Lemonnier Maurice, Charles, Jean libéral
né en 1860 à Mons décédé en 1930 à Bruxelles
Représentant entre 1892 et 1930, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait du Soir, du 13 septembre 1930)
Vendredi matin. une triste nouvelle se répandait dans Bruxelles : le baron Lemonnier, le sympathique échevin et député de Bruxelles, était mort dans la nuit succombant à une embolie. La disparition du baron Lemonnier prive la ville de Bruxelles et pays d'un grand serviteur aux qualités éminentes et d'un patriote vaillant, qui ne cessa de mettre son talent et son cœur au service de la cause publique. Le parti libéral est également privé d’un chef dont le dévouement ne fut jamais en défaut et qui savait admirablement concilier ses convictions avec l'intérêt supérieur du pays.
Au conseil communal de Bruxelles comme au Parlement, le baron Maurice Lemonnier ne comptait que des sympathies dans tous les partis ; sa mor, qui crée dans nos assemblées délibérantes un vide immense, y cause d'unanimes regrets.
Charles-Jean-Maurice Lemonnier était né à Mons le 12 janvier 1860. Après de brillantes études moyennes, il conquit ses diplômes d'ingénieur et de docteur en droit et fut attaché pendant plusieurs années aux services centraux des chemins de fer de l'Etat.
Il épousa alors la fille de Stéphane Mineur, ancien député de Philippeville, puis se lança dans la politique, subissant la forte empreinte de Paul Janson, dont il fut d’ailleurs le stagiaire.
Il fut élu député de Bruxelles le 14 juin 1892 et admis à la Chambre le 12 juillet. Non rélu en 1894, il revint à la Chambre le 12 novembre 1902, et depuis les électeurs lui renouvelèrent leur confiance sans tance interruption : en 1906. 1910, 1912, 1919, 1921 et 1925.
Il fut élu second vice-président de la Chambre le 20 mais 1924, en remplacement de M. Mechelynck, décédé ; il fut appelé à la première vice-présidence le 19 août 1928, mandat qui lui fut renouvelé le 19 novembre 1929.
Il était, depuis de longues années, président du groupe libéral de la Chambre. Ses interventions dans tous les grands débats, tant en son nom qu'au nom de ses amis politiques, étaient toujours nettes et témoignaient d’un constant désir de servir l'intérêt du pays, d’établir en Belgique un régime d'ordre et de justice sociale, d’assurer la sécurité nationale. C’était un orateur parlementaire très écouté, en raison surtout de la sincérité de ses sentiments et de ses conviction, et de l'aménité de son caractère.
Le rôle du baron Lemonnier à l’hôtel de ville de Bruxelles fut plus important encore. Elu conseiller communal le 19 octobre 1890, il ne fut pas réélu en 1895; mais le 15 octobre 1899, il rentra au conseil, et le 30 janvier 1905 ses collègues l’appelaient à l’important échevinat des Travaux publics, qu’il gérait encore hier, au moment où la mort le guettait déjà.
Pour mener à bien la lourde charge de son département, il sut toujours s’entourer de collaborateurs éminents et dévoués. C’est à lui que la capitale doit l’aménagement de tant de quartiers nouveaux, qui font sa richesse et sa fierté. C’est à lui qu’elle doit l’organisation des services des régies, de l’électricité notamment, l’édification de nombreux bâtiments scolaires que l’étranger admire, et aussi de la construction, toute récente, du stade des Sports.
Pendant la guerre, aux heures graves et tragiques, le premier échevin de Bruxelles assuma avec fermeté et prudence la lourde succession d’Adolphe Max, que les Allemands venaient d’emmener dans leurs geôles.
Maurice Lemonnier tint tête, lui aussi à l’occupant avec une belle vaillance, et paya à son tour de sa liberté son attitude patriotique et ferme. Emprisonné en Allemagne, il souffrit physiquement et moralement pendant de nombreux mois.
Rentré à Bruxelles le 25 octobre 1918, il reprit la direction des affaires de la ville. A l'armistice, le 11 novembre suivant, il eut l'immense joie de proclamer devant le peuple de Bruxelles assemblé la libération de la capital.
