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Chroniques politiques et parlementaires du Nieuwe Rotterdam Courant (traduction) (1906-1914)
VAN DE WOESTYNE Charles - 1906

VAN DE WOESTYNE Karel, Chroniques politiques et parlementaires (janvier 1908)

(Paru à Rotterdam, dans le quotidien "Nieuwe Rotterdamsche Courant")

Mort du ministre de Trooz (2), Le nouveau Premier ministre. - Le nouveau Président de la Chambre (16) Psychologie de la Chambre belge (22) - Deux congrès [au sujet de la reprise du Congo] (31)

Mort du ministre de Trooz

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 2 janvier 1908)

Bruxelles, 1er janvier 1908

L'année 1908 - que je vous souhaite à tous prospère - a commencé pour nous dans l'inquiétude et la préoccupation. Soudain, sans la moindre préparation, sans que quiconque puisse prévoir un tel événement, la nouvelle s'est répandue tôt ce matin ; hier soir, vers huit heures, le ministre de Trooz est décédé des suites d'un diabète, après avoir été alité seulement quelques jours.

La consternation, le désarroi dans le monde politique et de la presse sont grands : personne ne savait que le chef du gouvernement était sérieusement malade depuis plus d'un an, que c'était pour lui un sacrifice d'accepter de former un ministère en mai, et que cela témoignait d'un courage rare d'accepter et de défier les circonstances difficiles dans lesquelles il était appelé à gouverner. Et quelques-uns, qui ont peut-être attaqué M. de Trooz un peu trop vigoureusement - mais comment rester calme devant le spectacle d'une politique qui dégénérait en esprit de clan venimeux ! - avaient un certain repentir pour leur sarcasme excessif, maintenant qu'ils avaient appris à respecter ce mort, qui avait tout de même été un combattant courageux, même si c'était pour une cause douteuse...

Dois-je vous dresser le portrait du défunt ministre de Trooz ? Mais ne vaudrait-il pas mieux garder le silence, puisque parler en bien du défunt, qui est encore parmi nous, est la seule chose convenable ; ne devrions-nous pas plutôt insister sur ses qualités éminentes, sur ses véritables vertus politiques ?

Cet homme, avec sa tête de César dédaigneux et désabusé, aristocratique par son sentiment de supériorité, soigné dans sa chevelure et sa barbe, et dont la teinte cireuse et terne des derniers mois, ainsi que la mauvaise graisse qui enlevait toute fermeté aux joues, lui donnaient l'aspect d'un autocrate fatigué dans un empire décadent, cet homme qui marchait lentement et avec réticence, qui aimait à hausser les épaules avec un air de « à quoi bon ? », et qui semblait gouverner comme un dilettante fatigué : cet homme était un travailleur acharné, l'un de ces travailleurs obscurs et laborieux que le parti catholique compte nombreux, qui sans grand talent obtiennent d'étonnants résultats, et remplacent la prévoyance par la rigueur de la méthode. Tel était l'ex-ministre de Smet de Naeyer, tel était l'ex-ministre de Favereau. Et tel était aussi le défunt d'hier.

Ce travail ? Le but de cette activité ? Vous le savez : je me suis promis, devant cette tombe ouverte, de ne pas dire de mal. Une chose que je veux dire : si le parti catholique chez nous tient bon au gouvernement depuis près de vingt-cinq ans, c'est grâce à cette activité opiniâtre et systématique, dans le but unique de maintenir le parti au pouvoir, malgré tout.

Mais un tel objectif ne conduit pas à une grande politique, il forme plutôt des ministres de talent moyen, façonnés par une telle discipline, davantage des politiciens de moindre envergure que des hommes d'État éminents ; il sacrifie des intérêts plus larges, nationaux et internationaux, à l'esprit de clocher et aux motifs mesquins, et là où l'intérêt du parti est placé au-dessus de l'intérêt général, il met l'obéissance avant le jugement personnel comme premier devoir, nous le constatons encore quotidiennement chez nous.

