(Paru à Bruxelles en 1957, sous la forme d’un Mémoire de l’Académie royale de Belgique)
(page 78) Les traités mettant fin au conflit latent depuis près de neuf années furent signés à Londres le 19 avril 1839 : ils établissaient notre statut définitif de pays indépendant et souverain, avec toutefois la servitude - et la garantie -— de la neutralité imposée.
L'armée belge, malgré toutes les traverses, avait atteint un degré de force respectable. Elle comptait 16 régiments d'infanterie, 7 de cavalerie, 3 d'artillerie totalisant 43 batteries (4 cheval, 16 montées, 20 de siège, 3 de dépôt), un bataillon du génie. S'y ajoutait une armée de réserve organisée par province et comptant 9 régiments d'infanterie articulés en 26 bataillons.
Le ministre en exercice, huitième à occuper la tête du département de la guerre, était depuis le 19 août 1836 le général de brigade Willmar,
Dès les premières semaines suivant la signature, les conséquences militaires de la paix se firent jour. Par suite de la rétrocession d'une partie du Limbourg et du Luxembourg, on supprima deux des régiments de réserve. Le licenciement des classes (page 79) 1829, 1830 et 1831 amena la disparition du quatrième bataillon (de réserve) de chaque régiment d'infanterie actif. Bientôt, sur les onze classes dont se composait l'armée de 1839, il en resta trois sous les armes (1835, 1836 et 1837), auxquelles, sur le papier, s'en ajoutaient deux attendant leur incorporation (1838 et 1839). En effet, après les opérations de recrutement dont nous avons indiqué le mécanisme, la classe appelable restait en disponibilité pendant un an ou deux.
Le budget militaire de 1840 s'établissait à 32.790.000 francs. Jugé trop important pour l'ère de paix et de neutralité qui s'ouvrait, on allait le battre en brèche. La commission centrale réclama la suppression de toute la réserve, la réduction de l'infanterie et des escadrons. Deux anciens ministres de la guerre, le général Evain et Charles de Brouckère, se rencontrèrent pour proposer un budget de 25 millions. La loi du 26 décembre 1840 fixa la force globale de l'armée sur le pied de guerre à 80.000 hommes avec une levée annuelle de 10.000 hommes au plus et 8 classes.
Au général Willmar, trop rétif, succéda le général de brigade Buzen, connu comme étant « l'économie incarnée. » Il supprima tous les régiments de réserve et ramena le budget à 29.470.916 francs, mais on attendait mieux encore de lui. Il en resta tenacement à ce palier, préférant céder la place, après dix mois, au général-major de Liem. Ce dernier chargea une commission d'officiers généraux et supérieurs de revoir le budget. A ce moment l'armée comptait 2.971 officiers, 3.615 sous-officiers, 26,752 caporaux et soldats, soit 33,338 hommes sous les armes. Dans le budget de 1843, près de 90 p. c. représentaient la solde et la masse d'habillement ; le solde comprenait 1.803,000 francs pour le matériel d'artillerie et du génie. Au sens strict du mot, il ne s'agissait là que d'un budget d'entretien au plus juste prix, excluant toute possibilité d'améliorer les conditions matérielles, en admettant même que l'on y pensât. Les bataillons et escadrons avaient (page 80) des effectifs très réduits : 18 20 hommes dans chaque compagnie.
Néanmoins les pressions continuèrent en faveur d'économies plus drastiques encore. « Si vous n'y arrivez pas cette année, disait-on au ministre, ce sera dans un an, dans deux ans, par la force des choses, par la force de l'opinion publique, qui ne comprend pas que, dans un pays couvert par sa neutralité, le budget absorbe le tiers des revenus. »
Civils et militaires discutèrent âprement, passionnément, les problèmes de la défense du pays. Comment l'organiser ? Fallait-il la baser sur les places fortes ? N'étaient-elles pas trop nombreuses ? Elles absorbaient 36.000 hommes, soit près de la moitié de l'armée mobilisée. Pouvait-on y consacrer la garde civique ? L'armée de campagne serait-elle assez étoffée ?
Le général-major Dupont, nouveau ministre depuis le 16 avril 1843, fit le point en 1845. Il fallait une armée de campagne de 43.000 hommes, 35.000 de troupes de forteresse, mais les cadres ne répondaient pas à ces besoins : la réserve n'existait plus ; deux des huit classes n'étaient pas instruites. Il faudrait donc y suppléer par 20 à 30.000 gardes civiques fortement organisés.
L'idée d'un budget de 25 millions s'était enracinée dans le pays avec la force d'un slogan et pourtant il était bien difficile de descendre au-dessous des 29 millions.
L'année 1849 vit trois accomplissements. Une nouvelle loi de milice (8 mai) fixa la durée totale du service à 8 ans, plaçant les trois classes les plus anciennes en congé illimité et à la réserve (avec autorisation de se marier). Le contingent à lever serait réparti entre les provinces et les communes, non plus proportionnellement à la population, mais au nombre de jeunes gens inscrits sur les rôles de milice.
