Hanrez Prosper, François, Auguste libéral
né en 1842 à Tirlemont décédé en 1920 à Uccle
Représentant entre 1892 et 1894, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait de P. LIVRAUW, Le Parlement belge 1900-1902, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1901, p. 429)
Ingénieur. Fit ses études à l'Ecole des Mines de Liége ct conquit le diplôme d’ingénieur en 1861. Construisit et dirigea les grandes Usines françaises de la Société Solvay et Cie ; devint associé-gérant de cette firme. Président de l'Association libérale et Union constitutionnelle de l'arrondissement de Bruxelles. Siégea au Conseil communal de Saint-Gilles de 1887 à 1895. Fit partie de la Chambre comme député de Bruxelles du 14 juin 1892 au 12 juin 1894 ; éliminé aux élections du mois d'octobre suivant, il a été nommé sénateur pour l'arrondissement de Bruxelles le 7 mai 1900. Ancien collaborateur de La Réforme, il a publié divers articles dans des revues techniques. Chevalier des Ordres de Léopold et de la Légion d’Honneur.
(Extrait de L’Indépendance belge, du 26 août 1920)
Nous avons annoncé la mort de M. Prosper Hanrez, survenue dans la nuit de lundi à mardi.
M. Prosper Hanrez, qui était âgé de près de soixante-quatorze ans, était une personnalité éminente de notre monde industriel et de notre monde politique. Ingénieur distingué, il avait été l'un des collaborateurs de la firme Solvay.
Depuis de nombreuses années, Prosper Hanrez était parmi les défenseurs des idées progressistes. En 1892, il avait été élu député de Bruxelles, à la Constituante, où il défendit le suffrage universel, avec Paul Janson et Emile Féron. Plus tard, il fut envoyé, par les libéraux de Bruxelles, au Sénat. Il prit, aux travaux de la Haute Assemblée, une part très large, surtout lorsqu'il s'agissait de problèmes d'ordre technique ou financier.
Très combattif, Prosper demeurait actif, malgré la maladie qui le minait depuis longtemps déjà. Il y a quelques mois, il publiait encore une étude sur la Jonction Nord-Midi, dans laquelle il combattait vivement le projet.
Les funérailles auront lieu jeudi après-midi. Elles auront - ainsi l'a voulu le défunt - un caractère d'intimité. Il n'y aura ni fleurs, ni discours, ni honneurs militaires.
La levée du corps se fera à 3 heurs à la mortuaire, 142, avenue Circulaire, Uccle Observatoire.
L'inhumation aura lieu au cimetière d'Evere.
(Extrait des Annales parlementaires de Belgique, Sénat, session 1919-1920, séance du 28 septembre 1920, pp. 983-984)
Notification du décès de M. Hanrez
M. le président se lève et prononce les paroles suivantes, que l'assemblée écoute debout. - La disparition d'une des physionomies les plus caractéristiques de notre assemblée nous cause les plus vifs regrets.
M. Hanrez a succombé, depuis notre dernière réunion, à un mal cruel, qui le tenait depuis plusieurs mois éloigné de nos travaux.
Il était né à Tirlemont, le 14 novembre 1842. Il fit de brillantes études à l'école des mines de Liége.
Entre dans les affaires, il s'y fit bientôt une place remarquée. Le développement des établissements qu'il fonda et dirigea contribuèrent à lui assurer la réputation bien justifiée d'un technicien savant et habile et d'un industriel de réelle valeur.
Les débuts de sa carrière politique remontent à trente-trois ans. En 1887 les électeurs de Saint-Gilles l'investirent d'un mandat de conseiller communal.
Membre de la Chambre des représentants pendant la période révisionnelle de 1892 à 1894, il prit une part considérable à la discussion des questions financières et des lois d'affaires.
Evincé par la première application du droit électoral nouveau, il chercha à convertir à son programme les électeurs d'un arrondissement luxembourgeois. Nul mieux que moi ne peut témoigner de la force, de l'ardeur, de la sincère et profonde conviction avec laquelle il défendit en cette circonstance la politique du parti libéral.
En 1900, l'arrondissement de Bruxelles l'envoya siéger parmi nous et il lui a, depuis lors, continue fidèlement sa confiance. Et c'était justice ! Y eut-il mandataire plus dévoué aux intérêts de sa circonscription ?
Son activité parlementaire a été grande pendant cette période de vingt années. Il serait moins long d'énumérer les débats auxquels il ne prit pas part que de rappeler ceux auxquels il collabora abondamment.
Sur tous les grands problèmes soumis aux Chambres législatives, il avait des vues personnelles et originales. Il les exposait avec verve, avec feu. Il en poursuivait la réalisation avec une persévérance tenace. Jamais il ne les abandonnait. La contradiction paraissait le contrarier, l'irriter, tant était sincère et fort son attachement aux solutions qu'il préconisait.
Les questions financières le passionnaient. A l'occasion de la discussion des budgets, il développa souvent d'acerbes critiques; il exposa et défendit des réformes dont certaines, les moins radicales, se sont imposées à ses adversaires eux-mêmes.
Les grands travaux d'utilité publique étaient l'objet de ses constantes préoccupations et de ses études approfondies. Nous nous rappelons tous ses discours sur le port de Zeebrugge et sur Bruxelles port de mer. Et pour la jonction Nord-Midi, il proposa de substituer au projet de l'administration des chemins de fer, sujet de ses philippiques, un trace différent qui, d'après lui, devait rendre les mêmes services et comporter une dépense bien moins élevée.
