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Bricoult Henri (1830-1879)

Bricoult Henri libéral

né en 1830 à Ormeignies décédé en 1879 à Ormeignies

Représentant entre 1864 et 1879, élu par l'arrondissement de Ath

Biographie

(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996)

Conseiller provincial du Hainaut (1862-1866)

Conseiller communal (1860), puis échevin (1861), puis bourgmestre d'Ormeignies (1862-1879)


(Extrait du L’Echo du Parlement, du 29 juin 1879)

Les funérailles de M. Bricoult, membre de la Chambre des représentants pour l'arrondissement d'Ath et bourgmestre d'Ormeignies, ont eu lieu aujourd'hui, à 11 heures, dans cette commune.

La députation de la Chambre dés représentants conduite par M. Descamps, 2ème vice-président, accompagnée de M. Bara, ministre de la justice et de plusieurs représentants qui se sont joints à la députation, est arrivée à Ath, par train spécial, à 9 h. 50 ; M. le gouverneur du Hainaut et de nombreux amis du défunt sont arrivés quelques instants après par le train de Mons. Ces autorités ont été reçues à la gare par M. Durieu, bourgmestre d’Ath et M. Broquet, commissaire d’arrondissement.

Les invités sont montés en voiture pour se rendre à Ormegnies distant d’Ath d’environ une lieue : un escadron de lanciers venus de Mons a escorté la députation de la Chambre.

Le temps était mauvais, il pleuvait très for et malgré cela la route, était couverte de piétons se dirigeant vers la maison mortuaire; par tous les chemins débouchaient les habitants des communes voisines ; hommes, femmes, enfants avaient revêtu leurs habits de fête et n'avaient pas craint de braver le mauvais temps et les mauvais chemins pour venir rendre les derniers devoirs à celui qui avait été non seulement le digne représentant de cet arrondissement mais l'ami dévoué de tous ses habitants,

C'est à sa ferme modèle d'Autreppe, au milieu de ces populations agricoles parmi lesquelles il aimait à vivre et dont il était le type sympathique, que M. Bricoult est mort.

A l’entrée de l’avenue conduisant à l’habitation se trouvait rangé un bataillon du premier régiment de chasseurs pied, venu également de Mons, commandé par le chef de corps et accompagné du drapeau ct de la musique.

La ferme est vaste ; une grande cour entourée de hauts murs précède l'habitation dont la simplicité répond bien à celle du défunt ; la cour et tous les chemins voisins sont couverts de monde, et dans tous les groupes, c'est l'éloge du défunt que l'on entend ; sa perte est ressentie plus vivement à Autreppe, hameau dont il était plus particulièrement le bienfaiteur, et, l'on peut même dire, l'âme, la vie.

L'une des chambres de l'habitation convertie en chapelle ardente reçoit le monde officiel, parmi lequel nous avons remarqué outre MM. Bara, ministre de la justice, de Kerchove, gouverneur du Hainaut, Descamps , second vice-président de la Chambre, et Broquet, commissaire d'arrondissement, que nous avons déjà nommés, MM. Le Hardy de Beaulieu, Puissant, Lescart, Paternostre, Magherman, Biebuyck, De Thuin, Delexhy, Mondez, Defuisseaux, De Moreau d'Andoy, représentants ; MM. Jouret, Savin Paternostre, anciens représentants ; MM. Huyttens père et fils, greffier et greffier adjoint de la Chambre, M. Durieu, bourgmestre d'Ath, MM. Lepoivre, Mondez et Durieu, conseillers provinciaux ; tous les bourgmestres de l'arrondissement ; M. Frison, membre de la députation permanente du Hainaut et ancien représentant d'Ath, M. B. Crombez, M. Lepoivre, juge de paix de Chièvres, M. Delmée, rédacteur en chef de L'Economie de Tournai, M. Brouwet, ancien échevin de la ville d'Ath, etc., etc.

Trois discours ont été prononcés à la maison mortuaire : le premier par M. Descamps, au nom de la Chambre des représentants ; le deuxième par M. Lagneau, échevin, au nom du conseil communal d'Ormeignies ; le troisième par M. Durieu, bourgmestre d'Ath et président de l'Association libérale, au nom de cette association.