Le Roi lui octroya l'année suivante la plaque de grand-officier de l'Ordre de Léopold avec liséré d'or et avec Inscription à l'ordre du jour de la Nation.
Le 14 novembre 1921, un arrêté royal accordait à Maurice Lemonnier concession de noblesse pour lui-même et ses descendants et concession du titre de baron.
Le 30 janvier dernier, le personnel des Travaux publics de Bruxelles fêta, en une cérémonie simple mats inoubliable, le XXVème anniversaire de l'échevinat du baron. Ce fut l'occasion pour ses collaborateurs de lui dire comment, par son esprit de justice, sa clairvoyance, sa bonne humeur et sa bonté. il avait su conquérir à la fois les sympathies de tous et la respectueuse estime de son personnel.
Le baron Lemonnier était également grand officier de la Légion d’Honneur, commander de la « Civil Division » de l’Empire britannique et titulaire de nombreux autres ordres étrangers.
Il était membre de la Commission de patronage des Musées royaux ; pendant de longues années, il s’occupa de la gestion des Hospices civils de Bruxelles. En 1910, il fut vice-président du Comité exécutif de l’Exposition.
A l’heure où les amis – innombrables – du baron Lemonnier s’apprêtent à le conduire dans sa dernière demeure, rappelons qu’il était le frère du regretté Alfred Lemonnier, qui dirigea longtemps L’Indépendance belge, notamment pendant la période critique où notre confrère parut à Londres, en exil…
(Extrait de L’Indépendance belge, du 13 septembre 1930)
Un deuil pour le parti libéral.
Le baron Maurice Lemonnier est mort vendredi soir.
Bruxelles vint de perdre l’un des artisans de sa splendeur.
Une des figures les plus sympathiques et les plus marquantes de Bruxelles vient de disparaître : le baron Maurice Lemonnier, échevin et député de la capitale, et de plus homme de bien, a succombé, dans la nuit de jeudi à vendredi, à une embolie.
La ville et le parti libéral sont également en deuil, car le défunt était pour l’une comme pour l’autre un ami sûr et un serviteur dévoué. Sa disparition laisse un vide immense dans tous les milieux où sa grande activité s'est manifestée pendant près de trente-cinq ans.
La carrière politique
Né à Mons, le 12 janvier 1860, Charles-Jean-Maurice Lemonnier fit ses études moyennes de brillante façon. Il conquit ensuite les diplômes d’ingénieur et de docteur en droit. Pendant plusieurs années, il fut attaché aux services centraux des chemins de fer de l’Etat.
Lorsque M. Lemonnier songea à fonder son loyer, il se tourna ver la fille de M. Mineur, ancien député libéral de Philippeville, puis se lança dans la politique. Stagiaire de Paul Janson, il profita amplement des belles leçons et des utiles exemples de ce grand libéral.
Il fut élu député de Bruxelles le 14 juin 1892 et admis à la Chambre le 12 juillet suivant. Non réélu en 1894, il revint à la Chambre le 12 novembre 1902, et, depuis, les électeurs lui renouvelèrent leur confiance sans interruption : en 1906, 1910, 1912, 1919, 1921 et 1925.
Il fut élu second vice-président de la Chambre le 20 mars 1924, en remplacement de M. Mechelynck, décédé ; il fut appelé à la première vice-présidence le 16 août 1928, mandat qui lui fut renouvelé le 19 novembre 1929.
Depuis de longues années, M. Lemonnier était président du groupe libéral de la Chambre. Sa stature imposante, son verbe rare mais toujours correct et réfléchi en faisaient un politicien toujours écouté et respecté. Il savait, à l'heure difficile, mettre les intérêts du pays au-dessus de. ceux de son parti. C'est le plus éloge qu'un homme politique puisse rêver.
La carrière administrative
M. Maurice Lemonnier fut élu conseiller communal il y a trente-quatre ans, exactement le 12 octobre 1890. Il remplit ce mandat jusqu'au 31 décembre 1895 ; il est réélu le 15 octobre 1899 et rentre en fonctions le 1er janvier 1900. Depuis lors, son mandat a été constamment renouvelé.
