Mondez Philippe, Joseph libéral
né en 1834 à Frasnes-lez-Gosselies décédé en 1890 à Rèves
Représentant entre 1878 et 1886, élu par l'arrondissement de Charleroi(Extrait de L’Indépendance belge, du 11 mars 1890)
Charleroi. Le libéralisme carolorégien est à la série noire ; la mort frappe dans ses rangs avec une constance impitoyable : après M. Pirmez et M. Defontaine, voici qu'on nous apprend la mort presque subite de M. Philippe Mondez, ancien représentant de Charleroi, qui vient de succomber à Rèves aux suites d’une atteinte d’apoplexie.
M. Mondez était aussi de ceux que nos libéraux comptaient bien envoyer cette année à la Chambre, où il siégea de 1878 à 1886.
Il meurt dans la force de l’âge avant d’avoir pu rendre tous les services qu’n attendait de la fermeté de ses principes et de son dévouement.
(Extrait de La Réforme, du 11 mars 1890)
M. Mondez, ancien représentant libéral de Charleroi, vient d’être frappé d’une attaque d’apoplexie foudroyante, des suites de laquelle il a succombé, avant-hier dimanche.
M. Mondez était un libéral, ferme et convaincu, sympathique aux idées progressistes ; il était au nombre des candidats tout désignés pour reconstituer la députation libéral de Charleroi de façon à donner une place égale aux deux fractions du parti libéral.
Les funérailles civiles de M. Mondez auront lieu jeudi, à trois heures. Réunion au château de Rêves.
(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 14 mars 1890)
Funérailles de M. Philippe Mondez
Les funérailles civiles de M. Philippe Mondez, ancien représentant, si prématurément enlevé, à la fleur de l’âge, à l'affection des siens et de ses nombreux amis, ont eu lieu hier après-midi au milieu d'un grand concours de monde.
Une multitude de libéraux, accourus de Charleroi et de toutes les localités de l'arrondissement, avaient voulu - sans tenir compte de la distance et de la difficulté des moyens de communication, - rendre un dernier hommage de sympathie à la mémoire d'un homme bon, affable, estimable entre tous, et dont les précieuses qualités lui avaient valu l’amitié de tous.
M. Philippe Mondez était de ces hommes qui ne laissent après eux que des regrets et qui ne se connaissaient pas d’inimitiés (…)
A 3 heures. une foule énorme stationnaire en face du château où M. Mondez M. Mondez s’était fait une retraite paisible, et où il coulait des jours heureux, au milieu des siens, en semant le bien autour de lui.
A la levée du corps M. Léopold Fagnart, au nom de l'Association de Charleroi, a pris la parole en ces termes :
Discours de M. Léop. Fagnart
« Messieurs,
« L’Association libérale, si cruellement éprouvée dans ces derniers temps, se voit encore aujourd'hui, par suite d’une catastrophe plus foudroyante, plus imprévue même que celles qui l'ont précédée, réunis pour une cérémonie de deuil.
« Il y a quelques jours à peine, Philippe Mondez prenait encore part à nos travaux. Et il nous accompagnait, vendredi dernier, dans cette pieuse démarche de condoléance que fit le Comité central auprès de la famille éplorée de notre regretté président, M .Défontaine.
« Et le je vois encore, debout, muet, contemplant, le cœur serré et refoulant ses larmes, cette grande douleur d’un fils que la mort vient de priver de son père bien-aimé.
« Mondez nous quitta plein de vie ; et il devait se joindre à nous le lendemain, pour l’accomplissement de nouveaux devoirs.
« Hélas ! Messieurs, la mort le guettait au seuil de sa demeure ; nous ne devions plus revoir cet ami des bons et des mauvais jours ; nous ne devions plus serrer sa main loyale ; et une fois encore nous incombe la triste, la douloureuse mission d'apporter l’expression de nos fraternelles condoléances à une veuve en larmes, à une mère et à des enfants inconsolables.
« O mort, tu choisis, avec un rare génie, ta proie parmi les meilleurs des hommes !