Le ministre de Trooz était un partisan convaincu de cette tactique, l'un des derniers convaincus, maintenant que tout là-bas vacille et se disloque. Et c'est cette conviction, cette foi en la vocation du parti catholique, telle qu'elle s'est montrée inchangée pendant toutes ces années, concédant seulement lorsque sa survie en tant que parti au pouvoir était en jeu, - c'est cette confiance ferme et cet engagement inébranlable en ce qui lui semblait nécessaire, qui ont donné à M. de Trooz le courage de se mettre en mai, après le refus de tous ses amis, à la merci du déshonneur - qui n'était pas entièrement mérité - et du mépris - qui parfois allait trop loin - et de former un ministère dans des circonstances qui ne semblaient pas offrir de solution. Et même sa première action n'était-elle pas un acte de fierté politique, bien au contraire ! - le projet de loi sur les mines, qu'il avait retiré après les modifications de la Chambre, il l'avait lui-même présenté au Sénat avec ces modifications ! - maintenant que nous savons dans quelles conditions de santé cet homme agissait, et qu'il était très malade, qu'il venait encore se sacrifier avec toute la force fiévreuse qui lui restait pour un parti désespérément malade, nous ne pouvons pas rester sans respect et sans une certaine admiration pour cet homme.

Le défunt ministre de Trooz avait également trouvé de l'admiration chez certains pour une autre raison. Comblant le manque d'études par un esprit très vif, il était un orateur éloquent et fin, un débatteur redoutable et perspicace. Servi par une voix étrange, plutôt désagréable, stridente et mordante, mais par là même captivante et retenante, impressionnante presque, ennuyeuse et pourtant suscitant l'intérêt, il était certainement, avec le président Schollaert et le ministre Helleputte, pour ne pas mentionner les très anciens, le plus vif d'esprit, le plus habile, le plus obstiné, et pourtant le plus cultivé, le plus sélectif, le plus éloquent des orateurs du camp conservateur. Sa passion - qu'il feignait magistralement - avait des caractéristiques classiques. Sa rhétorique trouvait son fondement dans les circonstances actuelles et son habillement dans l'enseignement littéraire des Jésuites - un enseignement littéraire qui, soit dit en passant, est excellent, et auquel nous devons le meilleur de Maeterlinck et de Van Lerberghe... Son coup d'épée le plus redoutable était gracieux : pas nécessairement calculé mathématiquement, peut-être pas parfaitement consciencieux, mais venant d'une main très exercée et pourtant très libre, guidée par un esprit savant mais aussi capricieux... Dans un pays où gouverner n'est pas une affaire de marchandages, et où, au contraire et malheureusement peut-être, un spectacle oratoire ou un duel verbal spirituel rend le côté sec d'une enquête commerciale plus élégant... ou plus comique ; dans un pays où les fanfaronnades wallonnes et l'enthousiasme flamand dominent le parlementarisme, M. de Trooz était une personnalité, une figure, une apparition singulière, même si son action restait celle... d'un parlementaire belge et catholique, - les exceptions étant rares.

Le décès du ministre de Trooz change beaucoup de choses ici. Le Roi doit avoir été abattu en apprenant sa mort : il avait beaucoup d'espoir en lui, son dernier espoir... Que va-t-il se passer maintenant ; qui sauvera la politique congolaise du Roi ?

Même s'il n'est pas encore enterré ; même s'il est peu approprié de parler de cela maintenant : deux candidats sont déjà mentionnés comme successeurs du ministre de Trooz : Schollaert et Helleputte. Ils sont pour l'instant les seuls dans le parti catholique à pouvoir assumer le rôle de premier ministre et diriger le gouvernement. Mais en ce qui concerne Schollaert, je pense devoir dire, et sur de bonnes bases, qu'il ne prendra pas une telle responsabilité. Les questions qu'il a récemment posées à la Commission des XVII concernant le domaine royal ne le montrent pas non plus comme quelqu'un qui souhaite être plus longtemps un serviteur aveugle du roi Léopold.

