Accueil Séances Plénières Tables des matières Législation Biographies Documentation Note d’intention

Hoÿois René (1861-1918)

Portrait de Hoÿois René

Hoÿois René, Fidèle catholique

né en 1861 à Tournai décédé en 1918 à Holzminden (Allemagne)

Représentant 1894-1900 (Tournai) et 1900-1918 (Tournai-Ath)

Biographie

(Extrait de La Chambre des représentants en 1894-1895, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1896, pp. 346-349)

HOYOIS, Joseph-Eleuthère-Marie-Sophie-Napoléon,

Représentant catholique pour l’arrondissement de Tournai, né à Tournai le 14 juin 1861

M. Hoyois fit de brillantes études à l'Athénée royal de Tournai et à l'Université de Louvain, où il conquit tous ses grades avec la plus grande distinction : il est docteur en droit, docteur en sciences politiques et administratives et candidat notaire.

Après avoir fait son stage chez feu M. Jacobs, ancien ministre de l'intérieur et de l'instruction publique, il se fit inscrire au tableau de l'ordre des avocats à la Cour d'appel de Bruxelles.

M. Hoyois est à la tête de plusieurs journaux démocratiques. II collabore, en outre, à diverses revues, entre autres à La Revue générale, de Bruxelles, au Magasin littéraire et scientifique, de Gand, et à La Revue internationale d'administration, de La Haye.

Il est l'auteur d'un certain nombre de publications ayant un caractère social ou littéraire, parmi lesquelles nous citerons : Dix Mots sur le travail des femmes à Bruxelles ; Les Bourses du travail pour femmes ; La Bourse bruxelloise du travail pour femmes ; Assurance obligatoire et bienfaisance libre ; Liberté, tolérance ou répression en matière de mœurs ; A propos du IVe Congrès international de moralité publique ; Tournai au XIIIe siècle ; Les Lettres tournaisiennes, ou Histoire complète de la littérature à Tournai ; Autour de la Presse.

M. Hoyois est membre fondateur et ancien vice-président de la Société juridique de Louvain et membre de la Société belge d'économie sociale.

Il fut l'un des promoteurs du mouvement indépendant à Bruxelles, en 1883 et 1884, et contribua largement, avec MM. Theodor, Cuylits, Lejour, Van Oye, etc., aux succès électoraux des indépendants.

Il défendit, en 1884, la cause des cochers fédérés de l'agglomération bruxelloise contre le « Monopole » et fit ensuite campagne, à Molenbeek-Saint-Jean, en faveur de la liberté de conscience, contre l'établissement, par l'administration communale, des corbillards laïques, obligatoires même pour les croyants.

Dès son entrée dans la vie politique, M. Hoyois fit montre de sentiments nettement démocratiques, qu’il traduisit fréquemment en actes tout en faveur de la classe ouvrière; il a du reste toujours déployé une grande activité sur le terrain des œuvres sociales ; il fut notamment l'un des promoteurs des Bourses du travail en Belgique et il s'est constamment appliqué à propager les sociétés mutualistes ; il est porteur de la décoration mutuelliste.

Membre du Conseil central de la Ligue démocratique belge et président de la Section de mutualité de cette ligue, il a pris une grande part aux discussions de plusieurs de ses Congrès.

Il est membre du Comité officiel de patronage des habitations ouvrières de Saint-Gilles, Anderlecht, Laeken, Molenbeek-Saint-Jean, etc.

En 1892, il alla plaider à Ostende une affaire de presse qui y eut beaucoup de retentissement et qui amena la révocation, quelques jours après, du bourgmestre de cette ville.

En juin 1892, il posa sa candidature pour la Constituante à Tournai, se présentant plus particulièrement comme candidat des ouvriers et de la petite bourgeoisie du Tournaisis ; il échoua au ballottage à une infime minorité. Plus heureux en 1894, il triompha après une campagne des plus acharnées contre son concitoyen, M. Bara, ministre d'État et représentant de Tournai depuis trente ans. La liste catholique passa tout entière dans cet arrondissement, qu'on s'était accoutumé à regarder comme un des fiefs du doctrinarisme.

