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de Kerchove de Denterghem Oswald (1844-1906)

Portrait de de Kerchove de Denterghem Oswald

de Kerchove de Denterghem Oswald, Charles, Eugène liberal

né en 1844 à Gand décédé en 1906 à Gand

Représentant entre 1884 et 1894, élu par l'arrondissement de Ath

Biographie

(Extrait de L’Indépendance belge, du 23 mars 1906)

La presse libérale tout entière a rendu un juste hommage à la mémoire de M. Oswald de Kerchove de Denterghem et unanimement à déploré le vide que laisse dans les rangs de nos sénateurs la disparition de cet homme de valeur.

Car M. Oswald de Kerchove était une personnalité marquante, dont la réputation s’étendait bien au-delà de nos frontières. Il avait beaucoup étudié, beaucoup observé et beaucoup pratiqué.

S’agissait-il de la floriculture, ce triomphe de sa ville natale il y était passé maître ; il avait encouragé le développement du goût des fleurs rares, des orchidées, et il s’était attaché à l’étude des palmiers, sur lesquels il a écrit un volume qui fait autorité.

En industrie, il était administrateur d’une glacerie ; il avait puissamment coopéré au développement de carrières : gouverneur du Hainaut, il s’était appliqué à étudier les questions multiples de charbonnages et il s’était efforcé de faire exécuter en son entier le fameux canal de Mons à Charleroi.

En agriculture, il avait suivi dans ses propriétés et dans celles de sa famille les meilleurs procédés, donnant les plus profitables rendements.

En économie politique, il avait favorisé le mouvement mutualiste ; il avait abordé l’étude des caisses de prévoyance ; il avait créé dans le Hainaut des écoles ménagères et industrielles.

Oswald de Kerchove était aussi un érudit et un homme pratique, aussi sa conversation était attachant et toujours intéressante.

Il avait eu, de plus, le talent de savoir s’entourer d’homme de valeur, et le plus bel éloge que l’on puisse lui rendre, c’est de constater que les œuvres utiles qu’il a créés dans le Hainaut, en dehors de tout esprit confessionnel, ont été continuée par son successeur.


(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 22 mars 1906)

M. le comte Oswald de Kerchove

Nous avons annoncé, hier, la mort de M. le comte Oswald de Kerchove, ancien gouverneur du Hainaut, ancien député d'Ath et sénateur provincial du Hainaut…

C’est une perte énorme pour le parti libéral. Le défunt était, en effet, une personnalité de tout premier ordre. La Flandre libérale lui rend, en ces termes, un hommage mérité :

Depuis plusieurs années, il était atteint d'une affection cardiaque contre laquelle, connaissant son mal, se sachant condamné, il a lutté avec toute l'énergie de sa nature. El sans doute, s'il avait suffi pour vaincre la maladie de l'énergie morale, de la force et de la vitalité de l’intelligence il eût triomphé du mal, tant était en son âme l'intensité de la vie, et la volonté de ne pas se laisser abattre.

Mais le mal était de ceux qui ne pardonnent pas. Quand le comte de Kerchove se sentit vaincu, il vit venir la mort san effroi, avec le calme et la sérénité de l’homme de bien, dont la tâche ici-bas est accomplie.

Aujourd'hui, nous nous trouvons devant la lamentable réalité de cette énorme perte, C’est une des plus belles intelligences et un des plus nobles cœurs qui viennent de s’éteindre.

Par la finesse de son esprit, par la rare distinction de sa plume très littéraire, par la grâce extrême de sa parole, par sa vaste compréhension des problèmes politiques et économiques, par ses connaissances en des matières infiniment variées et surtout en horticulture, le comte Oswald de Kerchove s’est placé au premier rang des grands citoyens qui honorent notre pays.

M. de Kerchove était un libéral par tradition. Dès son plus jeune âge, il avait le culte de tout ce qui fait l'honneur de notre parti : l’esprit de tolérance, de liberté et de progrès. Il était préparé pour jouer dans la politique le plus grand rôle. Ses qualités intellectuelles, l’étude constante qu'il avait faite de nos institutions, une éloquence naturelle semblaient l’appeler aux destinées les plus brillantes. Comme administrateur il donna pleinement sa mesure, tandis qu'il occupait le poste de gouverneur du Hainaut sous le gouvernement libéral. Aussi laissa-t-il dans cette province le souvenir d'un homme public de tous premier ordre, d'une courtoisie exemplaire, respectueux des opinions de tous, d’une activité à toute épreuve et d’un jugement sûr dans les questions les délicates et les plus ardues.