En ce qui concerne Helleputte : bien qu'il ait signé le projet de traité, tout le monde sait que la motion de rejet de la gauche libérale ne l'a pas du tout affligé, et que son sourire constant en ces jours-là n'était pas sans signification, et rayonnait plus que jamais...

Est-ce que la mort du ministre de Trooz sera le dernier coup pour la politique royale ?... Nous allons vivre des choses intéressantes, je le crains...

Le ministre de Trooz sera enterré lundi prochain. Cela me donnera l'occasion de revenir longuement sur sa vie et sa carrière.


Le nouveau Premier ministre. - Le nouveau Président de la Chambre

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 16 janvier 1908)

Bruxelles, 14 janvier 1908

Je n'ai pas voulu vous écrire sur nos changements ministériels avant aujourd'hui ; et pour le faire, j'ai choisi ce jour parce que c'était celui où la Chambre entendrait les déclarations de notre nouveau Premier ministre et se choisirait peut-être également un nouveau président ; - jour mémorable dans notre histoire parlementaire, où beaucoup de choses importantes pouvaient se passer. Maintenant, ce jour touche à sa fin, et je vous écris...

Si je vous ai fait attendre si longtemps des nouvelles de notre nouveau Premier ministre, c'est principalement parce que j'ai douté de sa nomination jusqu'au moment où elle a été publiée noir sur blanc dans le Moniteur belge. Ne pensez pas que ce soupçon soit une simple particularité de ma part : jusqu'au dernier moment, la presse sérieuse belge a été incrédule lorsqu'il était question de M. Schollaert en tant que successeur de de Trooz, et cette attitude d'attente, qui transparaissait dans les communications des personnes les mieux informées et qui n'a changé que maintenant en une attitude de sympathie appréciative, était justifiée par le fait que M. Schollaert avait auparavant obstinément refusé dans des circonstances moins difficiles et que le Roi, en tant que formateur du gouvernement, se garderait bien de confier toute sa politique à quelqu'un qui n'avait pas hésité à remettre en question le droit légitime du Souverain congolais, ou du moins à oser le prendre en considération... Les journaux ont donc bien imprimé : « ce sera le président Schollaert ». Mais les rédacteurs s’y retrouvaient avec un : « ce sera donc Schollaert ? » Même les entrevues répétées avec le Souverain et la participation à de nombreuses réunions ministérielles n'avaient pas pu les rassurer. Maintenant, le débat est clos ; le président Schollaert est redevenu, comme il y a des années, le ministre Schollaert ; le Moniteur belge a publié quelques lignes à ce sujet il y a quelques jours ; les autres ministres ont présenté leur démission ; le ministre Schollaert l'a refusée avec dégoût et indignation ; les autres ministres se sont résignés à cette tyrannie, et - en résumé : nous avons surmonté notre crise ministérielle plus facilement que vous, ô frères du Nord.

Une deuxième raison de mon silence s’explique aussi par une prudente méfiance. On avait proclamé trop catégoriquement : « Le Roi a pris position sur la question du Congo. » On avait affirmé trop perfidement, d'autre part : « M. Schollaert achète son ministère avec une apparence d'indépendance, qui s'avérera bientôt être une soumission masquée à la volonté royale. » - Moi, qui ne siège pas au conseil des ministres, pas plus que n'importe quel journaliste d'ailleurs, j'ai préféré attendre jusqu'à ce jour pour voir ce qui changeait parmi les ministres, ce qui changeait à la Chambre et dans le pays.