Dès son entrée au Parlement, M. Hoyois a été mêlé à de violents incidents soulevés par la gauche socialiste, à laquelle il reprochait certains moyens de polémique électorale.

Pour réaliser le programme agricole qu'il avait promis de défendre, il a déposé un projet de loi réduisant de 7 p. c. à 5 p. c. le taux de l'impôt foncier, a signé avec plusieurs de ses collègues celui portant suppression de l'accise sur le tabac indigène et a énergiquement défendu le projet économique du gouvernement.

Il prit une part active à la discussion de la loi sur l'électorat communal et déposa, lors de l'élaboration de la loi scolaire, un contre-projet, dont le but était de mettre l'enseignement libre sur un pied d'égalité absolue vis-à-vis de l'enseignement officiel et qui rencontra beaucoup de sympathie dans les rangs catholiques. Le projet du gouvernement fut voté et le contre-projet de M. Hoyois renvoyé à l'examen des sections, qui en sont encore saisies.


(Extrait de La Libre Belgique, du 15 mai 1924)

A propos de Joseph Hoyois, qu'il me soit permis de regretter que rien, jusqu'à présent, n'ait été fait pour rappeler sa conduite héroïque pendant la guerre. Cet apôtre notre cause apporta, à servir la patrie, la même ardeur que celle qu’il dépensa au service de son parti.

Ce n'est pas sans savoir ce qu'il faisait que l’occupant l'envoya en exil en pays ennemi, quand il réussit à découvrir le fil de l'organisation patriotique de Joseph Hoyois, La santé, cependant robuste, de notre vaillant député, resté au poste, au milieu de ses mandants, pour les défendre et ls servir, ne put résister aux mauvais traitements qu’il eut à endurer. Le malheureux succomba loin des siens, en terre ennemie.

Joseph Hoyois était Tournaisien et député de l’arrondissement. Pourquoi son dévouement à la cause publique et à la Patrie semble-t-il oublié ? Ce patriote décidé, résolu jusqu'à mort, est digne de la reconnaissance publique.

Que celle-ci manifeste bientôt, sous une forme durable, l'hommage que les sacrifices de Joseph Hoyois lui ont mérité.


(Extrait de La Libre Belgique, du 14 octobre 1927)

L’héroïque fin d’un député

Il y a bientôt dix ans, Joseph Hoyois mourait à Holzminden, miné par un rude hiver passé en captivité, rongé aussi par la souffrance d'une vie devenue trop peu productive à son gré, dans l’isolement du camp.

Après six années de négociations, ses amis eurent la joie de pouvoir ramener son corps au pays natal. Tournai fit à Joseph Hoyois, le 18 octobre 1924, de magnifiques funérailles auxquelles toute la nation s‘associa.

Dimanche prochain sera inauguré un monument, élevé sur cette chère tombe, en hommage de pieuse reconnaissance envers celui qui, après avoir largement servi son pays dans la paix, lui sacrifia sa vie aux heures tragiques de la guerre.

Une croix et une épée, voilà les deux grands signes qui se dresseront sur ta terre où repose Joseph Hoyois.

Croire et lutter, ce fut toute sa vie.

On se souvient de l’homme.

Haute stature, tête fièrement campée, sous des sourcils froncés de grands veux qui toujours regardent bien en face et où brille la flamme d'une pensée sans cesse en éveil, un front barré de deux plis qui disent une volonté tenace. C'était un beau type de chef.

Tout d’une pièce, d'une rude franchise. il s'était fait une règle stricte d'utiliser sans mesure son intelligence et ses talents pour le service de son idéal. II déployait une activité extraordinaire qui semblait être pour lui comme un besoin inné, mais qui n'était en réalité qu’un incessant effort inspiré par un esprit de devoir compris et vécu de manière chevaleresque.

A 33 ans, après une campagne électorale menée avec une verve endiablée et un fougueux entrain, Joseph Hoyois, candidat catholique à Tournai-Ath, mit en échec une puissance du jour : Jules Bara, et entra au parlement.

