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Lys Pierre (1779-1849)

Portrait de Lys Pierre

Lys Pierre, Nicolas, Emmanuel libéral

né en 1779 à Herve décédé en 1849 à Verviers

Représentant entre 1839 et 1848, élu par l'arrondissement de Verviers

Biographie

(Extrait de L.-B. KOCH, dans Nouvelle biographie nationale de Belgique, t. 1, 1988, pp. 255-257)

LYS, Pierre, Nicolas, Emmanuel, Marie, notaire et homme politique, né à Herve le 11 août 1779, décédé à Verviers le 14 mai 1849.

Pierre Lys est le fils de Philippe-Antoine-Emmanuel Lys qui exerçait à Herve le métier d'avocat, était greffier de la Chambre spirituelle de l'Archidiaconat de Hesbaye et fut le dernier mayeur de la Cour de Justice de Herve. Pierre-Emmanuel Lys, son grand-père, avait été lui aussi avocat et substitut du procureur général pour la province de Limbourg et son grand-père maternel, Jean-Nicolas de Housse, avocat également, fut échevin du Haut Ban de Herve et de Cheratte.

Fils et petit-fils de magistrats, le jeune Lys était destiné à suivre les traces de ses ancêtres.

On connaît peu de choses au sujet de ses études : il les commença au Collège Marie-Thérèse de Herve, acheva ses humanités à l'Ecole Centrale de Liège et fit son droit à Liège pour être reçu licencié à dix-neuf ans.

Lys rentra à Herve en 1798 et s'y établit comme avocat jusqu'en 1800, date à laquelle il quitta Herve pour habiter Verviers où venait d'être érigé un tribunal de première instance ; il y fut nommé avoué puis juge suppléant, fonction qu'il gardera nonobstant le transfert du tribunal à Malmedy.

Le 4 octobre 1806, Pierre Lys épousa, avec le consentement du conseil de famille, Jeanne-Françoise Dubois, âgée de vingt ans, fille mineure de Barthélemy Dubois, décédé à Verviers en 1794 et de Gertrude Dehousse, décédée en 1800.

Créé notaire en 1815, sous Guillaume 1er, Lys était orangiste, aussi, lors de la Révolution, les émeutiers lui firent lourdement payer son attitude. Le 28 août 1830, des rassemblements d'ouvriers et de gens du peuple se formèrent sur le marché de Verviers, vers 20 heures. La nuit venue, des bandes de mutins saccagèrent et pillèrent plusieurs maisons dont celle de Pierre Lys. Lorsqu'ils cessèrent, le lendemain vers 5 heures de l'après-midi, il ne restait plus que des murailles : tous les papiers et les meubles avaient été sortis et brûlés dans le jardin. En vertu de la loi sur la responsabilité des communes, Lys, comme les 13 autres personnes pillées, réclama des indemnités à la ville qui dut emprunter pour les payer.

En 1809, Lys fut membre-fondateur de la Loge des Philadelphes, il y resta fidèlement attaché et dévoué. Il y a occupé tous les offices et en fut vénérable. Il a également contribué à doter la franc-maçonnerie du temple qu'elle possède à Verviers et qui fut inauguré en 1834. Ce temple, unique en Belgique, présentait un ensemble décoratif remarquable ; il fut malheureusement détruit il y a une quinzaine d'années. L'appartenance à la Loge de Pierre Lys ne l'a pas empêché d'exercer la fonction de trésorier de la fabrique de l'église primaire de Verviers et ce, de 1809 à 1842. Il était aussi receveur des bureaux de bienfaisance de Verviers, Soiron et Xhendelesse.

Lys s'intéressa assez jeune à la politique : il fut membre du Conseil municipal de Herve avant 1807 mais, se contentant d'être membre des Collèges électoraux de Liège et de Malmedy, il ne remplit aucun mandat sous le régime hollandais.

Après les événements de 1830, il attendit prudemment 1839 pour présenter sa candidature à la fonction de député de Verviers. En fait, c'était son neveu, l'avocat Bottin qui devait se présenter, mais celui-ci s'étant désisté, Lys prit sa place, soutenu bien entendu par le journal qu'il avait contribué à créer : Le Franchimontois, organe libéral. Ces élections furent les premières dont s’occupa la Loge, qui avait depuis 1836 Lys pour vénérable : dans une réunion préparatoire, le 6 juin, 7 votants se prononcèrent pour Lys contre 5 pour Bottin ; le lendemain le Franchimontois publie un numéro extraordinaire annonçant la candidature de Lys qu'il défend aussitôt. La campagne fut fort animée. Le Franchimontois, outre les éloges habituels et creux, insistait sur la grosse fortune de Lys, garante de son indépendance, son opposition au ministère «que tout bon citoyen doit haïr et détester», et le comparait à son concurrent, Lardinois, fonctionnaire révocable, donc soumis à tous les caprices du ministère. Les adversaires de Lys lui reprochaient son passé orangiste, ses revendications exorbitantes lors du pillage de sa maison et sa tendance un peu vague. Fort de l'appui de son journal et de la Loge, Lys, âgé de soixante ans, est élu de justesse au second tour de scrutin avec 398 voix contre 390 pour Lardinois.

