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Peltzer Auguste (1831-1893)

Portrait de Peltzer Auguste

Peltzer Auguste, Guillaume liberal

né en 1831 à Verviers décédé en 1893 à Verviers

Représentant 1874-1892 , élu par l'arrondissement de Verviers

Biographie

(Extrait de L’Indépendance belge, du 21 mars 1893)

Auguste Peltzer

L’honorable sénateur de Verviers, M. Auguste Peltzer, victime d'un déplorable accident, a succombé dimanche à minuit aux suites des blessures graves qui, dès mercredi soir, l'avaient laissé sans connaissance. Ni sa robuste constitution, ni les efforts de la science, n'ont pu réagir contre les altérations qui inspiraient à sa famille les plus vives appréhensions. La consternation est profonde à Verviers, ainsi qu'en témoigne la dépêche que nous adresse notre correspondant particulier de cette ville :

Augusto Peltzer était une grande figure verviétoise, une personnalité marquante, un vrai caractère, un travailleur infatigable, un chercheur jamais satisfait.

Avec le concours de son frère ainé, Edouard Peltzer, il avait donné à la maison de son père, déjà puissante, une importance grandiose, de tout premier ordre. Chaque année de nouvelles usines s'élevaient dans tous les quartiers de la ville, où l'établissement Peltzer occupe plus de 2,000 ouvriers à Verviers. Ses établissements russes sont également considérables. Leur chef était incontestablement le premier des industriels du pays de Verviers, non seulement par l'importance et le nombre de ses manufactures, mais par son talent technique. En industrie, Peltzer était un véritable savant.

La splendide « avenue Peltzer » rappellera toujours le souvenir son activité exceptionnelle et de son généreux dévouement aux intérêts publics. C'est lui qui a créé dans la nouvelle ville un immense et superbe quartier, tout baigné d'air et de lumière et traversé de magnifiques boulevards, dont l'un porte son nom. On peut dire que, toutes proportions gardées, il a fait plus pour l'embellissement de Verviers que ne fit le baron Hausmann pour l'embellissement de Paris, d’autant qu'ici il a résolu le problème sans en appeler aux finances communales.

Très jeune Peltzer entra au conseil communal de Verviers, puis au conseil provincial de Liége ; pendant plusieurs années il siégea à la Chambre ; enfin, au mois de juin dernier il entrait au Sénat. Malgré sa préférence marquée le mandat de représentant, il l'abandonna pour permettre aux progressistes de présenter un candidat aux dernières élections. Ceux-ci n'oublieront jamais cet acte qui fut une preuve éclatante largeur de la largeur de ses vues conciliantes, de son attachement à l’union de toutes les nuances du libéralisme.

Protestant libéral de l’école du célèbre pasteur Th. Bost, son ami intime, il avait eu le courage, lui qui pourtant ne se piquait pas d'éloquence, d'affronter le grand publie pour donner,, il y a quelques années, des conférences dans la grande salle de l’Emulation, sur des sujets philosophiques et religieux et répondre ainsi à des attaques que lui avaient values ses convictions religieuses.

Auguste Peltzer s’intéressait activement à l’œuvre révisionniste, et l’on se rappelle qu’il soumit au Sénat une formule électorale que diverses observations lui fournirent l’occasion de développer dans vos colonnes.

Son influence politique à Verviers était celle d'un conseil écouté plutôt que d'un militant.

Mais c'est surtout le Verviers commercial et industriel qui subit ne perte sensible et irréparable. Auguste était considéré comme le premier citoyen de Verviers. L'homme n'avait pas un adversaire, et si le chef de famille était justement aimé et respecté des siens, ses vertus privées, de tous, ajoutaient à l'ascendant de l’homme public sur la population tout entière. C'est assez dire que le deuil est unanime.

Auguste Peltzer était âgé de 62 ans. Il était officier de l'Ordre de Léopold et de la Légion d'honneur.

M, Jean De la Hoese a peint son portrait, remarqué l'année dernière au Salon de Gand et cité notamment par L’Indépendance belge.

Le second fils d'Auguste Peltzer a épousé Hélène Graux, fille de l’honorable député de Bruxelles.


Auguste Peltzer, sénateur. Biographie, Verviers, Ernest Gilon, 1896

(page 9) Le décès d'Auguste Peltzer a vivement affecté la population verviétoise ; toute la ville fut consternée à la nouvelle du fatal événement.

Sous le coup de cette émotion, un comité s'est constitué pour rendre à la mémoire du regretté sénateur un suprême hommage en éditant l'histoire de sa vie et en répandant un portrait artistique destiné à orner la demeure (page 10) des Verviétois qui ont la religion du souvenir.

Ce comité lança un appel qui reçut un accueil empressé. Voici ce document ;

« Monsieur,

« Il est d'usage de perpétuer le souvenir des hommes utiles.

« Verviers doit en grande partie sa prospérité constante, sa renommée universelle à un savant industriel qui n'est plus, au sénateur Auguste Peltzer.

