Dohet Ferdinand, Marie, Louis catholique
né en 1850 à Namur décédé en 1924 à Namur
Représentant entre 1884 et 1906, élu par l'arrondissement de Namur(Extrait de Vers l’Avenir, du 4 février 1924)
Ceux qui s'en vont...
On a annoncé dimanche, en ville, la mort de M. Ferdinand Dohet-Delrue, un vétéran du parti catholique namurois. On ne le savait pas souffrant, et la nouvelle a causé de la surprise.
Fis de Martin Dohet, un des plus réputés avocats du barreau de Namur, Ferdinand Dohet était, lui-même, un excellent avocat et un ardent lutteur politique. En 1884, il fut élu député de Namur et tint à la Chambre une place remarquée. Il y siégea une quinzaine d’années et défendit vaillamment les intérêts de ses commettants.
Il y a deux ans, tout le barreau avait fêté son cinquantenaire professionnel et l'avait réélu bâtonnier.
M. Dohet était le beau-frère de M. Joseph Saintraint, bourgmestre de Namur.
Nous adressons notre respectueux salut au vénéré défunt, vaillant serviteur de la cause qui nous est chère.
(Extrait de Vers l’Avenir, du 7 février 1924)
Mercredi, à 11 heures, ont eu lieu, en l'église cathédrale, les funérailles soIennelles de M. Ferdinand Dohet, ancien député catholique de Namur.
Une foule considérable a rendu à notre regretté ami les derniers honneurs.
A la mortuaire, avant la levée du corps, deux discours ont été prononcés.
Maître Henri Hamoir, membre du Conseil de l'Ordre, a apporté le dernier adieu du Barreau à celui qui à six reprises, avait été jugé digne du bâtonnat.
II a rappelé que, fils lui-même d’un ancien bâtonnier, M. Ferdinand Dohet avait prêté le serment d'avocat le 16 octobre 1871. Docteur en droit à 21 ans, il avait suivi les cours de droit de l'Université de Paris.
II a redit ses brillantes qualités de juriste et d'orateur.
II a évoqué l'émouvante manifestation d'estime et de sympa[hie qui lui fut faite à l'occasion de son cinquantenaire professionnel, manifestation à laquelle le gouvernement du Roi s'associa en élevant, à cette occasion, Maître Dohet à la dignité de commandeur de l’Ordre de Léopold.
Maître Henri Hamoir a rappelé aussi que Ferdinant Dohet, fut juge suppléant durant quarante-trois ans.
Eloquemment, Maître Hamoir fit ressortir l'intégrité, la droiture, le dévouement du défunt dont la mémoire restera en vénération.
M. Max Wasseige, président de la Fédération catholique de l’arrondissement de Namur, prit ensuite la parole pour rendre le suprême hommage au défunt au nom du parti catholique.
Voici son discours :
« Messieurs,
« Peut-on, sans une émotion profonde et sans un sentiment de regret pour les choses du passé, voir dans les temps troublés où nous vivons, disparaître les derniers vétérans de notre armée catholique d'avant la guerre ?
« Ce sont les derniers chefs de cette armée qui s'en vont, ceux qui ont eu à la diriger dans les luttes qu'elle eut à soutenir et qui eurent l'honneur de représenter au parlement les catholiques de l’arrondissement de Namur.
« La mort de M. Dohet évoque aujourd'hui cette période si proche encore, déjà si lointaine pourtant, mais en tout cas si différente de la période actuelle qu'elle paraît aux jeunes presque un anachronisme.
« Ils s'en vont, les derniers représentant d'un âge disparu. dont les jeunes générations n'ont pu apprécier ni la grandeur ni le charme aujourd'hui désuet, séparés qu'ils en sont par dix ans de bouleversements sang nom ; âge dont, seuls, ceux qui comme nous ont vécu la vie comprennent encore la valeur et qu'on pourrait caractériser par un mot : la tranquillité dans la paix. Age plein de charmes, si on le compare aux temps héroïques mais troublés que nous avons vécus depuis dix ans.
« C'est un ces vétérans, dirai le dernier d'entre eux, que nous conduisons aujourd’hui à sa dernière demeure.
« Ferdinand Dohet avait terminé sa carrière politique avant la guerre et son intelligence ouverte suivait avec un intérêt toujours en éveil le développement da notre politique actuelle.
« Il le faisait en observateur sorti de la tourmente; son âme vibrait; il jugeait, mais, heureusement pour lui, ne supportait pas le fardeau comme ceux qui sont actuellement à la peine pour maintenir ou tirer de l'ornière le lourd véhicule de I'Etat.
« La politique d'avant-guerre paraît à certains mesquine et rétrécie, parce que du milieu de l'orage où ils sont ils la comparent à notre situation actuelle.
« Certes, celui qui aujourd'hui limiterait ses aspirations politiques à celles d'avant-guerre produirait un effet assez singulier, mais on ne peut comparer deux âges si différents.
« La Belgique, pendant 30 ans avant la guerre, avait fait de grandes choses - elle était à la tête des nations - elle était glorieuse et enviée.
« La liberté y était une réalité n'existait nulle part au même degré.
« La religion y était respectée, que dis-je, pratiquée par la majorité de son peuple ; elle était un des stimulants de l'activité des Belges.
« L'instruction y avait atteint tous les degrés, par une progression régulière, un niveau élevé tant au point de vue de la fréquentation que de la valeur de l'enseignement.
« L'étranger venait étudier nos lois sociales qui étaient, au dire des adversaires du gouvernement, les premières du monde.
« La prospérité de la Belgique, sa richesse, son développement industriel et commercial et la modération du coût de la vie nous rendaient un objet d'envie.
« La nation belge, suivant son génial monarque, s'était amplifiée en conquérant pacifiquement un empire colonial qui sera un jour notre salut.
