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Chroniques politiques et parlementaires du Nieuwe Rotterdam Courant (traduction) (1906-1914)
VAN DE WOESTYNE Charles - 1906

VAN DE WOESTYNE Karel, Chroniques politiques et parlementaires (avril 1909)

(Paru à Rotterdam, dans le quotidien "Nieuwe Rotterdamsche Courant")

De Coremans à Franck (19) - La commission militaire (29) - La « Journée d'étude flamande » catholique à Louvain (29)

De Coremans à Franck

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 19 avril 1909)

Bruxelles, 16 avril 1909

Je vous prie de m'excuser mille fois si, chaque fois que je parle de politique ici, je reviens toujours au même sujet ou à un très petit nombre de sujets : dans notre cuisine politique, à gauche, à droite et au centre, on mijote, chacun à son tour, le même ragoût ; chacun le fait à sa manière, ce qui provoque sarcasmes amers ou vives oppositions de la part des partis adverses, mais sans que le menu ne change jamais. Seules les cuisinières alternent, qu’elles se nomment Vandervelde, Paul Hymans ou Woeste, pour citer des noms qui ajoutent simplement une sauce différente aux mêmes restes.

Au cours des deux dernières années, nous avons certes eu, après quelques années de disette, une entrée qui a pris les proportions d’un plat principal et qui s’est révélée moins facile à digérer que le roi Léopold – le maître d’hôtel de notre politique – ne l’avait espéré. Je veux parler, vous l’aurez deviné, de l’annexion du Congo. Mais cette indigestion est désormais un mauvais souvenir : maintenant que le prince Albert, par sa visite, va rendre notre colonie sympathique et que sa rencontre, là-bas au pays noir, avec le ministre Renkin, va prendre une signification nationale semblable à celle de l’inauguration, par exemple, du port de Bruges, il ne restera de ce désordre intestinal qu’une petite piqûre de rappel lors de la discussion annuelle du budget. Ainsi, depuis novembre dernier, nous sommes revenus à notre routine quotidienne, et chaque parti, à tour de rôle et selon son goût, s’occupe de remuer le chaudron et de poivrer le plat.

Faire le bilan des deux dernières années est facile : comme je vous l’avais annoncé, les catholiques ont pris aux socialistes la croûte dure de la réduction des heures de travail dans les mines et en ont fait un plat qui, même s’il n’est pas préparé exactement selon le livre de recettes socialiste, semble toutefois leur convenir. Comme je l’avais aussi prédit, le général Hellebaut, avec une troupe ministérielle plutôt timide, a ravi aux libéraux leur principal cheval de bataille : le service militaire, si bien qu’une commission est actuellement en train de consulter sur la meilleure manière de le cuisiner. Et désormais, à l’ordre du jour se trouve la proposition de loi Coremans, dont le cuisinier habile, Franck, assisté par Segers, un découpeur expérimenté, tente de faire un mets fin, distingué et facile à avaler : une vieille cuisse de mouton transformée en une délicate viande de chevreuil.

Je ferais certainement mal de me lancer ici dans des considérations historiques : je me rappelle des lettres que m’ont envoyées des lecteurs trop indulgents qui me confiaient à quel point ils étaient horrifiés par les longues « correspondances » que j’ai adressées au NRC en novembre 1906 et plus tard en mai et juin 1907, concernant cette question. Mais il faut rappeler le principe pour montrer comment il a évolué de manière graduelle et est passé des mains de Reijnaert-Coremans à celles de Grimbert-Franck, après avoir évité tous les pièges et les menaces qui visaient à le faire échouer.

Le problème est le suivant : le programme officiel de l’enseignement secondaire ordonne qu’en Flandre, deux matières, en plus des langues germaniques, soient enseignées en néerlandais, et que les termes techniques des autres matières soient enseignés dans les deux langues nationales. Si cette règle n’est pas respectée dans les établissements flamands – bien qu'il y ait des exceptions pour des raisons spéciales, par exemple pour ceux nés en Wallonie – les élèves ne peuvent obtenir de diplôme d’études secondaires, lequel ouvre les portes de l’université.