Je vais le dire tout de suite : ce changement me semble être une amélioration à bien des égards. Tout d'abord parce que M. Schollaert, sans offenser personne, l'emporte en tant que figure politique sur feu le ministre de Trooz. Il possède une autre discipline, intellectuelle et politique, qui s'est surtout manifestée pendant sa présidence de la Chambre ; une compréhension des affaires, un jugement à leur égard, qui dépendent peut-être du fait qu'il a été président, - un président qui devait viser l'impartialité,... bien que la perfection ne soit pas donnée à l'homme ; un président qui doit jouer un rôle de leader, pas seulement de combattant ; un président-olympien, élevé au-dessus des débats, - bien que Zeus prenne parfois parti entre les Achéens ou les Troyens avec son cimier ondoyant.

La maîtrise de soi généralement reconnue du remarquable président de la Chambre qu'a été Schollaert ne peut avoir eu qu'une bonne influence sur son caractère et son sens de la justice. Une telle discipline est toujours bénéfique pour le cœur et l'esprit ; et, bien que nous ne prétendions nullement que M. Schollaert ne soit pas un homme de parti - il serait insultant de supposer qu'il ait même légèrement trahi son parti ! - la nécessité d'une rigueur personnelle envers ses propres convictions et ses propres passions implique néanmoins que son sens critique est affiné et que ses idées l'emportent sur les hommes, et que l'amour de la sincérité en est renforcée.

Je ne prétendrai pas que M. Schollaert, qui a essayé, et a souvent réussi, à être un président impartial de la Chambre, veuille devenir un ministre qui mettra soudainement en œuvre tout le programme des adversaires politiques du parti auquel il appartient. Pas plus que quiconque, je ne le vois dans un avenir proche introduire et confirmer le suffrage universel pur et simple ou l'obligation scolaire avec des arguments empruntés aux socialistes et aux libéraux. Défendra-t-il le service militaire personnel ? Pas plus. Et je pense savoir que M. Schollaert ne songe nullement à rendre l'éducation belge entièrement neutre. Mais en même temps, je pense pouvoir prédire que la nouvelle ère ministérielle, ouverte par M. Schollaert, conduira le parti catholique à des conceptions plus larges, ce qui n'est pas négligeable, à un moment où les libéraux et les socialistes sont encore trop faibles pour prendre le pouvoir, ce qui ne peut être que bénéfique pour le pays.

Cette prédiction ne semble pas être trop prématurée aujourd'hui, lors de la réouverture de la Chambre. Pas que... Mais procédons de manière ordonnée et racontons cette importante session depuis le début...

Ne vous attendez pas à « un grand jour », à une de ces réunions dont on pourrait dire qu'elles sont un « changement de front de l'univers », comme Victor Hugo l'a dit de la bataille de Waterloo. La séance a été extérieurement ennuyeuse. L'agitation était cependant profonde, et justifie mon opinion que quelque chose a changé dans le pays avec le ministre Schollaert. Une déclaration ministérielle n'est jamais très nettement formulée. Il faut laisser au Cabinet une certaine latitude. Les ambiguïtés y sont permises. La contradiction propre n'est pas une sottise, au contraire. Et c'est pourquoi personne n'a été surpris d'entendre M. Schollaert faire des déclarations qui n'étaient pas aussi explicites qu'une déclaration de guerre. On doit même reconnaître qu'il aurait pu, sans être téméraire, s'aventurer un peu plus loin sur la glace - cette métaphore est de circonstance. Sa déclaration... Mais j'ai promis de commencer par le début.

La salle : « chambrée complète », non seulement en bas, mais aussi dans les tribunes. Dames en grande tenue. Tous les diplomates présents, avec un beau petit soleil d'hiver doré dans le dos. À la tribune de presse, un photographe est expulsé : et si c'était un anarchiste ! - Tous les ministres à leur place, Davignon mécontent, Helleputte souriant... bien sûr, Renkin fermé et raide comme une porte de prison, Schollaert non sans une émotion gênée. Et aussi la Chambre des jours agités : peu d'absents. Les sièges vacants laissent présumer des grippés ; il n'y a pas d'indifférents, mais des malades comme M. Woeste, dont le visage montre encore les traces de la maladie du foie dont il souffre.... Il y a de l'attention, de la tension, même une gravité empathique lorsque le président actuel - le perplexe et embarrassé M. Nerincx - fait l'éloge de feu Jules de Trooz, et qu’après lui, M Woeste pour la droite, M. Janson pour les libéraux et les socialistes, prennent la parole dans le même sens ; après quoi M. Schollaert, très ému et les larmes dans la voix, fait de même : une éloquence banale et scolaire, mais qui, chez aucun des orateurs, ne manque néanmoins d'un peu d'âme sous la formalité officielle... M. de Trooz a laissé dans cette Chambre une place difficile à remplir avec autant de talent....