Vint ensuite une organisation nouvelle de l'armée (9 juillet). L'infanterie comprit un régiment d'élite (qui, en 1850, devint le régiment des grenadiers), 12 régiments de ligne, un de chasseurs-carabiniers (puis : de carabiniers) et deux de chasseurs à pied. La cavalerie conserva ses 7 régiments : deux de chasseurs à cheval, deux de lanciers. deux de cuirassiers, et le régiment des guides. L'artillerie compta un état-major spécial et quatre régiments avec 43 batteries dont 4 à cheval, 24 de siège, 15 (page 81) montées, plus des compagnies de pontonniers, ouvriers d'artillerie, ouvriers armuriers, artificiers, train d'artillerie et un grand parc. Le génie se composa d'un régiment de deux bataillons, L'armée s'articula en quatre divisions d'infanterie de deux brigades de deux régiments, deux divisions de cavalerie et une division d'artillerie. On y note aussi des unités d'un type spécial : une compagnie sédentaire de sous-officiers qui groupait d'anciens sous-officiers ayant 20 années de service et attendant leur pension de retraite ; deux compagnies sédentaires de fusiliers (pour la garde des prisons militaires), une compagnie d'enfants de troupe, une division (c'est-à-dire deux compagnies) de discipline.
En 1847 les unités se répartissaient entre plus de trente garnisons.
Le troisième fait nouveau fut l'arrêté royal du 15 septembre 1847 créant une commission d'étude de la défense du pays. Nous avons dit plus haut la vivacité des échanges de vues dans la presse et dans les revues militaires. Le roi voulut les canaliser et les réduire en un plan concret de réformes.
Les milieux d'officiers montraient un certain scepticisme à l'égard du respect de la neutralité belge. Si elle était violée, les secours des garants n'arriveraient pas, ou interviendraient trop tard, L'armée belge devrait défendre son territoire pied à pied pour gagner du temps ; prendre position le plus souvent possible, et en tout état de cause, couvrir la capitale. Le système défensif de 1815, basé sur une première ligne de places : Nieuport, Ypres, Menin, Tournai, Ath, Mons, Charleroi, Huy, Liège, avait été acceptable aussi longtemps que ces villes fortifiées commandaient et interdisaient le réseau routier de pénétration. Or, entre Nieuport et Charleroi, douze chaussées nouvelles et des chemins de fer avaient été tracés ; ils échappaient à leur action. La situation était identique sur la Sambre et sur la Meuse.
La deuxième ligne : Ostende, Gand, Termonde, Anvers, convenait contre une attaque venant du sud ; elle présentait le flanc à une poussée de l'Est pouvant déboucher par Maestricht, cédée à la Hollande. Quelques travaux de campagne avaient été effectués en 1835, à Westerloo, Diest, Malines, Lierre, dans l'hypothèse d'une agression hollandaise ; leur valeur pratique était nulle.
Au sein de la commission, les avis se partagèrent comme il est de règle. Les uns voulaient faire de Mons une place de guerre (page 82) avec une citadelle et une garnison de 10.000 hommes. D'autres envisageaient une grande place à Namur ; Anvers devait être le dernier refuge. Les idées se heurtèrent avec une conviction que l'armée belge retrouvera bien rarement à l'époque des grandes crises ; elles furent recueillies et commentées en France et en Prusse. Le capitaine Vandevelde se lança à corps perdu dans un projet de camp retranché autour de Bruxelles. Le général Eenens en voulait un à l'ouest de l'Escaut d'Anvers.
Le jeune Brialmont, sorti de l'école d'application, entre en lice. Il répond un lieutenant du génie, Bralion, affirmant en 1845 que « le principe de la concentration dans la défensive est la négation de la science de la guerre » ; il prône au contraire cette concentration. La fantaisie eut elle aussi sa place dans cette campagne. Un examinateur permanent de l'école Militaire affirma : « Le seul moyen… est d'ordonner à tous les hommes valides d'avoir sous la main un petit marteau de deux livres… pour assommer à un signal convenu les envahisseurs. »
Ces officiers : Huybrechts, Vandevelde, Brialmont jeune, d'autres encore, sous des initiales transparentes ou à visage découvert, échangèrent leurs arguments avec une étonnante liberté d'expression, une vigueur et même une intolérance réciproque qui nous paraissent bien sympathiques lorsque nous songeons l'atonie des milieux militaires de notre époque devant des problèmes essentiels. En 1847, les dangers étaient lointains : la neutralité garantie semblait autoriser la théorie du moindre effort. Et pourtant, devant les attaques renouvelées chaque année contre le budget de la guerre, quelques hommes politiques et des officiers faisaient entendre des avis réalistes. Certains esprits clairvoyants connaissaient déjà l'inquiétude qui allait se matérialiser en 1848. La funambulesque équipée de Risquons-Tout ne fut qu'un incident mineur, mais un peu partout en Europe on nota des symptômes de réarmement ; la France pouvait redevenir menaçante, Le représentant Devaux déclara en 1850 au Parlement : « Les hommes qui abandonnent à d'autres le soin de leur existence ne s'appellent pas des hommes libres. Une nation qui abdique la défense de son indépendance et de son honneur n'est plus digne du nom de nation et se couvre de mépris. » (Ces paroles furent applaudies dans les tribunes du public). « Nous sommes plus menacés que d'autres peuples, et en réalité nous faisons moins qu'eux pour notre sûreté. »
(page 83) C'est en effet ce que prouvent les chiffres avec leur éloquence austère. En 1847, la Belgique, pour une population de 4.335.319 habitants, avait un budget global de 118.754.650 francs ; les chiffres pour les Pays-Bas étaient respectivement de 3.062.000 habitants et de 149-500,000 francs, dont 22.227.895 pour la guerre et 11.500.000 pour la marine, soit 3 à 5 millions de plus que notre pays. La dépense militaire par tête d'habitant était : 12,11 francs en Hollande, 11,65 en France et 6,82 en Belgique.