« Ses collègues, ses amis de l'arrondissement et de l'étranger, ses collaborateurs industriels, ses admirateurs et tous ceux qui l'ont connu, voudront propager l'histoire d'une vie qui fut un éloquent exemple de travail, de science et de dévouement.

« C'est faire œuvre de bien que de poser en modèle un tel caractère.

« La biographie d'Auguste Peltzer sera publiée en un volume de luxe, orné d'un portrait gravé sur acier et accompagné d'une grande lithographie, due au crayon du célèbre dessinateur Van Loo, de Gand.

(page 11) « Nous avons l'honneur de vous convier à participer à l'œuvre de juste reconnaissance à laquelle nous nous dévouons. »

[suivent les signataires, non repris dans la présente version numérisée].

* * *

(page 15) Auguste Peltzer est né à Verviers le 18 août 1831. Dès l'âge de neuf ans il fut placé, avec son frère Édouard, dans un pensionnat de Francfort-sur-le-Mein.

Au point de vue des principes, cet établissement était dirigé, par le docteur Stellwag, dans un esprit libéral, quoique l'atmosphère en fût religieuse.

Les élèves y recevaient une instruction solide et une éducation soignée.

Le régime auquel on les soumettait était rigoureux. Pour en faire des hommes robustes et à convictions énergiques, on les familiarisait avec tous les exercices (page 16) corporels : la gymnastique, la natation, le patinage, les marches forcées.

De plus, l'alimentation était très simple.

Ce genre d'éducation devait avoir pour conséquence de tremper fortement les caractères. Aussi retrouve-t-on chez Auguste Peltzer cette dureté pour lui-même, cette énergie corporelle et morale dont on avait cherché à pénétrer son esprit dans sa jeunesse.

Auguste Peltzer resta à Francfort jusqu'en 1847, époque à laquelle il entra à l'École centrale du Commerce et de l'Industrie de Bruxelles, alors dirigée par M. Lebrousse, un exilé français.

Dans le cours de ses études, tant à Bruxelles qu'à Francfort, il montra des dispositions toutes particulières pour les mathématiques, la mécanique et les sciences positives.

Aussi était-il bien armé quand, en 1849, il revint à Verviers pour s'initier à tous les détails de la fabrication et des affaires.

Il s'appliqua à cette nouvelle étude avec une persévérance, une obstination que rien ne rebutait, montrant, dès le début, les qualités maîtresses qui lui assurent une place si importante dans l'histoire de l'industrie verviétoise.

Très fréquemment, il se rendait aux ventes de laines de Londres et, en 1854, il entreprit même un voyage à Buenos-Ayres où la maison achetait, dès cette époque, ses laines directement à la source. Il visita les marchés de cette contrée et parcourut les estancias.

Il alla aussi au Paraguay et rentra en Europe par la ligne du Brésil, s'arrêtant à Rio-de-Janeiro, où la maison avait des relations d'affaires.

Ces voyages d'Auguste Peltzer et le soin qu'il apportait aux affaires journalières, étaient bien propres à (page 17) faire de lui un industriel et un commerçant de premier ordre.

La maison industrielle, actuellement connue sous la raison sociale Peltzer & Fils, a été fondée par Jean-Henri Peltzer qui, vers 1790, vint de Stolberg à Hodimont, où il s'établit comme teinturier sur cuves, pour devenir plus tard fabricant de draps.

Son fils, Édouard-Henri Peltzer, né en 1797, connu sous le nom de Henry Peltzer, lui succéda et eut une longue et brillante carrière ; en collaboration avec son associé Henri Lieutenant, il introduisit en Belgique l'article « nouveautés », importa les premiers « selfactors », transforma l'industrie drapière à la main en industrie mécanique, adopta la machine à échardonner et la machine à laver la laine, enfin, par l'emploi des laines de Buenos-Ayres, créa à Verviers le commerce si important des laines lavées.

C'est à l'école de ce novateur que se forma Auguste Peltzer.

Quand, en 1864, il fut appelé à diriger avec son frère, M. Édouard Peltzer, les vastes usines familiales, il sut se montrer à la hauteur de la tâche, et, continuant les traditions de son père, il développa et perfectionna l'industrie. Le plus important des journaux de la capitale a dit de lui : « En industrie, Auguste Peltzer était un véritable savant. »

Les faits justifient pleinement cette affirmation.

Aidé de son frère Édouard, Auguste Peltzer avait pris la direction de la maison Peltzer & Fils, d'une main ferme et à un moment où l'industrie était en pleine transformation. Il fallait savoir jeter pour du vieux fer des machines qui avaient toujours été considérées comme bonnes. Malgré la crise industrielle et (page 18) commerciale très intense qui sévissait, causée par la guerre d'Autriche, la maison Peltzer n'hésita pas à dépenser des capitaux énormes pour mettre l'outillage à la hauteur des nouveaux progrès accomplis.

Quoique le malaise, qui avait continué pendant les années 1867 et 1868, se fût accentué en 1869, époque où la valeur de la laine a atteint le cours le plus bas, le découragement n'atteignit pas les chefs de cette puissante maison, qui se sentaient de force à lutter contre les circonstances adverses.