Le successeur prête serment. Il s'appelle Poullet. Ce qui, en français, veut dire Poulet [« kuiken »]. Je vous prie de ne pas m'attribuer de mauvaises intentions....

La nomination du président de la Chambre est reportée à jeudi : ainsi en a décidé une réunion de la droite tout à l'heure, et à cette réunion assistait le major Jungbluth, l'officier d'ordonnance du prince Albert. « Que faisait-il dans cette galère ? » - « Mystère », répond la rime.... Il reste cependant certain que M. Cooreman occupera le siège de président. - J'y reviendrai plus tard.

Un « Chut » retentissant, et le ministre Schollaert se lève. Sa tête énergique et intelligente est droite, toute émotion surmontée. - Et… les premiers mots sont décevants : « Nous allons suivre le programme du ministère de Trooz. » Ce « suivre… » prend cependant rapidement une signification plus large que celle imaginée par de Trooz. Il s'agit du Congo, « notre future colonie », dit-il, « que la Belgique désire. » Ici, Lorand proteste comme un lion à qui on aurait marché sur la patte… Mais, aguerri aux interruptions, le ministre Schollaert continue : « Il est grand temps que nous prenions le relais, reconnaissants pour ce cadeau, admiratifs envers le Roi et… tant de courageux Belges. Mais… des objections ont été soulevées, qui n'ont pas encore été entièrement étudiées et prises en compte. Il est même possible que des modifications substantielles doivent être apportées au traité d'annexion : seule la patriotisme de la Chambre pourra en décider. »

Certes, cette déclaration est vague et non sans une contradiction initiale : de Trooz et des modifications gouvernementales au traité d'annexion ? Mais cela aurait été une gifle au Roi, cela aurait été de l'auto-flagellation : une humilité que l'on ne doit pas attendre des ministres. Et cela aurait été impossible, car cela aurait naturellement entraîné une crise. Mais Schollaert, qui ne faisait pas partie du précédent cabinet, n'a pas de palinodie à faire lorsqu'il déclare : « Nous allons modifier, avec le temps, à notre rythme… » Dois-je vous rappeler qu'il y a eu une ouverture dans la politique catholique, et dans le parti catholique dans son ensemble ? Le souriant procrastinateur Helleputte a trouvé en son beau-frère Franz Schollaert un lieutenant excellent…

La déclaration ministérielle ne pouvait évidemment pas passer sans une réplique méprisante. Et si M. Hymans était tranchant et maladroit, mais factuel, comme toujours, le lion wallon Janson secouait sa crinière grise, hélas, clairsemée ; Vandervelde était large et rhétorique comme à son habitude : il y avait à gauche une satisfaction évidente à l'assurance qu'il y aurait un changement, car on sait que Schollaert est digne de confiance, et parce que les réponses récentes du gouvernement congolais aux questions posées, notamment par Schollaert, ont montré que le Roi Léopold semblait alors prêt à céder…

Il est vrai, comme l'a dit Hymans, que le prochain budget pour les affaires intérieures et celui pour l'éducation publique laisseraient la gauche insatisfaite, comme auparavant ; il fallait aussi invoquer le patriotisme quand il s'agissait de législation sociale, a crié Janson, et il avait raison, et, comme l'a souligné Vandervelde, le ministre Schollaert ne changera certainement pas la loi électorale de son propre chef ni n'introduira la journée de huit heures, cela va de soi. J'ajouterai que M. Schollaert est peut-être un peu trop fermement opposé à la proposition de loi Coremans.

