Cartuyvels Hyacinthe, Eugène, Joseph catholique
né en 1849 à Lens-Saint-Remy décédé en 1897 à Les Waleffes
Représentant entre 1886 et 1897, élu par l'arrondissement de Waremme(Extrait de La Chambre des représentants en 1894-1895, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1896, p. 258-259)
CARTUYVELS, Hyacinthe-Eugène-Joseph, représentant catholique pour l’arrondissement de Waremme, né à Lens-Saint-Remy, le 5 novembre 1849
M. Hyacinthe Cartuyvels est industriel et représente l'arrondissement de Waremme depuis le 8 juin 1886.
Avec son collègue M. Ancion. il a toujours été, au Parlement, un des plus vaillants défenseurs de la cause agricole. Il contribua puissamment à faire adopter par la Chambre les droits d’entrée sur les viandes et les bestiaux étrangers ; il a traité avec grande compétence la question de législation sur les sucres chaque fois qu'elle est venue en discussion.
Il compte parmi les signataires de la proposition de révision qui est devenue le nouvel article 47.
Il fut réélu au ballottage du 21 octobre 1894 par 11.045 voix, contre 10,000, accordées à la liste libérale. Au premier tour de scrutin, les voix se répartissaient de la manière suivante : socialistes, 1,582 ; libéraux, 9,399 ; catholiques, 10,319.
M. Cartuyvels est chevalier de l'Ordre de Léopold et officier de l'Ordre de la Légion d’honneur.
(Extrait du XXème Siècle, du 11 août 1897)
Mort de M. Hyacinthe Cartuyvels, représentant de Waremme
Une douloureuse nouvelle nous est parvenue lundi soir – trop tardivement pour être communiquée à nos lecteurs : M. Hyacinthe Cartuyvels, représentant de Waremme, est décédé lundi à midi.
Tout récemment encore, nous avions reçu de l’entourage immédiat du sympathique représentant de Waremme des nouvelles rassurantes sur son état de santé qui avait inspiré, il y a quinze jours, de vives inquiétudes à ses amis.
Hélas ! cette amélioration, que nous avions portée avec empressement à la connaissance de nos lecteurs, ne s’est pas maintenue et M. Cartuyvels a succombé lundi à l’affection cardiaque qui l tenait éloigné depuis quelques temps des travaux du Parlement.
Sa mort soulèvera d’unanimes et vifs regrets, non seulement dans l’arrondissement de Waremme, mais chez tous les catholiques et dans le pays entier. M. Hyacinthe Cartuyvels avait su conquérir une place en vue à la Chambre. Il s’était voué, avec une opiniâtreté et une compétence, devant lesquelles amis et adversaires s’inclinent aujourd’hui en un homme ému, à la défense des intérêts agricoles.
Il a pris une part marquante à la discussion et aux vote des lois sur les droits d’entrée et sur les sucres.
M. Hyacinthe Cartuyvels était le chef du groupe protectionniste de la Chambre. C’était un orateur clair, concis et spirituel.
Chrétien convaincu, il était d’une famille où le dévouement aux droits de l'Eglise est de tradition. Dans la vie publique comme la vie privée, il se faisait une gloire d'appartenir à l’Eglise et la servait fidèlement.
Cela ne l'empêchait nullement d’être un homme de progrès, au courant de toutes les inventions et améliorations intéressant les industries agricoles.
Des connaissances étendues, un esprit net, l’entente des affaires, « un caractère aimable et jovial », comme le dit un journal libéral, un dévouement à toute éprouve, M. Hyacinthe Cartuyvels avait mis tout cela au service de son Dieu et de son pays. Son nom restera gravé impérissable dans les annales du parti catholique et de la Belgique.
M. Hyacinthe Cartuyvels n'était âgé que de quarante-huit ans. Il était né à Lens-Saint-Remy et représentait l'arrondissement de Waremme depuis le 8 juin 1886. Il était chevalier de l'Ordre de Léopold et officier de la Légion d'honneur.
Nous présentons à la famille de M. Cartuyvels nos respectueuses et chrétiennes condoléances.
(Extrait de La Meuse, du 13 août 1897)
Les funérailles de M. Hyacinthe Cartuyvels, représentant pour Waremme, dont nous avons annoncé la mort prématurée, ont eu lieu hier matin Aux Waleffes. Elles ont été émotionnantes, autant par la foule énorme qui y a assisté que par le recueillement qui y a présidé.
