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Lambert Casimir (1827-1896)

Portrait de Lambert Casimir

Lambert Casimir, Isidore, Joseph liberal

né en 1827 à Gilly décédé en 1896 à Charleroi

Représentant entre 1874 et 1896, élu par l'arrondissement de Charleroi

Biographie

(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 10 septembre 1896)

Mort de M. Casimir Lambert

L'événement fatal n'est venu que trop brusquement confirmer les alarmes que nous exprimions hier au sujet de l'état de santé de M. Casimir Lambert : notre ancien et honorable député a succombé dans la nuit de mardi à mercredi aux suites de la douloureuse maladie qui le tenaillait depuis un an. II était né le 1er janvier 1828.

La nouvelle de sa mort s'est répandue très rapidement en ville et y a soulevé des regrets sincères qui vont se répercuter partout au dehors. C'est que le nom de M. Lambert était pour tous l'expression de la droiture, de la loyauté et de l'honneur les plus purs. Cette réputation s'étendait dans le peuple même et, se greffant sur la grande bienveillance et l'extrême simplicité d'allures qui étaient d'autres caractéristiques de ce parfait gentleman, il se faisait que M. Casimir Lambert jouissait de toutes les sympathies, surtout parmi l'agglomération ouvrière au milieu de laquelle est plantée son ancienne et seigneuriale habitation.

Sans parler de sa bienfaisance qui était inépuisable, il a d'ailleurs rendu à une partie du peuple un inappréciable bienfait en vulgarisant l'industrie verrière et en permettant l'accès de cette carrière ouvrière à tous ceux qui voulaient y entrer. C'est lui, en effet, qui le premier provoqua la formation d'apprentis verriers, mettant ainsi fin au privilège des verriers « de sang » qui restreignait l'exercice de la profession de souffleur aux « gentilhommes » historiques.

Ingénieur de l'école des mines de Mons et d'un patron verrier qui avait été l'un des introducteurs de cette industrie dans notre bassin, M. Casimir Lambert n'a cessé lui-même de la révolutionner en se montrant l'initiateur de tous les progrès et en cherchant les débouchés nouveaux que réclamait l'incessante augmentation de la production amenée par ces progrès II créa successivement les établissements du Château à Lodelinsart, de la Planche à Dampremy et du Sud à Charleroi, qui ont toujours été des modèles de perfectionnements.

C'était, en même temps que des pépinières d'ouvriers, de véritables écoles de maitres de verreries, car l'on peut dire qu'un grand nombre d'ingénieurs et de patrons actuels ont fait leur éducation professionnelle dans les différents établissements du regretté défunt. Le premier, il se décida, il y a trente-six ans, à la traversée de l'Océan pour aller en Amérique faire mieux connaître les fabricats de la verrerie belge et lui créer les débouchés dont elle avait besoin. A cette époque, c'était encore quelque chose de peu commun qu'un voyage en Amérique, et si nous rappelons ce fait, c'est que, dans le monde verrier, le souvenir en est resté attaché au nom de M. Casimir Lambert.

Dès le début de sa carrière, il avait pris part au mouvement économique qui, de 1856 à 1860, appelait à grands cris le libre-échange, comme le seul système capable de favoriser l'essor des multiples industries belges ; il eut ainsi, avec les Pirmez, les Jonet, les Defontaine, les Sabatier, etc., une influence prépondérante dans le renouvellement du traité de commerce franco-belge de 1860, qui consacra la doctrine économique salutaire à notre pays et à laquelle Casimir Lambert resta attaché toute sa vie. Où sont maintenant, les libres-échangistes ?

Sollicité vers la même époque d'entrer à la Chambre de Commerce de Charleroi, M. Casimir Lambert en fut pendant longtemps l'un des conseil ers les plus sûrs et les plus éclairés. Nous aurions dit les plus brillants, si nous n'avions su que Casimir Lambert, qui était la modestie même et qui remplissait ses mandats de toute nature comme il faisait le bien autour de lui, sans bruit, sans ostentation, n'entendait se mettre en relief nulle part, ni aux dépens de personne.

