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Ernst Antoine (1796-1841)

Portrait de Ernst Antoine

Ernst Antoine, Nicolas, Joseph libéral

né en 1796 à Aubel décédé en 1841 à Boppard-sur-le-Rhin (Allemagne)

Ministre (justice) entre 1834 et 1839 Représentant entre 1832 et 1839, élu par les arrondissements de Ruremonde et Liège

Biographie

(Extrait de : A. LE ROY, dans Biographie nationale de Belgique, t. VI, 1878, col. 651-661)

ERNST (Antoine-Nicolas-Joseph), jurisconsulte, professeur, homme politique, né à Aubel le 20 mars 1796, décédé à Boppart (sur le Rhin) le 10 juillet 1841.

Il était le troisième des quatre fils d'Ulric-Pierre-Antoine, échevin de la cour foncière et seigneuriale de Gorchem (duché de Limbourg), mort en 1808. Ernst « aîné », notre Antoine et Lambert, le plus jeune, se vouèrent à l'enseignement du droit ; Ulric-Antoine-Joseph, le second, bourgmestre d'Aubel en 1830, ne quitta point son pays natal et s'y contenta des modestes fonctions de juge de paix. La création d'une école de droit à Bruxelles ayant décidé Ernst aîné à poursuivre ses études en cette ville, Antoine et Lambert l'y rejoignirent, achevèrent leurs humanités au lycée impérial, puis se préparèrent, sous la direction de leur frère, à entrer au barreau. Antoine sortit de l'école de droit le 6 juin 1816 avec le grade de licencié, obtenu « summa cum laude ». Il se fit immédiatement inscrire au tableau des avocats, mais donna en même temps des répétitions de droit romain, ce qui l'attira peu à peu dans l'orbite de l'enseignement académique.

Nommé le 13 février 1822 professeur extraordinaire à la faculté de droit de Liége, où son aîné occupait une chaire depuis la fondation de l'université, il fut promu à l'ordinariat dès le 3 juillet suivant. Sa carrière se divise naturellement en trois périodes : dans la première et la dernière, il se consacra tout entier à sa mission professorale ; dans la seconde, il prit une part considérable aux affaires de l'Etat. Bien qu'étant resté étranger aux événements de septembre, il fut élu membre suppléant du Congrès national ; mais il refusa obstinément de siéger dans cette mémorable assemblée après la mort de M. Nagelmackers ; malgré les instances de ses amis, ce ne fut qu'en 1833, à la suite de la dissolution des Chambres, qu'il consentit à accepter un mandat parlementaire. Nous le considérerons tour à tour comme professeur et comme homme d'Etat, ainsi que nous l'avons fait dans le « Liber Memorialia ».

