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Paquay Oscar (1851-1899)

Portrait de Paquay Oscar

Paquay Oscar, François, Benoît socialiste

né en 1851 à Lessines décédé en 1899 à Lessines

Représentant 1894-1899 , élu par l'arrondissement de Soignies

Biographie

(Extrait de La Chambre des représentants en 1894-1895, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1896, pp. 384-385)

PAQUAY, Oscar-François-Benoît

Représentant socialiste pour l’arrondissement de Soignies

Né à Lessines, le 5 décembre 1851

M. Paquay fit ses humanités au Collège d'Enghien et passa son examen de gradué en lettres à Anvers. Après avoir séjourné successivement en France, où il fut étudiant en théologie au Séminaire des Missions étrangères, en Allemagne et en Angleterre, en qualité de professeur et de traducteur, M. Paquay est rentré en Belgique en 1889 et a établi à Lessines la Ligue du travail, syndicat d'ouvriers carriers, et la Société coopérative de consommation La Sociale ; il est aussi le créateur du Cercle de propagande.

M. Paquay a publié divers ouvrages, entre autres Le Programme social et Les Mœurs. Il collabore au journal Le Peuple.

Il fait partie de la Chambre des représentants depuis le 21 octobre 1894 ; il fut élu au ballottage, par 25,223 voix, en opposition aux catholiques.


(Extrait du Peuple, du 21 juillet 1899)

Une bien triste nouvelle nous arrive de Lessines : Oscar Paquay est mort.

Notre brave camarade a succombé à la maladie qui le faisait souffrir terriblement depuis plusieurs années et à laquelle il a résisté avec un courage exemplaire.

Il y a peine huit jours, son beau-frère nous annonçait que le malade allait beaucoup mieux et qu'une opération, peu dangereuse, allait être faite. C’est sans doute à la suite de cette opération que notre ami aura succombé.

Oscar Paquay est né à Lessines, le 5 décembre 1851. Ses parents - sa mère vit encore - étaient des bourgeois fortunés. Paquay fit ses premières études au Collège d’Enghien et quelques années après, passa son examen de gradué en lettres à Anvers.

Nature aventureuse, enthousiaste, aimant les voyages, Oscar Paquay habita d'abord la France, où il fut étudiant en théologie au séminaire des missions étrangères. Il passa ensuite en Allemagne et en Angleterre, où, pendant des années, il gagna sa vie en donnant des leçons de français et en faisant des traductions.

C'est en Angleterre que notre ami se mêla au mouvement ouvrier, étudia la question sociale, apprit à aimer les travailleurs, les pauvres. Il fut un de ceux qui luttèrent, dès 1885, contre la traite des blanches. Celte lutte, il la poursuivit lors de sa rentrée en Belgique en 1889.

A Lessines, où il résida depuis lors, un de ses premiers soins fut de s'occuper de la situation des ouvriers carriers employés dans cette ville. Il rêvait pour eux un sort meilleur, des salaires plus élevés. Cette industrie était et est encore très productive. Les exploitants des carrières de pavés, pour défendre leurs intérêts et maintenir leurs prix de vente, se sont syndiqués depuis longtemps.

Oscar Paquay s'occupa bientôt de syndiquer à leur tour les ouvriers de Lessines et fonda la Ligue du Travail.

Il organisa de nombreuses réunions et créa un cercle de propagande spécialement destiné à répandre et à propager les journaux socialistes Le Peuple et L'Echo du Peuple, dans les cantons de Lessines et d'Enghien.

En 1889, il n'y avait aucun groupe, aucune organisation dans ce canton, où nos idées étaient peu connues.

Peu à peu, cependant, grâce à la propagande infatigable de notre regretté camarade, les ouvriers carriers et les cultivateurs du canton commencèrent à comprendre les principes socialistes et la nécessité de s’organiser sur le terrain économique et politique.

Après la Ligue du Travail, très puissante aujourd’hui, et le Cercle de propagande Paquay organise encore la société coopérative La Sociale.

Lors de la première lutte électorale de 1894, après la révision, Paquay fut choisi comme troisième candidat à l’élection législative pour l'arrondissement de Soignies, et fut élu au ballottage, contre les cléricaux, par 25,223 voix. Le canton de Lessines donna, au premier tour, 900 voix aux candidats socialistes.