La diminution progressive de l'effort consenti est nette : 29.405.100 en 1847, 28.690.000 en 1848, 27.083.000 en 1849, 26.819.000 en 1850 et 26.689.000 en 1851.
Quelques postes de ce dernier budget montrent qu'il s'agit plus que jamais d'un budget d'entretien. La charge principale des casernements continue à peser sur les budgets des villes de garnison ; le chauffage et l'éclairage sur les usagers militaires. Le matériel de l'artillerie et du génie compte pour 1.586.000 francs, le casernement pour 581.000 ; le chauffage et l'éclairage des corps de garde pour 58.000. L'administration centrale coûte 242.850 francs, les états-majors 1.084.720 francs ; le service de santé 872.164. La solde des troupes constitue le gros poste avec ses 16.074,800 francs. Il existe aussi une rubrique : « Pensions et Secours », avec la modeste somme de 70.670 francs.
A Bruxelles il n'est prévu que 6.000 francs pour l'entretien de bâtiments militaires et 55.000 pour la poursuite des travaux à la caserne de Laeken et les réparations à l'hôpital militaire. L'entretien du camp de Beverloo n'est compté que pour 47.000 francs (contre 100.000 l'année précédente). La Firme Félix Legrand, sur les bases du contrat de 1835, continue à louer des lits : 1,010 à deux places (pour 29,50 francs l'an), 19.500 une place (20,50 francs). Les fournitures de couchage sont également prises en location : 26 p. c. aux communes, 66 p. c. à la firme concessionnaire (ces deux catégories 0,05 franc la journée) ; l'Etat en fournit 8 p. c. et facture 0,02 franc par jour.
C'est là le budget limité d'une armée vouée à la stagnation, « réduite à sa plus simple expression », comme le déclare le lieutenant-général baron Chazal, ministre de la guerre, en décembre 1847. Néanmoins, reconnaît-il, le soldat belge est, à part l'Anglais, (page 84) le mieux payé de l'Europe. Sa ration de pain a été augmentée d’une demi-livre ; son couchage est passé de 0,025 franc à 0,05 franc. Une feuille hostile aux dépenses militaires, le Messager de Gand, dépeint les casernes « abondamment pourvues de tout ce qui constitue une habitation agréable et commode » et ajoute : « On peut dire sans crainte d’être démenti que les soldats sont mieux logés que bon nombre de bourgeois. »
Voyons donc de plus près les conditions de cette vie de sybarites.
Nous possédons les éléments de comparaison du coût annuel du soldat d'infanterie au début de la Révolution et en 1851 :
Solde : 1831 : 91,50 fr. ; 1851 : 91,50 fr.
Masse d’habillement : 1831 : 32,94 fr. ; 1851 : 36,60 fr.
Masse buffleterie : 1831 : 0,55 fr. ; 1851 : 0,55 fr.
Masse de casernement : 1831 : 9,15 fr. ; 1851 : 9,15 fr.
Pain: 1831 ; 28,06 fr. ; 1851 : 42,09 fr.
Haute paie (grenadiers) : 1831 : 0,0 fr. ; 1851 : 1, 85 fr.
Total : 1831 : 162,20 fr. ; 1851 : 181, 74 fr.
Soit une moyenne de 0,497 franc en 1851 contre 0,445 en 1831. Cette différence, provoquée par une augmentation de 3,66 de la masse d'habillement et surtout de 14 francs pour la ration de pain portée de 0,5 kilo à 0,750 faisait crier à l'exagération.
En fait, le fusilier, au dernier échelon, touchait une solde brute de 0,7225 franc ; mais ici intervient la notion des « masses », qui imposait aux commandants d'unités une gestion administrative d'une grande complexité.