Enfin, après 1870, l'industrie verviétoise rentra dans ses conditions normales, et la victoire appartint aux mieux outillés.

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Auguste Peltzer ne s'en tint pas aux modes de fabrication existants. Toujours en quête de perfectionnements, il entrevit bientôt le brillant avenir qui était réservé à une branche de la filature encore inconnue à Verviers, mais dont le succès s'affirmait à l'étranger.

Les étoffes en laine peignée étaient introduites sur tous les marchés, où elles rencontraient le meilleur accueil, faisant une concurrence désastreuse aux tissus de laine cardée, les seuls qui étaient produits dans notre centre. La transformation du matériel était impossible ; il fallait un outillage complètement neuf, des ouvriers spéciaux, une mise de fonds considérable.

On discutait sans aboutir. La mode se maintiendra-t-elle? disait-on. Les étoffes peignées ne passeront-elles pas avant l'installation des filatures? Et mille autres questions de ce genre se posaient, arrêtant les plus entreprenants. Il y allait cependant de l'avenir de l'industrie drapière, dont le centre se déplacerait si l'on hésitait plus longtemps.

(page 19) C'est alors qu'il fallut un homme d'énergie. Pendant que l'on tergiversait, que les peureux barraient la route, Auguste Peltzer, contre l'opinion de quelques-uns des spécialistes dont il aimait à prendre l'avis, agissait hardiment et jetait les bases des immenses usines de filature peignée qui forment aujourd'hui l'une des plus importantes parties de son domaine industriel.

Stimulés par son exemple, les plus hésitants entrèrent dans le mouvement, assurant ainsi à Verviers le maintien de son immense production.

Dans cette entreprise hardie, la maison Peltzer n'a pas craint de risquer toute une fortune pour assurer du travail à un grand nombre d'ouvriers sur lesquels rejaillissent les bienfaits d'un succès dignement acquis par un rude et persévérant labeur.

Certes, les savants industriels y ont trouvé profit ; mais on ne doit pas perdre de vue l'augmentation de bien-être que répand autour d'elle une importante industrie, en pleine floraison. Une armée d'employés, de chefs d'ateliers et d'ouvriers, sans tenir compte des fournisseurs de tous genres, sont fatalement solidaires de la prospérité ou du déclin d'une firme d'une telle puissance.

Verviers a vu sombrer trop d'entreprises que l'on croyait fondées sur le roc le plus résistant pour que la prospérité donnée par Auguste Peltzer à ses établissements ne soit pas justement appréciée par toute la population. Chaque Verviétois, chaque Belge, pourrait-on dire, a, par répercussion naturelle, par enchaînement économique, profité des talents industriels du novateur. La richesse d'un pays, sa gloire, sa force et sa grandeur sont l'œuvre des hommes (page 20) supérieurement doués qui se distinguent dans tous les domaines de l'activité sociale.

« Il y a, dans l'industrie, un monde savant, dit Jules Simon, et je suis plein d'admiration pour les grands industriels qui réunissent trois des plus grandes qualités humaines : la faculté scientifique, la faculté d'administration et la faculté du commerce. »

Auguste Peltzer fut un de ceux-là.

C'est en 1876 que le premier assortiment de laine peignée fut installé et bientôt, grâce à la classe ouvrière si intelligente, cette nouvelle industrie put concourir contre celle des régions où elle était installée depuis longtemps.

Aussi, sommes-nous certains de ne pas être contredits en affirmant que c'est principalement à l'industrie du peignage que doit être attribuée l'énorme augmentation de population dont s'enorgueillit Verviers.

Un simple chiffre indiquera l'importance des profits que la classe ouvrière retire de cette firme. Pour l'année 1892, le montant des salaires payés aux ouvriers des ateliers de Verviers seulement, s'est élevé à 1 973 505 fr. Une telle somme représente à l'esprit du lecteur les bienfaits incontestables qu'une grande industrie, sagement conduite, répand à profusion autour d'elle.

L'introduction de la filature de la laine peignée à Verviers a valu à la maison Peltzer & Fils une distinction de premier ordre : En 1880, la Société industrielle & commerciale a attribué à cette firme le prix Gouvy & Deheselle, d'une valeur de 6 000 francs, destiné, au vœu des fondateurs, à récompenser les découvertes, inventions ou applications scientifiques ou autres qui, pendant chaque période quinquennale, ont le plus contribué au progrès ou à la prospérité de l'industrie lainière de l'arrondissement de Verviers.

(page 21) Par ces innovations industrielles, Auguste Peltzer a semé le bien-être autour de lui et contribué, dans une large mesure, à l'amélioration matérielle du sort des travailleurs.

Et, en réalité, en un demi-siècle, il s'est fait, sous ce rapport, à Verviers, une transformation considérable, à laquelle ont concouru les efforts de tous, mais dont une grande part revient certainement à la maison Peltzer.

