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Colaert René (1848-1927)

Portrait de Colaert René

Colaert René, Fidèle catholique

né en 1848 à Poperinghe décédé en 1927 à Ypres

Représentant entre 1884 et 1926, élu par l'arrondissement de Ypres

Biographie

(Extrait de La Chambre des représentants en 1895-1896, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1897, pp. 260-262)

COLAERT, René-Fidèle, Représentant catholique pour l’arrondissement d’Ypres, né à Poperinghe, le 10 mars 1848

Avocat-avoué à Ypres, M. Colaert entra au Conseil communal de cette ville en 1887 à la suite d'un ballottage : il en fut le premier conseiller catholique depuis cinquante ans.

M. Colaert est aujourd'hui premier échevin chargé de l'instruction publique et des beaux-arts. Il est aussi président de la commission administrative de l'académie, de l'école industrielle et de l'école de musique d'Ypres.

M. Colaert fait partie de la Chambre des représentants depuis le 20 février 1884. Il fut élu par l'arrondissement d'Ypres, en remplacement de M. Biebuyck. Aux élections du 14 octobre 1894, il obtint 24,367 suffrages.

Outre la discussion des budgets des différents départements, M. Colaert a participé activement à l'élaboration de nombreuses loi.

Il fut rapporteur des deux projets de loi apportant des réductions à l'accise sur le tabac, des projets relatifs à la répression des abus commis par les administrations publiques de bienfaisance, à la réduction du taux de l'intérêt légal et à la protection de l'enfance, du projet de loi sur la recherche de la paternité et du projet de loi portant modifications à la loi de 1891 sur le vagabondage.

M. Colaert intervint également dans la discussion de la loi sur la propriété littéraire et artistique, du Code rural, des lois sur la collation des grades académiques, sur le contrat de transport, sur les plaidoiries devant les tribunaux de première instance et du nouveau Code électoral. Il est membre de la Commission de revision du Code Civil et du Code de procédure civile.

Partisan de la protection agricole, il répondit, lors de la discussion du droit d'entrée sur les bestiaux et les viandes, à un discours antiprotectionniste de M. Pirmez.

Il est l'auteur d'une proposition de revision de l'article 53 de la Constitution. Aux termes de cette proposition, l'électorat sénatorial était réservé aux seuls électeurs qui possédaient un ou deux votes supplémentaires conformément à l'article 47 nouveau, chaque citoyen n'émettant qu'un suffrage. Elle fut retirée par son auteur.

M. Colaert est chevalier de l'Ordre de Léopold.


(Extrait du Het Ypersche-La région d’Ypres, du 10 septembre 1927)

Mort de M. Colaert, avocat-avoué, bourgmestre de la ville d’Ypres depuis 1900, conseiller communal depuis 1887, administration de la Société Nationale des Chemins de Fer Vicinaux depuis 1907, ancien membre de la chambre des représentants 1884-1926, grand officier de l’Ordre de Léopold, grand croix de l’Ordre de la Couronne, etc.

Monsieur René Colaert, notre vénérable bourgmestre, est pieusement décédé en notre ville, dans sa 80ème année, samedi dernier, vers six heures du soir.

Quoique prévue, l'annonce de sa mort fut accueillie avec une douloureuse émotion par la population yproise.

Né à Poperinghe, il y fit de brillantes études au collège épiscopal, puis à l'université de Louvain, et se fixa comme avocat à Ypres, où il devint en peu de temps, à l’instar de ses prédécesseurs MM. Van Heule et Bossaert, un maître du barreau.

Il fût tôt remarqué par les chefs du parti catholique, et quand vint mourir le vénérable M. Biebuyck, membre du Congrès National, c'est le jeune avocat Colaert qui recueillit les suffrages des électeurs de l'arrondissement d'Ypres aux élections partielles de février 1884. Depuis lors il fut réélu sans interruption, et présida comme doyen d'âge la dernière session en novembre 1925.

Durant quarante-deux ans il siégea au Parlement, son rôle y fut marquant ; maintes fois rapporteur du budget de l'intérieur, il eut longtemps sa place parmi les ministrables.

Après la guerre, il mit à profit sa longue carrière de député et sa grande influence pour faire sortir de son horrible état chaotique la région d'Ypres entièrement détruite.

Ce n'est qu'en 1926 que ses forces le trahirent et qu'il céda son siège de député à son suppléant M. le Docteur Brutsaert.

Elu Conseiller communal au ballottage d'octobre 1887, il ouvrit la brèche qui le premier février 1891 devait amener une majorité catholique à l'Hôtel de Ville, et devint alors premier échevin.

Lorsqu'au début de l'année 1900, le Baron Surmont de Volsberghe devint ministre de l'Industrie et du Travail, c'est M. Colaert qui lui succéda comme bourgmestre.

Il fut durant trente-six ans, par sa grande intelligence et son expérience des affaires, un administrateur sage et prudent, prenant une place marquée parmi la lignée des grands premiers magistrats de la ville d'Ypres.

Esthète, il s'attela avec une haute compétence à l’œuvre grandiose de la restauration des monuments yprôos : l’incomparable trilogie des Halles, de la Cathédrale et du Cloître Saint-Martin, les églises Saint-Pierre et Saint-Jacques, de nombreuses façades anciennes. Il stimulait et encourageait l'initiative des particuliers pour l'embellissement de la ville, et l'on peut dire qu'en 1914 Ypres, joyau d'art dans un écrin de pierre, avait repris sa place parmi les villes d'art célèbres de l'Europe, appréciée et admirée par de nombreux touristes.

Hélas, la guerre et la barbarie allemande devaient tout détruire, et ce fut pour le bourgmestre-restaurateur une terrible épreuve.