« Et nous ne nous étonnons plus que le fanatisme fasse hommage de ton œuvre à quelque Providence cruelle et sectaire !
« Car Mondez ne fut pas seulement un libéral modèle, sans peur et sans reproche ; ce fut aussi le plus honnête et le plus bienfaisant des hommes.
« Jamais on ne faisait appel en vain à son inépuisable charité.
« II avait cette générosité native des vieilles familles et des natures d'élite ; et ces nobles sentiments, qui le portaient au bien, avaient encore été développés par la culture intellectuelle et philosophique qu'il avait reçue.
« Il tenait pour maxime qu'il faut faire le bien pour le bien lui-même, sans se préoccuper de l'idée de récompense , sans ravaler la vertu et la charité au rôle d'une spéculation, d'un placement de fonds sur la vie future.
« Du reste. sa main droite ignorait ce que donnait sa main gauche.
« Et il pratiquait ce précepte de la maçonnerie, dont il était l'adepte, que le bien doit s'exercer sans ostentation.
« Le monde n'était en quelque sorte pour lui qu'une vaste famille qui peut être divisée momentanément par des passions et des intérêts hostiles, mais où il ne faut jamais perdre de vue que les hommes sont des frères.
« Aussi, jamais Mondez n'a-t-il connu la haine, même à l'égard des hommes dont il avait combattre les erreurs, les préjugés, les opinions contraires.
« C'est que la haine ne trouve point d'aliment dans le cœur d'un homme élevé dans des conditions de franchise et de loyauté.
« Mêlé pendant de longues années à nos luttes politiques, Mondez ignora toujours l'art de déguiser sa pensée, de montrer deux visages. Très sobre de paroles, il joignait une grande intelligence, un rare bon sens ; et d'autres hommes politiques ont joué un rôle plus brillant, il en est peu qui aient été aussi véritablement utiles à leur parti, aussi constamment dévoués, aussi fidèles au drapeau dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.
« Successivement ou simultanément conseiller communal, échevin et bourgmestre à Rêves, conseiller provincial du Hainaut et membre de la Législature, il ne considéra jamais comme indigne de lui de se tenir en rapports constants avec ses électeurs, de se mêler à leur vie, à leurs luttes locales.
« Aussi n'ignora-t-il rien du mouvement d'opinion qui poussait le parti libéral vers une politique plus énergique, dans la défense des droits de l'autorité civile, et plus humaine, plus fraternelle on ce qui concerne les parias politique et les déshérités de la fortune.
« Aussi n'hésita-t-il point à prendre part au Congrès progressiste, qui cherchait à résoudre ce double problème : donner au parti libéral une charte, une orientation qui ralliât toutes les bonnes volontés. établir un trait d’union entre le parti libéral et le peuple.
« Mondez n'était cependant point un révolutionnaire : c’était un homme d'ordre et de bon sens.
« Mais il estimait qu'il existe deux façons d'entendre le maintien de l'ordre, l'une qui consiste à résister à toutes les réformes, même les plus justes, et qui amène les catastrophes ; l'autre qui, imposant silence aux préférences personnelles, ou à certaines habitudes d'esprit, ne prend conseil que de l'opinion publique, des besoins réels de la nation, et prévient les révolutions en réalisant à temps les progrès nécessaires.
« Aussi, bien des voix désignaient déjà Mondez pour une nouvelle et prochaine candidature au Parlement, quand la mort est venue le frapper.
« Maintenant, le voilà endormi de l'éternel sommeil ; pour ce vaillant, pour ce fidèle soldat de la cause libérale, le combat de la vie a pris fin ; mais de tels hommes ne meurent point tout entier. Sur leur tombe fleurit, acacia mystique, le souvenir de leurs bienfaits, de leurs nobles exemples.
« Cher Collègue, au nom du Comité Central, au nom de l'Association libérale d'arrondissement, je tiens à te rendre publiquement ici ce solennel hommage: tu as été bon, tu as été juste, tu as été vaillant.
« Nous conserverons pieusement ta mémoire.
