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Jouret Martin (1796-1878)

Portrait de Jouret Martin

Jouret Martin, Joseph libéral

né en 1796 à Flobecq décédé en 1878 à Flobecq

Représentant entre 1848 et 1866, élu par l'arrondissement de Ath

Biographie

(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio n°63)

JOURET Martin-Joseph,

Né à Flobecq, le 10 novembre 1796,

Représentant, élu par l’arrondissement d’Ath

M. Martin Jouret, reçu docteur en droit à l'Université de Gand, ne se destina pas aux luttes du barreau. Après l'obtention de son diplôme, il revint à Flobecq au sein de sa famille, et mit toute son ambition à se rendre utile à ses concitoyens en qualité d'avocat consultant.

A la première élection par le peuple, M. Martin Jouret fut proclamé échevin de Flobecq, puis major de la garde civique. Ajoutons à ces deux titres cette mention spéciale qu'ils lui furent décernés à l'unanimité.

En 1840, sous le ministère de M. Liedts, M. Martin Jouret fut nommé bourgmestre par arrêté royal, et ses concitoyens espéraient le voir longtemps présider aux affaires de la commune ; mais en 1842, un autre ministère ne crut pas devoir le maintenir dans ses fonctions, et cette disgrâce non méritée ne fit qu'accroître les sympathies déjà acquises à l'honorable M. Jouret par ses talents et ses nobles qualités. A la nouvelle de la décision ministérielle, quatre conseillers et le secrétaire de la commune donnèrent leur démission, et commencèrent ainsi la lutte qui devait venger le magistrat populaire en lui préparant les voies à une prochaine élection au Parlement.

L'arrondissement d'Ath, qui avait su apprécier l'honorable M. Jouret dans ses relations politiques et privées, n'oublia pas l'ancien bourgmestre de Flobecq, et le choisit en 1848 pour son représentant à la Chambre. Quatre élections successives dans lesquelles M. Martin Jouret obtint toujours la majorité absolue, ont prouvé, depuis, les sentiments d'estime et d'affection qui unissent le mandataire et ses concitoyens.

L'honorable député de l'arrondissement d'Ath s'est toujours montré économe des deniers publics, ennemi des sinécures et des gros traitements non justifiés par une absolue nécessité.

M. Martin Jouret, en présence des besoins du trésor et des traitements minimes des petits em ployés, a été l'un des plus fermes adversaires de la loi concernant les pensions des ministres.

C'est sur sa proposition développée à la tribune que cette loi, si vivement critiquée dans le pays, fut abrogée.

Par une heureuse motion d'ordre, il a rendu, en 1851, un éminent service au ministère libéral, en faisant ajourner la loi sur les successions, présentée par M. Frère. Cette loi, votée deux ans après avec des modifications, eût de prime abord entraîné la chute des ministres, ses amis politiques.

M. Martin Jouret prend assez rarement la parole dans les séances publiques de la Chambre; mais fidèle à son parti, il étudie consciencieusement les projets offerts aux délibérations du Parlement, et ses votes sont toujours basés sur ce qu'il pense être conforme au bien de l'État et aux principes constitutionnels de la révolution de 1830.


(Extrait de L »Indépendance belge, du 27 janvier 1878)

Nous parlions, ces jours-ci, en citant un article de l'Ami de l'Ordre, de Namur, des allures de plus en plus intolérantes du clergé en matière de sépulture. L'Economie de Tournai nous en apporte un exemple nouveau, en nous racontant les scènes scandaleuses provoquées par le clergé de Flobecq, aux funérailles de M. Martin Jouret, ancien député d'Ath. Voici ce que dit L’Economie :

« En rendant compte. Dans notre dernier numéro, des funérailles de Martin Jouret, nous avons annoncé qu’un incident s’était produit, à la fin de la cérémonie, à l'occasion d'un discours prononcé sur la tombe par M. Bricoult. l'honorable député d'Ath. Voici les renseignements qui nous sont adressés au sujet de cette affaire :

« Plus de mille personnes, parmi lesquelles on remarquait MM. les représentants Bricoult et Descamps. MM. Jouret et Frison , anciens représentants ; M. Tacquenier, bourgmestre de Lessines, etc., avaient suivi le cercueil jusqu'au cimetière ; le clergé. avait procédé, au milieu du recueillement général, aux cérémonies ordinaires du culte; M. Bricoult. qui avait siégé quelques années à la Chambre avec Marlin Jouret ne pouvait s'abstenir de prendre la parole en cette triste circonstance et la prenant, il devait nécessairement retracer la carrière politique du défunt.

« Il l'a fait en des termes très concis. en rappelant que M. Martin Jouret avait été élu pour la première fois en 1848 avec M. Delescluze ; que cette élection, à la réussite de laquelle avait surtout contribué le canton de Flobecq, avait marqué le premier succès du libéralisme dans l’arrondissement d'Ath ; que pendant vingt ans, M. Jouret était resté le mandataire de cet arrondissement, respecté pour sa simplicité, sa loyauté, sa grande indépendance de caractère, sa bonté et surtout son désintéressement, rendant des services à ses adversaires politiques comme à ses amis prenant part au vote de lois économiques importantes, faisant apprécier dans toutes les discussions son jugement et sa pratique des affaires ; et, après avoir quitté la vie politique. restant comme autrefois fidèle et à l'opinion libérale et combattant toujours pour le triomphe de ses principes. M. Bricoult terminait en parlant des regrets que causait la mort de M. Martin Jouret et en exprimant l'espoir que le défunt obtiendrait dans l'éternité la récompense que Dieu réserve à ceux qui ont bien servi leur pays et qui se sont dévoués pour leurs concitoyens.

