à quatorze heure (deux heures de relevée) à l’Hôtel de l’Europ, avenue Fonsny, 9 pour se rendre en corps aux funérailles de celui qui fut parmi leurs plus énergiques défenseurs.

Le Moniteur des Employé et le Chempostel déposeront une couronne sur la tombe du regretté défenseur du personnel.

Acte de désintéressement

Nous tenons à rappeler l’acte de rare désintéressement par lequel Richald a débuté dans la présidence de l’Union du Crédit.

On sait que le traitement du président de cet important établissement financier est porté à 18,000 fr. Or, Richald, à peine élu président, déclarait à une réunion du Conseil d’administration, qu’il entendait se contenter du traitement, très suffisant à ses besoins, de 10,000 fr., abandonnant les 8,000 francs ainsi disponibles aux petits employés de l’Union du Crédit.

Toujours riche

Du reste, Richald était très simple dans ses goûts.

Un de ses camarades d’enfance nous écrit : « - Je n’ai pas de besoins, me disait-il un jour, à la tavrne Guillaume, place du Musée, qu’il fréquentait naguère avec assez d’assiduité ; aussi suis-je toujours riche… ald ! ajoutait-il avec un sourire narquois et bon enfant.


(Extrait du L’Indépendance belge, du 27 juin 1897)

M. Richald, président de l'Union du Crédit, ancien conseiller communal de la capitale, ancien conseiller provincial du Brabant et ancien représentant de l'arrondissement de Bruxelles, est mort, samedi matin, à onze heures, à la suite d'une longue et douloureuse maladie.

II fut élu conseiller communal en octobre 1891, comme candidat de l'Association libérale et sous les auspices de l'union des gauches ; et perdit son mandat le 17 novembre 1895, la liste radicale, sur laquelle il était porté, n'ayant pas obtenu le quorum nécessaire à la représentation proportionnelle, partagée entre les libéraux, les cléricaux et les socialistes.

Son passage au Conseil provincial n'a pas laissé de souvenirs intéressants.

Elu représentant en juin 1892, bénéficiant de l'accord intervenu entre la Ligue libérale et l'Association, dans l'intérêt de la révision constitutionnelle, il resta pendant deux années membre de la Chambre.

Dans l’exercice de ces deux mandats, M. Richald fit preuve d'une grande activité tant comme debater que comme politicien. li possédait un certain talent de parole, caractérisé surtout par une étonnante volubilité, et aussi, quand la passion politique l'animait, ce qui lui arrivait souvent, par une âpreté grinçante, trop étudiée pour être entrainante.

Sa compétence était incontestable dans les questions financières et spécialement dans les questions de comptabilité. L'Académie royale de Belgique couronna, en 1884, son « Histoire des finances publiques de la Belgique depuis 1830 » et la publia dans la collection de ses mémoires in-4°. Il est également l'auteur d'un travail sur les pensions communales, publié en 1879.

M. Louis Richald était né à Namur en 1838.