Ce succès, comme aussi ses grandes qualités personnelles et son éloquence de tribun, valurent à Joseph Hoyois. dans son arrondissement, une énorme popularité, qui ne déclina jamais. Pendant 25 ans son mandat de député fut renouvelé.

La somme de travail fournie par Hoyois pour répondre aux devoirs de sa charge fut énorme. II ne s'accordait aucun repos et travaillait avec beaucoup de méthode. C'est ainsi que, tout en faisant face â ses obligations professionnelles du barreau, il put être un assidu au Parlement (dont il se piquait de n'avoir jamais manqué une séance), y assumer de multiples rapports, publier des études historiques, notamment sur la question scolaire, et trouver, en outre, le moyen de ne jamais refuser un service à qui le lui demandait. quelque dussent être les démarches à faire pour obtenir satisfaction.

Ce qu’il aimait le plus, c'était de pouvoir monter à l'assaut pour emporter de haute lutte des positions adverses. Il avait le tempérament d’un paladin. A la Chambre ou dans la propagande de son arrondissement, il aimait les journées de grande lutte. Il recherchait la contradiction, et plus d'une de ses triomphales joutes oratoires avec le futur député radical Louis Roger et avec le député socialiste Royer sont restées légendaires dans l'arrondissement de Tournai.

Ce caractère entier, indépendant. combatif, s’accommodait mal d’une politique nuancée, de concessions à l’adversaire, de diplomatie de salon. Défaut, disait-on parfois. C'est pourtant cette énergie à l’attaque qui se révéla vertu héroïque en face de l'invasion allemande.

Joseph Hoyois aborda le bouleversement mondial avec son tempérament de feu.

A ses adversaires politiques d'hier il a tendu la main. C’est contre l'ennemi, contre l'envahisseur qu'il va tourner son ardente activité. « Nous lutterons à la vie, à la mort ; nous lutterons jusqu'à ce que l’indépendance et la liberté nous soient rendues », écrivait-il le 9 août 1914. Il lutta, en effet, avec vigueur et âpreté, jusqu’à en mourir.

Représentant du peuple, il s'imposa parcourir sans cesse. le plus souvent à pied, les arrondissements de Tournai et d’Ath, pour garder un contact étroit avec tous, tout connaître, et en informer le gouvernement belge.

Après quelques mois de guerre, Joseph Hoyois fut frappé par ce qu'avait de douloureux pour les parents restés au pays l’absence de nouvelles de ceux qui combattaient au front.

Aussitôt, il décida de se consacrer ce qu'il appelait le « ravitaillement moral » de la population, et il organisa pour Ath, qui n’en possédait pas , un îlot du « Mot du Soldat. » Il fonda aussi une section de l’ouvre « Dieu et Patrie », qui poursuivait les mêmes fins que le « Mot du Soldat. »

Avec habilité. il forma le réseau d ses services. L’ouvre du « Coin de Terre » dont il s’occupait activement, lui permit de diriger son ouvre en circulant partout, renouant inlassablement les mailles du filet chaque fois que l’une d'elles se brisait. Plusieurs dizaines de milliers de lettres lui passèrent par les mains.

En chemin, il semait l'espoir, la confiance, l’optimisme. Il répandait La Libre Belgique clandestine et les autres prohibés. II soutenait et conseillait les autorités rurales, souvent désemparées devant l’occupant.

Aux renseignements d'ordre civil pour le gouvernement belge il joignit, chaque fois qu'il le put, de précieuses informations militaires pour l'armée belge. II travailla dans ce domaine avec le groupe Deblocq.

Les Allemands soupçonnèrent bientôt le rôle assumé par Joseph Hoyois. Mais celui-ci jouait la partie si serrée qu’il ne leur permit pas de le prendre en défaut.

Survint, en fin d’année 1916, le grand crime allemand des déportations.