Aussi, ne semble-t-il pas hors de propos de rappeler ici les paroles que prononçait à ce sujet Auguste Peltzer lui-même, en 1888, lors d'une fête offerte à quatre de ses plus anciens collaborateurs :

« C'est pour l'ouvrier le plus modeste, que le progrès s'est fait peut-être le plus sentir ; il est mieux logé, mieux vêtu, mieux nourri, et l'instruction a fait un pas en avant des plus considérables.

» Y a cinquante ans di voci, nos auri stu cosi turto en sorot.

« La lutte pour le progrès doit se poursuivre ; car rien n'est stable en ce monde, et, là où il n'y a pas de progrès, là où il n'y a plus de lutte, il y a désordre, ennui et déchéance. »

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Pour terminer ce que nous avons à dire d'Auguste Peltzer comme industriel, nous ajouterons que ses immenses établissements de Verviers ne pouvaient épuiser sa surprenante activité. Aussi, alla-t-il fonder en Russie un second centre manufacturier dont l'importance égale presque celle de la maison mère.

Il faut également admirer ici cet esprit d'initiative et d'entreprise toujours en éveil, ne se rebutant pas devant des difficultés et des risques qui nécessitaient un nouveau déploiement d'énergie, tout absorbé qu'il (page 22) était cependant déjà par les nombreux soucis de la politique et de ses multiples occupations.

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En dehors des industries de la maison Peltzer, nous devons encore à Auguste Peltzer l'existence de l'important délainage de peaux de moutons implanté à Verviers.

Cet établissement, fondé par un petit groupe de négociants en laines, allait malheureusement être fermé, malgré l'esprit d'initiative et l'entente des affaires de ceux qui l'avaient créé, à la suite d'une crise intense de plusieurs années qui vint frapper l'industrie du délainage.

Se préoccupant du sort de centaines de familles qui allaient se trouver sans ressources, Auguste Peltzer n'hésita pas à reprendre l'établissement, d'abord en participation avec un membre de l'ancien groupe, M. Charles Centner ; ensuite, après une nouvelle période de malaise, il continua les affaires pour son propre compte.

Il restait persuadé que cette industrie devait trouver ses sources de développement dans notre centre lainier, et qu'en poursuivant l'entreprise avec soin et ténacité, elle finirait par marcher dans une voie prospère.

Là encore, il donna une nouvelle preuve des qualités maîtresses qui furent la caractéristique de toute sa vie : la persévérance et l'énergie.

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Nous venons de le voir, Auguste Peltzer brillait au premier rang dans le domaine de l'industrie : il avait le coup d'œil juste, savait discerner les entreprises qui réussiraient de celles qui étaient vouées à l'insuccès, achetait avec une sûreté de vue extraordinaire, fabriquait (page 23) en vrai technicien et possédait un don particulier pour ouvrir de nouveaux débouchés.

Tant et de si grandes qualités suffisent à perpétuer son souvenir et le désignent à tous comme un homme d'élite.

Mais l'industrie ne fut pas le seul aliment de sa vie. Ses hautes capacités le désignèrent à l'attention du monde politique, dont les sollicitations furent si pressantes qu'il dut y céder.

Il fit successivement partie du Conseil communal de Verviers, depuis 1864 jusqu'en 1887, du Conseil provincial de Liège, de 1871 à 1874, de la Chambre des Représentants, de 1874 à 1892, et il venait à peine d'être élu sénateur, en juin 1892, quand un fatal accident de voiture mit brusquement fin à sa belle et utile carrière.

C'est sous les auspices du parti libéral qu'Auguste Peltzer entra dans la vie politique et qu'il vit renouveler ses divers mandats pendant une période de près de trente ans.

Tout jeune, il s'était senti attiré par les idées de liberté sans lesquelles il ne voyait pas de progrès possible. Il avait compris que l'humanité, en possession de cette arme incomparable, surmonterait toutes les difficultés, franchirait tous les obstacles, et affirmerait puissamment sa volonté de marcher sans cesse en avant.

Il considérait la liberté comme un phare dont les multiples rayonnements, en éclairant le monde, stimulent les énergies, provoquent les initiatives, inspirent les dévouements.

Et en termes combien élevés il savait exprimer cette opinion !

« Je trouve, disait-il dans un discours à l'Association libérale le 19 mai 1878, je trouve des raisons d'être (page 24) libéral dans notre Constitution, qui décrète la liberté de conscience, de la presse, des cultes et qui veut que tous les pouvoirs émanent de la nation.

« En garantissant à chaque citoyen le droit de la pensée, nos constituants ont voulu donner à tout Belge le droit de se posséder lui-même et d'agir sous sa propre responsabilité ; ils savaient que la satisfaction de se conduire soi-même est le plus puissant levier du progrès et de la prospérité ; c'est aussi la plus haute prérogative dont Dieu a gratifié l'humanité et qui inspire les plus grands dévouements. »

« Si je suis avant tout dévoué à nos libertés, disait-il encore à la Chambre des Représentants le 7 mai 1892, c'est qu'elles stimulent les entreprises dans toutes les sphères de l'activité humaine ; elles provoquent le développement intellectuel et moral de l'individu ; grâce à elles, ce dernier assume des responsabilités en rapport avec les connaissances et l'expérience acquises ; on peut dire que l'intensité de la vie elle-même s'accroît au fur et à mesure que l'individu surmonte des difficultés nouvelles, qu'il assume de nouvelles responsabilités en connaissance de cause.