Notre regrette collègue a été un mandataire d'un grand zèle, d'un généreux dévouement aux intérêts du pays.
En cette circonstance solennelle et douloureuse, j'adresse à sa mémoire un témoignage ému autant que sincère de la collaboration laborieuse, active, féconde qu'il n'a cessé d'apporter à nos travaux Il conviendra sans doute au Sénat de charger son bureau d'adresser à Mme Hanrez et à ses enfants l'expression de sa profonde et douloureuse sympathie. (Très bien ! très bien !)
M. le comte Goblet d'Alviella. - Prosper Hanrez, dont tous ici nous regrettons amèrement la perte, que nous pouvons dire prématurée, était un de ces hommes qui honorent un parti, une assemblée, un pays. Son nom mérite de figurer à coté de ceux des Paul Janson, des Bara, des Emile Dupont, des Lippens, des Jules Le Jeune, des Edmond Picard, qui ont tant contribué au prestige du Sénat.
Sa carrière politique fut longue et bien remplie. Longtemps conseiller communal à Saint-Gilles et membre du conseil provincial du Brabant, il siégea à la Chambre des représentants pendant toute la durée de la précédente Constituante et il s'y fit immédiatement remarquer par l'élévation et la netteté de ses conceptions à propos de la première révision de notre pacte fondamental.
Lorsqu'il y a vingt ans la représentation proportionnelle, dont il s'était montré un ardent défenseur, vint renforcer au Sénat le groupe libéral, Il y prit bientôt l'autorité à laquelle lui donnait droit son activité et son talent. Il se signala surtout par la maîtrise avec laquelle il abordait les problèmes économiques et financiers les plus ardus, particulièrement dans les questions de chemins de fer, de travaux publics et d'impôts, défendant, en première ligne et en toute occasion, les intérêts des installations maritimes de la capitale, qu'il avait pris à cœur au dehors comme au dedans du parlement. Dans toutes ces discussions il apportait ces qualités de travail, d'ordre, de critique et de jugement qui lui avaient valu dans le monde industriel une position incontesté.
Hanrez appartenait a la fraction progressiste du libéralisme. Mais, juste et conciliant par nature autant que par conviction, il ne cessa de prêcher l'union et contribua beaucoup à l'assurer ou à la rétablir dans nos rangs. Son assiduité aux séances et aux commissions du Sénat était exemplaire.
Désigne l'an dernier par la haute assemblée pour faire partie de la commission de révision constitutionnelle, il avait déjà pu y attester, par ses votes et ses motions, la haute conception qu'il se faisait d'un Sénat digne de ce nom. C'est alors qu'une maladie cruelle vint l'écarter de nos travaux avant qu'il ait pu donner, dans les circonstances graves que nous traversons, toute la mesure de son dévouement et de sa clairvoyance habituels. Mais, jusque sur le lit de douleur où le clouaient ses souffrances, il ne cessait de s'intéresser à nos travaux et les quelques collègues qui l'y visitèrent peuvent affirmer qu'il ne leur ménageait ni ses avis, ni ses conseils.
D'une modestie pleine de tact, il a refusé d'avance toutes funérailles solennelles, mais il n'a pu nous empêcher de dire à cette tribune que sa mémoire survivra parmi ses collègues, ses amis et ses nombreux admirateurs, comme celle d'un leader consciencieux et courtois, d'un parlementaire averti et loyal, d'un bon citoyen et d'un grand patriote. (Très bien ! et applaudissements.)
M. Braun. - Messieurs, la droite s'associe aux regrets qui viennent d'être si justement exprimés.
M. Hanrez a parcouru une longue carrière parlementaire, à la Chambre d'abord, au Sénat ensuite. Il a pris une part notoire à tous les débats importants qui se sont déroulés ici depuis vingt ans.
Un déplorable accident nous a privés, ces temps derniers, du concours de ses lumières.
Ses connaissances économiques, financières et techniques étaient vastes, et ses paroles étaient empreintes de la plus généreuse franchise. Nous joignons nos plus vives condoléances à celles de la gauche et du bureau.
M. Coppieters. - Messieurs, la gauche socialiste rend un hommage ému et sincère à notre collègue défunt. M. Hanrez a joué un grand rôle au parlement. En ce qui concerne spécialement les questions de travaux publics et de finances, il jouissait d'une réelle compétence et d'une grande autorité. Il exposait ses idées avec énergie et clarté. Ses avis furent souvent écoutés et formèrent bien des fois des convictions. M. Hanrez a consacré la plus grande partie de sa vie à la chose publique. Le pays lui en sera profondément reconnaissant et les Annales du Sénat conserveront le souvenir du labeur infatigable et du noble caractère de notre regretté collègue.
M. Delacroix, premier ministre. - Messieurs, le gouvernement s'associe aux paroles élevées par lesquelles M. le président et MM. le comte Goblet d'Alviella, Braun et Coppieters viennent de retracer sommairement la longue et brillante carrière du grand parlementaire que fut Prosper Hanrez.
J'ai eu l'honneur de l'approcher à la commission des finances, qu'il présidait avec tant d'autorité, et j'ai pu mesurer non seulement l'étendue de sa compétence et sa clairvoyance dans les matières financières, mais aussi son aménité et la courtoisie qu'il apportait dans des discussions parfois arides.
Le gouvernement tient à joindre son hommage à celui du Sénat et il prie M. le président de l'associer aux condoléances que le bureau exprimera à Mme Hanrez et à sa famille. (Très bien ! très bien !.)