Pendant toute la matinée, des trains spéciaux ont dû être organisés sur la ligne du vicinal Huy-Waremme et l'affluence était telle que l'accès de la mortuaire était presque impossible. Tout le parti catholique hesbignon était là.
Au milieu de cette foule énorme nous avons reconnu M. Begerem, ministre de la justice, et M. De Bruyn, ministre de l'agriculture ; le vénérable baron de Sélys-Longchamps, sénateur pour Waremme, et M. Eug. Dumont, sénateur ; le comte de Rouillé secrétaire de la Chambre ; MM. les députés Brouwier Jeanne, Magnette, Ancion, Helleputte, Moyart, Daens, Indekeu, Demblon, etc.
Le baron L. de Potesta, bourgmestre des Waleffes ; le comte François Vander Straten, président de la Société agricole de Belgique : M. Vernieuwe, directeur au ministère de l’agriculture, et un grand nombre de hauts fonctionnaires, de conseillers provinciaux, de personnalités politiques de la Hesbaye, de Liége, de Huy, etc.
A 11 heures, le cercueil a été retiré du salon où il reposa et transporté sur le perron de la maison où les discours ont été prononcés. Pas une fleur, ni une couronne ne recouvrait le cercueil.
Six discours ont été prononcés : par MM. Ancion, le compagnon de luttes de Caytuyvels, représentant pour Waremme ; de Boussemart, président de l’Association constitutionnelle catholique de Waremme ; Moyart, député pour Tournai qi a parlé au nom du groupe agricole parlementaire ; le baron d’Otreppe de Bouvtte, au nom du Comice de Chapon-Seraing, dont il est le président ; le baron Ludovic de Potesta, bourgmestre des Waleffes, et enfin par M. de Wilde, directeur de la fabrique de sucre.
Le cortège s’est formé ensuite, non sans grande peine, et s’est dirigé, au milieu d’une foule énorme, vers la petite église des Waleffes, où les obsèques solennelles ont été chantées.
Les coins du poële étaient tenus par MM. De Bruyn, ministre de l’agriculture ; Eug. Dumont, comte de Rouillé, de Boussemart, baron de Bouvette el baron Ludovic de Potesta.
L’offrande a duré plus d’une heure.
Le deuil était conduit par le dils du défaunt, M. Charles Cartuyvels : son frère, M. Alfrd Cartuyvels ; son beau-frère, M. Bormans, et par une très nombreuse parenté.
* * *
Discours de M. Alfred Ancion
Messieurs, si la reconnaissance, l’amitié, une vieille et chère fraternité ne m'en imposaient l’impérieux devoir, j'aurais peine à dompter en ce moment, pour prendre la parole au nom de la droite parlementaire, l’émotion douloureuse qui s’est emparée d moi à la nouvelle de la mort de mon collègue et ami, Hyacinthe Cartuyvels.
Il est un âge où l’on ne semble plus pouvoir continuer sa route dans la vie qu’entre des tombeaux et où l’on fléchirait sous l’accablement des deuils répétés si les espérances chrétiennes ne nous prêtaient leur appui et n’apportaient la seule consolation véritable à nos cœurs meurtris.
Mais je faillirais, Messieurs, à la mission que je me suis toujours efforcé de remplir de mon mieux, la mission d’être votre fidèle interprète, si je ne venais exprimer devant ce cercueil la douleur profonde de la Hesbaye catholique en même temps que les regrets et l’affliction sincère ressentie sans distinction de parti par tous les collègues au Parlement de celui que nous pleurons.
La Hesbaye catholique perd en Hyacinthe Cartuyvels l’homme qui personnifiait avec le plus d’éclat son bon sens pratique, son énergie au travail, son affection pour cette agriculture qui fit de tout temps sa richesse et son honneur, cette foi robuste, principe de toutes ses vertus.
Dès ses premières années, Hyacinthe avait révélé ce rare et précieux mélange qui constituait un des traits les plus caractéristiques de sa personnalité : l'union du jugement le plus sûr et de l'esprit le plus brillant.
Cette forme si finement caustique qu’il aimait à donner à l'expression de sa pensée, cet éloignement qu'il témoignait pour les débats de pure politique, ce dessein qu'il annonçait de ne vouloir, en dehors de ses propres affaires, s'intéresser qu'à celles de ces Comices agricoles où, dès l'abord, il avait conquis une place prépondérante, tout semblait l’écarter de l’arène des partis.