Je le répète : seuls les athénées, ou établissements publics d’enseignement secondaire, sont soumis à cette règle. Cela n'empêche toutefois pas les étudiants issus d'établissements non officiels d'être admis à l’université sur simple présentation d’un diplôme attestant six années d’humanités, sans qu’il soit nécessaire que ce diplôme inclue l’enseignement de quoi que ce soit en néerlandais, même pas la langue maternelle.

Vous voyez la différence qui crée une situation d’inégalité. Le vieux défenseur du mouvement flamand à la Chambre, Edward Coremans, voulait effacer cet avantage des établissements libres d’un côté, mais aussi corriger la position désavantageuse dans laquelle ils plaçaient leurs élèves. Car il faut le dire : la loi de 1883, qui fixe le programme des établissements publics, a eu des conséquences immenses pour la Flandre : nos savants se sont sentis plus proches de leur peuple, favorisant ainsi une véritable civilisation flamande ; une science flamande a vu le jour ; une université flamande est de moins en moins une utopie ; et si la littérature flamande a connu l’essor exceptionnel qui a été salué avec tant de bienveillance et d’enthousiasme ces dernières années, même au Nord, soyez assurés que cette loi en porte une grande part de mérite. La presse catholique flamande l’a bien établi : les jeunes écrivains, les jeunes savants qui se sont exercés et se sont exprimés dans leur langue maternelle, avaient été éduqués dans des établissements publics. Si l’éducation catholique, et tout le catholicisme flamand, ne voulait pas décliner ou tout du moins occuper une place subordonnée, il devait abandonner les avantages de son propre programme et accepter ce qui rendait plus forte et influente la jeunesse des écoles publiques, pour la plupart libre-penseuses et libérales. Telle était la position des catholiques que Coremans avait à ses côtés.

Cependant, les évêques n'étaient pas de cet avis, d'où leur première résistance. La crainte de voir leurs collèges, dirigés par leur clergé, se vider, les fit passer outre la justice qui résulterait de l’égalité complète, même s’ils prescrivaient à leur personnel enseignant de donner au néerlandais une place plus large. Ils semblaient néanmoins attachés à leur propre liberté et ne souhaitaient pas d’intervention légale de l’État.

Même si une forte opposition est venue de la part des catholiques, l’adhésion à Coremans de plusieurs d'entre eux a été mise à l’épreuve et a commencé à vaciller. Une objection, dont l’importance méritait certainement réflexion, leur a offert une échappatoire à ce revirement. Cette objection était la suivante : que se passerait-il à Bruxelles, la ville bilingue par excellence ?...

La discussion sur le projet de loi a été homérique. Elle aurait provoqué des éclats de rire, si elle n’avait pas encore une fois révélé à quel point tout ce qui sonne flamand inspire instinctivement du dégoût, même chez les Wallons instruits...

Après proposition sur proposition, après modification sur modification, cela s’est terminé par ce que nous appelons ici : des funérailles de première classe. Le 12 juillet 1907, la proposition de loi Coremans a été envoyée à une commission d’enquête.

Cette commission a passé plus d'un an et demi à faire semblant de travailler : un nouveau projet, signé Franck-Segers, est le fruit de ses longues délibérations. Et avant que ce projet n’affronte à nouveau le feu de la Chambre, il serait peut-être bon d’y jeter un coup d'œil.

La première différence entre le projet Coremans et le projet Franck réside dans la perspective. Coremans l’a clairement exprimé : c’est en tant que flamingant qu'il demandait l'égalité pour tous, en droits mais aussi en devoirs.

C’est aussi ce qui a immédiatement réveillé la haine des Wallons, l’hostilité des francophiles. Sur le plan des principes, il fallait s'opposer à l'extension d’une loi qui avait tant réduit l’influence française. La plus grande concession ne pourrait vaincre l'entêtement de ceux qui savaient que voter pour un tel projet leur vaudrait l'hostilité de leurs électeurs wallons et constituerait un obstacle à la progression de leurs compatriotes wallons, qui prennent de plus en plus de retard par rapport aux Flamands.