En 1898, le même canton nous donna 2,800 suffrages ; en quatre ans, nous avions donc triplé nos forces et ce grâce à la persévérante propagande du dévoué camarade que nous pleurons aujourd'hui.

A la Chambre. Paquay joua un rôle très modeste. La maladie l’a d'ailleurs empêché, dans ces dernières années, d'assister régulièrement aux débats du Parlement. Il a néanmoins prononcé un excellent discours sur l'industrie des allumettes si meurtrière pour les ouvriers. Il déposa en outre une proposition de loi relative à la police et à la surveillance des carrières, projet qui fut repris par le gouvernement et déposé avec quelques légères modifications.

Paquay s'occupait de préférence des conflits entre le travail et le capital. C'est ainsi qu'il prit une part active à la grève des menuisiers de Bruxelles. Il fit un voyage en Angleterre et en rapporta une somme de 30,000 francs, dont une partie servit à la création de l'atelier coopératif de production des menuisiers de Bruxelles.

Notre regretté camarade a été fortement attaqué par nos adversaires des deux partis bourgeois. Ceux-ci ne lui pardonnèrent jamais d'être l’organisateur des ouvriers et de leur avoir donné une vie politique propre et indépendante.

Mais s'il avait des adversaires opiniâtres, il avait surtout l’estime et l'amitié profonde des travailleurs.

Oscar Paquay avait un cœur d'or. Il aimait profondément les pauvres, les travailleurs. Sa maison était toujours ouverte à tous.

Ce vaillant soldat de la cause socialiste disparait, à peine âgé de 48 ans. Il sera profondément regretté de tous ceux qui l'ont connu et qui ont pu apprécier ses grandes qualités de cœur. Il sera regretté aussi par toute la population ouvrière du canton de Lessines.

L’œuvre dont il a été l'artisan infatigable ne périra pas avec lui. Il a formé des hommes, des organisateurs, des propagandistes, des administrateurs qui sauront continuer celte œuvre et la mener à borine fin.

Au nom du parti, au nom de l'arrondissement de Soignies et au nom de journaux, je salue une dernière fois la mémoire de notre regretté camarade de lutte et je suis convaincu que la classe ouvrière belge apprendra ave' émotion la disparition de celui qui l'aima tant et qui lui a sacrifié les dernières années de sa vie !

Louis BERTRAND.


(Extrait du Peuple, du 25 juillet 1899)

Funérailles d'Oscar Paquay (de notre envoyé spécial)

La population ouvrière de Lessines a fait à Oscar Paquay - l'âme de la vie socialiste dans cette région, d'émouvantes funérailles.

Toutes les carrières ont chômé ct dans les petites rues tristes de la villette, sur laquelle pèse une brume de mélancolie, les ouvriers, vêtus de noir, causent par groupe.

Le Camp-Milon, quartier ouvrier perché au-dessus des hauteurs de la porte de Pierre, a l'aspect d'une cité en deuil ; pas une maison qui n'arbore son drapeau rouge cravaté de crêpe.

Comme on le sait, le corps a été transport » de la mortuaire à la Maison du Peuple, œuvre d'Oscar Paquay. Il repose dans une salle tendue de voiles noirs, sur un sarcophage fleuri ; aux parois, les innombrables couronnes avec leurs rubans écarlates jettent leur tache rouge dans la salle obscure. Autour du bâtiment, silencieux, quatre cents ouvriers carriers font la garde d'honneur.

Une file ininterrompue d'amis et de compagnons de lutte passent et s'inclinent devant le corps. Nous reconnaissons au passage les députés socialistes Léon Defuisseaux, Alfred Defuisseaux, Maroille, Brenez, Bastien, Mansart, Cavrot, Lambillotte, Berloz et Vandervelde, les députés libéraux Bodart et Ouverleaux ; nos amis le docteur Branquart, conseiller provincial, Théophile Massart, directeur du Progrès ; J. Bertrand, d'Ath ; Hector Conreur, du Centre ; Standaert, R. Van Loo, Maes, Solau et les membres de la Fédération du bois au grand complet.

Pas un député clérical n'est présent. Successivement, les citoyens Bertrand, au nom de la députation de Soignies, Volkaert, au nom du Conseil général du parti ouvrier, Franz Fischer, au nom du journal Le Peuple, et Léon Defuisseaux, au nom de la gauche socialiste, saluent en termes émus le vaillant et bon soldat qui vient de disparaître.