Messieurs, « bon sang ne peut mentir. » Hyacinthe avait puisé dans les vieilles traditions de sa famille et affermi dans l'éducation littéraire et religieuse du Collège Saint-Servais des convictions trop catholiques, un trop vif sentiment du devoir pour résister longtemps à l'appel fait à son dévouement, au nom des intérêts les plus sacrés de notre chère patrie.
L'heure était venue pour lui, non seulement d'affirmer et de défendre sa religion, mais aussi de faire entendre avec plus d’autorité et de compétence que dans le passé, les justes revendications de notre agriculture trop négligée.
C'est ainsi que ce qui paraissait l'éloigner de la carrière politique fut, en réalité, ce qui contribua tout particulièrement à l'y faire entrer.
Il finit, Messieurs, par se rendre à nos instances ; le concours de sa popularité assurait un succès définitif à la longue suite d’efforts de ceux qui l'avaient précédé dans la lice. Son, acceptation fut le dernier coup de soleil qui achève de mûrir la moisson lentement préparée.
Et le 8 juin 1886, grâce à Hyacinthe Cartuyvels, l'arrondissement de Waremme obtenait enfin - chose jusque-là réputée impossible - une députation catholique à la Chambre des représentants.
Lui-même, Messieurs, reprenait ainsi dans nos assemblées délibérantes la place d'élu de la Hesbaye, qu'avait occupée, plus d'un demi-siècle auparavant, au Congrès national, le vénéré président Cartuyvels, son oncle et son parrain.
Principal auteur du succès, il en fut aussi le premier conservateur.
A trois reprises différentes et deux fois après des luttes ardentes dont vous n'avez pas perdu le souvenir, le corps électoral lui renouvela sa confiance.
A l'expiration de son premier mandat, le Roi lui avait confère la Croix de chevalier de son Ordre ; jamais distinction décernée à un homme public ne fut mieux méritée.
Nul de vous, Messieurs, n'oubliera l'accueil sympathique qu'Hyacinthe réservait toujours, ami ou adversaire, à quiconque s'adressait à lui. Nul n'aurait pu se soustraire au charme plein de rondeur familière, de bonhomie et d'esprit, tout ensemble de ses relations personnelles.
Ah ! ils sont légion, Messieurs. ceux qu’il a obligés pendant sa carrière parlementaire de près de douze années, ceux qu’il a reçu avec sa franche et cordiale bonté en cette hospitalière demeure de Waleffes.
Mieux que mes paroles, cette foule innombrable et éplorée, accourue de tous les points de l’arrondissement et de la province, atteste la popularité dont il jouissait et l’affliction profonde causée à tous par sa fin prématurée.
Cartuyvens excellait à présenter sous une forme pittoresque, claire, originale et saisissante les vérités les plus graves, les éléments les plus ardus des problèmes économiques les plus difficiles. Cet agronome, qui n’avait guère quitté son village et avait vécu presque toute sa vie au milieu des champs, était un fin lettré, et possédait les qualités oratoires les plus remarquables.
Rien d'étonnant, dès lors, qu'il ait été, dans le domaine de son choix, l’orateur le plus écouté de la Chambre des représentatifs.
On pouvait - non sans efforts - ne pont se rendre à son argumentation, mais il était impossible de ne pas admirer la puissance de dialectique, l'étendue des connaissances, la vivacité d'esprit, le talent d'exposition qu'il apportait dans le développement de ses convictions d'agriculteur, l'intensité du dévouement qu'il consacrait au service de tous ses commettants.
Qui de vous, Messieurs, ne se souvient de la part prépondérante qu'il prit en 1887 - il était alors débutant - aux débats de la loi Dumont portant établissement de droits d’entré sur les viandes et les bestiaux, et plus récemment en 1895, à la discussion du projet de loi économique dû à l'initiative et à la sagacité du chef cite du cabinet actuel, l'honorable de Naeyer ?
Par ce projet réparateur, l’agriculture obtint des droits d'entrée sur les avoines, la farine et la margarine, ainsi que la réglementation de la fabrication et de la vente de cette denrée, en vue d'éviter la falsification du beurre. Ai-je besoin d'ajouter qu'aucune des sinistres prévisions formulées par les adversaires du projet ne se sont réalisées, tandis que, d’autre part, les avoines indigènes ont vu leurs prix s'améliorer, que nous avons cesser une protection véritable et inique accordée aux farines françaises grâce au trafic des acquis-à-caution et qu'une industrie agricole nouvelle, la fabrication de la margarine, s'est implantée et développé dans le pays.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus tributaires de l'étranger ; nous exploitons, au contraire, une quantité considérable de ce beurre du prolétaire et de l’ouvrier.