Le 14 juin 1890, M. Lemonnier est nommé député de l'arrondissement de Bruxelles à la Constituante. Après une courte interruption, il est réélu en 1902, et, depuis lors, ses mandants lui sont toujours restés fidèles.
Le 30 Janvier 1925, l’administration communale de Bruxelles fêtait le vingt-cinquième anniversaire de l’échevinat de M. Maurice Lemonnier.
Rappelons brièvement ici les points principaux de l’œuvre du grand disparu :
La transformation du quartier Nord-Ouest de Bruxelles, aux eaux malsaines et croupissantes, en une zone riante, largement aérée ;
L'extension de la capitale par le quartier de Solbosch, où domine aujourd'hui la nouvelle Université ;
Les maisons ouvrières, qui assainissent le quartier de la rue Haute et les coquettes maisons bon marché, rue d'Amsterdam ;
Les nombreuses écoles bruxelloises, notamment rue Véronèse, boulevard Clovis, rue des Riches-Claires, rue Ernest Allard et rue du Rempart-des-Moines ;
L'amélioration. constante des régies de l'eau, du gaz de l'électricité;
L'annexion de plusieurs communes, conquêtes utiles et heureuses du « plus grand Bruxelles. »
Tels sont les bienfaits que l’administrateur intègre a répandus sur ses administrés.
Pendant la guerre
A la loyauté du bon libéral, à l'activité toujours en éveil de l’administrateur, M. Lemonnier joignait l’énergie indomptable du bon patriote.
Premier échevin de Bruxelles, il eut l’honneur de reprendre la très lourde succession d’Adolphe Max, que les Allemands venaient d’emmener en captivité.
Comme son chef, il sut tenir tête aux fantaisies de l'envahisseur. Sa belle vaillance l'exposa bien vite à la vindicte des Allemands qui n’aimaient pas les vertus civiques chez les autres. Il fut bientôt emprisonné et, pendant de longs mois, il endura une captivité souvent fort pénible.
M. Lemonnier rentra à Bruxelles quelques jours avant l’armistice et reprit ses fonctions. C’est lui qui eût l’immense joie de proclamer à la population la libération de la capitale.
Le baron Lemonnier était le frère des regrettés Albert et Alfred Lemonnier, qui furent pendant de longues années directeurs de L’Indépendance belge, y compris la période héroïque où notre journal parut en exil, à Londres.
(Extrait du Soir, du 16 septembre 1930)
Notes parisiennes.
Paris, 15 septembre.
Permettra-t-on à l’ami lointain d’envoyer un dernier souvenir à Maurice Lemonnier, cet homme dune nature rare, à qui l Soir a rendu un si juste hommage, hier ?
C'était un ami de plus de trente ans. Il s'en va en pleine vigueur, en pleine activité intellectuelle. Une de ses dernières pensées aura été pour l' « Idée française à l’Etranger », dont la section bruxelloise l'avait nommé président. J'ai là, sur ma table, sa dernière lettre, arrive il y a trois jours. et laquelle j’allais répondre, quand une dépêche de Fernand Rooman m'annonça la terrible nouvelle.
Voici ce billet :
« Mon cher ami,
« Oui, c’est entendu, notre ami Arcadius Flatté sort d’ici. Nous avons arrêté la date du dimanche 5 octobre prochain pour l’inauguration des tombes restaurées des soldats français du cimetière de Saint-Charles, à Ypres. Puisque vous insistez, je dirai quelques mots.
« Décidez M. Poincaré à être là. Tâchez d’arriver la veille, nous réunirons quelques amis… »
Le 5 octobre prochain, nous accomplirons la pieuse cérémonie du cimetière Saint-Charles où l’ « Idée française à l’Etranger » a remplacé les 3,600 croix de bois par des croix de marbre que l’œuvre « Nos Tombes » de Bruxelles, que préside précisément la baronne Lemonnier, entretient toute l’année de fleurs et de bouquets. « Je dirai quelques mots, » ajoutait le cher disparu ; il emporte dans sa tombe l'hommage qu'il devait adresser aux vaillants soldats français tombés sur l'Yser dans les journées de 1915. Qui mieux que lui eût parlé de ces Français qui, aux côtés des Belges, tombèrent pour la défense de la cause commune ?