Quand en 1884, le gouvernement libéral tomba, le comte de Kerchove remit immédiatement sa démission, ne voulant pas associer son nom, fût-ce pour une heure, à la politique cléricale. Quelques semaines plus tard, les électeurs de. l'arrondissement d'Ath lui ouvrirent les portes de la, Chambre des représentants, où son entrée - nous en souvenons comme si c'était hier - fut saluée par des acclamations.

Ceux de ses compatriotes qui l'ont vu à l'œuvre, qui ont apprécié de près son talent, les ressources de son esprit, la hauteur de ses vues, pouvaient-ils lui rendre un plus bel hommage qu'en lui offrant de les représenter au Parlement au cours de ces longues années de défaite et de disgrâce que le libéralisme vient de traverser et qui, espérons-le, seront les dernières que notre pays aura connues ?

C'est ainsi que le comte de Kerchove, bien que Gantois de naissance, bien que profondément attaché aux intérêts de notre ville, fut successivement député d’Ath et sénateur provincial du Hainaut.

Il joua dans la Chambre et dans la Haute Assemblée un rôle considérable. plus par la qualité de ses discours que par leur abondance. Comme représentant surtout, il intervint dans de nombreuses discussions. Il défendit avec une énergie inlassable les principes de la liberté qui lui étaient chers et qui ont fait la passion dominante de sa vie. Il ne se montra indifférent à aucune des questions qui touchent aux intérêts vitaux du pays, prospérité tant matérielle qu’intellectuelle. Il pris part aux débats relatifs aux lois ouvrières, et l'on se rappelle qu'il aida de toutes ses forces à trouver une formulé électorale capable de ramener la paix dans les esprits, après une lutte révisionniste des plus intenses. a pu différer d'avis sur la formule qu'il proposa à titre transactionnel et qui, en maintenant le cens et l’examen exigés pour les élections communales, ne pouvait donner satisfaction aux éléments avancés du parti, mais on ne saurait lui contester sa bonne foi et son ardent amour du bien public.

Ce qui ne peut faire aucun doute, assurément, c'est son dévouement aux classes laborieuses. Sous ce rapport, il témoigna d'une sollicitude qui ne s'est jamais démentie. Il a consacré les dernières années de son existence, si admirablement remplie, au soulagement des misères humaines.

Le comte de Kerchove se reposait de ses grands travaux horticoles, qui ont fait de lui une célébrité européenne, en se préoccupant sans cesse de ce qui pouvait conduire au relèvement de notre clase ouvrière, et c'est avec la modestie et la discrétion que connaissent seulement ceux qui l'approchèrent de prés, qu'il travailla à panser bien des blessures.

Si les événements l’y avaient aidé, le comte de Kerchove aurait été de taille à jouer un rôle plus éminent encore sur la scène parlementaire. Mais ce qu'il a fait lui l'impérissable souvenir de son pays, et en particulier la gratitude des humbles et des faibles.

Comme bien d'autres, le comte de Kerchove eût pu passer sa vie dans l'oisiveté et toutes les jouissances matérielles que peut donner une immense fortune. Il la consacra au service de la chose publique, illustrant encor par son activité, par son talent, le grand nom que lui avait légué son père, et cherchant la noblesse là ou eue elle est vraiment ; dans le travail et l'abnégation de soi-même.


(Annales parlementaires de Belgique. Sénat, Session 1905-1906, séance du 20 mars 1906, pp. 223 et 224)

Notification du décès de M. le comte de Kerchove de Denterghem

(page 223) M. le comte de Mérode- Westerloo se lève et prononce les paroles suivantes, que l'assemblée écoute debout. - Messieurs, une perte qui nous atteint tous et qui sera ressentie douloureusement par le Sénat entier nous a été annoncée au cours de la matinée.

Le comte de Kerchove de Denterghem, un de nos collègues les plus éminents comme aussi les plus appréciés, vient de succomber au mal qui naguère nous avait inspiré de vives inquiétudes, mais que nous espérions être conjuré pour longtemps encore.

Je ne serai pas contredit si je vous rappelle, messieurs, que le comte de Kerchove constituait le type accompli du parlementaire dans son acception la plus élevée.