Alors qu'en France et en Prusse l'Etat fournissait habillement et équipement, en Belgique et aux Pays-Bas il ne faisait qu'en avancer les fonds. Dès son incorporation, le milicien versait une première mise à la masse d'habillement (souvent fournie par ses parents) ; il était ensuite soumis une retenue journalière de 0,28 franc s'il était en dette vis-à-vis de son compte personnel, de 0,23 s'il était en boni. En somme le citoyen payait l'honneur d'être transformé en militaire. Il continuait à payer pour l’entretien et les réparations, tout étant porté minutieusement à (page 85) sa fiche. Après 3 ou 4 années, la plupart étaient encore endettés. Les permissionnaires débiteurs ne pouvaient revêtir que leur petite tenue, la grande n'étant accordée qu’à ceux dont le compte était apuré. Des officiers indignés prouvaient par des chiffres que le soldat ne pouvait s'acquitter en 18 mois, même en lui appliquant le maximum de retenue. Certains représentants y rétorquaient que la cause en était le trop court séjour sous les armes. En 1851, un quart de l'armée seulement, soit 8.447 sous-officiers et soldats, possédait un boni dont la moyenne s'établissait à 34,50 francs (note du cabinet du ministre de la guerre à la commission des allocations, section de la commission mixte constituée en 1851. Elle finit par se prononcer contre toute réduction des allocations du soldat d’infanterie (par 10 voix contre 4)).
Une autre retenue de 0,32 franc était effectuée pour le ménage, ce qui réduisait l'argent de poche à 0,125 franc (0,15 pour les détenteurs d'un boni). Dans les milieux parlementaires on estimait excessive cette solde réelle qui, payée tous les cinq jours, atteignait la somme effarante de 0,60 à 0,75 fr. Il est vrai qu'à la même époque le Français touchait 0,07 franc de denier de poche. le Hollandais et le Prussien o0,10.
Dans les cadres subalternes, l'adjudant percevait (toujours avant toute réduction) 2,71 francs ; le tambour-major, personnage important et spectaculaire 1,97 ; le maitre-armurier 1,99 ; les maîtres-tailleurs ou cordonniers 1,92 ; le sergent-major, cheville ouvrière de la compagnie 2 francs ; le sergent 1,675 : le caporal 0,925, le tambour ou cornet 0,81 : l'enfant de troupe 0.5525.
L'armée appliquait consciencieusement l'un des adages de Napoléon : « La pauvreté, les privations et la misère sont l'école du bon soldat. » Et pourtant, beaucoup de contemporains jugeaient relativement élevé ce standing. Il serait erroné d'en parler d'après idées actuelles, profondément transformées par l'évolution sociale. Il faut au contraire retrouver le climat de l’époque et se rendre compte de la misère réelle et sans issue d'une partie de la population. La toile de fond en est l'existence de bureaux de bienfaisance dans chaque commune et de cinq dépôts de mendicité abritant 4.260 individus sans ressources, En 1848 des communes flamandes connaissent un dénuement profond, aggravé par une épidémie de typhus ; en Flandre la mortalité dépasse alors de 5 à 6 fois les naissances. Une souscription nationale est ouverte, phénomène rare à cette époque (page 86) des régiments renoncent à une journée de solde, soit une dizaine de jours de deniers de poche. Cet exemple entre d'autres montre que tout est affaire de relativité. La stabilité de la vie militaire, assurément modeste, pouvait encore, malgré tout, susciter l'envie.
La nourriture avait été améliorée en 1845. Deux repas : le matin 10 heures (à 9 dans les armes montées), une soupe à base de 250 gr. de bœuf et 75 gr. de pain, parfois du riz ; à 16 heures, riz, orge mondé, gruau d'avoine, semoule, ou 1 kilo de pommes de terre en « ratatouille. » Le pain fait de pure farine de froment constituait le facteur essentiel du régime. Les légumes frais intervenaient raison de 1 centime par jour. Pas de petit déjeuner : les cantinières y suppléaient. Le régime officiel proscrivait les boissons chaudes ; l'eau ne pouvait être absorbée qu'en quantité « modérée » ; on déconseillait l'eau vinaigrée qui débilite promptement mais par contre on estimait avantageux l'usage modéré du genièvre. Cette diététique était assez particulière. Dans un local modeste, mais généralement fort propre, muni de tables, de bancs ou de chaises en bois blanc, la femme de compagnie ou de batterie servait le pain de munition, du café, des œufs, de la viande, du genièvre (ce dernier interdit après 1847) moyennant une somme infime.
