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Fagnart Léopold (1849-1899)

Portrait de Fagnart Léopold

Fagnart Léopold, Joseph libéral, puis socialiste

né en 1849 à Pry décédé en 1899 à Charleroi

Représentant entre 1890 et 1899, élu par l'arrondissement de Charleroi

Biographie

(Extrait de La Chambre des représentants en 1894-1895, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1896, pp. 327-328)

FAGNART, Léopold-Emile-Alexandre-Joseph, représentant libéral radical pour l’arrondissement de Charleroi. Né à Pry (Entre-Sambre-et-Meuse), le 29 juin 1849

M. Fagnart a été président de l'Association générale des étudiants de l'Université de Bruxelles, président de l'Association libérale de Charleroi, secrétaire de la Libre-Pensée, présidée par M. Emile Féron et membre du Conseil général de la Fédération progressiste.

Il occupa un siège au Conseil provincial du Hainaut de 1882 à 1890.

Il a été élu pour la première fois membre du Parlement par l'arrondissement de Charleroi le 10 juin 1890. Il fut l'un des signataires de la proposition de révision des articles 47, 53 et 56, déposée le 18 novembre 1890. M. Flechet et lui sont les seuls, parmi les six auteurs de cette proposition, que le suffrage plural ait renvoyés à la Chambre.

Son mandat parlementaire subit une interruption de deux années : il échoua le 14 juin 1892 sur la question du suffrage universel pur et simple. Il fut réélu par l'arrondissement de Charleroi le 14 octobre 1894 par 58,648 voix. Il passa seul au premier tour de scrutin ; tous les autres candidats de la liste socialiste furent soumis au ballottage. M. Fagnart est l'auteur d'une proposition de loi portant abrogation de la loi du 3 juillet 1894 relative aux vices rédhibitoires en matière de vente ou d'échange d'animaux domestiques.


(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 30 novembre 1899)

Nous recevons la triste nouvelle de la mort de M. Léopold Fagnart, député de Charleroi, décédé mercredi soir à 10 heures.

M. Fagnart était gravement malade depuis un certain temps. Depuis longtemps il était souffrant, mais il y a quelques semaines, il avait été frappé par un mal qui ne pardonne pas et qui devait avoir raison de sa constitution robuste.

Avec M. Fagnart disparait une figure intéressante et très populaire ; par son honnêteté, la droiture de son caractère, la sincérité de ses convictions, le défunt avait conquis de nombreuses sympathies dans tous les partis.

Le regretté défunt a joué un rôle important dans les luttes politiques à Charleroi. Anti-clérical très accentué, il a lutté toute sa vie parla plume et la parole, pour la réalisation de son idéal politique, qui consistait en premier lieu dans la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Etant étudiant, Léopold Fagnart faisait déjà de la politique. Il fut président de l'Association des étudiants de Bruxelles et écrivit dans le Journal des étudiants des articles très remarqués, qui dénotaient chez leur auteur un esprit mûr et ouvert à toutes les idées de progrès.

En 1876. M. Fagnart entra au barreau de Charleroi et il continua de consacrer son temps et son talent à la propagande libérale.

Originaire de Walcourt, il fonda l'association libérale de cette ville, et, en sa qualité de secrétaire, il organisa la révision des listes électorales pour les cantons de Philippeville et de Florennes.

Grâce à son labeur incessant, les libéraux de l'arrondissement de Philippeville purent reconquérir les positions perdues.

Pendant de nombreuses années, M. Fagnart se dévoua corps et âme pour les idées libérales, allant partout porter la bonne parole et communiquer aux foules l'enthousiasme sincère qu'il professait pour les idées d liberté et de progrès. Dans ses conférences, il savait tailler de terribles croupières à ses irréconciliables ennemis les cléricaux, s'attachant à montrer le mal causé par le clergé politique et étalant les scandales de la main-morte monacale.

En 1882, M. Léopold Fagnart était appelé à siéger au tait ai Conseil provincial. Dans le discours qu'il prononça à cette occasion à l’Association libérale, M. Fagnart exposait son programme : il réclamait la réforme électorale en faveur da capacités pour la province et la commune, en attendant que, par la révision, on pût l'accorder pour les élections législatives ; il se déclarait partisan de l'instruction obligatoire et il ajoutait : « Nous arriverions ainsi rapidement à étendre le droit de de la manière la plus large les intérêts vitaux de la plus large sans danger pour ls intérêts vitaux de la société, pour la paix publique.