Discours de Louis Bertrand

« Compagnons !

« Au nom de la députation socialiste de l'arrondissement de Soignies. j'ai le pénible devoir de vous dire l'énorme tristesse de notre cœur, par suite de la mort de notre excellent camarade et collègue Oscar Paquay.

« Il y a à peine dix ans que celui que nous pleurons entrait dans la grande famille socialiste belge. C'est en Angleterre, où il vécut pendant plusieurs années, qu'Oscar Paquay apprit à connaître la vie douloureuse des travailleurs, des pauvres.

C'est dans ce pays aussi qu'il suivit de près les efforts constants faits par les ouvriers pour s'organiser solidement sur la terrain professionnel.

« Revenu en Belgique, il vint s'installer ici, dans sa ville natale.

« Ce fils de bourgeois, qui pouvait vivre heureux, libre et indépendant, pensa qu'il avait une mission plus haute à remplir. II s'occupa alors de grouper les ouvriers, de les syndiquer, et il créa la Ligue du Travail.

« Dès ce moment, les gens de sa classe essayèrent de le bafouer, de le ridiculiser.

« Lui, fort de sa conscience et du devoir à accomplir, il laissa passer les injures et les sarcasmes et il continua son œuvre d'organisation et d'émancipation.

« II s'occupa de réunir, d'instruire, de catéchiser ces ouvriers, auxquels jamais il n'avait été parlé de syndicats, de socialisme.

« Le premier, dans ce canton si arriéré, si fermé aux idées nouvelles, il leva le drapeau rouge du parti ouvrier et, peu à peu, malgré les difficultés de la lutte, il arriva à grouper autour de lui quelques centaines de vaillants compagnons carriers.

« Aux élections de 1894, la fédération de l'arrondissement de Soignies le choisit comme candidat à la Chambre.

« La lutte fut des plus rudes. Dans les virages surtout, il y eut à vaincre bien des préventions injustes.

« Malgré les obstacles, le succès couronna nos efforts et Paquay fut élu député de Soignies. C'était la revanche qui commençait pour lui.

« Malheureusement, sa santé ébranlée ne lui permit point de jouer à la Chambre un rôle bien actif.

« Il prit part, néanmoins, à la discussion des budgets de la justice, de l'industrie et du travail ainsi qu'à celle des chemins de fer.

« Il s'occupa spécialement de l'industrie dos allumettes, si meurtrière, et son intervention eut pour conséquence le vote, par la Chambre, d'un crédit de 50,000 francs, destiné à récompenser l'inventeur d'un produit permettant de se passer du phosphore blanc dans la confection des allumettes chimiques.

« Notre regretté collègue, qui vivait au milieu des carriers et qui, chaque jour, pouvait constater les abus qui se produisent dans cette industrie, au détriment de la santé, de la sécurité et de la vie des ouvriers, déposa un projet, qui a été repris plus tard par le gouvernement et qui devint loi.

« D'autres vous diront combien grande fut son activité dans des domaines différents. D'autres vous parleront de son grand cœur, de son amour profond pour les petits et les sacrifiés.

« Qu'il me soit permis, en terminant de remercier une dernière fois notre cher Oscar pour le travail accompli dans le canton de Lessines.

« Son œuvre ne périra pas. La Ligue du travail, la Coopérative, le Cercle de propagande continueront à vivre el à prospérer.

« Ce ne sera pas en vain que notre ami regretté aura semé à pleine main ; la moisson se lève et les générations futures seront reconnaissantes à l'apôtre qui vient de s'éteindre !

« Quant aux ouvriers de Lessines, ils se souviendront longtemps du brave, du dévoué Oscar Paquay, qui a abrégé sa vie pour procurer des jours meilleurs à ses frères les travailleurs.

« Oscar, merci encore ! Tu garderas la meilleure place dans nos souvenirs ! »

[…]

Notre ami Léon Furnemont, par suite d'un retard occasionné par un accident, a manqué la correspondance pour Lessines et n'a pu, à son très grand regret, participer aux funérailles. Nous tenons à reproduire le discours qu’il devait prononcer, au nom de la gauche socialiste :

Discours de Furnemont

« Le 22 janvier 1895, dans la pleine vigueur de ses facultés physiques et intellectuelles, Oscar Paquay prononçait à la Chambre des représentants, un remarquable discours.

