(Paru à Rotterdam, dans le quotidien "Nieuwe Rotterdamsche Courant")
Chroniques parlementaires hebdomadaires : la loi militaire (19 octobre - 24 octobre - 1 novembre - 8 novembre - 13 novembre)
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 19 octobre 1909)
Bruxelles, 17 octobre 1909
Je vais commencer par vous décevoir : je n'ai rien de précis à vous dire sur le projet de loi militaire ; la crise ministérielle n'éclatera pas demain ; Woeste s'est réconcilié avec Schollaert ; le projet de loi Coremans ne suscite pas encore d'accord général ; la manifestation Ferrer à Bruxelles n'a pas encore provoqué de malaise chez Alfonso XIII ; - et ainsi, je pourrais continuer encore un certain temps à vous énumérer les faits pour vous prouver que rien de profondément choquant ou d'exaltant ne s'est encore produit, que « la scène à faire » n'est pas encore écrite, et que notre vie politique est encore un peu en train de sommeiller, en attendant l'éveil, « le grand lever », qui doit avoir lieu mardi prochain.
Mais tout sommeil, juste avant de se réveiller, est agité d'images brumeuses et indéfinies qui préparent et préfigurent la réalité à venir ; il en va de même pour notre politique. Et même si peu de choses concrètes ou définitives sont entendues, ce qui est raconté et écrit, aussi hypothétique soit-il, éclaire divers sujets et représente notamment les souhaits et les attentes des différentes parties. C'est pourquoi il serait souhaitable de partager certaines réflexions à ce sujet.
Ce qui est le plus clair, c'est le mécontentement de Woeste. Ce n'est pas une nouvelle, et cela n'était un secret pour personne, que le vieil homme fait des efforts désespérés pour maintenir le catholicisme belge, en tant que parti politique, sur une voie fortement conservatrice. Cependant, ce qui est nouveau dans les dernières diatribes de cet homme, c'est que lui, qui jusqu'à un mois a soutenu par tous les moyens l'unité de son parti, se met maintenant, après le congrès de Malines et le discours de Mgr Mercier sur cette grande unité, à traiter tout le monde, et même le cabinet, de schismatiques et de briseurs d'unité. « Traiter » n'est ici pas une exagération : le dernier article de Woeste dans l'édition d'octobre de La Revue Générale est une avalanche de malédictions, un déferlement de malédictions contre tout ce qui est un jeune catholique dans ce pays, y compris le cardinal-archevêque, même si son nom n'est pas mentionné, comme celui de Schollaert, qui doit surtout en faire les frais... Heureusement, personne n'écoute plus l'« Éminence Verte », comme on appelait autrefois Woeste : une Éminence qui a bien chuté dans l'opinion. Les journaux, en particulier ceux de sa tendance plus spécifique, haussent les épaules devant ce fait. Un organe ministériel l'a moqué en le qualifiant de « dernière plainte de Jérémie », et même Mgr Mercier est descendu de sa dignité de cardinal à ses devoirs de citoyen belge - ce sont ses propres mots - pour, dans une interview, une fois pour toutes, exposer Woeste, bien que sans le nommer, mais avec des allusions claires. Inutile de dire que le cardinal s'exprime dans un sens progressiste : la direction du parti catholique est, depuis les jours de Malines, sans la moindre hésitation ou réserve, sans les distinctions d'autrefois et le souci d'épargner les membres plus prudents du parti, clairement démocratique. Il ne peut donc même plus être question de véritable scission : la tendance a simplement changé, et ceux qui ne souhaitent pas suivre la majorité restent en arrière ou disparaissent...
On ne parlera pas non plus de scission à l’égard de ce qui se passe actuellement parmi les libéraux bruxellois, bien que cela témoigne du mécontentement de plusieurs milliers d'entre eux. Ce mécontentement découle de l'attitude clairement anti-flamande de la plupart des figures de proue du parti libéral. En effet, moins que les catholiques, qui, étant en contact avec la population rurale, ont donc été contraints de rester flamands ; moins même que les socialistes, qui le sont par principe, puisque le respect et la défense des intérêts flamands figurent dans leur programme, même s'ils ne sont pas toujours d'accord avec ce que les Flamands conscientisés exigent ; donc moins que les autres partis, le libéralisme belge est flamingant, en partie par tradition, en partie parce qu'il se compose principalement de cercles industriels ou commerciaux supérieurs, dont la relation avec le peuple est celle d'un maître à un serviteur, ce qui provoque une aversion involontaire mais très réelle, ou du moins un mépris pour ce qui est spécifiquement du peuple, y compris sa langue. Citer des exemples de cela me conduirait trop loin : vous vous rappelez ce que je vous ai dit sur les « barons du coton » de Gand, et mon confrère d'Anvers vous a parlé plus d'une fois de l'attitude des courtiers et des grossistes dans notre premier port maritime.