Il est regrettable que ce programme n'ait pas été réalisé.

Trois fois son mandat fut renouvelé.

Au Conseil provincial, M. Fagnart s'occupa notamment des questions d’enseignement et des questions ouvrières.

En 1882 et 1883 il fit voter des vœux en faveur de la révision de la Constitution.

A cette époque M. Fagnart fut président du Denier des écoles, vice-président de l’Association libérale et président du Cercle libéral communal.

En 1890, l'Association libérale le porta sur sa liste de candidats pour la Chambre. Il passa au premier tour avec tous ses co-candidats. MM. Drion et Noël restèrent sur le carreau.

En 1892, aux élections pour la Constituante, trois libéraux seulement furent élus au premier tour, et M. Fagnart, qui était en queue de liste, se désista.

En 1894, il accepta une candidature sur la liste socialiste et il seul au premier tour de scrutin ; en 1898, les électeurs renouvelèrent son mandat.

M. Fagnart entra au Conseil communal de Charleroi en 1895 Il fut le plus favorisé des candidats socialistes pour les mandats de 4 ans. Il eut son mandat renouvelé le 15 octobre

Son rôle au Conseil fut celui d'un mandataire consciencieux, plaçant les intérêts de la ville avant ceux d’un parti. C’était un des membres les plus actifs et les plus écoutés du Conseil et tous ses collègues avaient pour lui la plus grande déférence.

Il y a quelques années, M. Fagnart avait réuni en un volume les discours prononcés par Seron au Congrès national en 1831.

La mort de M. Fagnart causera dans le bassin de Charleroi une profonde émotion. Dans la bourgeoisie libérale, malgré qu'il eût abandonné le drapeau bleu pour le triomphe duquel il avait si longtemps et si ardemment lutté, il avait conservé de sincères et solides amitiés qu'il devait à son caractère loyal et franc, à sa bonté, à la dignité de sa vie.

Pour nous, si nous avons dû à un moment donné nous séparer de l'homme politique, nous avions conservé pour l'homme privé la plus sincère estime.

M. Fagnart n'était âgé que d'une cinquantaine d’années


(Extrait du Journal de Charleroi, du 1 décembre 1899)

C'est avec une profonde douleur que j'écris ces lignes. Léopold Fagnart n'est plus, depuis mercredi à 10 heures du soir. C'est un déchirement qui se produil dans mon cœur, un vide immense qui se creuse à la place qu'il occupait dans ma pensée. Il y a si longtemps que nous marchions côte à côte dans les luttes de chaque jour !

Depuis son arrivée à Charleroi, dès son apparition sur la scène politique locale, où il apportait du renfort aux idées professées par Victor Lucq, Adrien Dehachez et d'autres, qui s'épuisaient à soulever dans l'Association libérale la lourde oppression des préjugés et de la routine doctrinaire. Léopold Fagnart arrivait de Bruxelles ; il avait été président de l'Association générale des étudiants de l'Université libre et secrétaire de la Libre Pensée sous la présidence de Feron. Ce milieu n'avait fait qu'ancrer davantage et développer en lui la haine vigoureuse du cléricalisme et l'amour de la liberté et du progrès, Inspirées par son éducation et les souvenirs historiques du rude pays d'Entre-Sambre-et-Meuse où il fut élevé.

Déjà il avait créé un centre d'activité libérale à Walcourt et ses premiers efforts avaient été couronnés de succès ; mais, inscrit au barreau de Charleroi, il vint habiter notre ville et ne put continuer à consacrer toute son activité et tout son dévouement à son pays d'origine. Il conquit rapidement une place au premier rang dans notre organisation politique. Un noyau de jeunes se forma autour de lui, entraînés par son éloquence, sa franchise el sa foi, tandis que ses adversaires même rendaient hommage à sa loyauté el à sa correction, en même temps que sa bonté et sa délicatesse forçaient la sympathie de tous. Malgré les résistances et l’obstructionnisme des rétrogrades, Léopold Fagnart fut choisi par l'Association libéral comme candidat et élu en 1882 au Conseil Provincial et en 1890 à la Chambre des Représentants. A nos yeux, la partie la plus importante de sa carrière politique n’appartient pas à celte période Elle se rapporte plutôt à son rôle dans le parti socialiste et déjà dans le parti progressiste dont il fut avec moi membre du Conseil général, et où nous avions conscience de représenter absolument les idées vraies de de Charleroi, en y défendant les principes de la démocratie la plus avancée et leur application pratique immédiate.