Mais… les élections ne sont plus très loin ; les jeunes catholiques deviennent de plus en plus puissants, dirigés par l'élite des professeurs de Louvain. Et - cela n'est pas négligeable, même en matière sociale et linguistique, cela laisse place à l'espoir…

Voilà la séance de la Chambre d'aujourd'hui, qui a ensuite repris son travail quotidien et… s'est terminée en queue de poisson…

Je vous l'ai dit, jeudi, M. Cooreman sera nommé président de la Chambre. Permettez-moi de vous le présenter. M. Cooreman, représentant de Gand, ancien ministre de l'Industrie et du Travail, est un petit homme, gros et intelligent. Au début, il est loin d'être engageant ; mais, la bonté même, clair et large d'esprit, très accessible, conciliant et ouvert aux opinions différentes, il jouit de la sympathie de tous. Son honnêteté fait de lui un médiateur entre les deux factions de son parti. Démocrate de cœur, et conseiller, par alliance, du plus puissant des journaux provinciaux catholiques « Le Bien Public », il est l'archétype de son parti dans les circonstances actuelles. Également respecté par ses adversaires, il sera sans aucun doute un excellent chef de la Chambre.


Psychologie de la Chambre belge

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 22 janvier 1908)

Bruxelles, 20 janvier 1908

Sous la direction de son nouveau président, le Gantois Cooreman, qui a pris possession de son siège avec un discours typiquement gantois, à la fois vigoureux, humoristique et très expressif - « en riant, le sot dit sa vérité », déclare un proverbe de sa ville natale - la Chambre a repris avec zèle son travail, suspendu par la mort du ministre de Trooz et l'attente d'un nouveau premier ministre ; et c'est un plaisir de voir comment chacun s'efforce de faire le maximum de travail en un minimum de temps. Est-ce l'influence de l'année bissextile ? Mais on s'attendrait plutôt à ce qu'un jour de plus incite à la lenteur prudente qui est habituellement une règle pour nos représentants, et que surtout la rhétorique creuse et inutile trouve l'occasion d'amplifier encore ses gestes et son éloquence, qui, faute de gravité, tomberait encore plus haut. Mais rien de cela : depuis novembre déjà, une Chambre exemplaire, qui travaille vraiment, qui ne demande rien de mieux que de progresser utilement, qui ne reprend que très brièvement, de temps à autre pendant un quart d'heure, pour ne pas en perdre le goût, la mauvaise habitude du caquetage et des injures, des querelles et des déclamations, pour ensuite retourner rapidement au travail, comme si je ne sais quelle admonestation sur la brièveté de la vie et les mauvaises conséquences de l'oisiveté vaine l'avait convaincue. Nos députés travaillent ; à la Chambre elle-même et dans les différentes commissions où les projets de loi les plus importants sont actuellement discutés - la majeure partie de la vie politique du jour se déroule pour l'instant en dehors des sessions publiques ; même la proposition de loi Coremans, que l'on croyait enterrée pour de bon, semble vouloir réapparaître en commission ; malgré le gel et le brouillard, malgré le vent et le mauvais temps, le « Palais de la Nation » bourdonne de législateurs actifs ; en un mot : en attendant les élections qui doivent avoir lieu cette année, la Chambre fait comme si elle ne demandait vraiment pas mieux que de remplir son devoir...

Pour le monde extérieur, ce travail, je le répète, est moins important. Aucun de ces grands enjeux internationaux qui occupent presque tous les parlements du monde. La question du Congo ne sera pas discutée en public de sitôt, et la curiosité, attisée par les promesses vagues de M. Schollaert, devra, malgré quelques rumeurs contradictoires déjà en circulation, encore être contenue pendant quelques mois avant d'être définitivement satisfaite. Pour le moment, on se consacre principalement à des tâches domestiques ; et la discussion des budgets, avec pour seul point culminant de temps à autre une déclaration de principe de parti, et la joyeuse détente des votes, ce n'est pas cela qui fixera les yeux de l'Europe et les télescopes de l'Amérique sur notre petit pays... Nous travaillons donc dans toute humilité ; notre zèle n'en est que plus sublime, et mérite d'autant plus la gratitude du pays.