Il y a maintenant une fraction flamingante du libéralisme bruxellois qui a voulu changer cela : elle a fondé une « Ligue Populaire Libérale de l'Arrondissement de Bruxelles », qui bien sûr laisse le programme libéral dans ses grandes lignes inchangé - un suffrage universel pur, une obligation scolaire, un service militaire personnel et général - mais y ajoute les « intérêts linguistiques » suivants :
a) Garantir les droits linguistiques des Flamands par l'application et la complétude équitables des lois linguistiques.
b) Le flamand est la langue d'enseignement des enfants flamands dans l'école primaire. L'enseignement du français selon les besoins de la population.
c) Réorganisation de l'enseignement normal à Bruxelles, de sorte que tous les enseignants soient en mesure d'enseigner toutes les matières dans les deux langues.
d) Respect strict de la loi de 1883 concernant l'utilisation du néerlandais dans l'enseignement secondaire. La validité des certificats délivrés par les établissements libres du pays flamand dépend de conditions similaires.
e) Réorganisation de l'enseignement normal secondaire pour former des régentes pour les écoles de filles flamandes.
f) Flamandisation de l'Université de Gand avec la création d'une faculté d'agriculture et d'une école vétérinaire, et ajout d'une école des mines aux écoles techniques.
g) Mise en place de cursus flamands au Conservatoire de Bruxelles.
h) Connaissance obligatoire du flamand pour tous les fonctionnaires publics nommés dans les régions flamandes.
i) Connaissance appropriée du néerlandais pour les fonctionnaires rémunérés du service diplomatique et consulaire.
j) Connaissance obligatoire du flamand à l'examen d'entrée de l'école militaire et pour tous les médecins militaires.
k) Utilisation de la langue flamande dans les tribunaux et les affaires judiciaires en matière civile et commerciale.
On le voit : il ne peut être question de divisions au sein des « rangs libéraux », comme cela se dit, mais plutôt d'un renforcement, puisque les Flamands, qui placent leur flamingantisme au-dessus de leurs principes politiques - il y en a beaucoup ! - n'auront plus besoin de se tourner vers le parti qui défend le mieux les intérêts flamands. Et ainsi, les libéraux pourraient gagner quelques milliers de voix lors des prochaines élections...
Ou bien gagneront-ils également le ministère lors de ces élections ? Il n'y a pas beaucoup d'espoir. Le changement d'attitude parmi les catholiques les a certainement rendus plus forts : le congrès de Malines n'a pas été une consolation pour les partis d'opposition ; il ne faut pas se leurrer, les chances de l'opposition ne seront pas meilleures en 1910 qu'en 1908 ; peut-être gagnera-t-elle un siège ici ou là, mais elle ne renversera certainement pas le parti au pouvoir ; le fait que l'influence de Woeste soit entravée et que son opinion soit ignorée par les premiers de ses camarades de parti prouve une alliance plus étroite des forces catholiques, une meilleure compréhension des circonstances, un effort opportuniste sur le plan social, qui rassure beaucoup de monde et est approuvé par beaucoup. Et cela ne peut pas avoir pour conséquence un affaiblissement. Ainsi, les catholiques pourraient bien perdre encore quelques sièges, mais cela ne signifie pas qu'ils tomberont de la gouvernance. Ce qui n'empêche pas que, dans un mois peut-être, nous aurons un ministère partiellement libéral.
Cela peut sembler un peu fou, et je trouve cela un peu fou aussi. Mais... on le dit, et pour le plaisir, je vous le rapporte. L'histoire tourne bien sûr autour de la question de la réforme de l'armée, qui sera à nouveau à l'ordre du jour de la Chambre mardi. Vous savez déjà que le ministre Schollaert s'accroche obstinément à son projet - ne serait-ce que pour avoir une raison de démissionner, affirment certains. Pour ce projet, il n'y aura certainement pas de majorité ; en tout cas, il ne pourra pas soutenir « l'accord des partis », l'unanimité des partis. Et maintenant, les rumeurs suivantes circulent : Schollaert pourrait démissionner ; on demanderait à Cooreman de former un nouveau Cabinet ; il refuserait l'honneur ; Renkin interviendrait et réaliserait un souhait de Léopold II : il formerait un ministère à droite et à gauche, composé de jeunes catholiques et de libéraux, qui résoudrait la question militaire dans le sens d'un service militaire général et personnel...
Permettez-moi de vous dire que je suis très sceptique à ce sujet : une grande politique de ce type n'est pas à attendre en Belgique, en voyant comment, par exemple, les socialistes et les jeunes catholiques, qui veulent pratiquement la même chose, ne laissent passer aucune occasion de se détester. Et une Chambre où les socialistes et les anciens catholiques devraient travailler ensemble en opposition : je peine à y croire. Ou rêve-t-on d'une grande unification d'une Chambre véritablement « nationale » ? « Laissez-moi rire ! », dirait un vrai Bruxellois...