Voici le discours de M. Descamps :

« Messieurs,

« Si j'obéis à un pieux et solennel devoir en venant, au nom de la Chambre, si cruellement éprouvée depuis quelques semaines, et au nom de l'arrondissement d'Ath, dire un suprême adieu au collègue affectueux et sympathique, au mandataire habile et dévoué, je réponds surtout aux sentiments de mon cœur, en payant un dernier tribut de vive affection et de douloureux regrets à celui qui fut, de longues années, mon ami et mon collègue à la députation d'Ath.

« Ces sentiments, messieurs, vous les partagez tous, et l'émotion qui agite la foule accourue ici, l'explosion de douleur qui éclata dans l'arrondissement tout entier à la nouvelle de la catastrophe qui nous frappe, nous disent assez combien était aimé, combien est regretté l'homme de cœur dont le nom était synonyme de bonté, d'abnégation et de généreux dévouement.

« Doué d'une rare intelligence, d'une nature d'élite, franche, loyale, éminemment serviable et sympathique, Henri Bricoult se signala bien jeune encore à l'attention publique el marqua, dès les premiers pas de sa carrière, la place distinguée où devaient l'appeler bientôt les suffrages de ses citoyens.

« Nommé conseiller communal et ensuite bourgmestre de la commune d'Ormeignies, il fut le conseil, le guide de chacun de ses administrés et devint, par les bienfaits qu'il répandait autour de lui, par les améliorations incessantes qu'il réalisait dans toutes les branches de son administration, la providence des populations au milieu desquelles il vivait.

« Elu, en 1863, conseiller provincial du canton de Chièvres, il fut appelé, l'année suivante, à rendre des services dans une sphère plus élevée, et reçut des électeurs de l'arrondissement d'Ath, le mandat de député à la représentation nationale.

« Vous savez, messieurs, avec quel zèle intelligent, avec quelle affabilité et quelle obligeance affectueuse, avec quelle sollicitude de tous les instants, il prenait en main la cause et veillait aux intérêts de tous ceux qui réclamaient ses services. Aux qualités de son cœur qui lui conciliaient les sympathies universelles, se joignaient une fermeté inébranlable de principes, une droiture, une expérience des hommes et des choses, que les électeurs de l'arrondissement d'Ath avaient hautement reconnues et affirmées en renouvelant cinq fois, successivement, le mandat de député dont ils l'avaient honoré le 11 août 1864.

« Le Roi, voulant récompenser les services qu'il avait rendus au pays, le nommait, le 11 juin 1870, chevalier de son Ordre.

« D'un esprit solide, éclairé, essentiellement pratique, d'un jugement extrêmement judicieux et sûr, sa parole à la Chambre, surtout dans les questions administratives et dans celles qui étaient relatives à l'agriculture, avait une autorité incontestable. Ses études spéciales, fortifiées par une longue pratique des affaires, avaient fail de lui un agronome distingué et lui avaient acquis, dans l'industrie agricole, une compétence précieuse qu'il utilisait largement pour la défense des intérêts de l'arrondissement qu'il représentait.

« Henri Bricoult était, depuis longtemps, miné par un mal dont l'issue fatale ne pouvait, hélas ! pas être douteuse. Déjà cruellement affaibli par la maladie, nous l'avons vu en décembre dernier, se soutenant à peine, venir péniblement déposer un vote dont il croyait que pouvait dépendre le sort de son parti. Ce fut le dernier effort d'une âme généreuse, animée des convictions les plus solides.

« Depuis lors, au milieu de souffrances qu'il supportait avec une énergie et un courage vraiment exemplaires, sa préoccupation constante, l'objet de tous ses désirs, étaient encore de retrouver la force nécessaire pour venir accomplir, dans un moment solennel, les devoirs que lui imposait son mandat ; et, lorsqu'il y a quelques jours, je fus admis à le voir pour la dernière fois, ses pensées n'avaient qu'un objectif, le bien-être de l'arrondissement, la satisfaction des intérêts dont le soin nous était confié.

« Au moment de nous séparer pour jamais, recevez, mon cher Bricoult, les derniers et affectueux adieux de vos collègues ; recevez l'expression des regrets ineffaçables que vous laissez après vous à la Chambre où vous ne comptiez que des amis, et dans l'arrondissement d'Ath dont vous avez bien mérité. Votre souvenir vivra parmi nous, et votre nom sera béni des populations.