Il débuta par un cours très sommaire de droit commercial ; ce n'est que plus tard, sous Godet, que cet enseignement acquit une importance réelle à Liége, Ernst donna, par contre, tous ses soins aux cours d'encyclopédie du droit, de droit civil élémentaire et de droit romain (Institutes), dont il fut successivement chargé. Le cours d'encyclopédie était facultatif ; néanmoins les élèves affluaient. Ni chez nous, ni en France, on n'avait encore entendu rien de semblable : l'influence allemande se faisait définitivement sentir. « De précieuses recherches sur l'origine du droit, un tableau des législations anciennes, un appendice sur le droit coutumier, la transition du droit romain au droit moderne parfaitement marquée, le tout mis en rapport avec nos besoins et l'état de notre législation, le tout envisagé au double point de vue de la philosophie et de l'histoire ; c'en était plus qu'il en fallait pour retenir 1a jeunesse qui commençait à se passionner vivement pour les sciences morales et politiques. » Ernst ne se traînait pas cependant, il est bon de le dire, à la remorque des auteurs étrangers : il avait son plan à lui, synthétique plutôt qu'historique ; c'était avant tout un théoricien, un logicien comme son frère, ce qui, du reste, n'excluait pas chez lui l'esprit pratique. Mais il brilla surtout comme professeur de droit civil et d’Institutes. Laissons parler le chanoine De Ram : « Avant M. Ernst, il n'y avait guère dans nos universités que des leçons approfondies sur une partie du Code ; le jeune professeur comprit qu’il y aurait avantage à placer, à côté de ce cours de haute discussion, un cours plus restreint aux principes, et qui embrasserait en deux ans l'ensemble du Code. Le succès fut tel, qu'aujourd’hui encore ses anciens élèves n’en parlent qu’avec enthousiasme ; ils se souviennent toujours de cette patience d'analyse. qui permettait au professeur de simplifier les matières les plus compliquées et de les présenter en un tableau succinct qui frappait tous les esprits. - Dans le cours des Institutes, il avait parfaitement saisi la limite qui sépare ce cours de celui des Pandectes ; il réunissait les deux anciennes méthodes presque exclusives : celle du traité, qui ne donnait que les principes sans voir les textes, et celle du commentaire, qui s'attachait à expliquer sèchement la lettre, sans vue d’unité et sans point de départ. Pendant six mois d'abord, M. Ernst expliquait les Institutes en forme de traité ; il résumait avec ordre les principes généraux de tout le droit romain, mais toujours en prenant les Institutes à leur base, et ce n'était qu'en passant qu'il commentait çi et là l'un ou l'autre passage difficile. Chaque chapitre, chaque titre avait en tête l'indication des sources, Institutes, Pandectes, Code, Novelles, où le professeur puisait les principes qui formaient complétaient le beau plan de cette première partie de son cours. La seconde était essentiellement pratique : M. Ernst y aidait ses élèves, fortifiés, déjà par le suc d'une saine doctrine, à expliquer la lettre même des principales matières des Institutes. » Sa tradition lui survécut à Liége dans l'enseignement du professeur Fr. Kupfferschaeger (mort en 1866) : d'abord son suppléant, puis son successeur pour les Institutes. Les cours d'Antoine Ernst sont toutefois demeurés inédits ; peut-être y eût-il eu imprudence à déférer au vœu exprimé à cet égard par son biographe : la science n'est pas restée stationnaire, et il n'est pas même certain l'enseignement d'Ernst, à Louvain, n’ait été que la répétition de son enseignement à Liége.

Recteur de l'université de cette dernière ville en 1831-1832, Antoine interrompit ses cours l'année suivante, ainsi qu’il l'a dit plus haut, pour se jeter dans l'arène politique. Il y combattit vaillamment pendant six ans, au risque de compromettre sa santé assez délicate. Suivons-le dans cette nouvelle carrière avant de le retrouver à côté de ses frères, professseur comme eux à l'Université catholique.