« Si toute difficulté, surmontée d'une façon satisfaisante ou paraissant seulement l'être à l'individu, ne portait pas dans ses flancs une satisfaction toute personnelle, il n'y aurait pas de progrès, il n'y aurait pas d'ambition. »

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Imbu de ces idées, Auguste Peltzer était un travailleur acharné, et il se faisait une haute idée de la nécessité du travail.

« On ne saurait concevoir l'humanité sans travail, (page 25) dit-il encore dans le discours dont nous venons de donner un extrait. Le fait seul de penser et de vouloir n'est-il pas le résultat d'un travail, et même du travail le plus important de tous ; car toutes les actions en découlent. Le repos lui-même, à moins qu'il ne soit le néant ou l'anéantissement, n'est-il pas bien plutôt un changement d'occupation, et l'homme qui est sensé ne rien avoir à faire, ne le voyons-nous pas souvent être le plus occupé du monde, tellement le travail, plus ou moins utile, est inhérent à l'homme ? »

« Par le travail, l'homme développe toutes ses facultés et peut franchir les distances qui le séparent des positions les plus élevées. Il lui faut, en outre, pour atteindre ce but, l'esprit d'initiative et le sentiment des responsabilités qui lui incombent. Certes, tous n'arrivent pas si haut ; mais tous puisent, dans ce triple ordre d'idées, une amélioration notable de leur sort et une satisfaction morale souvent plus précieuse que la satisfaction matérielle. »

Dans la vie de famille, dans ses relations d'amitié, dans ses rapports avec ses nombreux ouvriers, Auguste Peltzer aimait à développer cette idée, ou il y revenait complaisamment. Il répétait, dans toutes les occasions, qu'un effort, si modeste fût-il, élève la dignité de l'homme, et se montrait toujours disposé à aider ceux qui avaient fait preuve d'un tel effort.

C'est sa pensée dominante que chacun doit montrer de l'initiative et être pénétré du sentiment de sa responsabilité. On la retrouve dans tous ses discours, malgré la grande diversité des sujets traités et des circonstances qui motivaient son intervention dans un débat.

On peut affirmer qu'elle a été le fil directeur de toute sa vie.

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La maison Peltzer, on le sait, est un des principaux soutiens du libéralisme verviétois. Aussi le rôle politique d'Auguste Peltzer a-t-il été considérable à Verviers et dans l'arrondissement.

A la Chambre des Représentants et au Sénat, il a marqué son passage par un grand souci des devoirs que lui imposait le mandat dont les électeurs l'avaient revêtu ; il prit fréquemment part aux débats qui intéressaient, soit son arrondissement, soit la prospérité ou l'avenir de l'industrie, soit encore la condition des travailleurs.

Il n'était pas improvisateur, quoique, en comités intimes, il se montrât causeur charmant. Mais, quand la conscience du devoir à remplir lui imposait l'obligation d'intervenir, il le faisait sans hésiter et avec une conviction qui commandait l'attention.

Dans toute sa carrière politique, il fut un partisan convaincu du programme libéral de 1846 et marcha la main dans la main de l'illustre chef du libéralisme belge, Frère-Orban.

Nous n'avons pas l'intention d'analyser ici tous les discours prononcés par Auguste Peltzer pendant les vingt-neuf ans de sa vie publique.

Nous ferons exception cependant pour la part qu'il a prise aux débats sur la révision de la Constitution à cause de l'actualité du sujet.

Nulle question n'a préoccupé davantage Auguste Peltzer, parce qu'il entrevoyait les difficultés de l'heure actuelle, conséquence inévitable du manque de direction et d'unité de vues de ceux qui ont précipité le pays dans l'inconnu.

Aussi, chercha-t-il un système qui, en donnant satisfaction au désir des couches inférieures d'arriver à la vie politique, sauvegardât aussi l'ordre et la propriété.

(page 27) Ce projet s'inspire absolument de sa profession de foi à l'Association libérale le 15 mai 1892.

« Je suis, disait-il, un adversaire convaincu du suffrage universel pur et simple et sans contrepoids, donnant un droit égal à tous les citoyens, qu'ils soient savants ou ignorants, travailleurs ou paresseux, prodigues ou conservateurs, indépendants de position et de caractère, ou subissant toutes les suggestions possibles et étrangères à des convictions personnelles.

« J'admets pour tous les citoyens le droit de défendre leurs intérêts, voire même un droit égal à toutes les classes de la société de faire représenter directement leurs intérêts devant les Chambres législatives ; mais ce droit ne doit pas être confondu, selon moi, avec l'égalité de responsabilité incombant à chaque citoyen devant les destinées du pays.