Franck s'est donc montré beaucoup plus habile, certains diraient : beaucoup moins sincère que Coremans. Il a soigneusement mis son flamingantisme de côté et est venu déclarer, avec douceur et profondeur : « L’étude des langues modernes est le levier de la prospérité de la Belgique », ou quelque chose dans ce style, rempli de métaphores parlementaires. Et le projet qu’il présente avec Segers s’intitule donc : « Loi sur l’étude des langues modernes dans l’enseignement secondaire supérieur », un titre auquel les Wallons, qui préfèrent étudier l'allemand et l'anglais, bien plus que la deuxième langue nationale, ne trouvent rien à redire.

À première vue, c'est une amélioration. Il y a une autre amélioration, cette fois-ci sur le fond, qui est d'une bien plus grande importance. Coremans se contentait essentiellement d'un certificat, attestant que l'élève de l'école libre avait étudié dans les mêmes conditions que l'élève de l'école publique. Cela laissait naturellement la porte ouverte à la fraude. Franck et Segers s'attaquent à cette fraude en instaurant un examen obligatoire, sauf pour ceux qui possèdent un certificat officiel. Voici un extrait de leur texte à ce sujet :

« Épreuve préparatoire (Articles 1, 2 et 3). – Nul ne sera admis à l'examen de candidat en philosophie et lettres, de candidat-notaire, de candidat en sciences naturelles, de candidat en sciences naturelles et mathématiques, ou de candidat ingénieur, s'il n'a pas préalablement et avec succès passé un examen de langues modernes.

« Ceux qui ont étudié en Flandre passeront un examen de néerlandais et d’une des langues suivantes : français, allemand ou anglais. Ceux qui ont étudié en Wallonie passeront un examen de français et d’une des langues suivantes : néerlandais, allemand ou anglais.

« En Flandre, l'examen comprendra une rédaction en néerlandais et un thème sans dictionnaire, ainsi qu'une dissertation orale sur un sujet historique relevant du programme de rhétorique ou de la classe supérieure des humanités modernes ; de même en Wallonie, à cette différence près que la langue française remplacera la langue néerlandaise. Pour les autres langues, l'examen sera réglementé par arrêté royal. »

Vous remarquerez que cet examen n'impose aucune obligation concernant l'enseignement en néerlandais d’un certain nombre de matières, comme le prévoit la loi de 1883. Il laisse également aux Wallons la liberté d’apprendre ou non le néerlandais comme deuxième langue obligatoire. C'est encore une concession à la sensibilité wallonne ; bien que cette sensibilité soit blessée par le fait que, selon le texte de la nouvelle loi, les Flamands ne soient nullement obligés de maîtriser le français. Vous verrez donc à quel point cela fera des étincelles lors de la discussion publique !

L’objection concernant Bruxelles et ses environs, que j’ai mentionnée plus haut et qui a provoqué tant de débats lors des longues discussions de 1907, n'est pas, à notre avis, résolue de manière très équitable dans le texte Franck-Segers. Cela donnera matière à beaucoup de querelles. Sans m’y attarder davantage, je vous en recopie le texte pour une meilleure compréhension lorsque la Chambre en sera saisie :

« À Bruxelles et dans les communes avoisinantes d’Ixelles, Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek, Saint-Gilles, Etterbeek, Laeken et Molenbeek-Saint-Jean, les règles ci-dessus mentionnées, concernant le français, s'appliquent aux étudiants dont la langue maternelle ou usuelle est le français.

« Pour les étudiants dont la langue maternelle ou usuelle est le néerlandais, les règles ci-dessus concernant le néerlandais s'appliquent également.

« Cependant, ils devront tous prouver qu’ils ont suivi, durant toutes leurs années d’études, un cours d'au moins quatre heures par semaine consacré à la langue néerlandaise ou à des matières enseignées en néerlandais, s’ils relèvent du régime français, et à la langue française ou à des matières enseignées en français, s’ils relèvent du régime flamand. »

Voilà donc le projet dans ses grandes lignes, tel qu'il sera soumis à un vote en commission après les vacances de Pâques, et qui, selon des informations fiables, sera bientôt présenté à la Chambre.