Un vrai Bruxellois, qui rêvait aussi « national », a été enterré ces jours-ci, à savoir Léon Lepage, échevin de l'enseignement, qui n'était justement pas un ami des flamingants, et un patriote qui aurait pu rendre de bons services en 1830. L'homme est mort et je vais donc le traiter avec tout le respect qui lui est dû. Mais qui peut approuver qu'il ait contraint les écoliers à commémorer, par des chants et des défilés, la révolution de l'année 1830, alors que le gouvernement avait justement décidé, depuis longtemps, d'abolir officiellement toute commémoration d'événements que de nombreux Belges continuent de considérer comme néfastes ?... On reprochait également à l'échevin Lepage de ne pas vouloir s'impliquer dans l'enseignement flamand. Cela a peut-être été exagéré. Ce qu'on lui reprochait surtout, c'était sa trop grande confiance dans les bureaux de la commune. Un échevin d'une ville comme Bruxelles a beaucoup à faire ; il s'en remet parfois à un chef de service, et il se trouve que l'échevin Lepage n'a justement pas trouvé de chef de service flamand lorsqu'il a pris ses fonctions... Qu'il repose en paix, et que son successeur ne soit pas aussi crédule...
Je peux bien clore mon aperçu ici. D'autant plus que dans quelques jours, pour le journaliste, c'est la période creuse, et pour le membre de la Chambre, les vacances sont finies. Et maintenant, je vais voir le défilé Ferrer qui va marcher dans nos rues. Que Maura se maintienne avec courage !...
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 24 octobre 1909)
Bruxelles, 23 octobre 1909
Vous ne m'en voudrez pas de ne pas vous faire un compte rendu jour après jour de ce qui est dit depuis mardi dernier à la Chambre des Représentants au sujet des réformes militaires.
Nous sommes réunis en session extraordinaire. La session ordinaire de 1909-1910 doit commencer le deuxième mardi de novembre. Il nous reste donc juste une douzaine de jours pour discuter du projet de loi militaire et le voter. À moins qu'on ne décide cette année de ne pas tenir de session ordinaire et de continuer à débattre jusqu'à ce qu'on se sépare pour la campagne électorale de 1910. Cela pourrait peut-être être le seul moyen d'arriver à une solution d'une question encore très immature, loin d'être définitive et très compliquée. Car si l'on continue comme on l'a fait cette semaine, il sera impossible d'être prêt au début de novembre, ce qui ne serait même pas souhaitable, car la précipitation ne pourrait nous donner qu'une loi très imparfaite. À moins que ne se réalise ce que j'ai prédit depuis des mois : la suspension de la discussion au début de la session ordinaire et le renouvellement du débat après les élections. Il y a des confrères qui croient aussi, comme moi, que ce dernier point est vrai, et je sais que de nombreux membres de la droite, malgré les souhaits du ministre Schollaert, ne pourraient pas demander mieux...
Entre-temps, on parle beaucoup, et de cette parole on tire cette seule impression : hésitation, surtout à droite, mais aussi à gauche. En effet, à droite, on semble être d'accord, ou presque. Les partisans de Woeste veulent adopter le système gouvernemental à condition que le remplacement soit maintenu. Et les jeunes catholiques sont si gentils de l'accepter, à condition que la proposition Schollaert ne soit pas trop ruinée par des amendements. Cela n'empêche pas que Verhaegen, qui est le leader de la jeune droite, déclare publiquement qu'il ne ressent que du dégoût pour le remplacement rémunéré et que personne, même parmi les vieux catholiques, ne peut nier que le remplacement en fait annihile le principe d'égalité de la loi, et que le mal qu'on voulait combattre, à savoir une armée composée uniquement de pauvres, continue d'exister plus que jamais, car le gouvernement et ses amis cèdent à ce que les vieux de la partie imposent comme condition sine qua non de leur approbation.
À gauche, on est bien entendu d'accord pour exiger l'abolition du remplacement, d'autant plus qu'il existe à la Chambre une majorité des trois partis pour voter cette abolition. Mais, là où il y a des irréconciliables qui ne veulent entendre parler que de service universel et personnel, il y en a d'autres qui ne perdent pas de vue que ce dernier système produit chaque année un surplus d'hommes et entraîne une augmentation considérable des charges militaires ; tandis qu'on n'est même pas d'accord sur les éventuelles exemptions et sur la durée pendant laquelle les recrues devraient rester sous les drapeaux.
Discuter du présent projet de loi en pleine connaissance de cause est par ailleurs complètement impossible. En effet, on ne sait toujours pas ce que le système gouvernemental « un fils par foyer » va produire ; seule l'expérience de quelques années pourra l'éclairer avec certitude. Et il est donc impossible de dire si le tirage au sort, aboli par le projet de loi, devra être réaménagé à chaque fois pour réduire un éventuel excédent aux proportions nécessaires. Théoriquement, on pourrait aussi dire contre le principe d'égalité de la loi que celui-ci, fondé sur la famille en tant qu'unité, comme « cellule sociale », n'est pas en accord avec le principe d'égalité de nos autres lois, les lois électorales par exemple, qui reposent sur l'unité individuelle.