Sans être fertile en grands événements, la période de 1833 à 1839 marquera dans l'histoire de la jeune Belgique, à raison de la gravité des questions débattues au sein du Parlement, et de l'influence exercée sur l'attitude des partis et même sur les destinées de nos institutions par les solutions qu'elles reçurent.. Il s'agissait de l'exécution du traité des Vingt-quatre articles, ratifié à la fin de 1831. La neutralité belge était garantie par cette convention, mais en échange du sacrifice d'une partie du territoire. La conférence de Londres aurait voulu laisser la Belgique et la Hollande s'arranger directement entre elles ; or, la Belgique demandait, avant toute négociation, l'évacuation d'Anvers, occupé par les troupes hollandaises. Le roi Guillaume Ier cherchant à tergiverser, la France et l'Angleterre résolurent de le mettre en demeure ; cette intervention déplut aux Belges, qui n'entendaient pas être placés sous une sorte de tutelle. Le ministère, disposé à tout ménager, ne put obtenir de la Chambre des représentants un vote de confiance ; le Sénat se montra de meilleure composition. Sur ces entrefaites apparurent les Français : le général Chassé, après une héroïque défense, dut rendre la citadelle d'Anvers le 23 décembre 1832. On ne pardonna pas aux ministres d'avoir accepté le secours d'une puissance amie : ils durent se retirer, mais pour reprendre bientôt leurs portefeuilles, le roi ne parvenant pas à constituer une administration nouvelle. Deux fois démissionnaire, deux fois maintenu par la force des choses, le cabinet n'entrevit plus qu'une issue : l'appel au pays. La seconde Chambre fut dissoute, mais les élections ne modifièrent pas sensiblement la majorité : de là, une agitation générale, qui eut pour premier effet de rendre des espérances à l'orangisme. L'opposition devint violente et saisit tous les prétextes : il s'en fallut de peu que Lebeau, ministre de la justice, ne fût mis en accusation au sujet d'une question d'extradition. C'est dans ces circonstances qu'Antoine Ernst fut élu représentant. Catholique unioniste, il n'avait pas, comme on l'a prétendu, donné des arrhes au parti libéral ; on fut donc injuste à son égard lorsqu'on le qualifia de transfuge, en observant son attitude à l'égard du ministère. Dans l'affaire Lebeau, il déclara « que son serment à la Constitution l'obligerait de souscrire à l'acte d'accusation, s'il était formulé. » Cependant il n'était pas antiministériel quand même : on en eut la preuve le jour où le gouvernement, pour en finir, déposa un projet de loi sur l'extradition. Nommé rapporteur de la section centrale, il n'hésita pas, dût-il indisposer ses amis, à soutenir le projet en pleine Chambre, sauf à appuyer sur les amendements présentés en section dans le but de rendre impossible toute mesure arbitraire. Il entendait ne s'inféoder qu'à sa conscience ; mais s'il défendait ce qu'il croyait juste et vrai avec les ministres, il n'en était pas moins persuadé de la nécessité d'une reconstitution du cabinet. La modération du langage n'était pas précisément sa qualité dominante : ses premières philippiques causèrent même un certain émoi ; mais on s'y fit et plus on le connut, plus on l'estima pour sa franchise et sa droiture. Il dépassa pourtant le but en 1834, quand il proposa formellement, avec Dubus, d'infliger un blâme au gouvernement, dont la faiblesse, en présence des pillages, lui paraissait inconcevable ; la Chambre ne le suivit pas sur ce terrain, elle se contenta de voter une loi sévère contre les manifestations orangistes, et elle n'eut pas tort. Le ministère reconquit à ce moment une majorité imposante : tout d'un coup, le 1er août, à la surprise générale, MM. Rogier et Lebeau donnèrent leur démission : on se perdit en conjectures, il s'agissait simplement du ministre de la guerre (baron Evain), dont ils n'avaient pu obtenir le renvoi. Cette fois la dislocation était irrévocable ; elle était même prévue chez les initiés, puisqu'il est avéré que des démarches officieuses avaient été tentées auprès d'Ernst dès le mois de juillet, pour le décider à entrer dans une nouvelle combinaison. Le 4 août, un cabinet mixte fut constitué : Ernst et le baron d'Huart y entrèrent à titre de libéraux, en regard des catholiques De Theux et De Muelenaere. Une telle alliance fit gloser ; nous avons dit qu'Ernst était unioniste, c'est sa justification : Mais l'Union n'avait plus longtemps à vivre ; bientôt les partis se séparèrent nettement, comme le démon la création presque simultanée des deux universités libres. Il va sans dire que le cabinet de 1834 passa, dès lors, pour homogène.

Comme ministre de la justice, Ernst se vit un jour reprocher une prétendue contradiction avec les principes qu’il avait professés à l'époque où il fait partie de l'opposition. La question de l'extradition avait été résolue alors ; celle de l'expulsion des étrangers n'était pas encore tranchée. Ernst jugea qu'en pareille matière des arrêtés de circonstances ne pouvaient suffire. ; il réussit à faire voter la loi du 22 septembre 1835. Or, environ deux ans plus tard, il arriva que le gouvernement français réclama le banqueroutier Malafosse, réfugié en Belgique. Le fugitif fut arrêté à Anvers, nanti de valeurs assez considérables ; mais comme les pièces, transmises par le tribunal à l'administrateur de la sûreté publique, n'étaient pas en règle, il adressa d'urgence une réclamation au Parlement. On se hâta de remplir les formalités ; mais le ministre, ce « grand ennemi de l'arbitraire », n'en fut pas moins rendu responsable d'une arrestation illégale. Il déclara qu'il n'avait été pour rien dans cet acte, mais que s’il avait été consulté, il aurait ordonné à ses inférieurs d'agir ainsi qu'ils l’avaient fait ; quant à l'extradition, il la différa par respect pour la Chambre. Les journaux jetèrent feux et flammes ; le ministre les laissa épuiser leur arsenal ; l'affaire n'eut pas de suite.