Au début la préparation des repas officiels incomba à chaque soldat à tour de rôle ; la cuisine devait être simple et considérée comme une corvée ordinaire. Ensuite le ménage s'organisa par compagnie, batterie ou escadron, voire par groupe de compagnies avec un SEUL cuisinier, non spécialisé, remplissant l'emploi pendant 5 ou 10 jours, parfois un mois ; on le nourrissait gratuitement. Ses fonctions ingrates méritaient largement cette compensation. Vêtu de toile (avec un bonnet de nuit), il arrivait à son fourneau dès minuit à la cavalerie, 2 heures ailleurs ; il allumait le feu, faisait chauffer l'eau, épluchait les légumes, nettoyait les ustensiles, les chaudières, les gamelles, les serviettes, sous le contrôle d'un caporal planton. Les officiers de semaine procédaient aux réceptions des vivres, en surveillaient l'emploi et la distribution, goûtaient au repas et, naturellement, le trouvaient bon à l’usage, puisque une Instruction ministérielle de 1845 précisait que « la multiplicité et la diversité des aliments n'excluent pas la frugalité. » Il fallait bannir les mets de luxe, comme les compotes par exemple.
(page 87) Tout spartiate qu'il fût, monotone, inlassablement répété chaque jour (sauf le Vendredi Saint ; soupe aux pommes de terre et riz), on reconnaissait à ce menu une amélioration très sensible par rapport à 1831.
Quant aux officiers, longtemps abandonnés à eux-mêmes pour leurs repas, ils se virent obligés à participer à une ou plusieurs tables officielles dans des hôtels de la garnison. A Anvers, par exemple, majors et capitaines eurent la leur à l'Hôtel du Cygne ; deux ans plus tard, en 1841, lieutenants et sous-lieutenants furent répartis entre Le Bien-Être de la Patrie (enseigne prometteuse) et l'Hôtel du Miroir. Fixé tout d'abord à 13 h. 30, le dîner, obligatoire, se tint à 16 heures partir de 1844.
Les traitement variaient très sensiblement d'une arme à l'autre, pour un même grade. Le sous-lieutenant d'état-major ou de cavalerie recevait 2.100 francs par an contre 1.600 au fantassin. Le colonel d'état-Major ou de cavalerie 8.400, leur collègue de l'infanterie 7.400. Ces différences s'expliquaient en partie par les charges inhérentes aux armes montées, mais elles traduisent éloquemment une inégalité sociale entre les armes.
Celle-ci était attribuable avant tout la dualité du recrutement des officiers. Depuis plus de 15 ans l'école militaire pourvoyait à la majeure partie des besoins annuels des cadres des armes spéciales, de l'état-major et de la marine, à l'exclusion des armes simples, qui continuaient à s'alimenter parmi les sous-officiers, sans préparation adéquate. Cette coexistence des deux systèmes ne pouvait donner que des résultats déplorables : sur la première voie, des officiers jeunes, relativement instruits, sans expérience pratique au départ, mais pouvant espérer une carrière normale ; sur la deuxième, des officiers déjà vieillis sons le harnais, expérimentés certes, mais aussi routinés, sans instruction ni éducation, condamnés à la stagnation dans les cadres subalternes.
La présence d'officiers étrangers dans les unités fut moins fâcheusement ressentie que pendant la phase précédente ; elle n'agit plus comme ferment de mésentente. En 1839 sur 2.764 officiers, il restait 37 étrangers : 23 Français, 13 Polonais, 1 Saxon ; un général de division, deux généraux de brigade. deux lieutenants-colonels, 4 majors, 22 capitaines, 6 lieutenants. Le général Magnan, le plus discuté, le plus combatif, venait de donner sa démission après sept années de services, souvent aux (page 88) avant-postes. La France recommençait à participer à la grande politique européenne ; elle désirait voir ses nationaux réintégrer l'armée. Le rappel des Français devint exécutoire en 1841. A cette occasion. le lieutenant général Hurel, chef de l'état-major général de l'armée belge, lança un ordre du Jour d'adieu qui provoqua un incident diplomatique avec l'Angleterre. Car la phrase : « Le vœu le plus ardent que je forme est de retrouver l'armée belge alliée à la France » était de toute évidence incompatible avec le principe même de la neutralité, et inopportun dans la situation tendue du moment. France et Angleterre s'opposaient assez violemment dans les problèmes d'Orient.
Les Polonais, toujours coupés de leur patrie, furent maintenus sur les contrôles belges. En 1839 on admit encore 14 officiers de cette nationalité, tous de l'infanterie et officiers subalternes. Plusieurs se firent naturaliser, mais à la condition de perdre le bénéfice de leurs années de service comme étrangers. La même règle, rappelons-le, avait été appliquée aux officiers des corps francs et de la garde civique pour leur admission dans les cadres réguliers.
Alors que s'atténuaient les divergences d'origines de la première période, une rivalité nouvelle se faisait jour entre deux catégories d'officiers : l'infanterie, parente plus que pauvre, et les armes spéciales. La cavalerie faisait figure à part par la nature de son milieu de recrutement, plus bourgeoise encore que patricienne (dans l’Annuaire de 1836, nous relevons les noms de 35 officiers subalternes de cavalerie d’origine noble sur un total de 360 (10 à l’artillerie sur 228), mais pour le moins aisée. La coexistence des deux systèmes. totalement différents et sans contacts possibles, avait provoqué des critiques fondées.