« Tel est l'exact résumé du discours de M. Bricoult.

« C'est ce discours que le clergé a jugé bon d'interrompre. L'un des officiants. coupant la parole à l'honorable député d'Ath, s'écria qu'on transformait une cérémonie religieuse en démonstration politique, qu'on insultait à la mémoire d'un homme mort en chrétien en prononçant de telles paroles sur sa tombe : » Sortez d'ici, cria-t-il en terminant, laissez passer la croix ! »

» M. Vanlangenhove, bourgmestre de Flobecq, intervenant avec beaucoup de calme, fit observer au clergé que personne ne songeait à faire de démonstration politique ; que ce n'était pas insulter le défunt que de rappeler sa carrière comme homme public et membre de la Chambre, que les amis de M. Martin Jouret avaient le droit et le devoir de le faire. M. Bricoult s’interrompit un instant. et le clergé se retira, sans qu'un seul des assistants jugeât à propos de le suivre. La foule continua à se presser émue et recueillie, autour du cercueil de l'homme d'élite qu'elle avait conduit jusqu'au champ du repos, et écouta au milieu d'un silence religieux la fin du discours de M. Bricoult et les paroles d’adieu de MM. J. Jouret et Vanlangenhove.

« M. J. Jouret a protesté contre la conduite que le clergé venait de tenir ; il a déclaré que le discours de l’honorable député d'Ath ne contenait aucun mot inconvenant ; il a lui-même d'ailleurs rappelé, à peu près dans les mêmes termes, la carrière politique du défunt.

« L'attitude de l'assistance, je le constate en terminant, a été très digne et très réservée; elle a été une silencieuse et éloquente protestation contre la scène violente dont on venait d'être témoin.

« Depuis lors, ce déplorable incident a fait dans tout le canton l'objet de bien des conversations, et, le premier moment de surprise passé, on s'est dit qu'il était en définitive dans l'ordre dés choses ; les élections de juin approchent. le clergé recherche toutes les occasions de courir sus au libéralisme.: on a eu les capucinades dé Belœil ; voici maintenant l'algarade de Flobecq : on en verra bien d'autres encore. Mais ce que verront surtout et bientôt les cléricaux de nos contrées, c’est que de pareils faits se produisant au milieu de fières et loyales populations comme. les nôtres, tournent à l'entière confusion de ceux qui les commettent. L'isolement complet du clergé au moment où il a quitté le cimetière, croyant probablement entraîner à sa suite une bonne partie de l'assistance. en est une première preuve : les autres ne se feront pas attendre. »


(Extrait du Courrier de l’Escaut, du 28 janvier 1878)

L'incident de Flobecq.

L'Economie a annoncé à ses lecteurs la mort et les funérailles de M. Martin Jouret, ancien représentant d'Ath. Elle s’est naturellement associée aux regrets provoqués dans le camp libéral du canton d'Ellezelles par la disparition d'un ami politique. A cela nous n'avons rien à redire. La liberté de manifester ses sympathies comme ses opinions, si ridicules qu'elles puissent être, est garantie aux Belges,

Mais quand L'Economie, sous prétexte de raconter un incident qui s'est produit aux funérailles de M. Jouret, travestit la vérité pour attaquer le clergé de Flobecq et vanter en même temps la modération des gueux, nous croyons devoir protester et rétablir l'inexactitude des faits qu'elle dénature.

Le clergé accompagna au cimetière les restes mortels de M. Jouret. Après l'accomplissement des cérémonies religieuses, M. Bricoult, représentant d'Ath, s'avança, et lut un discours s'occupant plus de politique que des qualités et des mérites du défunt. « C'est en 1848, a-t-il dit, que Martin Jouret fut élu la première fois député de l’arrondissement d'Ath. Il avait lutter contre un homme jouissant d'une grande popularité, méritée par ses talents réels et de grands services rendus. Mais, à cette époque, le parti libéral de notre arrondissement se réveillait et levait fièrement le drapeau de la liberté qu'il ne cessa d'opposer aux prétentions ultramontaines et à l'intolérance cléricale, etc. »

Voilà sinon le texte, au moins le sens des premières phrases du discours de M. Bricoult, et que l’Economie avec sa mauvaise foi habituelle, a complétement travesti.

M. le curé de Flobecq, blessé dans ses convictions religieuses, dans un lieu où des paroles de paix, de consolation et d’espérance devraient seules être prononcées, ne crut pas pouvoir sanctionner par sa présence les paroles de M. Bricoult. Il se retira dignement en protestant par ces mots : « Nous venons, dit-il, messieurs, d’assister à une cérémonie religieuse. Je m'aperçois qu'on veut la transformer en manifestation politique, je ne crois pas pouvoir m'y associer. Je tiens à déclarer, en me retirant, que M. Martin Jouret est mort en chrétien, en catholique. Messieurs, je vous prie, laissez passer la Croix ! »

Les catholiques assistant aux obsèques de M. Jouret approuvèrent hautement la conduite courageuse de M. le curé.

M. Bricoult qui ne desserre jamais les dents à la Chambre, pris d'une subite démangeaison de parler, continua la lecture monotone de sa prose libérale et… empruntée.

Il a soutenu que ce ne sont pas toujours les grands parleurs qui sont le plus utiles au pays... Vous êtes orfèvre M. Josse ?

De tout ce précède, on doit conclure que l’enterrement de M. Martin Jouret a été l'occasion d'une manifestation libérale très déplacée pour ne pas dire plus, et M. le curé de Flobecq n’a fait que son devoir en refusant de s'y associer.


(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, pp. 367)

Candidat en droit de l'universté de l'Etat de Gand (1825)

Avocat

Echevin (1830-1836), puis bourgmestre de Flobecq (1840-1842)