Lys a rempli son premier mandat sans éclat mais consciencieusement semble-t-il, s'attachant à servir ceux qui sollicitaient son intervention, ce qui lui gagna la faveur populaire. Aussi, en 1843, se présenta-t-il pour la deuxième fois aux élections. Dès avril 1843, L'Industriel et le Journal de Verviers qui combattaient Lys en 1839 avaient laissé entendre qu'ils œuvreraient, en juin, à sa réélection. Le 13 juin, sur 1.190 votants, Lys enlève brillamment son mandat de député avec 700 voix.

Satisfait de sa fonction de député, Lys se présenta de nouveau en 1847. Le 19 mars 1847 avait vu la parution d'un nouveau journal : L'Union Constitutionnelle, de tendance libérale et radicale. Pierre Lys, président de la société des jeunes libéraux radicaux avait puissamment contribué de ses deniers à la création de cette feuille mais ne faisait cependant pas partie du comité directeur. L'Union Constitutionnelle défendit immédiatement les candidats Lys et David pour la Chambre. Appuyé également par l'Association libérale, société politique créée la même année, Lys est élu au premier tour de scrutin avec 618 voix.

Pour les élections de 1848, Lys publie une déclaration où il vante ses mérites et rappelle la confiance que les électeurs lui ont témoignée par trois fois. Il se montre partisan d'une réduction du budget de la diplomatie et de la marine militaire et se pose en défenseur des intérêts du peuple. Le 8 juin 1848, sur 1.645 votants, David était élu ainsi que Moreau et Depouhon mais Lys voyait sa carrière parlementaire stoppée par le désaveu de l'électorat, n'obtenant que 505 voix et son neveu Bottin 389. A quoi peut-on attribuer cet échec de Lys ? L'Union Constitutionnelle de 1849 met sur le compte des événements de 1848 l'échec de Lys : «une révolution éclata dans un pays voisin, ce fut un coup de foudre dont les grondements devaient ébranler toute l'Europe, et dans un jour de fièvre où l'indifférence ordinaire de la plupart disparut sous l'effroi de quelques-uns, M. Lys se vit ravir le fruit de 9 années d'abnégations». Mais ce sont aussi ses opinions républicaines qu'il avait déjà affirmées dès 1831 en écrivant au Journal de Verviers : «... je conseillais d'ériger la Belgique en république, afin de faciliter sans mouvement, notre rattachement à la France... », son opportunisme et ses intrigues menées avec son neveu qui ont déplu aux électeurs, dont le nombre était agrandi cette année par l'abaissement du cens au minimum légal.

Moins d'un an après les élections, Lys s'éteignait dans sa maison, en Crapaurue, 119 à Verviers. Il ne laissait pas de descendants.

Pierre Lys est un personnage très intéressant à étudier. Sa carrière politique ne fut pas, comme beaucoup d'autres, une succession d'échelons gravis petit à petit (Conseil communal, échevinal, Députation permanente, Chambre) : lorsqu'il décida de s'intéresser à la chose publique, il se présenta directement comme candidat à la Chambre et fut élu, malgré les inimitiés qu'il s'était attirées en raison du profit qu'il avait tiré à la suite du pillage de sa maison. L'appui considérable de la Loge, dont il était vénérable, d'un quotidien à sa solde, et plus tard celui des deux associations libérales ont été déterminants pour l'obtention de ses mandats. Son âge mûr, sa grande fortune .et ses nombreuses connaissances ont également joué en sa faveur.

Originaire de Herve, d'un milieu aisé, Pierre Lys parvint à se faire une place à Verviers, grâce à son habileté à exploiter la situation. Il n’est pas le descendant d’une dynastie politique et sa réussite en ce domaine n’est pas due à l’influence de sa famille.

Lys fut un député sans grande envergure et sans grande ambition, néanmoins, bien que n'étant pas industriel, il intervint plusieurs fois, utilement semble-t-il, pour défendre les intérêts de ses électeurs.