En 1838, on adjoignit à l'école militaire une « grande section » de 180 militaires désignés par les chefs de corps. L'essai ne réussit pas et prit fin en 1839. Le 1er mai une première promotion d'armes simples y entra après examens. Une deuxième suivit en 1843 ; la troisième en 1848 seulement. Entre 1841 et 1860 il y en eut onze. Le système sera ensuite régularisé et deviendra annuel comme pour les armes spéciales. Alors seulement l'école militaire prendra son visage définitif.
Rien d'étonnant donc que les cadres, surtout à l'infanterie, fussent peuplés d'officiers plutôt frustes, résignés à un avancement (page 89) désespérément lent, destinés à décrocher l'étoile de capitaine lorsqu'ils auraient les moustaches grisonnantes. On renonçait à toute ambition, mais le feu sacré, l'entrain n'en existaient pas moins : ils résistaient étonnamment à la terrible monotonie du métier.
Les autorités ne faisaient rien pour améliorer les connaissances : conférences, examens, établissement de rapports et de croquis, tout cela restait ignoré. La règle était fort simple : « Nul officier n'est réputé complètement instruit s'il ne sait expliquer et exécuter tout ce qui est contenu dans l'ordonnance de 1829. » Ses trois volumes donnaient les bases de l'instruction à pied ; celles de l'instruction à cheval ; les évolutions de régiment et de lignes. Avec le service intérieur, le service de garnison et le service des armées en campagne, ils constituaient la bibliothèque de l'officier, et tout son bagage intellectuel. Encore ces règlements comprenaient-ils, à côté des textes en caractères ordinaires, d'autres en italique. Qui connaissait ces derniers « passait pour un aigle. » A la théorie, une fois ou deux par semaine, sous-lieutenants et lieutenants, jeunes et vieux, réunis sous la férule d'un major, récitaient de mémoire quelques pages désignées d’avance, mais l'on évitait soigneusement les commentaires et discussions. Et malgré tout, cette « instruction » était inaccessible à certains élèves quasi-illettrés.
Cette existence si morne offrait peu de loisirs. Les minuties d'un service journalier formaliste absorbaient de nombreuses heures. Un major, un adjudant-major de bataillon, un capitaine de police, un lieutenant ou sous-lieutenant par compagnie ou escadron, un adjudant de semaine, un sous-officier ou brigadier par unité devaient obligatoirement assister à TOUS les détails de la vie quotidienne. De 5 à 6 heures, l'appel, le pansage (aux armes montées), le premier repas, le boute-selle et la manœuvre à 7 heures ; le nettoyage, l'avoine à midi ; le deuxième appel à 14 heures, un deuxième pansage ; le deuxième repas, puis la parade de garde, la réception des vivres, le dernier repas des chevaux, l’appel du soir.
Après une telle journée où tant de présences se juxtaposaient pour contrôler des services d'entretien, les officiers se retrouvaient à 16 heures à leur table officielle, dans un hôtel ; le port de l’ « habit bourgeois » était inusité, sauf pour les généraux.
Vivant ensemble pendant de nombreuses années (les mutations étaient rarissimes), ils avaient forcément acquis une cohésion (page 90) morale presque sans faille, se traduisant par un esprit de corps très vivant. Même dans les régiments de cavalerie, les vieux officiers, frustes et rudes, ne détonaient pas trop ; modelés par une ambiance plus raffinée qu'ailleurs, « pénétrés de leur importance », conscients de la dignité de leur grade et de leur uniforme, ils s'efforçaient à affecter des allures de gentlemen, à témoigner d'un vernis de « bon ton » et de « bonne compagnie », soigneusement entretenu dans les repas de corps. Les rares témoignages de l'époque donnent une forte impression de camaraderie. Lors des promotions, il y avait « de l'émotion et de rude étreintes. »
La soirée se terminait presque obligatoirement au café. Un contemporain affirme que « bien des officiers ont été réprimandés pour ne pas s'être conformés cet usage. » Là, les anciens venaient sans se fatiguer et sans lasser les autres sur les mêmes thèmes : l'Espagne, la Russie, Waterloo, les Indes Orientales, souvenirs nostalgiques de beaux coups de sabre. Et à l'occasion, pour une simple allusion, on allait croiser le fer sur le glacis. « On en revenait tout entaillés...mais réconciliés pour la vie. » On rencontrait encore pas mal de ces vieux briscards qui poussaient l'amour de l'armée jusqu'à l'horreur de l'habit civil, qui identifiaient leur existence avec celle de leur régiment, qui dormaient sur la dure, passaient leurs heures de loisirs dans les salles d'armes à critiquer ou à refaire des bottes secrètes, qui n'avaient jamais pris un jour de congé. Tous vivaient alors la vie militaire, exclusivement : la hiérarchie, les règlements, l'abnégation, la camaraderie, le point d'honneur, le patriotisme, les repas de corps, les chevaux, les coups de sabre.