D'un autre côté, il faut reconnaître, avec M. Franck, que le projet de loi rompt avec l'arbitraire et défend le principe du service universel. De plus, l'argument selon lequel, avec la nouvelle loi, les familles nombreuses - ce qui est le cas en Flandre - ont un avantage sur les familles moins favorisées ou qui renoncent à de telles bénédictions - comme c'est le cas en Wallonie - tombe, puisque dans le cas du service universel, les familles flamandes contribueraient plus que les wallonnes : des rapports qui ne peuvent pas être modifiés et qui dépendent uniquement de l'état de la population.
Cela dit, et aussi incertain sur le principe, difficile à réaliser, peu pratique que soit le projet de loi actuel : la première conséquence est, même si le gouvernement le dit autrement, que le principe d'une armée de volontaires, comme l'introduit la loi de 1902, a subi un coup important. Cette aversion pour une armée de soldats se transfère nécessairement sur le remplacement rémunéré. Ce « commerce de chair humaine », comme le disent, un peu crûment, les socialistes, n'est absolument pas contraire à la volonté de la population rurale, surtout en Flandre ; de nombreux jeunes paysans voient dans les seize cents francs qu'ils peuvent ainsi gagner en quelques années un moyen de s'établir de manière indépendante en retournant dans leur village, ce qui freine l'exode vers la ville, et pourrait donc être défendu. Mais n'est-il pas, sur le plan moral, malheureux que nous fondons la défense du pays sur de telles considérations ? D'autant plus que la nouvelle loi, en maintenant le remplacement, favorise ce dernier, le systématise en quelque sorte, puisque la chance d'un bon numéro n'accroît plus le dégoût du service militaire...
Ainsi, jusqu'à présent, les choses se présentent. La discussion de cette première semaine ne laisse pas deviner le chemin qu’on veut emprunter. Reste, comme je l'ai dit, l’impression d'une incertitude générale.
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 1 novembre 1909)
Bruxelles, 30 octobre 1909
La solution de la question militaire ? Non, pas encore en réalité. Et la crise ? Pas de quoi en parler !
Vous pensez peut-être que j'ai gardé le silence un peu trop longtemps. Je ne l'ai pas fait sans raison. Par prudence, d'une part. Et aussi par obstination. Ces vices de vertu - ou préférez-vous les appeler des vertus de vice ? - ne sont peut-être pas compatibles avec la fonction de journaliste. Un journaliste doit être téméraire et peut être accommodant jusqu'à la palinodie. Mais dans ce cas, j'ai été prudent, car je connais cette passion politique dans notre pays et je sais à quel point on envoie facilement des nouvelles dans le monde, qui ne reposent souvent sur rien d'autre que sur des apparences et où des désirs sont pris pour des vérités. Et j'ai été obstiné, car je sais qu'il existe dans notre Chambre une majorité en faveur de l'abolition du remplacement et en faveur du service universel, qui repose également sur l'unité individuelle ou l'unité familiale. Et, bien que je me sois, en m'appuyant sur le discours de Verhaegen, un instant demandé quel serait le résultat final - je n'ai pas sans raison parlé d'hésitation, à gauche comme à droite - les chances sont maintenant si favorables que je ne pourrais croire à la victoire de la majorité, au triomphe du service universel, soutenu par les deux gauches et par la fraction rajeunie de la droite. Et c'est pourquoi je suis heureux d'avoir été prudent et obstiné, et d'avoir gardé le silence sur la crise.
La crise a en réalité été une histoire intéressante. Imaginez : Verhaegen, porte-parole des jeunes catholiques, avocat du gouvernement, plaide pour l'unité. On connaissait sa préférence, ainsi que celle de ses amis, pour l'abolition du remplacement. Il est prêt à renoncer à cette opinion personnelle si le groupe Woeste accepte le service universel, basé sur la formule « un homme par famille », c'est-à-dire, reconnaître la faillite du système de volontariat. En agissant ainsi, Verhaegen sapait en réalité le principe même du projet de loi gouvernemental : service universel et remplacement ne sont logiquement pas compatibles. Mais c'était une belle réponse à Woeste, qui avait traité les jeunes catholiques de fauteurs de schisme dans son article de la Revue Générale.
Woeste, qui ne tolère pas de telles leçons, chercherait naturellement à se venger. D'abord, il avait laissé la droite, dans ses réunions de parti, agir seule ; il ne s'y était pas montré. Mardi dernier encore, le matin, on disait qu'il était malade. Cette maladie - qui est d'ailleurs bien réelle - n'a cependant pas empêché M. Woeste, lors de la séance de mardi après-midi, de prononcer le discours le plus haineux contre le gouvernement qu'on puisse imaginer. Les amis anversois de M. Woeste, les hommes de « personne n'est un soldat contre son gré », en avaient été avertis : c'est pourquoi le Handelsblad d'Anvers a prophétisé la crise comme inévitable avant même ce discours, et l'a même déclarée ouverte.