Je ne ferai pas, en cette occasion, l'historique des irrésolutions des Congrès progressistes qui finirent lasser la patience des mieux intentionnés, semer le découragement et même la suspicion dans les groupements et chez les personnalités qui avaient placé dans ce parti leurs plus chères espérances. Tout cela devait aboutir à une nouvelle scission dans le parti libéral, laquelle dona naissance chez nous à la création de la Fédération Démocratique, alliée ensuite à la Fédération Socialiste.

Léopold Fagnart était absent le jour de la création du nouvel organisme de la politique locale, mais il était au courant de sa préparation il connaissait notre programme, d'une démocratie si pratiquement socialiste, et à l'ouverture de la séance, nous recevions un télégramme disant : « Je suis avec vous. »

C'est à partir de ce moment seulement que les idées et les principes de Léopold Fagnart purent trouver dans le mouvement politique leur plus large satisfaction, leur épanouissement avec certitude de réalisation dans un prochain avenir. Elles avaient été comprimées, dédaignées ou repoussées ailleurs ; il en avait souffert, il en avait été victime, matériellement et politiquement, sous le régime censitaire. Le suffrage universel, dont il n'avait jamais désespéré, le vengea superbement en 1894, lorsqu'il passa au premier tour, seul de la liste démocrate-socialiste, qui fut élue tout entière au ballottage.

Aucun dissentiment, aucune divergence de vues, n'a depuis séparé notre marche en avant et il le confirmait encore récemment, en collaborant à la transformation du Journal de Charleroi dont il était administrateur.

On sera unanime à reconnaître que Léopold Fagnart a noblement tenu ses engagements et loyalement rempli son mandat de député. Il aurait pris, surtout dans ces derniers temps, une part active aux travaux parlementaires, si la maladie, qui le minait depuis plus longtemps qu'on ne le supposait, n'avait altéré, sans qu'il s'en doutât lui-même, sa volonté et son esprit d'initiative.

Dévoué corps et âme au drapeau rouge, qui représentait à ses yeux les principes de vraie liberté et de vraie démocratie que le parti n'avait pas su défendre ni faire triompher avec le drapeau bleu, il aurait contribué puissamment à avancer l'heure de l'établissement du régime socialiste, comme il avait travaillé l'émancipation morale, intellectuelle et économique du prolétariat. Ses amis, les nombreux adhérents que sa présence dans nos rangs avaient amenés à notre parti, continueront à suivre la voie qu'il leur avait tracée. Car si sa vie s'est éteinte, sa pensée demeure, son esprit nous reste fidèle et son souvenir, toujours vivace à la mémoire de ceux qui l'ont connu, les attacheront davantage au parti qui avait sa confiance et aux principes qu'il avait adoptés.

Sur la tombe de Seron, Alexandre Gendebien s'exprimait ainsi :

« Seron avait un cœur franc, généreux et sensible. Homme bon et probe, ceux qui te ressemblent s'endorment et ne meurent pas : ils vivent éternellement dans le souvenir des cœurs honnêtes ! »

C'est tout le portrait de Léopold Fagnart et c’est l’impression qu’il laissera.

En relisant sa préface du volume des discours de Seron, qu'il m'envoya avec une dédicace, en 1886, j'y trouve cette pensée :

« C'est que, pour juger les hommes, le peuple a un moyeu infaillible : il les juge moins par leurs discours que par leurs actes, et le sentiment de la justice est peut-être de ceux qui lui tient le plus profondément au cœur. »

Ainsi a déjà fait le peuple pour Léopold Fagnart, il l’a jugé par ses actes et il témoignera qu'il fut avant tout un homme probe et libre, ami sincère de la vérité et de la justice.

Jules DES ESSARTS

* * *

Sa biographie

Né à Pry en 1849, d'une ancienne famille de cultivateurs fort estimés dans le pays. il fil de brillantes études au Collège de Bruxelles et conquit son diplôme d'avocat à l'Université de Bruxelles. Etudiant, il fut mêlé au mouvement universitaire tendant à obtenir une part de représentation dans le Conseil d'administration et collabora au Journal des Etudiants.

Président de l'Association générale des étudiants, secrétaire de la Libre-Pensée dont Emile Feron était président, Léopold Fagnart fut activement mêlé à toutes les œuvres de propagande politique et philosophique.

Inscrit au barreau de Charleroi en 1877, il I fit son stage chez feu Hyppolite De Fontaine et fit partie du vaillant groupe du Denier des Ecoles.