Joseph Hoyois eut le cœur brisé au spectacle de cette grande détresse. A ces malheureux déportés il fallait un défenseur. Il lui sembla que son mandat de Représentant le désignait pour ce rôle périlleux. II n’hésita pas et, insouciant du danger, il s’attaqua résolument aux bourreaux.

Démontrer le but militaire de l’Allemagne, détruire la légende du chômage et de ses dangers, faire ressortir la violation du Droit international, obliger ainsi l'Allemagne à lâcher sa proie, tel fut le plan de Joseph Hoyois.

Il amassa dans toutes les communes des renseignements précis, les communiqua au gouvernement belge et aux ministres des puissances neutres restés à Bruxelles. Il porta sa protestation devant le gouverneur général allemand. Dans tous les documents, il déclara nettement qu'il agissait comme « membre de la Chambre des Représentants pour les arrondissements Tournai-Ath. »

Ses rapports sont des modèles de clarté, de logique, de dialectique, de science juridique. La documentation frappe par sa sûreté. Et l’énergie patriotique embaume ces pages au point d’en faire d’admirables écrits.

Sous le coup de l’indignation, il n’hésite pas à écrire aux ministres des puissances neutres que les « véritables chasses à l’homme » auxquelles il a assisté « ramènent aux siècles de barbarie.3

Nul doute que cette intervention de Joseph Hoyois n'ait été déterminante dans l'arrêt des enlèvements d'hommes, obtenu en février 1917.

Patiemment, Joseph Hoyois organisa la délivrance des victimes. II distribua partout des modèles de requêtes individuelles de libération, des formulaires de pièces à joindre, des questionnaires pour sa propre documentation. Il mit sur pied une œuvre de secours pour ceux qui restaient déportés.

Cette lutte farouche qu'il mena ouvertement fut son arrêt de mort.

Le 2 septembre 1917, les Allemands se saisirent de lui. Il subit cinq semaines de prison et d'interrogatoires. Sa défense fut superbe. Pour les services d'informations, il fut invulnérable, mais lorsqu’on agita la question des déportations, Hoyois revendiqua hautement ses responsabilités. Il fut vraiment grand.

« J'aurais commis, disait-il aux Allemands, la dernière des lâchetés vis-à-vis des populations des arrondissements de Tournai et d'Ath, dont je suis le représentant à la Chambre depuis tant d’années, si, tandis qu'elles se considèrent comme victimes de violations du droit des gens et de la contention internationale de La Haye, je n'avais élevé la voix en leur nom pour obtenir de leurs hauts protecteurs qu'ils daignent venir à leur secours pour des raisons impérieuses d'humanité. »

Cen était assez.

L'Allemagne avait peur d'un pareil jouteur. Elle voulut priver la population de la présence de celui qui soutenait si puissamment sa foi patriotique.

Sans jugement, Hoyois fut envoyé en exil en Allemagne.

Déjà affaibli par les privations et les fatigues de la guerre, il pressentait que cette déportation lui serait fatale. Mais il se surmonta courageusement et, le 10 octobre 1917, il quitta la Belgique, « fier de son sort, disait-il, car il allait souffrir pour l'ouvrier qu'il avait détendu, pour le pauvre qu'il avait servi. »

Sublimes sentiments.

Arrivé à Holzminden, Hoyois prit tout de suite l'attitude d’un chef. Connaissant la langue flamande, il s’associa à la résistance contre la propagande activiste organisée dans le camp à l'instigation des Allemands. Ceux-ci, furieux de cette nouvelle manifestation de patriotisme, refusèrent la grâce du prisonnier, demandée par le Pape.

L'hiver 1917-1918 fut rude. Après quelques mois de captivité, Hoyois contracta une affection qui, au printemps de 1918, le 13 mai, le mena au tombeau. II avait 56 ans.

Son attitude devant la mort fut calme, digne, chrétienne. II édifia profondément ses compagnons de souffrance.

Tous les Belges auront, dimanche, un pieux souvenir pour ce héros, bien digne de voir le souvenir de ses ouvres perpétué par la pierre et le bronze.

Léon MALLIÉ