Cette nouvelle a bien sûr résonné dans la presse libérale et socialiste : elles y voyaient la possibilité d'un ministère de gauche qui résoudrait la question. Cependant, la question se posait de savoir si un cabinet libéral-socialiste était vraiment possible ; à cette question, de nombreux socialistes influents ont répondu par la négative ; et, alors qu'on se trouvait donc confronté à l'impossibilité d'un ministère uniquement libéral qui devrait gouverner avec une minorité - du moins sur les questions de politique générale -, on voyait la droite dans le plus grand désarroi, on y voyait de la colère et de la haine déchaînées. S'ajoutaient à cela encore d'autres discours favorables à Woeste. Ainsi, il semblait bien inévitable : le gouvernement n'avait plus la confiance du parti ; il devait tomber ; et à sa place, on ne voyait rien en perspective, sinon un cabinet de liquidation qui ne saurait résoudre la question des réformes militaires et mènerait la droite à sa chute. Ainsi en avait décidé Woeste, qui préférait voir son parti s'effondrer plutôt que de céder à Schollaert, un homme bien, disait-il, mais imprudent, à ses yeux !
Entre-temps, on ne savait rien des vues de Schollaert. Avait-il peur de Woeste ? Ou, au contraire, allait-il lui tenir tête ? Une seule carte était en sa possession : le discours de Woeste n'avait pas reçu le moindre applaudissement. Son triomphe n'était pas bruyant. Cela prouvait que, si le gouvernement n'était pas suivi de manière unie par son parti, la majorité n'était donc pas pour Woeste. De là, il en déduisit, à juste titre : alors la majorité du parti est pour moi. Et il lui semblait que, puisque les partisans de Woeste ne voulaient pas céder, il pouvait également laisser tomber la concession de la part du gouvernement. Il se tut et attendit...
Et maintenant, les journaux qui, du côté catholique, avaient déclaré la crise ouverte, devaient reconnaître qu'ils avaient été un peu prématurés. Un journal libéral déclara : « Il faut qu'une crise soit ouverte ou fermée ». Un autre journal, qui se dit neutre parce qu'il compte peu de rédacteurs cléricaux qui sont les confidents de ministres très catholiques, soutenait avec force que la crise qui avait menacé un instant était à jamais écartée. Moi-même - ne m'en voulez pas de m'immiscer aussi directement dans cette page d'histoire en tant qu'acteur - j'étais suffisamment informé pour garder le silence...
Et voyez, lors de la séance de vendredi dernier, le jeune catholique Lévie s'exprima comme une pendule entre deux candélabres, entre le radical Janson et le doctrinaire Hymans : un discours percutant, d'une logique implacable, dans lequel il montrait aux catholiques belges l'exemple des catholiques hollandais en matière de service militaire : un exemple qui semblait un peu forcé, car je me souviens que le groupe Schaepman n'avait pas été très accueillant à cet égard ; bien qu'il soit également vrai qu'aux Pays-Bas, le sentiment national est bien plus fort, en général, qu'en Belgique, et qu'on y arrive à se placer, dans les affaires d'ordre général, au-dessus des intérêts de parti plus que chez nous...
Conclusion : la crise a eu lieu, et la solution souhaitée émerge de « l'accord des partis ». Les amis de Woeste sont bien entendu furieux : l'admirable vieil homme a trop attendu d'une autorité qui s'avère complètement brisée. Ses armes se sont retournées contre lui-même. Son Pereat est devenu son propre arrêt de mort...
Cela ne veut pas encore dire que nous vivons dans cette session la victoire du service militaire. On dit que la jeune droite devrait charger deux de ses membres de négocier avec les partis d'opposition. Ces partis d'opposition seront bien entendu disposés à cela. Mais dans l'opposition, il y a des nuances concernant le service militaire. Mechelynck, au nom des libéraux modérés, a presque déclaré : « Abolissez le remplacement, et vous nous trouverez prêts à négocier. » D'autres disent qu'ils ne sont pas opposés à l'exemption pour les clercs. Delporte, en revanche, un socialiste, ne veut rien savoir de cette exemption. Ses camarades de parti brandissent des arguments prolétariens pour l'assister dans cette position. En outre, un compromis devra certainement être recherché entre le concept de service militaire universel avec comme unité la famille - ce qui apporte assurément beaucoup de difficultés - et le concept de service militaire universel avec unité individuelle. Maintenant qu'on peut penser que la majorité de la Chambre est d'accord sur la nécessité de réformes dans le sens du service universel, la difficulté commence à trouver une formule pratique. Si les négociations prouvent que « un homme par famille » ne satisfait pas, que se passera-t-il alors ? Le ministère tombera-t-il alors quand même ?
Je ne le pense pas. Plus que jamais, et maintenant sur des bases solides, le gouvernement a le droit de mettre en garde contre la précipitation. C'est le meilleur moyen d'empêcher que, avant les élections de début 1910, quoi que ce soit se produise. Et... ai-je toujours pas prédit qu'il faudrait d'abord attendre une solution décisive ?...
