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Giroul Lucien (1839-1917)

Portrait de Giroul Lucien

Giroul Lucien libéral

né en 1839 à Châtelet décédé en 1917 à Charleroi

Représentant entre 1888 et 1892, élu par l'arrondissement de Charleroi

Biographie

(Extrait de La Gazette de Charleroi, le 29 mars 1919)

Pendant notre période de chômage forcé, nous acons appris la mort de plusieurs personnalités, morts qui, en d'autres temps, auraient retenu l’attention de nos concitoyens.

Nous devons, à plusieurs titres, à ces défunts, quelques lignes de nécrologie. Nous les publierons au fut et à mesure de la place, que nous laisseront d'autres rubriques.

Nous consacrons la première notice au fondateur de la Gazette de Charleroi, Lucien Giroul.

Parmi les hautes personnalités disparues au cours de la longue tourmente, M. Lucien Giroul est une de celles auxquelles la Gazette de Charleroi doit un hommage particulier. C'est. que non seulement il occupa une place éminente dans la vie carolorégienne, mais c'est lui qui nous donna le jour en fondant, en 1878, la Société Anonyme de la Presse libérale dont il fut le premier président. Précédemment il avait déjà joué un rôle actif dans l'existence du Progrès de Charleroi, fondé par un groupe de libéraux dix ans auparavant.

Né en 1839, avocat en 1861, dès 1868 M. Giroul se mettait en vue dans le monde politique. En 1870, notamment, il menait le bon combat contre les libéraux carolorégiens avaient qui cru devoir se laisser porter sur une liste d’alliance avec les cléricaux et il contribuait puissamment à ramener l’unité dans le parti.

Evoquer la mémoire de M. Lucien Giroui, c'est évoquer les luttes ardentes nées sous le régime censitaire pour l'indépendance du pouvoir civil et qui se traduisaient alors par ce cri de ralliement simpliste : « le bourgmestre à l’hôtel de ville, le curé à l'église. » C'est évoquer aussi l'évolution décisive du libéralisme vers la démocratie. Le socialisme n'était point né encore à la vie politique. Doctrinaires et progressistes étaient aux prises, ce qui donnait aux grandes assises du parti un relief qui n'a rien à envier aux débats de la politique moderne. Lorsqu'on relit les journaux de l'époque, toute une histoire revit, à l'énoncé des noms des disparus : Barthel Dewandre, Pirmez, Sabatier Victor Gillieaux, Casimir Lambert, Lebeau, Balisaux, Jules Audent Victor Lucq, Fourcault, Defontaine, Bertaux et tant d'autres acteurs importants ou zélés qui occupaient alors la scène.

Dans ce milieu d'hommes d'élite, M. Lucien Giroul, quoique jeune encore, s'était imposé par la volonté de fer, l'esprit de domination qu'il apportait dans tous les domaines et qui s'appuyaient sur un talent et une loyauté hors ligne.

Appelé à la présidence de l'Association libérale, il mène nos armes à la victoire éclatante de 1878 et contribue ainsi la culbute du clérical. Jusqu'au jour ou il résigne volontairement son mandat de député, en 1892, il jouit d'une influence énorme. On peut dire qu'il était le Grand Electeur du pays de Charleroi. Ah ! si haut placé que l'on fût, il ne faisait pas bon se mettre en travers de sa voie quand il estimait que celle-ci devait conduire au bien du parti ou des intérêts de l'arrondissement. Plus d'un ministre cabinet libéral de 1878 à 1884 en a su quelque chose.

En 1888, un siège de la députation de Charleroi devient vacant par la disparition de M. Vandam. On est encore sous le régime du cens ; les cléricaux ont reconquis le pouvoir et, disposant de toutes les faveurs, ont de grandes chances de succès. D'autant plus qu'ils ont pour candidat le meilleur de leurs hommes, M. Michel Levie. D'une voix unanime, M. Giroul est appelé pour soutenir la lutte et, son nom opère magiquement : il est élu par 2,880 voix contre 2,174, soit à une majorité de 706 voix, énorme pour l'époque.

En présentant sa candidature dans une assemblée électorale, M. le comte Oswald de Kerkhove, ancien gouverneur du Hainaut, avait, ainsi silhouetté notre candidat:

« Un type d'honneur, de loyauté, de dévouement ; le général qui, aux grands jours de victoire, conduisit nos troupes à la bataille.