N'ayant eu devant moi que quelques instants, je n'ai pas la prétention de vous apporter ne fût-ce que le résumé de son œuvre ; c'est que, si le comte de Kerchove nous a été enlevé à un âge relativement peu avancé, sa carrière avait été bien remplie et son activité n'avait point connu de parenthèse.

Admirablement préparé par de brillantes études juridiques et administratives, au cours desquelles il cueillit les lauriers d'un concours universitaire, collaborateur de plusieurs journaux et revues, il fit ses débuts au conseil provincial de la Flandre orientale ; il fut ensuite pendant six ans gouverneur du Hainaut, puis membre de la Chambre durant dix ans. Il y avait six ans qu'il siégeait dans cette enceinte.

Ne trouvant de délassement à ses occupations officielles que dans l'étude de ses branches favorites, le droit constitutionnel, la botanique, l'économie forestière, rurale et politique, il avait publié sur ces matières des travaux remarqués.

C'était donc un fond inépuisable de connaissances théoriques et avant tout pratiques que sa plume experte et son éloquence claire et élégante mettaient au service du pays.

Ceux d'entre nous, messieurs, qui, comme votre président, siégèrent constamment avec lui dans l'une et l'autre Chambre ne se souviennent point de projets de lois importants à la discussion desquels il n'ait pris une part active. Depuis les propositions révisionnelles de notre Constitution jusqu'au moindre paragraphe de nos budgets, toutes les matières soumises à notre examen lui étaient familières et il les maniait sans jamais y apporter de longueurs, avec une aisance qui du premier coup faisait ranger au même niveau et ses facultés intellectuelles et sa puissante structure physique.

Mais le comte de Kerchove avait aussi un cœur délicat et, s'il possédait le talent dangereux de railler l'adversaire, il avait le don, bien plus précieux, de ne jamais le blesser.

Ce n'était pas seulement un parlementaire exemplaire, c'était un collègue dans le vrai sens du mot, tout imbu d'esprit de corps, profondément pénétré de ses devoirs envers ceux qui portaient la même responsabilité que lui, et c'est ainsi qu'il s'attirait l'amitié sincère de ceux même qu'il combattait le plus ardemment.

Messieurs, le Senat sera unanime pour charger son bureau d'être auprès de la famille du regretté défunt, et spécialement auprès de trois de ses membres qui siègent parmi nous, l'interprète de ses vives condoléances. (Très bien ! sur tous les bancs.)

M. le comte de Smet de Naeyer, ministre des finances et des travaux publics. - Messieurs, le gouvernement s'associe sincèrement aux paroles éloquentes que M. le président du Sénat vient de prononcer à l'éloge du regretté sénateur provincial du Hainaut.

Au conseil provincial de la Flandre orientale, à la tête de l'administration provinciale du Hainaut, à la Chambre et au Senat, le comte de Kerchove de Denterghem a rendu au pays des services éminents. En dehors de ses fonctions publiques, il a consacré le meilleur de ses loisirs aux progrès de notre grande industrie nationale : l'agriculture.

A côté du talent de l'homme politique, nous serons unanimes à rendre hommage à l'affabilité des relations de l'homme privé.

La mémoire du comte de Kerchove de Denterghem survivra comme celle d'un bon citoyen et d'un parlementaire de haut mérite. (Très bien ! sur tous les bancs.)

M. Dupont. - C'est avec un sentiment de tristesse profonde et presque de découragement que nous avons appris, en entrant ici, la mort du comte Oswald de Kerchove.

Successivement nous perdons les plus vaillants d'entre nous, les champions les plus autorisés et les plus ardents de notre opinion : hier De Coster, Sainctelette et aujourd'hui de Kerchove.

Issu d'une famille dont le dévouement à notre cause est proverbial, fils de l'ancien député et bourgmestre de Gand, c'était aussi un patriote sincère, profondément attaché au pays et à ses libres institutions, désireux de donner satisfaction à toutes les revendications légitimes des classes populaires.

Il fut de ceux auxquels on pouvait toujours recourir avec confiance et avec succès quand les intérêts du pays et du libéralisme, qu'il confondait dans la même affection, étaient en jeu.

Ecrivain, orateur, propagandiste, administrateur, il n'a rien négligé pendant sa trop courte carrière pour le triomphe de notre cause.