D'autres susceptibilités se firent jour à propos de la peine de mort, supprimée en fait depuis la révolution et remise en vigueur par Ernst en 1835. C'est à lui, en effet, que s'applique le passage suivant d’un rapport présenté au Sénat français, en 1867, par M. de la Guéronnière : « En Belgique, pendant une période de cinq années, de 1830 à 1834, la peine de mort, quoique maintenue en droit, a été pratiquement abolie, et cependant les crimes entraînant cette peine ne se sont pas accrus. Toutefois, le gouvernement belge n'a pas jugé pouvoir prolonger l'expérience et l'échafaud, qu'on croyait abattu, s'est relevé. »

Voici les faits. Au sénat, MM. de Mérode et de Sécus ayant attribué la multiplication des crimes à la « fausse philanthropie » du ministre de la justice, celui-ci répondit que la peine de mort n'était abolie en aucune manière, et que, pour sa part, il n'avait jamais sollicité la grâce d'un assassin. Il fit incontinent dresser une statistique criminelle : pour justifier son consentement à des rigueurs auxquelles on n'était plus habitué, il avait besoin d'établir que l'expérience en démontrait la nécessité. Or, avant que la statistique fût terminée, il advint que sept condamnations à mort furent prononcées par la cour d'assises de la Flandre occidentale. Six condamnés obtinrent une commutation de peine ; mais la tête du septième, l'assassin Nys, tomba sur la place de Courtrai (9 février 1837). Le jour même, M. H. de Brouckere reproduisit à la Chambre des représentants une motion qu'il avait déjà présentée, pour l'abolition de la peine de mort. Elle fut prise en considération et renvoyée aux sections ; M. Milcamps présenta un rapport au nom de la section centrale, puis le débat fut ajourné indéfiniment, parce qu'on jugea indispensable de consulter avant tout les cours et tribunaux.. Quant à Ernst, il avait certainement cru remplir un devoir en refusant d'intercéder pour Nys. Aussi bien son imagination était frappée : il lisait dans les journaux étrangers que la Belgique devenait un repaire de criminels. C'était une calomnie évidente : On avait mis la main sur des bandes de brigands, mais hors de là, rien n'attestait une recrudescence générale de la criminalité ; enfin, l’expérience d'une seule année ne pouvait être décisive. Ernst eut le tort, il faut l'avouer ; de ne point attendre la publication de la statistique ; mais s'exagérant la situation, il se crut obligé, en toute hâte et sous sa responsabilité, de rassurer les honnêtes gens. Dans d'autres conditions, la question se serait sans doute présentée tout autrement à son esprit.

Ernst a laissé la réputation d'un chef rigide, mais absolument intègre, d'un administrateur habile et impartial, ennemi des intrigues et des coteries. La Chambre rendit hommage à son équité en confiant au gouvernement le premier choix des nouveaux conseillers, lorsqu'elle augmenta le personnel de la Cour d'appel de Bruxelles (1836). Il introduisit d'utiles réformes dans ses bureaux et montra un grand zèle en fait de bienfaisance publique : Namur lui doit son pénitencier pour les femmes, et le premier il eut la pensée d'instituer une maison du même ordre pour les jeunes délinquants (Allusion au pénitencier de Saint-Hubert, fondé plus tard). Il prit une part très active aux débats parlementaires de 1835 et 1836 sur l'enseignement supérieur, sur les lois provinciale et communale.

Une question financière vint inopinément ébranler le cabinet. La Société Générale, caissière de l'Etat, s'était trouvée tout d'un coup en butte à des attaques incessantes : « Elle spéculait, disait-on, avec les deniers des contribuables ; le roi Guillaume, possédant les trois quarts des actions, les bénéfices étaient transportés à La Haye, d'où ils servaient à solder la contre-révolution. » La Banque de Belgique fut créée pour servir de contre-poids à la Société : prévoyant que sa rivale deviendrait tôt ou tard un établissement national, celle-ci résolut de se rattacher ostensiblement au régime nouveau : elle ambitionna le titre de ministre d'Etat pour M. de Meeus, son gouverneur, et pour M. Coghen, l'un de ses directeurs. Ernst concourut avec De Theux et D'Huart à repousser énergiquement ces prétentions, soutenues par De Muelenaere : « Il y a là un véritable danger pour le pays ! s'écria-t-il ; plutôt que de céder, j’abandonnerai mon portefeuille. » Ce fut de Muelenaere qui se retira. Des dissidences analogues s'étant produites à propos du refus d'autoriser la Société de mutualité industrielle, Ernst offrit une seconde fois sa démission ; elle ne fut point acceptée.