Quel sera son accueil ? Un discours de Masson, un Wallon qui exerce une grande influence sur ses collègues du Sud, s’est récemment montré très conciliant et amical envers les Flamands. Serait-ce un rapprochement ? Ces messieurs oseraient-ils braver la colère de leurs électeurs par souci de justice ?

Le texte Franck-Segers est habile. Les partisans, au sein de la commission, de la proposition Coremans intégrale s’y sont ralliés de bon gré. À droite, on en fera de même, y compris les Wallons. Les libéraux flamingants aussi, bien entendu. Et les socialistes y sont obligés par leurs principes et leur programme.

Mais ne pensez pas pour autant que, face à cette unanimité théorique, l’on manquera l’occasion de faire grand bruit et de prononcer de longs discours...

Et en fin de compte, même après un vote unanime, l'égalité des langues nationales n'en sortira certainement pas gagnante. Les Flamands, bien que dispensés d'examen en français, seront en fait contraints de le connaître s'ils veulent accéder à l'enseignement universitaire, qui reste pour l'instant francophone. Les Wallons, officiellement dispensés d'apprendre le néerlandais, se garderont bien de s'y mettre. Car même pour l'examen spécial de candidat en philologie germanique, la connaissance du néerlandais n’est pas requise, puisque cet examen relève de la candidature générale en philosophie et lettres, et qu’en Wallonie, la connaissance du néerlandais n'est pas nécessaire pour cet examen...

Quelqu'un y pensera-t-il lors de la discussion publique ?


La commission militaire

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 27 avril 1909)

Bruxelles, 25 avril 1909

Il n'y a rien que la Chambre belge aime davantage qu'une conscience immaculée. Pour une telle tranquillité d'esprit, elle est prête à tout, même à sacrifier son temps de vacances. L'une de ses occupations favorites est de se laver les mains dans l'innocence. C'est pourquoi elle aime à faire porter sur quelques-uns la responsabilité qui devrait incomber à tous. Ces quelques personnes forment alors une « commission d'enquête » et se montrent parfois, il faut le reconnaître, bien plus intelligentes que lorsqu'elles sont absorbées par la médiocrité de l'esprit général de la Chambre. Et si elles s'efforcent de travailler sérieusement, leur travail donne en effet de meilleurs résultats que ce qui aurait pu être fait par la Chambre elle-même. C'est pourquoi il est parfois regrettable que les conclusions de leurs débats doivent à nouveau être soumises à la Chambre entière, ce qui a pour effet d'annuler ce qui est issu de délibérations beaucoup plus sérieuses.

Vous vous souvenez de ce qu'a fait la fameuse commission des XVII pour apporter un éclairage loyal à la question du Congo, et de la manière dont elle a sauvé le pays de nombreux pièges. Je vous ai écrit la semaine dernière sur la façon dont la proposition de loi Coremans, transformée en une formule Franck-Segers au sein d'une commission, a maintenant plus de chances de succès ; bien que cela aurait pu se faire avec un texte plus franc il y a deux ans, avec un peu plus de bonne volonté de la part de la Chambre et moins d'opposition frénétique de la part des fransquillons catholiques. Avant-hier, la commission militaire, résultat de l'interpellation de Snoy et de la déclaration du ministre Hellebaut, a suspendu ses auditions publiques ; ainsi, nous saurons peut-être cette année encore ce qui s'appliquera à nos frères et fils : personne ne sera forcé d'être soldat, ou tout le monde le sera.

Tout se résume à cela ; c'est le véritable dilemme : soit une armée de volontaires, soit le service militaire personnel et universel. Peut-être est-il bon de vous expliquer comment ce dilemme est né. Une courte digression historique vous permettra de mieux comprendre le sujet lorsque j'en parlerai plus en détail.

Si l'on veut définir le militarisme comme la pression matérielle que le peuple subit du fait de l'armée – en termes de budget, de nombre d'hommes et de liberté de service – on peut dire qu'en Belgique, la droite a généralement été antimilitariste, tandis que la gauche a été militariste.