« Adieu ! »
Le cortège s'est formé aussitôt après et s'est mis en marche vers Frasnes-lez Gossehes, où se trouve la sépulture de la famille. En tête se trouvait le Cercle libéral de Frasnes, avec son drapeau, puis le drapeau de l'Association libérale de Charleroi, et une députation. L'Harmonie de Frasnes venait ensuite, exécutant des airs funèbres, bravant ainsi l'autorité du clérical bourgmestre de Rêves, qui avait annoncé l'intention de dresser procès-verbal aux musiciens, s'ils jouaient sur son territoire.
Les coins du poële étaient tenus par MM. Léop. Fagnart, conseiller provincial à Charleroi ; Pâris, industriel à Marchiennes ; Delbruyère, conseiller provincial à Châtelet ; Ad. Aubry, échevin à Gosselies, un membre libéral de l'administration communale de Rêves, et un ami.
Dans l'assistance, on remarquait la présence d'un grand nombre d'hommes politiques de l'arrondissement.
Le cortège a parcouru la route qui sépare Rèves de Frasnes dans le plus pieux recueillement. II était cinq heures, lorsqu'il est arrivé à l'ancien cimetière de Frasnes, contre l’église, où se trouve le caveau de la famille Mondez.
Là, deux discours on encore été prononcés : par M. le Dr Godin, au nom de la Société de musique, et par M. Ed. Chaudron, bourgmestre de Frasnes, au nom des amis.
Voici ces discours :
Discours de M. le docteur Goffin
« Je viens au nom de la Société d'Harmonie de Frasne, dire un adieu suprême à l'un de ses amis les plus dévoués et de ses plus généreux protecteurs. M. Mondez faisait partie de notre Société depuis de très longues années ; il aimait être avec nous et il était heureux d'assister à nos fêtes.
« Nous aussi, nous l'aimions et nous étions heureux de lui témoigner, en toute occasion, notre sympathie. li y a deux ans à peine, nos musiciens allaient en masse à Rêves, le féliciter à l'occasion d'une fête de famille. Heureux de cette manifestation, il nous accueillait généreusement, nous remerciant par de bonnes paroles parties du cœur et sa main franche pressa cordialement les nôtres ; la joie et le contentement brillaient sur sa belle et noble figure.
« Nous, touchés de cet accueil sympathique, nous faisions retentir les échos de nos cris d'allégresse et de nos airs joyeux. Alors, la joie et l'espérance étaient dans tous les cœurs. Aujourd'hui, hélas, ce n'est plus une fête, mais un deuil cruel qui nous réunit. Une maladie brutale est venue nous ravir, nous voler en quelques heures, cet homme que nous chérissions tous !
« Né à Frasnes, M. Mondez y avait laissé ses plus sin- cères amitiés et ses affections les plus vives ; pas un jour ne se passait sans qu'il n'y revint pour se retrouver au milieu de ses vieux amis et, surtout, pour revoir sa bonne vieille mère qu'il entourait des soins les plus délicats et pour laquelle il avait un attachement sans bornes. Il était bon fils, bon mari, bon père.
« II était d'un abord facile, d'un commerce agréable ; son amitié était fidèle et dévouée. Affable envers tous, surtout envers les petits, il se multipliait pour être utile. Les services qu'il a rendus sont innombrables.
« Une foule de familles des environs doivent à son dévouement et ses hautes influences d'avoir obtenu des places pour leurs pères, leurs fils ou leurs frères. Les malheureux perdent en lui un généreux bienfaiteur ; jamais, ils n’ont en vain frappé sa porte.
« Malgré cette inépuisable générosité, il a fait bien des ingrats. II s'en consolait, d'ailleurs. II croyait que l’on doit faire le bien pour le bien, par devoir.
« Je n'ai pas qualité pour parler de sa vie politique, qu'il me suffise de dire que, de même que sa vie privée, elle a été sans tâche. Mondez était libéral progressiste convaincu.