Nous l'avions revu, lors de notre dernière réunion, remis en apparence du mal dont il souffrait. Il nous avait paru rétabli à la suite de la cure qu'il avait faite à Nauheim. Son concours nous semblait assuré pour la lutte future.

Cette déception cruelle rend plus amers encore les regrets de la gauche, car, sur nos bancs, le comte de Kerchove ne comptait que des amis. (Très bien !)

M. Jules Vandenpeereboom. - Je m'associe, au nom de mes amis, aux paroles de regrets prononcées par notre honorable président, par l'organe du gouvernement et par notre honorable collègue, M. Dupont. Le comte de Kerchove laissera parmi nous le souvenir d'un excellent collègue et d'un homme dévoué au pays.

M. Picard. - Je ne dirai rien de l'homme politique : on vient à juste titre de faire son éloge. Qu'il me soit permis de dire quelques mots de l'homme privé.

Bien que le Sénat soit composé en majeure partie de vieillards, toujours proches de la mort, qui, par conséquent, ne doit plus les effrayer, c'est toujours une chose émouvante de perdre un collègue dont on a pu apprécier les belles qualités.

J'ai été souvent touché, en conversant avec le comte de Kerchove de Denterghem, des goûts que nous avions en commun. Il aimait les fleurs, (page 224) spécialement les fleurs des Alpes. Il avait beaucoup voyage dans cette région des grands monts. Il en avait nationalise chez nous quelques plantes, comme je l'ai fait aussi.

Puis c'était un écrivain ! Je le suis aussi parfois. La dernière œuvre que j'ai lue de lui, c'est l'éloge d'un ami, d'Adolphe Dubois, l'avocat de Gand, si original, si séduisant par sa préoccupation de trouver le pittoresque dans la vie et recherche du passé. Dans l'admirable préface des œuvres choisies de Dubois, le cœur généreux et délicat de de Kerchove s'est manifesté tout entier.

On a rarement parle d'une façon plus touchante de quelqu'un qu'on aimé. Kerchove révélait ce qu'il était lui-même, en faisant un si pénétrant l’éloge d'un ami particulièrement cher.

Enfin, ce détail familier, qu'on ne peut oublier quand on pense à lui, détail auquel notre président faisait allusion tantôt : la caractéristique de son extérieur, sa taille extraordinaire ! Il lui est arrivé à l'étranger, il me l'a raconté avec une gaîté si triste pour moi maintenant qu'il est mort, de représenter à ce point de vue ce qu'on croyait être la stature imposante et inégalable de beaucoup de Belges.

A ces points de vue, les uns curieux, les autres aimables ou émouvants, je m'associe aux sentiments qui ont été noblement exprimés tout à l'heure, à la douleur, on peut le dire, que nous ressentons de nous voir privés d'un collègue aussi cordial et aussi charmant. (Très bien ! très bien ! sur tous les bancs.)


(ROBYNS W., Biographie nationale de Belgique , Bruxelles, Académie royale de Blgique, 1971, t. 37, col. 483-188)

DE KERCHOVE DE DENTERGHEM (Oswaldus-Carolus-Eugenius-Maria-Gislenus, dit Oswald, comte), juriste, homme politique et écrivain horticole, né à Gand le 1er avril 1844 et y décédé le 20 mars 1906.

Fils aîné du comte de Kerchove de Denterghem, bourgmestre de la ville de Gand et membre de la Chambre des représentants, et de dame Eugénie de Limon de Steenbrugge, Oswald de Kerchove de Denterghem fit de brillantes études à l'Athénée royal de Gand et, après avoir conquis, avec grande distinction, son diplôme de docteur en droit à l'Université de sa ville natale, il prit part au Concours universitaire de 1885-1886, où sa thèse De la responsabilité des Ministres dans le droit public belge (Paris, 1867) fut couronnée et laissa déjà présager les diverses qualités d'intelligence et de cœur, qui allaient le distinguer durant toute sa vie.

A vingt-cinq ans, il devint stagiaire chez maître d’Elhoungne, alors un des avocats les plus éloquents du barreau gantois. Il y approfondit surtout les droits administratif et politique, ce qui lui fut d'un secours très précieux dans ses nombreuses fonctions publiques ultérieures.

Ses diverses occupations l'éloignaient cependant de la vie d'avocat de carrière, mais il entretenait régulièrement un cabinet de consultations, souvent gratuites, où de nombreuses questions juridiques furent soumises à son arbitrage.