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 8 novembre 1909)
Bruxelles, 6 novembre 1909
Nous avons encore passé une semaine de discussions militaires et je peux ici poursuivre mon aperçu historique et critique de l’évolution et de l’histoire de la nouvelle loi, qui doit garantir la défense de notre territoire. Je préfère procéder ainsi, semaine après semaine, plutôt qu'après chaque réunion : de cette manière, j’ai une vision plus claire de ce qui s'est passé ; tous les éléments accessoires, fortuits ou personnels qui pourraient troubler, gêner ou diminuer la discussion disparaissent quand, arrivé au samedi, on peut revoir en mémoire ce qui s'est passé mardi, mercredi, jeudi et vendredi ; peu à peu, les grandes lignes se précisent, les arguments pour et contre se dessinent plus nettement, les perspectives deviennent possibles, et les tournants peuvent être anticipés ; même si le lecteur peut perdre peut-être une image plus vivante des séances (mais je vous ai déjà décrit tant de fois la Chambre des représentants belge que vous commencez certainement à bien la connaître, je suppose !), le discours devient certainement plus solide grâce à ces lettres. Et c'est de cela qu'il s'agit pour moi : d'un discours solide, et non de confusion, dans une affaire, dans une discussion, qui n'est déjà pas si claire et si noble que l'on pourrait le souhaiter.
Je vous ai dit dimanche dernier comment les choses se présentaient : la nature de la taxation d'État, l’attitude autocratique de M. Woeste, au lieu de rallier autour de lui la majorité de la droite, a eu l'effet inverse. M. Levie a exprimé courageusement l'avis des jeunes catholiques, a appelé à la coopération des droites, et a posé la question d'emblée sur le plan politique. Conséquence : Woeste se trouvait désormais seul à la tête d'un petit groupe de fidèles ; le gouvernement et la très grande majorité des catholiques pouvaient être considérés comme ayant entamé des négociations avec la gauche ; il semblait que nous étions un peu plus près d'une solution, une solution qui satisferait tout le monde, pourvu qu'elle soit l'œuvre d'une majorité des trois partis.
Ce qui était cependant certain, c'était la scission définitive et implacable au sein des catholiques ; une scission, non provoquée par le groupe démocratique, mais par « l'homme néfaste » lui-même, par Charles Woeste.
On ne pouvait en réalité avoir qu'un respect pour la bravoure, pour l'inébranlable obstination de ce vieil homme qui, malade, défie la maladie pour défendre ses convictions politiques ; qui, suivi seulement par quelques disciples peu brillants, les repousse d'un geste véhément, conscient que sa force grandit à mesure qu'il se trouve plus isolé ; qui sait qu'il va tomber, mais est si sûr de sa bonne foi et de son bon droit qu'il tombera avec une conscience tranquille, convaincu qu'il a fait son devoir et que les autres s'égarent. L'erreur majeure et la grande force de M. Woeste a toujours été qu'il a toujours identifié sa foi religieuse à sa conviction politique. Tout comme il est convaincu que sa religion est la seule véritable, il pense qu'il ne doit y avoir aucun doute sur l'authenticité et la vérité de sa politique. D'où ses attaques enflammées contre tout gouvernement qui ne partageait pas entièrement son avis. Ces gouvernements étaient aussi sincèrement croyants et aussi catholiques que Woeste lui-même ; mais Woeste avait d'autres opinions politiques, et c'est pourquoi il osait même douter, parfois ouvertement, du caractère catholique de ces gouvernants. J'ai une preuve de cela que, trop personnelle, je ne peux partager. Il s'agit d'une lettre de M. Woeste, dans laquelle il déplore qu'un catholique influent ait pu s'écarter, sur certains concepts politiques, des idées de M. Woeste... non, du catholicisme romain. En réalité, c'était M. Woeste qui se trompait, pensant en toute sincérité qu'il était infaillible sur le plan politique, tout comme il l'est sur le plan doctrinal...
Mais revenons aux débats. Ou plutôt, puisque c'est depuis jeudi dernier qu'ils ont commencé : à la scission. Car la première séance de la semaine, mercredi - nous avions congé mardi - n'était qu'une préparation. L'« appel loyal » de M. Levie avait été entendu à gauche ; M. Vandervelde lui avait répondu. Et comme prévu, il a déclaré : Nous, socialistes, restons fidèles à la conscription générale, et plaçons l'égalité des individus au-dessus de l'égalité des familles. Pourtant, nous reconnaissons qu'un accord peut être conclu, à condition cependant qu'il n'y ait pas de remplacement ; en revanche, nous sommes prêts à accorder l'exemption aux ecclésiastiques. Lors de cette même séance, le catholique de Broqueville a également fait une approche. En général donc, une bonne journée pour l'« accord des partis », malgré les interventions malveillantes et les insinuations de M. Woeste. Ainsi, beaucoup était attendu pour le jeudi suivant, où la discussion générale devait être clôturée : le gouvernement allait certainement faire une déclaration et, au grand dam des envieux, se diriger calmement vers un accord.