Le général Kraus, qui connut cette société comme jeune sous-lieutenant, la juge ainsi : « On trouvait qu'il n'y avait pas d'inconvénient et pas d'ennui à revenir toujours sur les mêmes choses… C'était une existence à part, MURÉE, où le monde étranger à l'armée ne pouvait que patauger et dire des bêtises… »
Tout cela est si éloigné des habitudes de liberté et d'individualisme, acquises surtout après la guerre de 1914-1918, qu'il faut, pour le mieux comprendre, évoquer les conditions générales de l'existence à cette époque. Dans toutes les villes, même la capitale, la vie bourgeoise se trouvait réglée par des habitudes immuables, rythmée par le balancier de l'horloge : dîner à midi, café et tartines à 4 heures, souper à 8, puis, pour les hommes, la lecture du journal, la pipe, le cabaret, les discussions politiques (page 91) interminables ; jamais un livre ; deux ou trois soirées par an à la Monnaie et un concert suffisaient à satisfaire le besoin de loisirs.
Les officiers suivaient la même ligne tirée au cordeau, mais en restant entre eux. A Bruxelles, ils fréquentaient des cafés choisis, comme Les Trois Suisses ; en province, le cabaret le mieux tenu où, parfois, siégeait une société civile et militaire juxtaposant, sans les mêler, officiers en tenue et bourgeois solennels. Comme fond de tableau, imaginons ce que pouvait être la petite garnison ou mieux encore la ville de dépôt où, à l'écart de tout, stagnaient les cadres voués à une tâche ingrate. Telle ville se trouvait à deux lieues de la gare la plus proche ; en 1850 encore, le veilleur de nuit y frappait les heures sur des planchettes de bois ; le veilleur en chef, juché sur le beffroi, sonnait de temps autre la trompette ; les lanternes, allumées jusqu'à une certaine heure, se balançaient des cordes. Et l'officier, après avoir passé sa soirée sous les quinquets fumeux du café, s'en retournait par les rues obscures, faisant sonner martialement ses talons sur les pavés rugueux, rejoindre sa chambre meublée, et y attendre une nouvelle journée, en tous points identique.
Une vie au ralenti.
Seule venait l'interrompre la période au camp de Beverloo. Chaque année on désignait les troupes qui devaient y participer, et le lieutenant-général chargé du commandement des unités campées, avec attributions étendues.
Les installations s'amélioraient lentement, mais les progrès réalisés étaient souvent remis en question par les méfaits du climat. Les premières baraques de planches et torchis s'effondraient sous les coups de vent. Un ouragan, en 1842, renversa la majeure partie du camp de cavalerie et dégrada le reste. Des incendies consumaient les logements. En 1841, la direction des travaux, confiée jusqu'alors au corps d'état-major, passa à l'administration du génie militaire, et le camp fut inscrit sur la liste des places, Certaines constructions nouvelles provoquèrent l'admiration : le pavillon du commandant du génie, « un chalet qui figurerait agréablement dans les vastes jardins d'un château princier » (rapport de la commission mixte de 1851. Déposition du colonel Delannoyr), entouré à l'étage d'une galerie rustique, surmonté d'un belvédère et couvert de tuiles noires fort joliment façonnées en écailles de poisson. Le parc, les pelouses, les jardins n'étaient (page 92) pas encore tracés. Tout autour du camp s'étendait à perte de vue la bruyère, parsemée de marais, piquée ici et là de huttes abritant des « indigènes peu éloignés de l'état sauvage. » A l'emplacement de l'actuelle église de Bourg-Léopold s'élevaient des dunes de sable où vivait un ermite dans sa tanière. Le chemin de fer le plus proche était à 30 kilomètres ; on n 'accédait au camp que par de mauvais chemins de terre. La construction de la route pavée Beeringen-Hechtel ne fut décidée qu'en 1846.
Néanmoins, le prix de cette terre inculte croissait avec régularité. En 1835 l'hectare en coûtait 20 francs ; en 1845, 55, et bientôt 150, voire 300. Une partie en fut prise à bail à raison de 1 franc l'hectare par an ; les communes y conservaient le droit de passage et d'affouage en dehors des périodes.
Les essais de plantations, menés sans plan d'ensemble, furent d'abord très modestes : quelques hectares de pins sylvestres sur la face sud du camp ; des jardins potagers pour les cantiniers, un autre de 3 1/2 hectares pour l'hôpital militaire, L'impulsion ne sera donnée que par une initiative assez hardie du ministre : l'envoi au camp, en 1844, de disciplinaires pour y participer aux travaux de défrichement. A partir de 1846, grâce à ces éléments indésirables, on commença à tracer les grandes communications à travers l'assiette du camp, à le diviser en parcelles régulières clôturées, à défoncer le sol jusque sous la croûte du tuf, à planter. En 1849, le lieutenant général Chazal, ministre, créa la direction des travaux du camp, fit organiser les disciplinaires en brigades de travail spécialisées, et les mit à l'œuvre suivant un plan d’ensemble. Il était des rares à croire en l'avenir du camp, pour y avoir souvent commandé les troupes en période. Les résultats prouvèrent qu'il avait vu clair : en 1851, douze hectares de prairies, 148 hectares défrichés et plantés (dont 56 de parc) ; des casernes et pavillons en dur.