Je profite du fait que les travaux eux-mêmes sont peu susceptibles de susciter l'intérêt, pour vous montrer la Chambre dans son apparence extérieure, non pas en discussion sur tel ou tel sujet, mais dans la manière dont elle mène habituellement ses débats. Imaginons que nous soyons tous deux des Esquimaux, autrement dit des personnes d'une autre espèce, ne comprenant pas les langues européennes, mais à qui on aurait expliqué ce qu'est à peu près un parlement, ce que ses membres accomplissent ou sont censés accomplir, et qui, introduits dans un parlement, observeraient maintenant comment le travail parlementaire est effectué.

Appeler une telle analyse une « psychologie » peut sembler prétentieux si l'on considère l'étude des motivations comme le but premier de la psychologie. Cependant, l'examen des moyens et des expressions n'est pas totalement indigne de ce nom et est d'autant plus intéressant que la recherche des motivations, que chacun connaît par ailleurs, que je ne demande absolument pas d'excuses pour ce que je reconnais volontiers être une exagération...

La Chambre belge est une collection de personnes dont les opinions personnelles sont fusionnées avec celles des autres membres du parti auquel chacun appartient. Autrement exprimé, de la manière la plus générale possible, pour les motivations : la personnalité intellectuelle est dissoute dans celle d'un groupe politique. Mais, si ici l'individualité se perd, elle reste d'autant plus vivante dans les moyens utilisés pour défendre la pensée du groupe.

Ici, il n'y a plus de discipline contraignante : ici, le talent et la compétence individuels sont en jeu. Néanmoins, la forme de cette compétence, le déguisement de ce talent peuvent à nouveau être divisés en groupes. Ce qui détermine et explique ces groupes est une autre question. Cela peut dépendre de la formation et du statut ; la santé ou la maladie, le caractère ou l'humeur peuvent en être la cause. Quoi qu'il en soit, dans tous les partis, il y a des personnes qui, pour se combattre, utilisent parfois les mêmes moyens, la même manière de faire. Leur attitude, leur méthode inconsciente dépend moins de leur sujet que de leur tempérament d'abord, et ensuite du choix des armes parlementaires. Chacun a sa manière d'attaquer et de parer, qu'on retrouve chez des personnes de convictions différentes. Et ce que je souhaite faire ici, c'est vous montrer quels sont ces moyens, qui sont fondamentalement très simples.

D'abord, vous avez les souriants. Ils peuvent se disputer - en supposant qu'ils aient des cheveux - : ils ne le font jamais sans grâce et élégance. Quoi qu'il se passe derrière leur front, celui-ci reste calme et sans rides. Leurs joues sont toujours pleines de bienveillance. Et surtout : leurs lèvres ne sont jamais dépourvues d'un sourire aimable. C'est leur tactique de conquérir par la gentillesse. Cela indique une conscience de soi, ou une connaissance de soi, une maîtrise de soi qui hésite rarement. Et c'est aussi un moyen de lutter contre la peur et les décisions précipitées : le sourire adoucit non seulement l'adversaire : c'est un médicament préventif pour soi-même...

À la Chambre, trois souriants sont caractéristiques : chez les socialistes, le noir Vandervelde, chez les libéraux, le blond Braun, chez les catholiques, le gris Helleputte. Ils manient la même arme, souvent l'un contre l'autre ; et il doit y avoir une raison pour laquelle ils s'en trouvent bien, car le premier sourit quand il s'apprête à mettre les gens en colère ; le ministre Helleputte sourit lorsque l'opposition pense l'avoir définitivement acculé ; et le bon Braun, le bourgmestre de Gand, surnommé par ses concitoyens « Miele Zoetekoek », sourit... pour dissimuler qu'il ne sait pas bien ce qu'il ferait autrement.