Cependant, ces envieux étaient bien décidés à mettre tous les bâtons dans les roues. Et cela a commencé dès jeudi matin, lors d'une réunion de parti. Woeste ne participe plus à ces réunions de parti ; mais ses lieutenants étaient là, belliqueux. Et il y avait aussi un groupe d'hésitants qui, d'une part, pensaient à la manière dont leurs électeurs réagiraient s'ils votaient oui ou non, et d'autre part ne pouvaient oublier que Woeste était tout de même un leader de parti. Un autre dirigeant de parti, l'ennemi intime de Woeste, le vieil homme Beernaert, avait proposé une petite réconciliation : le remplacement serait aboli en temps de guerre ; quiconque souhaiterait être remplacé en temps de paix devrait s'entraîner pendant un certain temps aux armes ; chaque année, le contingent serait déterminé par la loi. Mais il ne pourrait rien en sortir d'un accord. Schollaert, convaincu qu'il avait toutes les cartes en main, préférait se passer de la coopération totale de son parti que de renoncer à sa liberté d'action. Et alors, l'orage éclata, surtout au-dessus des têtes des ministres Schollaert, Renkin et Helleputte.
L'après-midi, cependant, la situation allait devenir encore plus belle ! Où était l'« union indéfectible » de feu le Trooz ? Était-ce le résultat de l'appel de Monseigneur Mercier au Congrès de Malines ?... On peut le dire : c'était le dernier coup porté à l'autorité de Woeste. Tout ce qui avait été, par respect ou tactique, jusque-là tu, fut enfin dit, et encore par des voix ministérielles. C'était plus qu'une déclaration de guerre mutuelle : c'était un combat public... Malgré la malveillance et les interruptions venimeuses de Woeste et de ses suiveurs, le discours du ministre Schollaert était empreint de dignité. Il avait espéré pouvoir compter uniquement sur son parti pour parvenir au résultat souhaité. Cela s'est révélé impossible, et c'est pourquoi il accepte maintenant l'aide de tous avec empressement. À quoi cela tient-il ? À fournir au pays l'armée dont il pourrait avoir besoin, sans toutefois dépasser ces nécessités. C'est pourquoi le système allemand : conscription générale et personnelle nous en demande trop. Nous n'avons besoin que de 15 300 hommes. Le système des volontaires ne nous le donne pas. Nous voulons abolir le tirage au sort. Reste alors un système d'exemption. D'où notre proposition. Reconnaissant toute amélioration proposée, nous l'examinerons avec empressement. Nous sommes également prêts, dans la mesure du possible, à limiter la durée du service. Et pour prouver que nous ne sommes pas du tout contre les volontaires, nous voulons bien inscrire dans la loi quelles fonctions et quels postes leur seront attribués après leur service. Ainsi, nous espérons parvenir rapidement à un résultat. Car nous renonçons aussi au remplacement, puisque nos adversaires politiques veulent bien nous accorder l'exemption pour les ecclésiastiques.
Chacun pensait : demain, vendredi, nous allons assister à ce que, maintenant que le gouvernement a exprimé, malgré sa proposition d'« un fils par famille », même sa bonne volonté envers la conscription personnelle, nous allons donc assister à ce que l'on va commencer calmement la discussion des articles. Cependant, il y a encore eu une déception. Les libéraux, à savoir, sachant que le vote sur la loi est maintenant en partie entre leurs mains, avaient décidé le matin de ne pas abandonner leur idéal de conscription personnelle, quoi qu'il arrive. Ils ont donc exigé lors de la séance de l'après-midi de vendredi qu'avant que l'article I soit discuté, il soit voté sur le principe de la conscription personnelle. Une question de procédure, mais d'une grande importance, à laquelle le gouvernement n'a pas voulu se prêter. A-t-il peur qu'une fois le principe voté, les libéraux fassent obstruction lors de la discussion de la loi ? Que, une fois que le système « un foyer, un homme » serait discuté, la gauche voterait avec le groupe Woeste, et ainsi une loi serait adoptée qui, au-dessus des catholiques, adopterait intégralement la conscription générale et personnelle, de sorte que dans tout cela, la droite, qui voterait à tour de rôle avec la gauche, serait flouée et contribuerait à une loi dont personne de droite ne veut entendre parler ?... Mais cela serait tout de même beaucoup de douter de l'intégrité des députés comme Hymans, Franck et Mechelynck...
Ainsi, à la fin de cette semaine, nous nous retrouvons encore devant un grand point d'interrogation, et nous ne pouvons pas dire que nous sommes beaucoup plus avancés que dimanche dernier...
Que nous apportera mercredi ?...
Bruxelles, 12 novembre 1909
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 13 novembre 1909)
On pourrait être tenté de considérer cela comme une pièce de théâtre amusante, avec toutes sortes d'incidents gênants, des rebondissements spirituels, et la plus confuse des intrigues qu'on puisse imaginer, mais dont on savait en même temps, qu'elle devait, malgré tout, se terminer par... le mariage des personnages principaux. On pourrait en effet le prendre pour une blague, un joli puzzle, une « comédie des mœurs parlementaires », n'était le fond de toute cette affaire si sérieusement grave, et que, avec notre politique de parti belge, nous avons beaucoup de mal à garder de telles choses dans les limites du sérieux, loin des intérêts mesquins.