« Depuis longtemps il devrait être à la Chambre s'il n’avait refusé les offres dz candidature qui lui ont été faites.

« Peut-être n'est-il pas exempt de certains défauts inhérents à d'éminentes qualités comme les siennes, mais il est loyal comme la lame d’une loyale épée ; il dit ce qu'il pense, mais il ne blesse jamais ses adversaires. »

Malgré la part qu’il faut toujours faire à l'amphigourisme de la phrase électorale, le recul du temps n'a pas émoussé un tel jugement.

Il va sans dire qu'à la Chambre, M. Giroul joua un rôle aussi important qu'on pouvait le faire à cette époque dans l'opposition, c'est-à-dire lorsque les maîtres de l'heure ne concédaient rien à leurs adversaires. Investi de la plus haute confiance de nos industriels, il fut un éloquent et magistral défenseur de leurs intérêts. II connaissait ceux-ci à fond, pour les avoir mûrement et minutieusement étudiés comme avocat. En outre, tout au début de sa carrière, il avait été secrétaire de l'Association charbonnière et, déjà alors, il s’était signalé à l'attention publique en combattant énergiquement la tentative d'union douanière avec le second empire de Napoléon III proposée par M. Balisaux.

Lors de la session extraordinaire des Chambres de 1900, consacrée la reprise du Congo, M. Giroul prononça un discours d'une portée capitale qui eut pour effet de faire apporter à l'article premier de la Constitution belge une modification à laquelle nul n'avait songé.

Son chant du cygne à la Chambre fut un grand discours prononcé à la séance du 7 mai 1892 en faveur du S. U. Celui que l'on avait tant aimé à représenter comme l'incarnation du doctrinarisme avait sagement évolué avec les idées et l'on ne peut pas dire que ce fut par intérêt électoral, car à ce moment même il avait renoncé à toute candidature pour les élections prochaines de la Constituante. C'est en vain que les libéraux de Charleroi et le Conseil général du parti présidé par M. Paul Janson, tentèrent par les démarches les plus pressantes de le faire revenir sur sa résolution.

On attribua celle-ci à des dissentiments locaux qui avaient éclaté sur le terrain communal et qui aboutirent à une élection malheureuse dont les anciens se souviennent. Mais en réalité il n'en était rien et la retraite de M. Giroul était dictée par des motifs d'ordre plus élevé dans lesquels nous n'avons pas entrer.

Trois ans après, en 1895, les libéraux présentèrent la candidature de M. Giroul au siège de sénateur provincial vacant par la démission de M. Jules Bufquin des Essarts. Mais c'est un coreligionnaire politique de celui-ci, M. Lafontaine, qui fut' appelé à le remplacer par 43 voix sur 86 votants.

L'homme qui avait joué un rôle si considérable dans nos annales politiques rentra alors irrévocablement dans le calme de la vie privée. Seul le maître de la barre subsistait, en plein épanouissement d'énergie et de science juridique.

Il avait la conviction qu'il était taillé pour atteindre le siècle et le fait est qu'il jouit longtemps d'une remarquable verdeur de santé. II le devait d'ailleurs à un régime d'une ponctualité sévère, méticuleusement suivi depuis de longues années. Parmi ceux qui rapprochaient, à qui n'a-t-il pas confié ce qu'il croyait être le secret de la Iongévité ?

Pourtant, la maladie le terrassa un jour.

Pensant trois ans il fit reculer la mort et on le vit reparaître au Palais pour y combattre jusqu'à ses dernières heures. Il avait accompli une carrière de 55 ans que le bâtonnier de l'Ordre, Maître' Delbruyère, a remarquablement retracée à ses funérailles.

Dès ses débuts, en 1862, son patron Maître Gillion, lui laissait déjà le soin, dans un procès important, de soutenir seul la lutte contre des maîtres réputés. Frappée de sa valeur, les confrères l'appelèrent jeune à leur tête. Bâtonnier à 38 ans, cette dignité lui fut conférée à quatre reprises, tant le barreau savait qu'il ne pouvait avoir de défenseur plus énergique de son honneur et de ses prérogatives. Avocat minier par excellence, ses plaidoiries ont aidé à former toute une jurisprudence en matière industrielle et, selon l’expression imagée de Maître Delbruyère, il était réellement le premier juge du procès de ses clients. La probité professionnelle de Maître Giroul ne pouvait recevoir d’hommage plus vrai.