Jamais, Messieurs, comme dans les débats que je viens de rappeler, la cause de l’agriculture et des campagnes n’avait été défendue au Parlement avec autant d’autorité et de véritable éloquence.
Et aujourd’hui que Cartuyvels n’est plus, ceux-là mêmes, aussi bien parmi ses collègues que dans la presse qui ne partagent pas ses idées économiques ont tenu à rendre hommage à son talent et à son caractère.
Qui ne se souvient aussi de la part brillante prise chaque année par Cartuyvels à la discussion du budget de l’agriculture et, chaque fois que l’occasion lui en a été offerte, et ce fut souvent l cas, cet éternel débat de la question des sucres, qui semble ne disparaître un jour que pour reparaître le lendemain !
Aussi l’absence de notre ami a-t-été vivement regrettée lors du dernier débat qui ‘est terminéé, il y a quelques jours à peine au Parlement.
Disons à l’honneur de notre ami qu’il avait été l’un des premiers à conseiller à l’honorable ministre des finances de rechercher la solution du difficile problème qui se présentait à lui dans le dégrèvement du sucre, ce qui aura pour conséquence inévitable un développement considérable dans la consommation intérieure de ce produit. Sans doute, Cartuyvels aurait trouvé insuffisante les sacrifices consentis par le trésor public pour permettre à l’industrie et à l’agriculture de traverser plus facilement la période transitoire qui nous sépare du régime définitif et rationnel qu’on nous a promis. Mais en l'honorable M. de Naeyer à marcher résolument dans la seule voie où l’industrie sucrière peut trouver son salut, Cartuyvels a rendu encore un dernier et signalé service à l'agriculture de la région limoneuse de notre pays et à son industrie fondamentale.
Je vous ai rappelé brièvement ce qu'était Cartuyvels au Parlement.
D’autres vous diront ce qu'il fut à la commune, dans nos Comices et nos Sociétés agricoles, ce qu'il fut aussi comme patron chrétien.
Partout, il a noblement accompli sa tâche et il laissera d'universels regrets.
A la Chambre, - où sur tous les bancs il ne comptait que des amis, - il laisse un vide irréparable, comme irréparable est aussi la perte éprouvée par la famille qui voit mourir dans la force de l’âge et de l'Intelligence un chef adoré et respecté.
Pour sa veuve éplorée, pour ses enfants chéris, il n'est point de consolations terrestres. Vaines seront nos paroles pour apporter un baume à cette douleur ; nous ne pouvons, Messieurs. que mêler nos pleurs aux larmes qui tombent autour de ce cercueil.
Cher Cartuyvels, tu fus un citoyen d'élite, tu as noblement servi ton Dieu et ton pays, tu as quitté la vie en chrétien plein de foi et tu laisses après toi des exemples qui ne seront pas perdus !
C'est que tu n'as jamais manqué à la devise que tu as reçue de tes ancêtres el que d'autres continuent à honorer autour de nous : Per ignem et aquam ! A travers le feu et l'eau ! »
Cultivateur progressiste entre tous, tu sus des premiers et des plus largement unir à l'agriculture l'industrie, la science, leurs découvertes précieuses et leurs forces mécaniques nouvelles, Per ignem et aquam !
Heureux, serions-nous, Messieurs, si notre ami n'avait pas usé trop rapidement sa vie dans celte activité qui suffisait à tant de tâches.
Mais en haut de ce blason dont je vous rappelais la devise, deux étoiles brillent aussi, vers lesquelles, en pensant à lui, nous pouvons lever avec espoir et confiance nos yeux navrés d'un si prompt trépas.
L'une est l'astre serein des vertus privées : il n'a jamais cessé de briller à son foyer : l'autre est l’étoile du dévouement chrétien : jamais non plus elle n'a cessé de diriger ses pas dans les voies parfois si pénibles de la carrière publique. Dieu, nous en avons l'espérance, lui tiendra compte de ce qu'il s'est toujours laissé guider par ces deux glorieuses clartés et lui départira la récompense promise à ceux l'ont fidèlement servi ici-bas.
Hyacinthe Cartuyvels, au nom de tes collègues, au nom de tes amis, qui conserveront de toi un souvenir pieux, je ne te dis pas adieu, mais au revoir dans la céleste patrie !
Voir aussi :
(CAULIER_MATHY N., dans Nouvelle biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2010, tome 10, pp. 75-78)