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Le Poutre Jean (1839-1894)

Portrait de Le Poutre Jean

Le Poutre Jean, Louis libéral

né en 1839 à Bas-Warneton décédé en 1894 à Ixelles

Représentant entre 1892 et 1894, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(Extrait de L’Indépendance belge, du 11 juin 1894)

Nous apprenons, avec un vif regret, une nouvelle imprévue, qui causera une douloureuse sensation dans notre ville et dans le pays.

M. Le Poutre, député de Bruxelles, est mort dimanche matin.

Malade depuis quelques jours, l'honorable représentant a succombé à une pneumonie infectieuse.

Il n'avait pas dépassé de beaucoup la cinquantaine, et de longs jours semblaient réservés encore à son activité.

Avocat au barreau de Bruxelles, Le Poutre s'était fait au Palais une réputation de jurisconsulte attentif et méticuleux. C'était un éplucheur de dossiers, et cette habitude professionnelle n'a pas laissé de le servir à la Chambre, où il renouvela plus d'un débat par le détail de ses recherches, notamment, dans la discussion des applications du vote plural, la, question si étrangement controversée de l'assimilation de l'époux divorcé au veuf père de famille, tranchée contre lui malgré les arguments probants qu’il avait puisés dans la jurisprudence administrative.

Elu député en juin 1892, Le Poutre s’était dès longtemps consacré à la politique. Il était président de l'Association libérale d'Ixelles, où son zèle éclairé, son infatigable dévouement lui avaient fait une popularité inattaquable.

Sa mort est une perte sérieuse pour la députation bruxellois, et un chagrin profond pour ses amis, dont la douleur sincère s’unit à celle de sa famille, cruellement éprouvée.


(Extrait de La Réforme, du 11 juin 1894)

Mort de M. Louis Le Poutre

Bruxelles vient de perdre un de ses députés les plus populaires et les plus estimés, la gauche démocratique un de es membres plus éminents, le libéralisme progressiste un de ses plus anciens et de ses plus fermes défendeurs.

M. Louis L Poutre a succombé dimanche, à deux heures du matin. aux atteinte de la pleurésie qui s’était déclarée, il y a dix jours à peine, et qui s'était compliquée d'une grave inflammation du larynx.

Ce n'est pas sans un profond sentiment de consternation que Bruxelles accueillera la nouvelle de cette mort.

M. Louis Le Poutre était en effet le plus sympathique des hommes. Sa vie privée, simple, modeste, confinée dans les joies et les devoirs de la famille, était estimable entre toutes. Sa vie publique fut un modèle d'abnégation et de dévouement à la cause du libéralisme et de la démocratie qu'il avait embrassée dès sa jeunesse, et qu'il défendit sans trêve et sans défaillance, jusqu'à son dernier jour. Il y a peu de semaines, et bien que sa santé parût déjà ébranlée, il continuait encore dans le pays la campagne de la représentation proportionnelle. Ce fut à Ypres, dans son pays natal, qu'il donna sa dernière conférence dont le succès fut énorme.

Le Poutre fut élu député de Bruxelles en 1892, le deuxième mardi de juin. La mort le frappe au moment où s'achève son mandat. Et le deuxième mardi de juin 1894 fera de ses funérailles un douloureux anniversaire de l'élection de 1892.

Le Poutre meurt à cinquante-cinq ans, en pleine puissance de travail, dans tout le merveilleux développement d'une intelligence exceptionnelle, servie par une science profonde du droit, de l'histoire et de la politique. Il ost vrai de dire qu'il meurt victime de son dévouement aux intérêts du pays.

Louis Le poutre était, en effet, l'un des avocats les plus estimés du barreau de Bruxelles. Les lourdes obligations d'une clientèle nombreuse lui avaient d'abord fait refuser la candidature parlementaire que l'insistance de ses amis politiques finit par lui imposer, il y a deux ans.

Et comme aussi bien au Parlement qu'au Palais de justice, il était homme de devoir et de sacrifice, il s'épuisa en efforts utiles au pays. mais funestes pour lui, car ils le laissèrent sans force pour résister aux atteintes du mal qui l'a terrassé.

La mort de Le poutre est une grande perte pour le Parlement où ses mérites de jurisconsulte lui avaient fait une place considérable et où sa franchise et sa droiture lui avaient conquis l’estime de ses adversaires autant que celle de ses amis.

C’est une grande perte aussi pour le libéralisme auquel Le Poutre a rendu les plus signalés services. Il a pris part, en effet, depuis l'Université, à toutes les entreprises d'émancipation politique ou philosophique de trente dernières années.

Il fut des fondateurs de la Libre Pensée dont il occupa la vice-présidence pendant plusieurs années, et l'on se souvient que ce fut lui surtout qui assura devant les tribunaux les principales et les plus décisives reconnaissances du droit des libres penseurs au respect de leurs dernières volontés.

Le Poutre prit part à toutes les campagne du parti progressiste. Ce fut surtout à la présidence de l’Association libérale d’Ixelles qu’il déploya ses merveilleuses qualités d'organisateur. D'une fermeté politique à toute épreuve, il sut déployer dans ses rapports avec les hommes, tant de conciliation et de bonté qu'il parvint, même aux époques les plus troublées, à préserver Ixelles des divisions libérales qui sévissaient partout ailleurs et y faire pratiquer cependant une politique résolument progressiste et démocratique. Ce fut à lui que l'on dut le triomphe à Ixelles de la première candidature ouvrière, à une époque où les candidatures ouvrières paraissaient encore à la plupart des libéraux une chose effrayante et inacceptable.

Avant d’être élu député, Le Poutre avait été envoyé au Conseil provincial où il avait joué un grand rôle. Il avait de même été vice-président de l’Association libérale de Bruxelles, membre du Conseil progressiste et il a occupé ces fonctions jusqu'au moment de sa mort. Il ne s'est dérobe à aucune des charges de la politique.

C’est donc une vie utile et bien remplie que celle qui vient d'être brisée. On peut dire qu'elle a été consumée par la fièvre du bien public et elle conservera ce titre d'honneur d'avoir été, toujours et toutes choses, marquée par l’immolation de l’intérêt personnel au souci des grands intérêts moraux et politiques du pays.

C’est donc avec une profonde tristesse que nous voyons disparaître l’homme intègre et courageux auquel nous rattachent tant de liens et de souvenirs et qui incarnait encore tant d’espérances désormais brisées. C’est pour ceux qui, comme nous, furent ses amis, un deuil personnel autant qu’un deuil politique.

Et nous ne pouvons nous défendre d’avoir le cœur navré en songeant à l’insondable doulur dans laquelle la mort de Louis Le Poutre plonge la compagne dévouée de sa vie t les deux jeunes filles sur lesquelles se concentraient ses tendresses et ses rêves d’avenir.

Emile Féron.