« Adieu, Henri, une dernière fois, adieu. »

M. Durieu, bourgmestre d’Ath et président de l’Association libérale s’est exprimé en ce termes :

« Messieurs,

« Il y a un an à peine, l'Association libérale de l'arrondissement d'Ath faisait une grande perte ; la mort lui enlevait son honorable et sympathique président. Aujourd'hui une nouvelle perte, non moins douloureuse, bien plus importante encore, nous est infligée ; notre ami à tous, notre vénérable représentant, Henri Bricoult, n'est plus, Il disparaît alors que nous pouvions espérer le conserver de nombreuses années parmi nous.

« Je n'ai pas à vous rappeler, messieurs, ses précieuses qualités personnelles, la bonté de son cœur, son désintéressement, tous vous avez pu les apprécier. Ces qualités lui avaient valu de la part du corps électoral un attachement inébranlable ; chacun de ses électeurs était devenu un ami pour lui.

« C'est aussi qu’il était le type du mandataire politique, et chacun, les petits et les faibles surtout, était certain de trouver toujours auprès de lui un appui tutélaire.

« Doué d'une intelligence élevée, d’un jugement sûr et profond, il poursuivait avec ardeur l’exécution du programme de notre opinion. Le corps électoral d’Ath, reconnaissant ses mérites, lui avait confié six mandats successifs.

« Henri Bricoult a bien mérité des amis de nos institutions ; le dernier acte de sa vie, si courte hélas !, a été un acte d’attachement aux principes du libéralisme. Il y a quelques jours à peine, de son lit de mort, il faisait savoir à ses honorables collègues de la Chambre, qu’il aurait voulu donner son vote en faveur du projet de loi nouveau sur l’enseignement primaire, réforme réclamée depuis plus de 30 ans par l’opinion libérale.

« En cette circonstance, comme toujours, il a été l'organe fidèle et exact de la pensée, des vœux de l'arrondissement libéral d'Ath, honneur à lui !

« Les vives sympathies dont jouissait notre ami Henri Bricoult, notre digne représentant, ne périront pas avec lui ; son souvenir affectueux continuera à vivre dans nos cœurs; sa mémoire sera pour nous un exemple et un guide; s'il avait depuis des années rendu facile la tâche de l'Association, elle a aujourd'hui un grave devoir à remplir : C'est de s'appliquer à présenter au corps électoral, un successeur digne de lui; c'est pour elle la meilleure manière d'honorer sa mémoire. de remplir ses intentions, à ses amis de nous aider dans cette noble tâche.

« Adieu, Bricoult, adieu. »

Pendant ces discours, la cour s'est remplie de nombreuses sociétés qui viennent prendre part au cortège; ce sont les fanfares d'Ormeignies, celles de Ligne, de Blicquy et deux fanfares de Chièvres ; les enfants des écoles, un groupe de petites filles et un autre de petits garçons portant des couronnes et précédés chacun d'un drapeau noir sur lesquels se détachent des inscriptions en lettres blanches ; celui des petites filles porte « Pleurs el regrets », celui des garçons : « Il fut l'ami de tous et l'ami du progrès. »

Le clergé étant arrivé, le cortège s'est dirigé vers l'église précédé de l'escorte militaire ; la musique du régiment de chasseurs jouait des airs funèbres.

La petite église s'est trouvée pleine en un instant; l'offrande a duré fort longtemps. quoique le plus grand nombre des assistants n'ait pu pénétrer dans l'église. Une foule considérable et le détachement de chasseurs ont accompagné le corps jusqu'au cimetière.

Après la cérémonie, la députation de la Chambre est retournée à Ath escortée, comme à son arrivée, par les lanciers; le train spécial est reparti pour Bruxelles à 2 1/2 heures.

Les populations rurales au milieu desquelles s'est faite cette cérémonie y avaient, comme nous l'avons dit, apporté un concours empressé, touchant par son caractère d'unanimité et de spontanéité; c'est à l'ami, à l'homme dévoué qu'elles donnaient ce témoignage de reconnaissance ; elles ont été heureuses de voir le pays s'y associer dans la personne des députés et de nombreuses autorités.

D'autre part, ces honneurs, ces escortes militaires entourant nos législateurs produisent une grande impression sur les populations et, à ce point de vue, il serait à désirer que les honneurs funèbres fussent rendus de cette façon, en tous temps, aux membres de nos assemblées, tandis qu'ils ne le sont maintenant que lorsqu'ils meurent pendant la session.