En 1870, Oswald de Kerchove de Denterghem épousa Marie Lippens, fille d'Auguste Lippens, sénateur et bourgmestre de Moerbeke, dont il eut le bonheur d'avoir quatre enfants, trois filles et un garçon. Il avait ainsi constitué, avec son aimable compagne, un foyer incomparable, dont le bonheur, sans nuages, allait exercer une influence considérable et bienfaisante sur toute sa vie.

De par toute sa famille il semblait destiné à la vie politique dans sa ville natale et, dès l'année 1871, il fut effectivement élu conseiller provincial libéral pour le canton électoral de Gand. Grâce à ses solides connaissances en droit administratif, il put y prendre part, avec autorité, à toutes les discussions, même les plus ardues.

En 1878, le cabinet Malou ayant été remplacé par le Ministère Frère-Orban, ce dernier fit appel à Oswald de Kerchove pour la place de gouverneur du Hainaut, en raison de son grand dévouement à la cause libérale. Il devait y succéder au prince de Caraman-Chimay, homme cultivé et enfant du pays. Cette succession s'annonçait fort lourde pour lui, qui était d'origine flamande et totalement étranger à la province du Hainaut. Mais il n'avait alors que trente-quatre ans, et il se donna corps et âme à ses nouvelles et hautes fonctions. Il conquit facilement toute la province par ses qualités d'administrateur et par sa grande bonté basée sur des mérites réels. Le Hainaut devint ainsi rapidement sa province d'adoption et il y fut très populaire comme on put le voir par la suite.

A la chute du Ministère Frère-Orban, de Kerchove renonça à sa charge de gouverneur du Hainaut. Il entreprit dès lors une campagne électorale pour conquérir, de haute lutte, le siège de député libéral dans l'arrondissement d'Ath et c'est sous les acclamations nourries de la gauche, qu'il fit son entrée à la Chambre. Il y prit une part active et souvent mordante, mais toujours courtoise, à toutes les discussions.

La révision constitutionnelle de 1895 eut pour résultat d'exclure du Parlement presque tous les libéraux et le député d'Ath fut au nombre des victimes. Toutefois, l'opinion libérale ayant besoin des services d'un homme d'intelligence supérieure, tel que Oswald de Kerchove de Denterghem, les gauches réunies du Conseil provincial du Hainaut l'appelèrent, en 1900, au Sénat, où il se distingua par ses qualités habituelles et fut un membre écouté jusqu'à la fin de sa vie.

Mais si Oswald de Kerchove a joué un rôle considérable dans la vie politique et publique du pays, il fut également un grand protecteur des faibles et des petits, doublé d'une charité sans bornes et souvent dis crète. En 1895, il entra dans la commission des Hospices civils de sa ville natale et il y fut immédiatement nommé président, fonctions qu'il conserva jusqu'à sa mort. Il s'efforça, durant sa gestion, d'y apporter diverses améliorations pour assurer un fonctionnement harmonieux à l'établissement et il y veillait avant tout à protéger le patrimoine des pauvres. Ses préoccupations majeures à la bienfaisance publique concernaient surtout la situation morale des orphelins, pour lesquels il institua diverses écoles professionnelles en vue de leur avenir.

La réputation principale et internationale d'Oswald de Kerchove de Denterghem se situait cependant dans ses domaines de prédilection : la botanique et surtout l'horticulture. Il était un membre assidu de la Société royale de Botanique de Belgique, qui était fière de le compter parmi ses membres dès 1871. Il y fit, à diverses reprises, partie du Conseil d'administration et il en fut le président dévoué, en 1889, lors des fêtes jubilaires du vingt-cinquième anniversaire de la fondation de la société. Il présida avec autorité le Conseil de surveillance du Jardin Botanique de l'État depuis 1901 et il y fut toujours un défenseur ardent des intérêts de cet établissement scientifique.