Un remède fut apporté à la nuisance des cantiniers, dont les méchantes baraques encombraient les abords du pavillon royal sur une longueur de 1.500 mètres ; il leur fut enjoint de disparaître pour 1847 ; cette solution fut du reste facilitée par la création de Bourg-Léopold. Des terrains furent vendus en détail aux cantiniers et commerçants ; ce fut l'origine de la localité, qui s'appela d'abord « Hurel dorp » avant de devenir officiellement, en 1850, commune de Bourg-Léopold. En 1847, le village nouveau ne comptait encore que 27 maisons ; en 1852, 71 avec 453 (page 93) habitants ; l'hectare y valait 10.000 francs. En dehors des heures de service, le Bourg sera désormais l'une des deux ressources des militaires en période, l'autre étant le lit. On alla prendre des repas chez les gargotiers, dans les conditions les plus primitives : se faire charmer par les musiciens ambulants qui s'abattaient sur ce lieu de délices, ou écouter l'une des trois chanteuses attitrées. Les cafés se répartissaient en trois classes : pour officiers, sous-officiers et soldats, avec un trait commun : mobilier sordide, éclairage par des lampes à huile fumeuses. Au retour, par les chemins non éclairés, il fallait fournir le mot de ralliement aux sentinelles qui ceinturaient le camp d'un cordon vigilant.
Le séjour durait près de cinq semaines ; quelques journées d'exercices de détail, une semaine d'évolutions de lignes par régiment et par brigade, puis 20 jours de manœuvres d'ensemble, destinées à faire obtenir des troupes l'aplomb désirable dans les manœuvres des trois armes réunies (rapport sur la période de camp du 21 août au 25 septembre 1844). Sans entrer dans l'exposé fastidieux de la tactique, signalons que tout y était codifié, empesé, réglé comme papier à musique : chargement de l'arme en 13 temps, cadence du pas 100-110 à la minute scandée par les tambours et les cornets, évolutions compassées et complexes pour passer de la formation en bataille ou en ligne à des ploiements ou déploiements sur le centre ou sur une aile, pour modifier le centre de gravité du dispositif. Les manœuvres étaient bâties sur l'hypothèse d'une agression venant du nord ou de l'est. Les défilés aux noms sonores : « Schaapschoor » ou « Spiekelspade » qui, beaucoup plus tard, feront sourire, méritaient alors cette qualification, seuls passages au milieu des landes marécageuses non arrachées encore leur état sauvage. Il s'agissait, soit de les franchir dans l'attaque, soit de se replier par le centre ou par une aile, en échelons successifs évoluant comme la parade. Tous ces exercices se trouvaient longuement analysés dans le Journal de l'armée belge, publication indépendante, parfois commentée à l'étranger. On y discutait gravement sur les distances entre les lignes, sur les intervalles entre bataillons d'une même ligne, sur leur « conformité plus ou moins parfaite avec la lettre du règlement. »
Le caractère spectaculaire de ces petites guerres à un seul parti était de temps à autre accentué par la reconstitution d'une (page 94) bataille de l'Histoire, par exemple la manœuvre du maréchal Bugeaud à l'Isly. On aimait donner l'armée en spectacle pour en rehausser le prestige. L'exemple venait de Paris. En 1851, 26.000 hommes y furent mis aux prises de part et d'autre de la Seine, entre le Pont des Invalides et la barrière de Passy, à hauteur du Champ de Mars, avec franchissement du fleuve, construction-éclair d'un pont de bateaux, charges de cavalerie, formation des carrés, en présence de Louis Napoléon Bonaparte, président de la République, et d'un nombreux public. En Belgique, on n'allait pas aussi loin, mais les évolutions des trois armes sur la plaine de Linthout, le futur Cinquantenaire, attiraient beaucoup de spectateurs les mercredis et vendredis. Le 28 juillet 1847, à l'issue des marches de retour du camp, 13.000 fantassins, 3.000 cavaliers et artilleurs clôturèrent en ces lieux les Fêtes Nationales par un « bouquet » dont Bruxellois, provinciaux et étrangers « garderaient longtemps le souvenir ». Le réalisme y fut poussé jusqu'à l'emploi de balles réelles, avec trois morts et plusieurs blessés (L’Argus, 31 juillet 1847).
Mais cela permettait d'affirmer que l'armée avait enfin « secoué les langes des manœuvres d'école » et exécuté de grandes opérations de guerre.