Je vous ai raconté semaine après semaine l'histoire de cette loi sur les réformes militaires, aussi objectivement que possible. En maintenant que j'examine les quatre semaines qui nous séparent du début de cette session, je vois principalement des choses laides, des manœuvres peu nobles ; une main tendue vers l'ennemi, qui se retire rapidement lorsque l'ennemi, bien que hésitant, essaie aussi de tendre la main ; un sourire, mais qui disparaît bientôt sous des lèvres pincées, dès qu'un mot conciliant est prononcé. En réalité, de chaque côté, dans chaque parti, il y a une peur que la question militaire soit effectivement résolue par les trois groupes parlementaires, comme un véritable problème national.
Entre-temps, heureusement - et je dis : « heureusement », aussi en ce qui concerne le parti catholique ; et je sais aussi qu'il y a un beau nombre de députés catholiques qui seront trouvés, prêts à dire publiquement demain : « heureusement », - entre-temps, le grand conflit a éclaté sur les bancs de la droite. Woeste, aigri par le fait qu'on l'abandonne expressément et presque par fanfaronnade à son sort, a résolu le nœud avec colère ; il pensait qu'en agissant ainsi, il ferait peur aux plus audacieux et dompterait définitivement les hésitants. Woeste se trompait ; il a donné courage aux plus audacieux, et ce courage a rapidement gagné les hésitants. Ainsi, Woeste a rendu un grand service à son parti ; son attitude venimeuse et obstinée a ouvert les yeux à beaucoup ; ainsi, un cabinet catholique a œuvré pour une réforme qui profitera sans aucun doute au parti catholique, qui peut-être maintiendra le pouvoir quelques années de plus. Et c'est ainsi que M. Woeste, qui aurait tant aimé voir le cabinet Schollaert tomber, a permis à ce cabinet de rester au pouvoir encore un moment.
Je vous ai dit que cela avait été un travail agréable : quelque chose comme une « comédie des erreurs », un vaudeville de quiproquos. En réalité : une semaine angoissante, pour ceux qui ont vu comment la discipline de parti s'est levée et s'est abattue, comment il a été enfantin d'avoir peur que la question soit résolue uniquement par la droite ou principalement par la gauche ; comment il a été difficile de faire avancer l'« accord des partis », dont chacun parle si facilement, mais que si peu osent envisager... Enfin, nous sommes arrivés au jour d'aujourd'hui : le seul jour de la semaine où la question militaire allait être discutée. Et vraiment : un jour heureux, où chacun a osé mettre de côté des intérêts partisans étriqués pour parvenir à un résultat qui, bien qu'il ne soit certainement pas parfait et qu'il apporte sans aucun doute des modifications nécessaires, a néanmoins permis de se libérer d'un esprit de politique qui, venant de la gauche, a pu applaudir le gouvernement, et le gouvernement a pu dire en toute sincérité qu'il pouvait, heureusement, compter sur la gauche...
Je ne vais pas vous décrire la séance, même si elle a été festive. Une salle pleine à craquer, en bas où siègent les députés ; en haut, où, devant les loges des diplomates et des sénateurs, se trouvent les tribunes de la presse, des bureaux et des questions, qui penchent vers le public. Des dames qui, vraiment, n'avaient pas peur d'être mises à la porte, et qui, contre toute interdiction, applaudissaient jusqu'à ce que leurs gants se déchirent. De petits rentiers, qui venaient faire leur sieste ici, et qui ont été si dérangés aujourd'hui qu'il pourrait en résulter quelques cas de maladie. Des soldats qui, d'habitude nonchalants, semblaient soudainement pris d'une danse patriotique de Saint-Vit, qu'ils ont manifestement du mal à contrôler. Et là en bas : la « verte éminence », aujourd'hui véritablement verte de chagrin et, hélas, peut-être même de douleur physique : le pauvre et malade M. Woeste, vaincu et, ce qui est plus, entièrement désillusionné.
Le Telegraaf vous l'a peut-être déjà dit : la gauche libérale et socialiste, réservant ses propres idéaux et projets éventuels en matière de service militaire, a néanmoins accepté le système gouvernemental de « un fils par famille », à condition que le gouvernement réduise la durée du service et renonce à la substitution. À quoi le gouvernement a répondu : nous abolissons la substitution, et la durée du service sera généralement fixée à quinze mois.
Je ne veux pas vous ennuyer davantage avec la description de la séance. Il serait douloureux de revenir sur le dernier éclat de colère de Woeste, de s'attarder sur la position peu courageuse et presque parjure du ministre Liebaert - bien qu'il faille reconnaître que la position de chaque ministre est restée relativement stable dans cette affaire -, et même d'insister sur un certain enthousiasme quelque peu superficiel, tant à droite qu'à gauche.
En réalité, tout se résume maintenant à ce qui suit : nous allons avoir dans notre pays un service militaire personnel ; le tirage au sort et la substitution sont abolis. Et cela, surtout, a été un triomphe pour les belles dames des tribunes réservées. Pourquoi ne devraient-elles pas applaudir aussi ?...
Cependant, nous ne connaissons pas encore la forme définitive de la loi. La discussion commence à peine. Et il se pourrait bien que l'enthousiasme de certains ici ait laissé quelques plumes...