Parmi les services éminents rendus à sa chère cité qu'il géra pendant plus d'un quart de siècle, les Yprois ne peuvent oublier l'épisode tragique du 7 octobre 1914. Père de la cité, il sut en imposer au général allemand qui occupa la ville avec une armée de quinze mille hommes. Son sang-froid et sa diplomatie sauvèrent Ypres, menacée de subir le sort d'Orchies. Il épargna à ses concitoyens atterrés les pires horreurs d'une occupation qui s'annonçait impitoyable.

Malgré l'immense désastre de la guerre, et les deuils cruels qui l'avaient frappé, M. Colaert reprit bien vite courage, et vint bientôt s’établir dans une baraque de la Plaine d'Amour, parmi les premiers habitants de la ville détruite.

Son rêve était de revoir l'antique cité reconstruite comme avant guerre, avec ses monuments incomparables. Trop âgé pour en voir la réalisation, il n'en mena pas moins une ardente campagne qui fut couronnée de succès et lui permit de jouir quelque peu de la renaissance d'Ypres.

L'un des derniers survivants de la Droite traditionnelle, il souffrit des divisions du parti catholique, voyant la fin de sa carrière assombrie par des querelles byzantines et les méfaits de la politique anti-belge.

Il est le seul bourgmestre d'Ypres mort en fonctions depuis 1830.

Ses funérailles, sans apparat officiel, ont été célébrées, mercredi onze heures, en l'église paroissiale de Saint-Jacques. Le vaste temple était rempli d'une foule recueillie, venant rendre un hommage pieux et reconnaissant au fidèle serviteur de l'Eglise et de la Patrie, au grand citoyen yprois que le Roi Albert visita et remercia avec effusion le 24 juillet dernier.

Que son âme repose en paix ! Ypris

Nous présentons à la famille Colaert de Neckere, l'expression de nos chrétiennes condoléances.

* * *

Peu d’hommes auront tenu dans l’histoire moderne d’Ypres une place aussi prépondérante que notre bourgmestre M. Colaert.

D'une intelligence hors ligne, droit dans toutes ses entreprises, travailleur infatigable, le défunt devait à lui-même la position qu'il s'était créée. C'était un self-made man dans toute la force du terme. A l'université, afin de pouvoir couvrir les frais de ses études, tout en suivant les cours de droit, le jeune étudiant donnait des répétitions de philosophie et de droit à ses condisciples moins avancés que lui !

A peine inscrit au barreau d'Ypres, il conquit de suite la première place après celui qui y était et restera à jamais le maître et le modèle de tous. M. Hector Bossaert, pour qui il professait - comme tous ses confrères d'ailleurs - une véritable vénération.

Mais la politique devait le lancer bientôt dans une nouvelle voie. Sa cordialité, la chaleur communicative de sa parole, l'ardeur de ses convictions, le désignèrent au choix de l'Association Catholique. Il eut l'honneur le premier d'ouvrir une brèche dans la citadelle libérale de l'Hôtel de ville d'Ypres, où il entrait comme conseiller en 1887, après un émouvant ballotage avec M. le colonel Persy, le moins favorisé de la liste libérale. Quatre années plus tard, aux élections de 1891 il y faisait entrer une majorité catholique et bientôt en élimina les derniers libéraux. Nous ne le suivrons pas dans sa carrière politique. Il s'y montra un homme de parti, et comme tel chacun le jugera suivant ses opinions, particulières. Cette carrière politique fut brillante, mais pour finir il n’y recueillit que l’ingratitude de son parti.

Nous tenons ici à faire ressortit seulement les immenses services qu’il rendit à la ville. C’est sous son impulsion vigoureuse qu’eût lieu la restauration artistique d’Ypres. Hélas, la guerre réduisit tout à néant, au moment précis où les dernières restitutions de nos monuments s’achevaient !

Notre bourgmestre aimait sa ville avec une exaltation telle qu’il en était venu à ne pas concevoir qu'elle pût exister et se diriger sans lui ! Chacun sait quel fut son immense accablement pendant le bombardement de sa cité. Mais, de suite, pendant même l’exil des Yprois, il préparait de toutes ses forces le rétablissement de la vie yproise. Malheureusement, à l’armistice, le grand âge était venu trahir ses forces. Il aura eu au moins la consolation d’avoir pu constater avant de mourir que sa chère ville était entièrement reconstruite et avait retrouvé les éléments nécessaires pour une prospérité nouvelle.

Peu d’Yprois ont su que, lors du passage des Allemands, Ypres et ses habitants ont failli partager le sort de Louvain et Dinant. Déjà, les amateurs de massacre et d’incendie étaient accourus auprès du général-commandant en criant : man has geschossen ! Heureusement M. Colaert était à ce moment à ses côtés, et il parvint à force d’instance et de diplomatie, à retarder d’abord l’ordre fatal, puis à prouver la fausseté de l’accusation. Les habitants étaient sauvés !

Comme tous ceux qui ont beaucoup fait et ont su imposer leur volonté, M. Colaert a été âprement critiqué par les uns, beaucoup encensé par les autres.

Comme tous les chefs de partis, il avait ses qualités comme ses défauts. Mais nul ne contestera jamais que, comme bourgmestre, il n'ait tenu dignement sa place dans la glorieuse lignée de nos admirables bourgmestres contemporains, les Beke, les Vandenpeereboom, les Vanheule et les Surmont.

Le décès de M. Colaert est pour la ville une perte d’autant plus grande que les dernières élections communales ont amené à l’hôtel de ville un conseil communal où règne un gâchis incroyable et une incapacité complète.