C'était le moment où l’héroïque bourgmestre Max était arrêté, emmené dans une forteresse allemande, pendant que Maurice Lemonnier le remplaçait à l’hôtel de ville, où il continuait l’attitude si énergique contre l'envahisseur ; il était arrêté à son tour et enfermé dans les prisons de Dusseldort. Un jour de l’été passé, en causant sur la terrasse de sa « Villa des Dunes », à Ostende., en face de la mer. il me racontait les tracasseries de ces ennemis sans scrupules.
« Sans parler des souffrances physiques, me disait-il, ils ne perdaient aucune occasion de me faire souffrir. Un seul exemple. La lecture des journaux était interdite, bien entendu. Un jour, le géôlier qui faisait le service et qui ne me parlait jamais, laissa tomber de sa poche un journal français. Je crus que c'était par mégarde ; cependant, un journal était une bonne fortune dans cette épouvantable silence, privé de toute communication. Le geôlier parti, je me précipitai et lus la feuille de la première à la dernière ligne. Aux « faits divers », sans explications, je lus que Mme Lemonnier venait de mourir à Bruxelles. Pas d'autres détails ; pas de prénoms, rien. Vous devinez mon inquiétude pendant plusieurs jours. Il y avait là une simple similitude de nom et ces Allemands l’avaient saisie au passage pour augmenter mes souffrances morales. Ce sont des raffinements de cruauté dont seuls des Allemands sont capables ; car le geôlier avait évidemment obéi à un ordre en laissant volontairement tomber ce journal contenant un détail en somme insignifiant, mais capable de me tourmenter. »
Pendant ce temps, son frère, cet admirable Alfred Lemonnier, qui a écrit une si belle page du journalisme belge pendant la guerre, en faisant paraître à Londres L’Indépendance belge, laquelle apporta un si puissant réconfort aux 50,000 réfugiés belges qui, anxieusement attendaient les événements, Alfred Lemonnier dis-je, était sans nouvelles de son frère et de sa belle-sœur, demeurée seule à Bruxelles. Ce fut Delcassé qui, sur ma demande, obtint par l'intervention du roi d’Espagne des indications brèves sur la santé de l’un et de l'autre.
Inutile de dire qu'en France on avait la plus profonde estime et la plus grande considération pour Maurice Lemonnier. Un simple détail. qu'on me pardonnera, quoiqu’il me soit un peu personnel. A un de nos dîners d'hiver, j'avais eu le plaisir de à ma table quelques amis: M. Raymond Poincaré, Georges Leygues, Raoul Péret, Georges Lecomte. M. Lemonnier était venu aussi et M. Rossel, directeur du Soir, Fernand Rooman et quelques autres Bruxellois étaient là aussi. Même entre amis, il y a tout de même un peu de protocole. M. Poincaré était naturellement à droit de la maîtresse de la maison et M. Georges Leygues, ministre de la Marine en exercice, devait être à gauche. Mais il s'y refusa :
« - Non, non, dit-il, quand on se trouve en présence d'un homme comme le baron Lemonnier, un patriote, celui-là, il passe avant un ministre français. »
Et il l'obligea à prendre sa place. Hommage au caractère de l’échevin de la guerre. »
Et maintenant, un crêpe voile tous ces souvenirs, et demain nous n'aurons que des regrets estompés par le temps. Comme dit le poète :
« Demain, après-demain et toujours… »
JEAN-BERNARD.
Voir aussi :
1° Jean Heyblom historien et AESS, Lemonnier Maurice , sur le site du cercle d'histoire de Bruxelles (consulté le 20 novembre 2025)
2° Lemonnier Maurice , sur le site de liberasstories (consulté le 20 novembre 2025)