Doucet de Tillier Auguste, Henri catholique
né en 1837 à Leuze décédé en 1923 à Tillier
Représentant entre 1884 et 1894, élu par l'arrondissement de Namur(Extrait de Vers l’Avenir, du 16 juin 1923)
Nous apprenons la mort de M. Auguste Doucet de Tillier, ancien membre de la Chambre des représentants, pieusement décédé à Tillier, hier, 18 juin, dans sa 86ème année.
Né d'une vieille famille patricienne de nos campagnes namuroises, M. Doucet de Tillier y avait puisé une foi profonde et agissante, un bon sens toujours en éveil, une énergie et une activité sans cesse sur la brèche, une cordialité qui lui acquérait toutes les sympathies.
Avocat distingué, il eut au barreau de nombreux succès et ses pairs le nommèrent bâtonnier de leur ordre. Son intérêt pour la chose publique, sa passion pour le bien, son talent d'orateur, le désignèrent bientôt pour nos luttes politiques.
Il fut conseiller communal et bourgmestre de Tillier. Il fut conseiller provincial. En 1884, une élection partielle qui, à cause d'une nouvelle répartition des mandats, suivit immédiatement le scrutin triomphal du 10 juin, il fut nommé membre de la Chambre des Représentants avec M. Ferdinand Dohet. Ils restaient deux de ces grands champions de notre cause. Voici qu'il disparait à son tour.
Après avoir siégé comme député durant de nombreuses années, voyant la confiance des électeurs lui renouveIer chaque fois son mandat, M. Doucet de Tillier quitta à la fois l'arène politique et le barreau et entra dans la magistrature. Juge à notre tribunal de première instance, il apporta, dans cette nouvelle tâche, la sûreté et la scrupuleuse conscience de ses décisions.
Chrétien convaincu et ardent, il était en tout l'homme du devoir. Il savait y allier la bonté. Accueillant à tous, il était pour tous serviable. Coutumière était sa générosité. Innombrables furent les aides qu'il apporta, les appuis qu'il donna, les services qu'il rendit. La porte de sa maison de Namur, la porte de son château de Tillier furent toujours ouvertes à qui avait besoin de sa bienveillance. de ses conseils, de son concours.
Les épreuves ne lui manquèrent pas. Il les supporta avec l'énergie d'un caractère fortement trempé et la soumission d'un cœur confiant en Dieu. C'est dans les sentiments de la foi la plus intense qu'il parcourut la vie ; c'est dans ces mêmes sentiments que, au crépuscule d'une longue existence, il vit venir la mort. Il l'accueillit comme une envoyée du Souverain Maître et expira, entouré des siens, après avoir reçu pieusement tous les sacrements de l’Eglise.
M. Auguste-Henri Doucet de Tillier était officier de l’Ordre de Léopold, décoré de la Croix civique de première classe, de la Croix civique de première classe 1914-1918, de la Croix mutualiste de première classe, de la Médaille Commémorative du règne de Léopold II.
En saluant sa mémoire, en rendant un suprême hommage à ses nobles qualités, nous présentons à sa famille l'expression émue de nos condoléances.
Le service solennel, suivi de l'inhumation dans le caveau de la famille, sera célébré en l'église de Tillier, le vendredi 22 juin, à 11 h. (est.)
(Extrait de Vers l’Avenir, du 25 juin 1923)
Nous avons rendu compte, samedi, des obsèques de notre regretté ami M. Doucet de Tillier. Voici le discours qu'a prononcé Maître Lamquet, au nom du barreau :
« En l'absence de notre bâtonnier Maître Paul Frapier, empêché, je suis chargé de la douloureuse mission d'adresser, au nom du barreau de Namur, un suprême hommage à la mémoire de notre regretté confrère, Maître Auguste Doucet.
« Après de brillantes études de droit, Maître Doucet fut admis, le 15 décembre 1860, il y a de cela 63 ans, à la prestation de serment et il se fit inscrire aussitôt au barreau de notre ville.
« Il fut de cette génération de juristes remarquables, des Dohet, père, des Dury, des Wautelet, des Lelièvre, des Charlier, des Lemaître, et de tant d’autres, qui, parmi les anciens, illustrèrent l barreau namurois.
« Il ne tarda pas à occuper, au sein de notre corporation, une place prépondérante, que lui assignaient d’ailleurs de solides connaissances juridiques, un esprit d’une délicatesse exquise et un talent d’orateur très raffiné.
« En 1884 et en 1892, il fut appelé à la dignité du bâtonnat et il exerça ses délicates fonctions avec la courtoisie et la bonté qui était le fond de son caractère, mais aussi avec le souci constant de faire respecter, en toute circonstance, les principes d’intégrité et de considération qui sont l’apanage de la profession d'avocat.
« En 1910 fut célébré solennellement son cinquantenaire professionnel et à cette occasion, ses confrères, à l'unanimité des suffrages, l'élirent pour la troisième fois bâtonnier de l'ordre.
« Ce n'est pas sans émotion que j'évoque, à cette heure, le souvenir de cette touchante manifestation qu'organisèrent en son honneur ses amis de la magistrature et du barreau.
« Avec quelle fine bonhomie, . avec quel tact parfait, il répondit aux différents orateurs à l'envi les mérites de l'avocat et les vertus de l'homme privé !
« Avec quels accents de véritable lyrisme, il glorifia alors la Confraternité, comme devant toujours être, en dépit des contingences de la vie, un des charmes de nos relations professionnelles !
« Dix années s'écoulèrent et en 1920, le barreau fêta le jubilé de cinquante années d'inscription au tableau de l'Ordre, d'un des avocats les plus sympathiques et les plus estimés, Maître Emile Tonglet.