« Et aux jours troublés de 1914 elle sut prouver que sa prospérité matérielle n'avait rien enlevé à sa valeur morale.
« N'est-ce rien que tout cela ! et s'il y avait quelques ombres au tableau, étaient-elles suffisantes pour ternir l'éclat de l'ensemble ?
« Qui donc avait fait cette Belgique si grande ? C'étaient les hommes politiques que je vous dépeignais tantôt, c'étaient, avec ses contemporains, celui dont nous déplorons aujourd'hui la mort.
« Ce sont ceux qui, en 1884, ont assis le fondement d'un gouvernement catholique qui dirigea pendant 30 ans les destinées du pays
« Rappelons-nous ce mot de Stuart Mill : « Ce n'est pas avec de petits hommes que l'on fait de grandes choses. »
« Fils de Maître Dohet-Anciaux, qui jusqu'en 1880 représenta au parlement l'arrondissement de Namur, Ferdinand Dohet commença, comme tous les jeunes de l’époque, sa carrière politique au Conseil provincial de Namur où il entrait à une élection partielle en 1883.
« Nature vive, intelligence lucide, catholique convaincu et d'une piété solide, ne transigeant pas avec le vice, rigide quand il s'agissait des principes, d'une de ces rigidités qu'on ne comprend plus aujourd’hui. M. Dohet se lança dans la carrière politique avec toutes ses qualités.
« Il vivait à l'époque héroïque de la luter scolaire ; c'est sous le régime de la loi qui porta le nom de loi de malheur, qu'il fit ses premières armes.
« La jeunesse d'à présent n'a pas connu l'émotion dont était étreinte la catholique Belgique à cette époque de son histoire politique.
« Ce ne fut pas seulement la lutte contre l'anticléricalisme pour le salut de l'âme des enfants, de enfants qui sont aujourd'hui des hommes : ce fut la lutte du pays entier pour le maintien d'une de nos libertés, de sa liberté la plus chère.
« C'est dans la grande journée catholique du 10 juin 1884 que, à l'âge de 34 ans, M. Dohet entra au Parlement. Il devait y rester 16 ans.
« Il fut réélu le 12 juin 1888, le 13 juin 1892, passant cette fois tête de liste, jusqu'en 1894, au moment où, par suite du changement de la Constitution, les catholiques subirent à Namur une éclipse momentanée.
« Dès l'avènement de la R.P. M. Dohet fut renommé député en 1900 et il le resta jusqu'en 1906 ayant été réélu le 23 mai 1902.
« Au parlement, il occupa une place en vue, il y fut toujours le défenseur acharné et souvent victorieux de nos principes catholiques. L'émotion populaire qui l'avait amené au parlement, il la ressentit profondément pendant toute sa carrière politique, car il ne fut jamais un sceptique.
« Il resta toujours catholique ardent et profondément convaincu.
« Qui ne se souvient de ses interventions énergiques dans les discussions au caractère religieux du serment (l'histoire se redit), ses déclarations de filial attachement à la papauté ; la lutte entreprit pour permettre aux époux divorcés de se réunir ?
« Jurisconsulte éminent, aucune loi relative aux choses judiciaires ne le laissait indifférent.
« Il collabora avec une générosité et un esprit juridique éclairés à la plupart des lois qui provoquaient, à l'époque de splendeur du parti catholique, le développement admirable de notre pays. Les lois sociales trouvèrent en lui un défenseur convaincu, car il était aussi un homme d'œuvres.
« En un mot, il fut un des hommes. qui contribuèrent à créer la plus grande Belgique que je vous dépeignais tantôt.
« Dans son cher arrondissement, M. F. Dohet participa à l'organisation du parti catholique, dont il fut toujours un des chefs.
« Pendant plusieurs années, il fut vice-président de l'Association Catholique.
« C'est sur son rapport que les statuts de l'ancienne association conservatrice turent révisés, que furent créés les délégués et que l’association pris le nom de catholique.
« II apporta à l'accomplissement de son devoir un dévouement absolu et une conviction entière. II tenait au parti catholique par toutes les fibres de son être.
« Les fluctuations de la politique amenèrent en 1906 sa retraite.
« Dans cette retraite où il se confina depuis lors, il conserva le respect, l'affection et la reconnaissance de tous ; de ses nombreux et de ses mandants auxquels il avait, au cours de sa carrière, rendu de si nombreux services.
« Aujourd'hui, notre vétéran vient de rendre au Seigneur son âme vibrante encore d'un ardent amour de la religion, de cette religion qui, pendant sa longue existence, fut le phare vers lequel il s'orienta – cette âme que, suivant l'expression du Psalmiste, il n'avait cessé de tenir entre ses mains, afin qu’elle restât fidèle au Seigneur.
« Il aura certainement, là-haut, la récompense que Dieu réserve à ceux qui ont combattu le bon combat, car sa vie fut un combat, combat contre lui-même pour avancer dans la voie de la perfection, combat pour la cause de Dieu, combat pour la cause de la Patrie, de cette noble Belgique au service de laquelle il a consacré les plus belles années de sa vie.
« Les catholiques perdent en lui un chef vénéré, ils l'oublieront pas dans leurs prières ! »
Le cortège funèbre se forma ensuite. Un bataillon du 13ème régiment de ligne et la musique de ce régiment rendaient les honneurs au commandeur de l'Ordre de Léopold.
A la cathédrale, l'offrande fut interminable.
Après les absoutes, le cercueil fut dirigé sur Erpent, où l'inhumation a eu lieu dans le caveau de la famille.
Nous réitérons à ceux qui pleurent cet excellent homme, ce vaillant chrétien, ce digne Namurois. l'hommage de nos respectueuses condoléances.