La Hollande finit par adhérer au traité des Vingt-quatre articles. On se trouvait en présence d'une terrible question : 1es Belges pouvaient-ils dignement consentir à se séparer de trois cent quatre-vingt mille de leurs frères, acheter leur neutralité, leur sécurité, au prix de la cession d'une partie du Limbourg et du Luxembourg ? Ernst et D'Huart ne le pensèrent pas : le cabinet se divisa. Le 1 janvier 1839, les deux ministres dissidents se séparèrent décidément de leurs collègues, sauf à leur venir à la rescousse dès le lendemain, pour éviter la dissolution des Chambres.

Le mandat d’Ernst expirait au mois de juin : il fit voir aux électeurs liégeois qu'il n'en accepterait pas le renouvellement et rentra dans la vie privée. Ses adversaires politiques, ceux mêmes qui pensèrent alors que le salut de la patrie valait bien le plus douloureux des sacrifices, ne purent refuser leur hommage à une si noble conduite. S'était-il trompé ?

Sa bonne foi, son patriotisme du moins étaient indiscutables. Il emporta dans sa retraite l'estime générale. Des fonctions publiques, des distinctions honorifiques lui furent offertes : il refusa tout. Le recteur de l'université de Louvain eut seul assez d'influence sur lui pouur le décider à accepter une chaire. Le roi félicita M. De Ram à ce sujet, témoignage d'autant plus flatteur qu'Antoine Ernst n'avait pas craint, à l'occasion, d'exprimer hardiment toute sa pensée en haut lieu. Le professeur d'Institutes reprit son cours et s'y distingua comme autrefois, ne se contentant pas d’enseigner, mais prodiguant en particulier les bons conseils à ses élèves, élargissant leur horizon, éveillant en eux les sentiments élevés qui doivent être l'apanage de tout vrai jurisconsulte.

Malheureusement il se sentait affaibli ; il n'avait, pas impunément, pendant son ministère, déployé une activité presque fébrile, sans rapport avec ses forces. Une irritation des intestins se déclara ; on lui conseilla d'aller consulter, à Heidelberg, un médecin en renom. Il partit avec une de ses filles ; sur le bateau à vapeur du Rhin, entre Coblence et Mayence, il se trouva si mal qu'on fut obligé de le débarquer à Boppart, le 9 juillet 1841. On n'eut que le temps de lui administrer les secours de la religion ; le lendemain il avait cessé de vivre. Il mourut à l'établissement hydrosudopathique du docteur Schmidt ; le corps fut transporté à Louvain huit jours plus tard, et inhumé au cimetière du Parc, où la famille, Ernst possède un caveau,

Le talent de Jean-Gérard et de Lambert Ernst était surtout didactique ; chez Antoine, l'orateur parlementaire et le professeur se contre-balançaient ; sous l'influence d'un autre concours de circonstances, le barreau eût été également son fait. Il avait l'ardeur du polémiste, la dialectique serrée de l'homme de loi, la forte éloquence que donnent seules des convictions profondes et des idées nettes, Il a pu quelquefois faire fausse route, mais il n'en rappelle pas moins le « justum ac tenacem » d'Horace. Il se défendait avec chaleur et attaquait avec violence, parce qu'il croyait fermement à ce qu'il disait. « Un jour viendra, répétait-il volontiers, où l'on me rendra justice,

Il ne trouva guère le temps d'écrire ; à part ses thèses : : « De confusione, De l'adoption et de ses effets (1816), nous ne connaissons de lui qu'un petit nombre d'articles, remarquables d'ailleurs, insérés dans la Thémis, et des rapports adressés au Parlement. Citons seulement celui qu’il rédigea pour appuyer une proposition de M. B. Dumortier, relativement à la réorganisation de l'Académie royale (14 janvier 1834). Ernst, pensait, comme son collègue, qu'il y avait lieu de promulguer une loi spéciale. Ils ne réussirent pas : la constitution du premier corps savant du pays fut réglée par un simple arrêté royal (1er décembre 1845). Le rapport dont il s'agit a été publié dans l'Annuaire de l'Académie, 1846, pages 104-117.

Afin de reconnaître les services rendus au pays par l'ancien ministre de la justice, le roi Léopold II, donnant suite aux intentions paternelles, a octroyé aux fils d'Antoine Ernst des lettres de noblesse (31 janvier 1871). Un décret pontifical du 6 août 1875 leur a conféré en outre le titre de baron pour eux et pour leur descendance.