« Maître Doucet, toujours sur la brèche, venait d’atteindre un glorieux soixantenaire, que l’on célébra avec tout l(enthousiasme que réclamait pareil événement.
« Dans une de ces improvisations chaleureuses dont il avait le secret, notre distingué doyen d'âge donna à ses jeunes confrères, comme il les appelait avec humour, les bienveillants conseils de sa longue expérience des hommes et des choses, les conviant à conserver intact, toujours, le patrimoine de conscience et de dignité légué par nos ancêtres.
« C’était la dernière fois que la voix de ce maître respecté devait se faire entendre dans nos réunions.
« Vénéré Confrère,
« Votre grand âge, en ces derniers temps, vous a tenu éloigné du palais où vous étiez entouré de déférence et de sympathies profondes !
« Vous jouissiez, dans votre paisible retraite de Tillier, du repos bien mérité, de l'otium cum dignitate de' l'orateur romain.
« Votre souvenir restera vivace dans le cœur de tous vos confrères, qui vous ont apprécié et aimé, et au nom desquels je vous adresse un solennel adieu.
« Vous avez droit à leur gratitude pour avoir donné au barreau l'exemple d'une vie toute d'activité, de probité et d'honneur. »
Le baron de Montpellier s'est exprimé ainsi :
« Comme député de l’arrondissement de Namur, que M. Doucet de Tillier a représenté, pendant de nombreuses années, au Parlement, j'ai le douloureux devoir de rendre aujourd'hui à la mémoire de celui qui vient de nous quitter, un suprême hommage de sympathie, d'estime et de reconnaissance.
« La physionomie du très regretté M. Doucet de Tillier comme homme public apparaît sous un triple et saisissant aspect : l’avocat, le tribun, le mandataire !
« D'aucuns soutiendront qu'il était avant tout avocat, d'autres admireront surtout en lui le tribun populaire, d'autres enfin donneront la préférence à durant toute sa longue et brillante carrière, la réalisation de son idéal politique.
« Ne serait-ce pas, que dans ce triple domaine, Auguste Doucet de Tillier a excellé ? qui y a exercé son activité à perfection? Ne serait-ce pas qu'il a mis au service des causes qu'il épousait, son travail opiniâtre, ses vastes connaissances, sa chaude et persuasive éloquence ?
« Doué de talents supérieurs, il les avait admirablement développés par l'étude et le travail, mais il avait par-dessus tout une âme débordante d'enthousiasme, le feu sacré consumait son cœur ardent et généreux. Sa conscience droite, son inaltérable sincérité, lui attiraient toutes les sympathies.
« Ses convictions religieuses étaient aussi profonde que sincères.
« Chrétien militant et convaincu, il mettait au service de la défense de la religion, son cœur d'apôtre autant que son talent d'orateur et, durant sa longue existence, et jusqu'à ses derniers jours, il n'a cessé de figurer parmi les plus vaillants propagandistes de nos libertés religieuses.
« Les anciens se souviendront encore de son attitude énergique à la Chambre, lors de la discussion d'un projet de loi réprimant le duel.
« Nos écoles libres et celles des Frères des écoles chrétiennes ont toujours trouvé en lui leur plus ferme soutien.
« Innombrables du reste sont les services qu'il a rendus, au Parlement, dans tous les domaines. Beaucoup de Namurois ont conservé présente à la mémoire la part prépondérante qu'il a prise aux débats lors de la discussion intervenue au sujet du démantèlement de notre vieille citadelle. Des servitudes militaires grevaient toutes les propriétés des alentours, principalement dans le quartier du Vieux Salzinnes, et les habitants de ce faubourg ont dû en grande partie aux efforts et à la ténacité de leur dévoué député M. Doucet de Tillier, la levée de ces servitudes.
« Que de titres ne s'était-il pas acquis à la reconnaissance de ses mandants qui, du reste, n'ont pas manqué, à différentes reprises, de lui renouveler leur confiance, lors des échéances électorales,
« Auguste Doucet de Tillier, qui appartenait à une de nos vieilles familles patriciennes, estimée dans tout le Namurois, est venu prendre sa retraite à Tillier, au milieu de ces bonnes et chères populations du canton d'Eghezée, auxquelles tant de liens le rattachaient.
« L'épreuve, hélas!, ne l'y a pas épargné; mais en véritable soldat du Christ, il acceptait sans murmure les coups qui le frappaient; les souffrances et les sacrifices ne faisaient qu'élever davantage ses regards vers le ciel.
« Jamais, il ne cessa de montrer une sérénité vaillante !
« Dès les premiers jours de la grande épreuve nationale, alors que le sol de la patrie étai envahi par les hordes allemandes, Auguste Doucet de Tillier, animé des sentiments du plus pur patriotisme, voulut se consacrer entièrement à la protection de ses administrés.
« Par son attitude digne et énergique, il tint à en imposer à l'ennemi et épargner aux habitants de sa commune, en de nombreuses occasions, les rigueurs iniques de l'occupation.
« C'est ici-même, entouré de la profonde affection de ses chers enfants, qu'il a vu s'approcher la mort ; avec vaillance et résignation, il a fait délibérément le sacrifice de sa vie !
« Inclinons-nous profondément devant la dépouille mortelle de cet homme de devoir, de ce grand chrétien ! et gardons toujours le souvenir de son dévouement sans borne, de son désintéressement absolu, de son intelligente et infatigable activité, mises sans cesse au service de tous ; de sa bonté et de son affabilité que rien ne pouvait rebuter.
« La vie d’Auguste Doucet de Tillier est un exemple pour tous. Elle honore sa famille et son pays ! »