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Léonard Henri (1862-1926)

Portrait de Léonard Henri

Léonard Henri, Joseph, Ghislain socialiste

né en 1862 à Seneffe décédé en 1926 à La Hestre

Représentant 1894-1926 , élu par l'arrondissement de Charleroi

Biographie

(Extrait de La Chambre des représentants en 1894-1895, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1896, pp. 359-360)

LÉONARD, Henri-Joseph-Ghislain,

Représentant socialiste pour l’arrondissement de Charleroi, né à Seneffe le 22 mars 1862

M. Léonard travailla aux Usines de Beaume-et-Marpent en qualité d'aide-riveur, puis à celles de Haine Saint-Pierre comme forgeron. Il devint plus tard caissier-comptable de la Société coopérative Le Progrès, de Jolimont.

Il a suivi non sans succès les cours de l'École industrielle de Morlanwelz, où il a obtenu le diplôme de chauffeur-mécanicien et celui de dessinateur-mécanicien, ainsi qu'un brevet de mathématicien.

M. Léonard est président de la Ligue ouvrière et secrétaire de la Fédération de l'arrondissement de Charleroi.

LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS EN 1894-1895

II a été élu conseiller communal La Hestre en 1890 et député pour l'arrondissement de Charleroi au ballottage du 21 octobre 1894 par 69,384 suffrages, en opposition aux catholiques, les libéraux ayant été éliminés au premier tour de scrutin.

M. Léonard collabore au journal Le Peuple.


(Extrait du Peuple, du 21 août 1926)

Le triste événement appréhendé depuis vient de se produire : Henri Léonard, député socialiste de Charleroi, est mort vendredi matin à La Hestre.

Avec notre cher camarade disparaît l'un des quelques survivants de l'équipe des premiers mandataires socialistes élus à la Chambre, en 1894. C'était l'époque héroïque, imposant aux hommes de con fiance du Parti ouvrier un effort sans répit, une abnégation de tous les jours. C'était l'époque aussi où la foi ardente et la force de travail de chacun de nos élus devaient suppléer au nombre, encore restreint, des porte-parole de la classe ouvrière.

Henri Léonard, ancien ouvrier métallurgiste, fut avec le dévouement le plus intelligent un de ces militants de la première heure. Au Parlement, où il siégea sans interruption depuis 1894, son action fut féconde pour la cause socialiste et ouvrière. Et dans le pays de Charleroi, elle rayonna durant de longues années suri la plupart des œuvres et des groupes, dont il fut le créateur et l'animateur.

Léonard naquit à Seneffe, le 22 mars 1862.

Il entra au conseil communal de La Hestre en 1890 et fit fonction de bourgmestre dès 1908. En 1912, déjà, ses administrés réclamèrent pour lui l'écharpe de premier magistrat de La Hestre, où son activité bienfaisante l'imposait à la considération de tous les milieux. Mais ce ne fut qu'au lendemain de l'armistice, en 1919, que sa nomination aux fonctions de bourgmestre vint consacrer les vœux de la population, qui avait apprécié hautement ses qualités, alors qu'il remplit les fonctions d'échevin des finances et de l'instruction publique.

Dans le cadre des œuvres du Parti ouvrier, nombreux sont les grandes coopératives, les mutualités, les syndicats qui, dans le Centre et le pays de Charleroi, doivent à l'activité et au zèle de Léonard, et leur naissance et leur prospérité. Il se distingua notamment jadis, au Progrès de Jolimont, dont il fut l'un des comptables les plus distingués. Il créa et anima la grande œuvre coopérative de Charleroi, La Concorde, dont il était hier encore le président du Conseil d'administration. Léonard créa encore la Fédération syndicale et métallurgiste de Charleroi, ainsi que la Fédération politique ; il fut fondateur de l'Union des Coopérateurs du bassin de Charleroi, dont il resta administrateur. Rappelons enfin son influence prépondérante sur le mouvement des Jeunes Gardes socialistes, à l'époque déjà lointaine où il fonda la Jeune Garde socialiste de La Hestre.

* * *

Cette trop brève évocation des états de service du militant que le parti entier pleurera, témoigne de la longue, infatigable et féconde activité de cet ancien ouvrier devenu l'un des hommes les plus représentatifs de son parti. Mais on ne dira jamais assez le grand cœur, la bonté indulgente de celui que la mort nous enlève à l'Age où, en dépit des droits acquis, il n'était pas décidé encore au repos tant mérité.

C'est un militant de premier plan qui disparaît et un socialiste de grand cœur. Faut-il rappeler aussi qu'il fut, avec Jules Mansart, le premier correspondant du Peuple dans le Centre. et qu'il s'attacha puissamment à la diffusion de notre organe dans cette région où le Peuple est la feuille de toute la population ouvrière.

Les funérailles d'Henri Léonard auront lieu dimanche 22 août, à 4 heures, à La Hestre. Les groupes se réuniront à la Maison du Peuple, à 3 h. 30 précises.


(Extrait du Peuple, du 22 août 1926)

Fraternel Salut

D'aspect massif quoique de haute taille, la tête ronde attachée par un cou robuste à des épaules larges, le regard clair et pénétrant, tantôt adouci par une expression mélancolique, tantôt par une pensée d'énergie, Henri Léonard alliait à un curieux fonds de sentimentalité naïve, une rare puissance de volonté.

Au privé, il était ingénument bon et confiant, cordial, serviable. toujours prêt au coup d'épaule, l'humeur accommodante et joviale, trouvant sans peine, dans le rude patois du terroir, le mot •pour rire... ou pour consoler... Ce fut le type parfait du brave homme.