« La fermeté de ses convictions, la droiture de son caractère lui avaient attiré, dans le parti libéral, de nombreuses sympathies et ses amis politiques avaient fondé sur lui, pour les prochaines luttes, de légitimes espérances. La mort, hélas, qui frappe à coups redoublés dans nos rangs, en a décidé autrement.
« Mondez est mort comme il a vécu, en libre-penseur ; son esprit politique, son caractère éminemment loyal et franc, en faisaient un adversaire résolu du fanatisme et de l'intolérance ! Aimer sa famille et son prochain, servir sa patrie et marcher dans la voie de l'honneur, c'était là sa religion.
« Elle suffit !
« II faut du courage pour afficher et discuter ses idées dans un pays pauvre et ignorant, asservi à l'influence et de grands seigneurs fanatiques. Ce courage, Mondez le possédait au plus haut degré et, s'il lui avait gagné de nombreuses amitiés, il lui avait valu aussi des haines implacables. La haine cléricale l'a calomnié pendant sa vie et le poursuit encore jusque dans la tombe.
« Alors que notre pauvre ami était l'agonie, deux heures avant sa mort, des prêtres sans cœur, prévoyant sans doute qu'une riche proie allait leur échapper, exhalaient, du haut de la chaire dite de vérité, leur rage impuissante et tonnaient contre les enterrements civils.
« Aujourd'hui, le fanatisme de ses ennemis ne sait pas se taire, même devant la majesté de la mort. Des menaces, des pressions de toute sorte ont été employées pour contrarier l'inhumation de notre regretté défunt. la calomnie et l'injure se sont donné libre cours pour ternir sa mémoire.
« Mais, cher ami, tout cela vient de trop bas pour vous atteindre ! Ceux qui vous ont connu sont là pour vous défendre ! Ils sauront dire que votre vie a été sans faiblesse et sans tâche, toute consacrée à la défense de la justice et de la vérité. Dormez en paix. Votre souvenir ne périra pas dans nos cœurs.
« Adieu ! »
Discours de M. Ed. Chaudron
« Messieurs,
« C'est sous l'empire d'une émotion bien vive que je viens, au nom des amis, dire quelques paroles à celui qu'une mort si foudroyante a ravi à la tendresse de sa bonne mère, de sa chère compagne et ses bien aimés enfants.
« M. Philippe Mondez, dont tous nous déplorons la perte, n'est plus, sa dépouille mortelle va, trop tôt, hélas ! reposer auprès de ses chers disparus.
« L'ami Mondez est né n cette commune le 25 décembre 1834, il meurt à l'âge de 55 ans.
« Il jouissait d’une santé si robuste que rien ne pouvait faire prévoir une fin si prochaine.
« Frappé comme d'un coup de foudre, il s'est éteint dans les bras de sa famille éplorée sans la moindre souffrance, comme il en avait toujours exprimé le vif désir. Heureuse et belle mort pour celui qui part, mais bien poignante pour ceux qui restent
« Notre cher défunt était la bonté même, il était un loyal et honnête homme. un ami franc, sincère et dévoué. D'une rigoureuse droiture dans ses relations sociales ; il était un homme d'ordre par excellence.
« Au sein de sa famille, il était l'âme de la maison, dirigeant et veillant à tout dans le but d'être agréable et bienveillant pour les siens. Dans l'intimité, il était la bonté même. Il chérissait sa bonne mère qu'il entourait journellement d'une affection profonde.
« Attentif et vigilant pour elle, c'était sa joie de voler au devant de ses moindres désirs. Quel vide pour elle dans ses affections de mère, en voyant s'éteindre si tôt son dernier enfant.
« Puisse notre douleur à tous s'adoucir par la douce et consolante pensée que celui dont nous déplorons la perte, a rempli noblement sa tâche ici-bas.
« Et que s'il est, sans toucher aux convictions de notre ami, mais comme je le sers par le cœur une autre existence que celle de la terre, notre cher défunt recevra sûrement la récompense méritée d'une vie honnête et sans tâche.
« Au revoir, cher ami, pensez à nous, comme vous serez suivi par nos pensées sympathiques !
« Cher Philippe, repose en paix. »