Dès 1847 – je tire les données et chiffres d'une étude de Paul Hymans dans l'Almanach des étudiants libéraux de Gand – un ministère libéral se heurtait à une opposition qui réclamait des réductions de dépenses et estimait que 25 millions de francs de budget militaire suffisaient. De cette lutte est née... une commission, qui, répondant aux souhaits de Léopold Ier, a désavoué l'opposition. Ainsi, en 1858, sous un gouvernement libéral, le budget fut porté à 32 millions et l'armée, en temps de guerre, à 100,000 hommes. Cinq ans plus tard, les libéraux, désireux d'imposer de nouvelles charges sous forme de fortifications autour d'Anvers, furent moins chanceux. Ils élargirent leur projet et réussirent en 1859 à le faire adopter. Cela provoqua un mécontentement général dans le pays, qui ne diminua pas lorsque Frère-Orban voulut porter le contingent à 12,000 hommes en 1870. Lorsque, peu après, les catholiques arrivèrent au pouvoir, ils maintinrent néanmoins ce chiffre de 12,000 hommes. Cela encouragea le nouveau ministère libéral de 1878 à proposer une nouvelle augmentation en 1883. Malgré les protestations des catholiques, ceux-ci firent de même l'année suivante, en conservant un contingent de 13,300 hommes lorsqu'ils reprirent le pouvoir.

Cela remonte à vingt-cinq ans. Nous vivons encore sous un ministère catholique. Malgré les souhaits de Léopold II et de divers ministres de la guerre, le parti est resté fidèle à sa position antimilitariste. Cela a provoqué, face à de nouveaux besoins, une désorganisation. D'autre part, le système de la loterie et de la substitution avait également suscité du dégoût à droite. Naturellement, cela devait aboutir à... une commission. Celle-ci a proposé, en 1900, le service militaire personnel. Mais le ministre De Smet de Naeyer avait un autre projet : réduire progressivement le nombre de conscrits par le recrutement de volontaires, et ainsi, à terme, éliminer également la substitution ; maintenir le contingent à 13,300 hommes et réduire la durée du service. En 1902, il fit adopter sa loi ; et...

En 1909, il est apparu que cela a contribué à la désorganisation. Le ministre de la guerre lui-même l'a déclaré : le nombre de volontaires n'a pas compensé les conscriptions annuelles ; la réduction du temps de service a encore diminué l'armée en temps de paix : au lieu de 42,000 hommes, nous n'en avons que 36,000 ; en temps de guerre, nous n'en aurions que 150,000 au lieu des 180,000 nécessaires. Voici la situation : l'échec du système de volontariat. Le ministre Hellebaut ne voit d'autre solution que le service militaire personnel et adopte ainsi un principe cher aux libéraux. Le ministère Schollaert écarte habilement M. Woeste et, par tactique, suit le général Hellebaut. Et, pour préserver la conscience de chacun... on envoie tout cela à une commission.

Cette commission a maintenant, pendant quelques semaines, tenu des audiences parfois très amusantes. Ce qui en ressortira reste encore difficile à déterminer. Nous attendrons donc le rapport du rapporteur Poullet, bien qu'il soit déjà possible de dire dès maintenant : 1) que la situation de l'armée n'est pas brillante ; 2) que les officiers supérieurs n'en sont pas responsables ; 3) que le recrutement des volontaires, censé tout arranger, était peut-être basé sur des critères trop stricts. Mais nous en reparlerons plus tard.

L'opinion du ministre Hellebaut et les résultats provisoires de la commission auront-ils une quelconque influence sur l'opinion des catholiques, même des plus cultivés ? Voici, pour réponse, ce qui a été jugé et voté lors d'une « Journée d'étude » très sérieuse, tenue à Louvain les 19 et 20 de ce mois :

« L'assemblée décide à l'unanimité que le volontariat doit être maintenu et encouragé afin que la loterie ait à fournir le moins de soldats possible ;

« Que le conseil de révision des médecins pour l'examen des volontaires doit être organisé aussi sérieusement que possible ;

« Que le service militaire obligatoire doit être aussi court que possible. »

La substitution a également été rejetée. Mais cela ne signifie pas encore que le service militaire personnel a été approuvé... Ces messieurs changeront-ils d'avis à ce sujet lorsque la commission aura rendu son verdict final ?