C'est néanmoins par son action éclairée à la Société royale d'Agriculture et de Botanique de Gand qu'il devait jouer un rôle prépondérant dans le développement considérable de l'horticulture locale de la région gantoise, devenue une industrie prospère, qui déborda très largement les frontières du pays. Le comte Oswald fut nommé membre effectif de la société dès 1866. Quand il eut résilié ses fonctions de gouverneur de la province du Hainaut, il entra au Conseil d'administration de la société pour la présider avec éclat à partir de 1886. Il devint ainsi, jusqu'à son décès, un des représentants les plus autorisés du monde horticole, où il jouissait d'une notoriété universelle. Il contribua puissamment à l'épanouissement graduel de l'horticulture nationale, servi avant tout par sa haute situation sociale et par son culte inné des plantes et des fleurs.

Avec une ardeur infatigable, il s'est dévoué au sein de la société, durant vingt ans, au développement de l'horticulture, sa branche préférée. A cet effet, il préconisait des conférences et des démonstrations pratiques et il s'efforçait surtout de donner chaque fois plus de lustre aux Floralies gantoises, ces célèbres expositions quinquennales de la société, qu'il organisait avec un soin tout particulier et dont il assurait la renommée internationale. Pour la défense des intérêts de la société il ne manquait à aucune réunion du conseil et il ne jugeait aucun devoir indigne de ses soins attentifs. D'autre part, il savait se comporter en grand seigneur envers les membres des jurys internationaux et les hauts visiteurs des Floralies, car il excellait à les recevoir et à leur faire, en véritable orateur, de talentueux discours de circonstance au cours des banquets traditionnels.

Comme l'a très justement écrit Albert Ceuterick dans ses notes biographiques sur Oswald de Kerchove de Denterghem (p. 111) : « C'est par l'ensemble de ses qualités que le Comte de Kerchove apporta à la Société royale d'Agriculture et de Botanique un lustre et une prospérité qu'elle n'avait pas encore connus ».

Mais c'est aussi comme écrivain et publiciste qu'il a servi puissamment le développement de l'horticulture et de l'agriculture. Outre sa collaboration régulière à diverses revues horticoles, il fonda lui-même, en 1875, la Revue de l'Horticulture belge et étrangère et en fut le rédacteur en chef jusqu'à sa mort ; sa bibliographie comporte une trentaine de numéros de droit, mais surtout d'horticulture et d'agriculture. Citons, avant tout, Les Palmiers. Histoire iconographique, Paris, 1878, ouvrage monumental, dédicacé à Sa Majesté le Roi Leopold II et qui eut un succès considérable pour l'époque. Ce fut en effet la première monographie d'expression française de tous les palmiers alors connus et cultivés ou non comme plantes de jardin et d'appartement, comprenant 348 pages de texte avec 228 vignettes sur bois et 40 chromolithographies. Aussi, l'édition fut-elle très rapidement épuisée et l'auteur a vainement cherché le temps nécessaire à une nouvelle édition, vu le travail énorme que cela comportait.

En 1894, parut, à Gand, son autre grand ouvrage, le Livre des Orchidées, splendide volume de 600 pages avec d'innombrables dessins et gravures, qui exigea des années de travail et de recherches. Cette publication, de grande allure, confirma la réputation de publiciste de son auteur, déjà bien établie parmi les professionnels et les amateurs de plantes. Toutes ses publications excellent par la clarté et la qualité du style et leur réputation fut grande en Belgique et à l'étranger.

Oswald de Kerchove de Denterghem était un homme de haute et puissante stature, à proportions majestueuses, se tenant très droit en marchant, appuyé sur sa canne, d'un aspect plutôt rude et imposant. Cependant, dès l'abord, ses traits profonds se fondaient en un sourire bienveillant et d'une inlassable bonté envers tous, mais surtout envers les inférieurs et les petits.

Nous ne pouvons mieux clore cette courte notice biographique qu'en signalant qu'après son décès, unanimement regretté par tous, un comité fut constitué pour honorer sa mémoire par un monument digne des multiples bienfaits rendus dans les divers domaines où il s'était distingué. L'appel du comité fut largement entendu, tant dans le pays qu'à l'étranger, et l'éminent artiste, Jef Lambeaux, a admirablement représenté Oswald de Kerchove de Denterghem, songeant, dans un coin de la nature, aux plantes et aux fleurs qu'il a tant aimées. Le génie de l'horticulture y est figuré sous les formes d'une Flamande et d'un ouvrier horticole, placés respectivement à droite et à gauche au pied du socle de la statue, qui fut confiée à la garde de la ville de Gand. Oswald de Kerchove de Denterghem reste ainsi toujours présent dans la cité de Van Artevelde, la ville des fleurs.