En 1878, il prit part à la campagne qui prépara la chute du cabinet Malou et débuta comme conférencier à Jumet où il obtint un succès retentissant, en affirmant une politique ennemie des mesquineries et des personnalités pour ne s’attacher qu’au triomphe des principes par la puissance de la raison et de la persuasion.

Au sein de l’Association libérale de Charleroi, le citoyen Fagnart fit d’abord une campagne vigoureuse pour l’obtention du secret du vote, puis il entreprit cette longue et patiente propagande qui devait aboutir à la révision de l’article 47 de la Constitution d’abord, au suffrage universel ensuite.

Elu au Conseil Provincial en 1882, il affirmait la nécessité de la réforme électorale et présentait, le premier, un vœu en faveur de la révision de la Constitution.

En mai 1886, à l'Association Libérale, devant toute la députation de Charleroi coalisée, il affirma l’impérieuse nécessité de la révision immédiate.

La candidature du citoyen Fagnart pour l’élection législative présentée alors à l’Association comme protestation contre le manifeste des députés, n’obtint que six voix de moins que celle de l'honorable M. Casimir Lambert. (Les électeurs à 42 francs prenaient seuls part au poll).

Le citoyen Fagnart siégea pendant huit ans au Conseil provincial du Hainaut, où il se fit remarquer comme le constant défenseur des réformes ouvrières.

Elu à la Chambre en 1890, il fit vaillamment son devoir au Parlement, et fut un des signataire de la troisième et dernière proposition de révision de l’article 47.

Lors de la dissolution, en 1892, il défendit à l'Association libérale la nécessité de voter l'établissement du suffrage universel pur el simple. Soumis au ballottage avec MM. Deprez, Bertaux et Coppée, il se vit écarté de la liste par le Comité de l'Association libérale, dont il avait été le président.

Avec les citoyens Destrée et J. Des Essarts il fonda la Fédération Démocratique, dont il fut un des candidats à la première élection au suffrage plural en 1894, où seul de la liste démocratique-socialiste, il fut élu au premier tour du scrutin.

Telle est la biographie que nous publiions à la veille du scrutin de 1894. Nos lecteurs connaissent le rôle parlementaire de notre ami Fagnart, qui toujours fut sur la brèche pour défendre la cause du peuple.

Elu conseiller communal de Charleroi il veilla aux intérêts de la Cité en administrateur intègre et dévoué. Le corps électoral venait de lui renouveler sa confiance au moment où la maladie est venue le frapper puis l'abattre.

* * *

Nous croyons devoir publier le testament philosophique du citoyen Fagnart, touchant dans sa simplicité :

« Charleroi, le 26 novembre 1884.

« Je veux être enterré sans le concours d'aucun culte, par les soins de la Libre-Pensée et de la Maçonnerie auxquelles je meurs fidèle. Je charge ma bien-aimée, Louise Henin, de l’exécution de ma volonté. »


(Extrait du Peuple, du 1 décembre 1899)

Une douloureuse nouvelle nous est parvenue mercredi soir vers onze heures.

Le citoyen Fagnart, député socialiste de Charleroi, vient de mourir.

Depuis plusieurs semaines, une grave affection pneumonique avait forcé notre pauvre ami à rester éloigné du Parlement, alors qu'une loi fondamentale y était débattue.

Nous le déplorions. mais nous ne pouvions croire à une issue fatale.

Nous dirons, plus tard la vie de droiture et de loyauté que Fagnard consacra toute entière à la démocratie et au peuple travailleur qu'il aimait d'un amour désintéressé et profond.

II le défendit à la Chambre, quand la cause du Suffrage Universel réclamait l'énergique appui des hommes justes et fermes.

Et quand le peuple eût conquis son droit de vote, il ne voulut pas se séparer de lui ; à la Fédération démocratique d’abord, au groupe socialiste de la Chambre ensuite, Léopold Fagnart donna sa sincére et loyale adhésion. Dès ce jour, il devint lutteur de la grande cause du prolétariat socialiste.

Ce devoir, il l'accomplit jusqu’au bout ; il dépensa, pour le triomphe des revendications ouvrières, les ressources de son intelligence, de sa logique et de son bon sens, en même temps que celles de son cœur doux et paisible.

Les travailleurs belges ne l'oublieront pas et le Peuple, qui est leur interprète, doit à ce brave et bon ami, à ce mandataire loyal et consciencieux, un souvenir affectueux et un hommage suprême.


Voir aussi : HENDRICKX J.P., dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1976, t. 39, pp. 349-361