« J'admets que le droit électoral doive être accessible à tout citoyen, et il est désirable que le plus grand nombre possible de citoyens y participent ; car tout sentiment de responsabilité élève la dignité de l'homme ; mais encore faut-il qu'il puisse en apprécier toute la valeur en pleine possession de lui-même. »

S'inspirant de ces idées, Auguste Peltzer conçut un projet de révision de l'article 47 de la Constitution. Il le livra à la publicité, le défendit dans la presse et à la Chambre, et le soumit à l'examen de deux hommes éminents, MM. Jules Simon et Paul Leroy-Beaulieu, dont les appréciations flatteuses publiées peu de jours avant le décès du regretté sénateur, firent sensation à cette époque.

Dans son projet, Auguste Peltzer admettait l'âge de 25 ans pour la possession du droit électoral.

Il formait deux groupes d'électeurs : d'une part, la minorité dirigeante, intellectuelle ; d'autre part, une (page 28) très large extension, pouvant aller jusqu'à l'universalité, et il accordait à chaque groupe une représentation égale.

Ce système, qui est une des formes de la représentation des intérêts, fut emporté dans la tourmente qui nous a donné le suffrage universel plural.

La presse s'en occupa longuement. Nous citerons notamment l'éloge qu'en fit La Réforme qui, quoique hostile au projet, sut en reconnaître les mérites :

« Le projet Peltzer est fort intéressant, très logique et fortement motivé. Inutile de dire qu'il ne nous paraît nullement satisfaisant ; mais nous devons lui accorder un sérieux examen. C'est ce qui a été proposé de plus sérieux, du côté conservateur, en matière de représentation des intérêts. Et son apparition est la meilleure preuve que l'idée du Sénat représentatif de tous les intérêts sociaux fait une victorieuse trouée et va s'imposer à tous les partis. »

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Ce que nous avons dit de sa carrière politique prouve qu'Auguste Peltzer avait des idées bien personnelles. Et ces idées, il les défendait avec une ardeur qui démontre une conviction réfléchie.

Plusieurs traits de sa vie prouvent également qu'il fut un caractère dans la plus large acception du terme. Nous en citerons seulement quelques-uns.

En 1870, ses idées religieuses étaient fortement attaquées, sans qu'on le visât personnellement. L'intérêt qu'il portait à ces questions de l'ordre le plus élevé, l'engagea à se jeter dans le débat en donnant dans la salle de la Société royale L'Émulation une conférence publique sur la Religion naturelle de Jules Simon.

(page 29) Entreprise hardie, téméraire même, de la part d'un homme dont la parole n'était pas aisée devant la foule ! Et quelle sublime doctrine que celle qu'il expose ! Quelle pure morale en découle !

La religion révélée ne le satisfait pas, parce qu'elle implique l'intolérance, et il fait appel à la raison et au sentiment pour former sa croyance.

De la religion révélée, il retient qu'elle lui enseigne un Dieu créateur de toutes choses « qui nous impose une douce loi d'amour : aimez Dieu par-dessus toute chose et votre prochain comme vous-même. »

Cette loi, dit-il, répond à mon sentiment et à ma raison ; plus on l'applique et plus elle se confirme ; en nous approchant de la perfection, en nous soumettant à une loi qui semble éternelle, elle conduit au progrès moral et intellectuel qui semble être le but de l'existence.

Mais il rejette d'une façon absolue tout ce qui éloigne du progrès moral et intellectuel : les miracles, par exemple, la crainte d'un châtiment ou l'espoir d'une récompense.

Croire aux miracles, expose-t-il, et surtout y attacher de l'importance, ne parle ni au cœur ni à l'esprit, et étouffe même la raison, c'est-à-dire « un élément de la vie morale ; c'est contraire au progrès. Comme tel, j'en écarte la pensée. »

« D'autre part, agir sous la crainte du châtiment ou l'espoir d'une récompense, renferme un sentiment qui n'est fortement apprécié par personne, tandis que sous l'impulsion du sentiment d'amour enseignant l'abnégation, l'action devient bienfaisante et améliore l'âme ; l'un est l'esclavage et le servilisme, l'autre la liberté et le progrès. »

Et Auguste Peltzer conclut en ces termes pour définir (page 30) ce qu'est la religion : « Au fond, c'est l'amour de la créature pour son créateur et la recherche constante et sincère du vrai constituant la loi morale qui nous gouverne et à laquelle il faut se soumettre ; car elle seule nous semble donner la vie, elle nous attache à un monde spirituel en dehors de ce monde voué à la mort. »

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Une autre fois, étant membre de la Chambre des Représentants, il eut à examiner une pétition de la Chambre de Commerce d'Anvers, réclamant l'institution d'un ministère spécial du commerce et de l'industrie. Cette pétition était appuyée par les trois sociétés commerciales de Verviers : La Chambre de Commerce, la Société industrielle & commerciale et l'Union syndicale.