Mais dans le domaine politique, ce placide se métamorphosait. Une ardeur soulevait sa poitrine vigoureuse. La flamme ardait dans ses yeux. Henri Léonard incarna passionnément l’intérêt et les aspirations de la classe ouvrière.

Qu'il prodiguât son effort au Progrès de Jolimont, ou, plus tard, à La Concorde de Roux, l'opiniâtre mandataire du noir n'a jamais démenti le juvénile militant de la région du Centre.

Ses initiatives étaient mûries. Il martelait la conception neuve qui le hantait, en ancien forgeron dont le marteau n'épargne pas l'enclume... Puis, quand l'heure d'agir lui semblait venue, il apportait dans la réalisation et l'accomplissement, la sûreté de méthode, l'élan mesuré et surtout la ténacité qui enlève le succès.

Ce fut un syndicaliste de fière conscience et de hardie prévision. Il ne se bornait à chercher dans le syndicat le moyen d'imposer dans les conditions de travail tous les amendements compatibles avec le régime du salariat; il apercevait en lui, et notamment dans la conquête el la pratique du droit de regard, l'apprentissage nécessaire au prolétariat, pour assumer un jour la formidable tâche de direction économique et de transformation sociale qui lui incombe. Dans l'esprit de Léonard, le syndicalisme devait être autant éducatif que corporatif.

A la Chambre, son rôle ne visa nul éclat, mais combien il fut symbolique. Il appartint à cette pléiade sacrée des Maroille, des Malempré, des Cavrot, de combien d'autres précurseurs qui firent retentir pour la première fois, dans l'hémicycle parlementaire, le verbe des travailleurs du fer, du charbon ou de la laine... Et cette simplicité fruste et parfois brutale sans être grossière, fut une révélation et une stimulation.

Henri Léonard meurt, emportant l’amour et le respect de tous ses vieux compagnons d'armes. C'est en leur nom que nous lui adressons ici le salut du fraternel adieu et de l'impérissable souvenir.

Jules LEKEU


(Extrait du Journal de Charleroi, du 21 août 1926)

Malade, gravement malade depuis plusieurs années déjà, Henri Léonard avait donné aux siens et à ses amis de vives inquiétudes.

Souvent on crut que sa dernière heure était venue, mais chaque fois la robuste constitution du malade et sa volonté de fer eurent raison des attaques d'un mal dont il devait cependant mourir.

Il y a huit jours, une apoplexie vint terrasser Henri Léonard en plein travail. A ce moment, la situation fut si grave que le bruit de la mort du député de Charleroi courut avec persistance. Mais dan un dernier sursaut de volonté, Henri Léonard résistait à la mort.

Et voilà qu’hier à midi, on nous annonçai l’irréparable.

« Encore un des vieux qui s'en va, » nous disait-on.

Oui, un vieux en effet. Un vieux si on se reporte au temps où Léonard, ouvrier forgeron, s'efforçait de consacrer le meilleur de ses loisirs à l'étude. Il y a de cela plus de 40 ans.

Actif, intelligent, épris d'idéal et de justice, Léonard, non seulement, rêva d'une vie meilleure pour ses frères de travail, mais apporta dans la réalisation de ce rêve un dévouement et une opiniâtreté qui forcèrent par instant l'admiration des adversaires eux -mêmes.

Accordant son activité à des domaines multiples Léonard, bourgmestre de La Hestre, député de Charleroi depuis 1894, fondateur de la Fédération des métallurgistes et de la Mutualité, grand administrateur de La Concorde, ancien secrétaire de la Fédération socialiste, apportait dans l’exercice de tous ses mandats d'incontestables qualités de travail, de probité et d'intégrité.

Qui ne se souvient de l'inoubliable manifestation des métallurgistes du Pays noir, se rendant à La Hestre pour remettre Le Marteleur de Constantin Meunier en même temps qu'ils élevaient le fondateur de leur fédération au poste de président d'honneur !

Les discours qui seront prononcés sur la tombe de notre ami défunt diront tout ce que le parti socialiste doit à ce vaillant pionnier des œuvres démocratiques.

Pour nous, Henri Léonard fut un excellent ami.

Doué d'une grande facilité de travail et d'un grand bon sens, présidant les assemblées avec calme et autorité, soucieux d'encourager les jeunes, il fut un propagandiste exceptionnellement actif et complaisant. Rien de ce qui pouvait être susceptible d'améliorer le sort des humbles ne le laissait indifférent et on peut dire qu'il a joué dans le développement des œuvres socialistes en Belgique un rôle de premier plan dont il serait difficile d'évaluer l'importance.

Et tous ceux qui ont connu le grand cœur de Henri Léonard, son amabilité, son empressement à rendre service et sa modestie, tous ceux qui ont pu mesurer la valeur de ses initiatives et apprécier l'effet utile de ses efforts comprendront fort bien tout que contient d’ éloges, cette appréciation d'un vieux militant qui nous disait tristement : « C'est un vieux lutteur qui disparaît. »


Voir aussi :

DELAET J.-L., Le combat d’une vie pour le pouvoir d’achat des travailleurs : Henri Léonard (1862-1926), [2024], sur le site du Centre d’Animation et de Recherche en Histoire Ouvrière et Populaire (Carhop) (consulté el 7 décembre 2025)

2° la notice biographique de PUISSANT J.., sur le site du Maîtron (consulté le 7 décembre 2025)