S'adressant aux sycophantes de la droite qui venaient d'affirmer la nécessité sociale de la religion catholique, il leur répondait : « En réalité, votre morale est extra-terrestre dans sa sanction et antisociale dans ses effets, puisqu’elle ne vise que le salut posthume individuel de ses partisans et qu'elle reste indifférente aux intérêts collectifs de la masse. Elie ne saurait devenir la règle de conduite d'hommes libres et intelligents travaillant au progrès de la société. »

« Une telle déclaration de principes range définitivement Paquay parmi les adeptes fervents de la morale sociale proclamée par la Libre Pensée.

« Proclamer l'immoralité de la prétendue morale catholique, n'est-ce point condamner irrémédiablement l'Eglise ?

« Oscar Paquay fut donc un des nôtres sur le terrain de la libre pensée comme sur le terrain de la

libre pensée comme sur le terrain de la lutte des classes.

« Ce qui blessait surtout l'âme généreuse de notre ami - son accusation est formelle à cet égard - c'est l'indifférence coupable de l'Eglise vis-à- vis des intérêts collectifs de la masse. Ce qui contrariait son cœur ardent de bonté, c'est la déviation imprimée par le dogme et la pratique catholiques à cette doctrine de douceur et de fraternité contenue dans les Evangiles.

« Dans le sens primitif du mot, Paquay fut un chrétien parfait. Son inépuisable charité, sa vie toute de sacrifice, sa communion perpétuelle avec la misère et les souffrances du peuple, le proclament avec éloquence.

« Toute une population le pleure. N'est-ce point une pensée touchante que son dernier désir de reposer une fois encore da cette Maison du Peuple, synthèse de son existence tourmentée, consacrée au socialisme.

« II a voulu pour abriter son cercueil, les plis glorieux du drapeau rouge, emblème de la grande religion de l'humanité.

« Ses dernières énergies furent données à l'organisation ouvrière, qu'Il considérait comme indispensable à la réalisation de notre idéal : l'ascension du Pauvre à la vie collective et à toutes ses jouissances matérielles, intellectuelles, artistiques et morales.

« Les rudes ouvriers de la pierre, les travailleurs des docks ont senti passer sur eux le souffle de son enthousiasme démocratique. Ils se sont réchauffés au brûlant foyer de son amour et sont entrés après lui dans la grande famille socialiste, réalisation prochaine de tous les rêves élaborés depuis des siècles par les penseurs fraternels et libres.

« Paquay avait passé plusieurs années à l'étranger ; il avait étudié notamment la puissante organisation syndicale des Anglais.

« A l'époque de cette grève mémorable qui engloba tous les menuisiers de la capitale, il sut utiliser les relations qu'il avait conservées avec les Trades-Unions et il n'hésita pas à se rendre en Angleterre, d'où il rapporta une abondante moisson de secours pécuniaires.

« Tous ces actes de solidarité montrent bien que sa foi socialiste n'était point une foi morte : les œuvres la faisaient vivifiante et féconde.

« Sa seule préoccupation fut le bonheur général. II n'admettait point que le salut fût subordonné à l'intervention de la grâce. fût-elle divine. Il aurait volontiers repris la formule d'un grand historien : « Eh, bonhomme, sauve-toi toi-même ! »

« Esprit profondément religieux au sens élevé du mot, il trouvait le lien de l'humanité dans le souverain principe de la Justice, dont la société capitaliste, aux assises encore féodales et sacerdotales, constituait pour lui la plus amère négation. II nous appartient tout entier. Que d'autres réclament ses dépouilles. La chair de sa chair, le sang de son sang est bien nous.

« La Libre-Pensée et le Socialisme continueront à le considérer comme un de leurs plus fidèles soldats, comme un de ceux qui repoussent la solidarité du crime et du malheur dont le catholicisme veut faire le mobile de toutes les actions humaines. et qui cherchant l'expression de leur sentiments de fraternité dans l'établissement d'une société meilleure, dans la poursuite incessante de la République démocratique, sociale et universelle. »


Voir aussi : biographie rédigée par PUISSANT J., sur le site du Maîtron (consulté le 6 décembre 2025)