Auguste Peltzer ne partageait pas cet avis. Il estimait que la création d'un ministère spécial deviendrait un rouage dispendieux, et même de peu d'utilité, parce que « s'il n'existe pas, disait-il, un ministère spécial pour le commerce et l'industrie, il n'y a pas de ministère qui soit complètement étranger à la prospérité de ces deux éléments essentiels de la richesse publique. »

Il ne crut pas devoir taire son opinion et, malgré le mouvement qui se faisait en faveur de ce projet, il accepta d'être rapporteur de la Commission de la Chambre qui était appelée à examiner la pétition de la Chambre de Commerce d'Anvers et qui combattait la demande en question.

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Il a donné d'autres preuves encore de l'indépendance de son caractère.

Au cours d'une période électorale dont l'issue était douteuse, alors que, par tactique, il était prudent de ne froisser aucun intérêt, il attira franchement l'attention des électeurs sur une question qu'il considérait comme liée à l'avenir de la nation : la transformation du régime militaire et la substitution du service personnel au remplacement.

Beaucoup de ses amis lui avaient conseillé de s'abstenir en présence de l'impopularité, dans le monde des électeurs censitaires, de la mesure qu'il préconisait. Mais Auguste Peltzer énonça loyalement sa manière de voir ; il ne voulut pas taire ce que son patriotisme lui dictait et, dût sa candidature sombrer, il fit connaître catégoriquement son opinion.

C'est en 1882 qu'il prit cette attitude, dont le résultat fut de lui enlever un certain nombre de suffrages sans néanmoins amener sa chute.

Dix ans plus tard, à la veille du débat sur la révision de la Constitution, Auguste Peltzer se sentit pris de scrupule en présence du saut dans les ténèbres que le pays se préparait à faire. Quoique toute hésitation semblât un crime de lèse-démocratie, l'opinion libérale tout entière étant ralliée au projet de révision constitutionnelle, il vint à l'Association libérale exprimer ses craintes et réserva formellement son vote dans le débat qui allait s'ouvrir.

Ces réserves manquaient peut-être de tactique, si l'on considère surtout que le représentant devait être soumis à réélection trois mois plus tard. Mais elles étaient éminemment honnêtes.

Elles dénotaient un caractère.

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Sous le rapport économique, Auguste Peltzer était (page 32) un partisan convaincu de l'École de Manchester, représentée à Verviers par la Société industrielle & commerciale et la Chambre de Commerce. Selon lui, la liberté individuelle ne doit pas avoir de limites et la libre concurrence est seule appelée à régler tous les rapports entre le Travail et le Capital.

Il était libre-échangiste.

Il comprenait que, dans un pays qui compte une population d'une densité extraordinaire, la production agricole ne peut suffire aux besoins de cette population, et qu'il faut un vaste système d'échanges consistant en exportation de produits industriels et en importation de produits agricoles.

« Il est évident que ces deux opérations économiques sont intimement solidaires, dit-il dans un discours électoral prononcé à Dison le 29 mai 1890, et que tout ce qui facilite l'exportation implique une importation correspondante et vice versa ; car, en ce bas monde, dans la lutte pour la vie, on ne donne rien pour rien.

« Établir un droit d'entrée sur un produit agricole, ajoute-t-il, c'est atteindre tout à la fois le consommateur et l'industrie, parce qu'on enlève au pays un moyen d'échange et qu'on renchérit les conditions de l'existence.

» Aussi peut-on dire sans exagération que tout ce qui nous affaiblit dans la lutte pour la vie, est un véritable homicide. »

Auguste Peltzer, on ne s'en étonnera pas, combattit avec énergie les droits d'entrée sur la viande et, en toutes circonstances, s'opposa résolument aux projets (page 33) qui se faisaient jour, de frapper de droits de douane d'autres denrées alimentaires.

A un autre point de vue encore, il considérait la protection comme un mal. Une industrie protégée se traîne souvent dans l'ornière de la routine. Selon lui, la protection tue l'esprit d'initiative et, par suite, enraye le progrès.

Aussi Auguste Peltzer ne manquait-il aucune occasion de défendre la liberté du commerce, indispensable au développement de l'industrie.

Dans le même ordre d'idées, un des premiers au Parlement, il a demandé la suppression des droits de feux et fanaux, dont le port d'Anvers et le pays entier, si intéressés à la prospérité de ce port, doivent retirer de fructueux avantages.

Auguste Peltzer était aussi un adversaire résolu des idées de réglementation du travail, qui sont si accréditées aujourd'hui.

S'il entrevoyait le tort considérable que la réglementation à outrance rêvée par toute une école, causerait à l'industrie, en entravant son développement normal, et plus encore peut-être à la classe ouvrière, qui serait mise en tutelle, il redoutait davantage la disparition de tout esprit d'émulation, de tout sentiment de responsabilité, venant arrêter brusquement le progrès et plongeant de nouveau la classe ouvrière dans la triste situation dont elle n'est sortie que grâce au régime de liberté sous lequel nous vivons.