La « Journée d'étude flamande » catholique à Louvain

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 27 avril 1909)

Bruxelles, 25 avril 1909.

Je vous ai dit ce matin quelques mots sur ce qui a été voté lors de cette réunion concernant le service militaire obligatoire. Il peut être important de vous informer également de l'opinion exprimée sur les questions politiques en Belgique, et dans quelle mesure cette opinion concorde avec ce que je vous prédis depuis quelques années concernant la future attitude des catholiques.

Cette « journée d'étude » très sérieusement organisée et bien préparée, était présidée par le professeur E. Vliebergh, que je vous ai déjà présenté. Homme d'une grande conscience, d'une aimable détermination, d'un caractère admiré de tous, d'une profonde érudition et d'une large compréhension, on dit qu'il s'était vu offrir autrefois le ministère de l'Agriculture ; et qu'il l'a refusé parce qu'il était résolument opposé à l'annexion du Congo et qu'il était bien en avance sur la plupart des membres de son parti concernant l'instruction obligatoire, le droit de vote et la législation du travail. Je ne peux pas confirmer l'authenticité de ce refus. Je sais seulement que le portefeuille de l'Agriculture est encore vacant, bien qu'il ne manque pas de candidats ministres. Peut-être que les circonstances assoupliront la dureté et le manque d'ambition de M. Vliebergh ?... En attendant, le professeur Vliebergh est un homme influent dans le pays, ne serait-ce qu'en tant que secrétaire et conseiller juridique des puissantes associations agricoles. Et le fait qu'il ait présidé un congrès où les décisions suivantes ont été prises est certainement significatif.

Je cite. En ce qui concerne le droit de vote :

« L'assemblée exprime l'opinion que le système actuel de droit de vote doit être considéré comme provisoire et que les catholiques ne doivent pas craindre le suffrage universel simple à 21 ans.

« Le droit de vote doit être accordé aux femmes, chefs de famille.

« La tête de liste sur les listes de candidats doit être abolie ou, si elle est maintenue, ne doit pas entraîner de préférence pour l'ordre indiqué sur le bulletin de vote. »

En ce qui concerne l'instruction obligatoire :

« Il ne peut être question d'instruction obligatoire légale tant que les écoles publiques, agréées et admissibles ne seront pas soutenues équitablement par l'État, la Province et la Commune, comme le réclame d'ailleurs la justice, même en dehors de toute obligation scolaire.

« Les catholiques ne doivent pas inscrire l'obligation scolaire dans la loi, à moins que les autres partis ne leur garantissent qu'ils appliqueront cette loi de manière loyale, en soutenant convenablement toutes les écoles, y compris les écoles chrétiennes libres, lorsqu'ils seront au pouvoir.

« La seule garantie suffisante semble être que l'obligation pour l'État de soutenir convenablement toutes les écoles dûment reconnues soit inscrite dans la Constitution, en même temps que l'instruction obligatoire. »

Il convient de noter que, sur la question complémentaire : « Si le financement égalitaire n'est pas inscrit dans la Constitution, l'instruction obligatoire peut-elle être adoptée ? », une réponse négative n'a été donnée que par une faible majorité, grâce à de nombreuses abstentions.

Je vous ai déjà communiqué l'avis de l'assemblée concernant le service militaire. Un avis favorable a également été émis concernant la limitation légale du temps de travail, ainsi que la reconnaissance et l'élargissement des droits des femmes travaillant, des mères et des tutrices.

Je m'abstiens de tout commentaire à ce sujet. Je voulais simplement attirer votre attention sur la manière dont les jeunes catholiques, scientifiquement formés, de notre époque ressentent et pensent ici. Si l'on compare ces sentiments et pensées aux opinions des personnes qui suivent encore Woeste, on se rend compte qu'il existe un fossé béant entre les deux, et l'on se demande comment ils vont réussir à le combler, s'ils veulent encore sincèrement parler d’ « agir de concert ». Ou bien Woeste n'a-t-il plus vraiment d'importance ?...