Son caractère élevé devait tout naturellement le désigner à l'estime de ses pairs, qui l'appelèrent durant de longues années au secrétariat puis à la présidence de leur Association. En même temps, il les représenta plus d'une fois à l'étranger, notamment aux Expositions universelles.

Telle est la carrière industrielle de cet homme de bien : il sut faire entourer son nom à l'étranger d'une réputation de loyauté en affaires qui rejaillit sur la grande famille industrielle de Belgique tout entière. A ce titre, celle-ci honorera longtemps sa mémoire et reportera sa considération sur les fils qui sont les dignes continuateurs de l'œuvre de leur père, notamment M. Henri Lambert qui, en reprenant brillamment depuis quelques années la direction des affaires, n'a pas voulu interrompre la tradition de cette famille de verriers.

En 1874, les libéraux de l'arrondissement de Charleroi avaient appelé M. Casimir Lambert à les représenter à la Chambre. Il y entra en même temps que MM. Drion, Pirméz, Sabatier et Vandam. Sans interruption le corps électoral lui renouvela son mandat jusqu'en 1890, c’est-à-dire pendant 16 ans.

Chacun sait que M. Casimir Lambert appartenait à la vieille école libérale dont M. Pirmez, son parent, était en quelque sorte le prototype. Elle a presque disparu, cette école, sans que nous voyions bien la avantages que nous a valus celle par laquelle on a voulu la remplacer. M. Casimir Lambert remplit son mandat de député avec la dignité et la conscience qu'il apportait dans toutes les de la vie. Sa conscience, on n'aurait pu à aucun prix le faire transiger avec elle ; on le vit bien lorsqu'après les événements de 1886 il se sépara de ses amis da la gauche pour se renfermer dans l'abstention, lors du vote de blâme proposé contre M. Beernaert la suite de l'affaire Pourbaix Cette attitude fut diversement commentée, mais à vrai dire elle n'était qu'une manifestation logique de la grande franchise et de la complète indépendance de caractère qui avaient fait de M. Lambert, toute sa vie, l'homme estimable en qui on pouvait avoir la plus entière confiance.

D'ailleurs à l'expiration de son mandat, en 1890, M. Casimir Lambert n’en demanda plus le renouvellement, estimant peut-être qu'il n'était plus suffisamment en communauté d'idées avec tout le parti libéral, ou, ce qui est plus probable, pressentant la désagrégation, l'effondrement qui devaient être la conséquence d'idées nouvelles auxquelles son esprit droit refusait d'adhérer. II est sorti de la politique au moment où elle commençait à manquer d'orientation, ne lui ayant rien demandé, pas même la décoration traditionnelle.

Sa modestie, peut-être aussi les idées particulières qu'il avait sur certaines choses, lui avaient toujours fait refuser les ordres honorifiques qui s'étaient cependant offerts nombreux à lui. En revanche, on ne compte pas les citoyens auxquels il a fait obtenir les distinctions qu'ils méritaient.

C'est encore cet esprit de modestie et de simplicité de toute sa vie qui ont fait prendre au regretté défunt le soin de dicter lui-même l'ordonnance de ses funérailles : enterrement à 10 heures, pas de discours, pas de fleurs, pas même de corbillard. Il a voulu mourir comme il avait vécu : simplement.

Mais la pompe de ses funérailles sera dans la présence et les regrets profonds qu'il laisse au cœur de tous ceux qui ont connu ses vertus, de tous ceux qu'il a secourus, obligés, guidés dans la vie avec la plus touchante discrétion, de tous ceux en un mot qui l'ont aimé parce qu'ils l'ont connu.

Ses funérailles auront lieu samedi, à 10 heures du matin.