Ce n'est pas qu'il se refusât à toute ingérence de l'État. Il l'admettait notamment en ce qui concerne les invalides du travail et les malades. Mais, toujours désireux de ne pas compromettre l'esprit d'initiative, il recommandait l'affiliation à des sociétés de mutualité (page 34) et ne voulait de caisse de secours obligatoire que pour les ouvriers non affiliés, c'est-à-dire les imprévoyants.

Nous venons de voir qu'Auguste Peltzer plaçait l'affiliation des ouvriers à des mutualités libres bien au-dessus de la création de caisses obligatoires pour tous.

Est-il étonnant dès lors qu'il se soit toujours montré un fervent adepte des principes mutuellistes pour le bien-être des masses ? L'idée du progrès humanitaire par la solidarité basée sur une communauté de vues et d'efforts, trouva en lui un partisan convaincu. Car il savait que les efforts isolés restent souvent impuissants, mais que l'association des volontés et des énergies triomphe des plus grandes difficultés.

Aussi, suivait-il avec intérêt le mouvement mutuelliste, qui a pris, en ces derniers temps, un développement si considérable, et ne manquait-il jamais, quand il en avait l'occasion, de marquer ses sympathies aux propagateurs de cette idée féconde entre toutes.

Il n'était pas sans avoir remarqué que les plus prévoyants se rencontrent parmi les plus instruits. Aussi, peu d'hommes ont-ils pris une part plus active au mouvement en faveur de l'éducation des masses.

Il manifesta l'intérêt qu'il portait à l'instruction en établissant dans ses usines une école pour les apprentis et en ouvrant une bibliothèque pour ses ouvriers.

La Jeune Garde de l'Instruction publique, dont la mission est d'assurer la fréquentation régulière des écoles communales, de même que l'Œuvre des Vieux Vêtements, qui procure aux enfants de ces écoles des vêtements et des chaussures, trouvaient en lui leur meilleur collaborateur.

Il en fut de même de l'institution des Soirées populaires et de la société des jeunes ouvrières : De Bien en Mieux.

(page 35) C'est encore pour témoigner ses sympathies à l'œuvre de l'instruction et de la moralisation du peuple qu'il fit un noble usage de la somme de six mille francs provenant du prix Gouvy & Deheselle, qui avait été conféré à la maison à la suite de l'introduction à Verviers de l'industrie de la filature peignée.

Il fit donation de cette somme à la Ville de Verviers pour que les intérêts en fussent distribués annuellement, sous forme de livrets de caisse d'épargne, aux élèves distingués des écoles communales de Verviers.

Aucune branche de l'éducation n'échappait à son attention. Aussi, le voyons-nous, en toutes circonstances, se montrer un fervent adepte du développement de la gymnastique, dont il appréciait à juste titre l'influence, non seulement sur l'éducation corporelle du peuple, mais encore sur l'organisation militaire du pays.

Il figurait au nombre des membres protecteurs de la Fédération belge de la gymnastique et plaida énergiquement à la Chambre des Représentants en faveur de l'octroi d'un subside annuel à cette utile institution.

Il comprenait que la gymnastique est le complément indispensable de l'école, que le développement harmonique de toutes les parties du corps, auquel elle contribue si puissamment, facilite considérablement le développement intellectuel, ce qui justifie le vieil adage toujours vrai : Mens sana in corpore sano.

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Une existence si utile devait être tranchée par un cruel accident.

Le 15 mars 1893, M. Auguste Peltzer sortait vers la soirée de ses établissements de Renoupré. Il se trouvait dans sa victoria attelée d'un jeune cheval plein de feu. (page 36) La bête montrait tant de fougue que les cochers avaient cru prudent de monter à deux sur le siège.

Arrivé rue de Hombiet, à peu de distance de la propriété estivale de M. Auguste Peltzer, le cheval s'emballa. Comme ses cochers étaient impuissants à le retenir, M. Peltzer se leva et, se tenant à la galerie du siège, leur donnait des conseils. Il allait même prendre les guides, lorsqu'un choc subit provoquant un mouvement violent de la légère voiture, lui fit lâcher la galerie et le précipita sur le pavé.

Des passants accoururent, le transportèrent sans connaissance chez le concierge de sa propriété et lui prodiguèrent les premiers soins. Puis il fut reconduit à son hôtel de la rue de la Station.

Alors commença une longue agonie qui se continua du mercredi soir au lundi matin suivant, agonie entrecoupée de quelques éclairs de réveil de la sensibilité. Mais ni les efforts empressés des médecins, ni les soins touchants de la famille, ni sa robuste constitution, ne purent triompher du mal, et le lundi 20 mars 1893, à une heure du matin, Augute Peltzer s'éteignit, entouré de tous les siens, emportant dans la tombe la conscience du devoir largement rempli, l'estime et la reconnaissance de ses concitoyens, l'affection et l'amour d'une famille cruellement éprouvée.


Voir aussi :

<1° Leon PAUL, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1981, t. 42, col. 609-615)

Auguste Peltzer, sénateur, Verviers, Imprimerie Gilon, 1896