Opposés aux souriants, nous trouvons les ronchonneurs. Ce sont les mécontents, même quand ils ont raison. Sans les décrire davantage, je vais immédiatement vous en citer le superbe et unique prototype : Huysmans, libéral. M. Huysmans a une tête sculptée dans du vieux chêne avec un couteau rouillé et ébréché ; ses sourcils pourraient servir de moustache pour un simple mortel, et sa propre moustache... eh bien, depuis Boduognat, je ne connais qu'une seule moustache qui puisse rivaliser : celle d'Émile Verhaeren... Souffrant de problèmes digestifs comme un autre ronchonneur de la Chambre, M. Van der Linden, de la droite, M. Huysmans est également atteint de rhumatismes et a un caractère de chien enragé. Et avec cela, M. Huysmans accomplit des miracles : il ouvre à peine la bouche que la Chambre est gênée, de sorte qu'il y a toujours quelqu'un pour lui donner raison. Ce qui ne semble pas améliorer l'humeur de M. Huysmans...

Un groupe très proche des ronchonneurs est celui des furieux. Ils sont très nombreux. Je devrais presque citer tous les socialistes, avec le magnifique orateur Anseele en tête, passant par l'aristocratique Destrée jusqu'au plus impressionnant spécimen de tout le groupe : Bertrand. Pour les autres, on ne sait pas s'ils sont sérieux ou s'ils jouent la comédie : Bertrand, dès qu'il est contrarié, commence à enfler. La sueur ruisselle de lui. Il devient rouge comme une écrevisse cuite. Les veines de son cou gonflent. Et, quand il ouvre la bouche, son collègue le docteur Terwagne, assis à côté de lui, sort rapidement son lancet pour, le cas échéant, faire une saignée... Chez les radicaux, Lorand est le pendant de Bertrand, tout comme Janson perpétue la tradition des furieux avec plus de goût et moins de sincérité. Chez les libéraux, Augusteyns semble avoir un grand potentiel ; et chez les catholiques... - non, ici les mots me manquent pour décrire adéquatement le maître des furieux, Hoyois. C'est la colère sous forme permanente, c'est la colère incarnée, la colère pour la colère, « l'art pour l'art », la passion, l'adoration de la colère, personnifiée, incarnée, élevée à son expression définitive dans la plus merveilleuse tête de furieux qu'on puisse imaginer, une tête qu'aucun commandant de gendarmerie n'oserait espérer, une tête de Gorgone, qui se complaît dans sa propre terrifiante magnificence...

La loi des contrastes exige que je parle ici des olympiens. Ce sont les intouchables, les inaccessibles, les éminences. Et en effet, le hasard a placé les plus purs d'entre eux sur les bancs les plus élevés. Ce sont le professeur Hector Denis et Boerke de Bruxelles. Le premier peut lire des diagrammes pendant des heures, avec trois cache-nez blancs autour du cou, qu'il enlève un à un à mesure qu'il a chaud. L'ennui de la Chambre, même les conversations particulières n'ont pas de prise sur lui ; il continue de lire, convaincu que personne ne sait faire des diagrammes aussi bien que lui... Boerke de Bruxelles, lui, ne sait pas faire de diagrammes, mais il est conscient d'une autre supériorité : il connaît l'agriculture. Il n'y a pas de tête plus rusée dans toute la Chambre que celle de Boerke de Bruxelles, avec son visage de renard à la fois aiguisé, scrutateur et satisfait, au-dessus de la chemise de lin blanche du dimanche et de la veste en drap dont dépassent les larges pouces. Ce n'est pas un paysan pour rire : c'est un vrai, un authentique paysan, qu'on peut examiner sous toutes les coutures. Et c'est pourquoi son attitude est fièrement et aimablement olympienne...

Je pourrais encore m'étendre sur bien d'autres groupes ; vous parler des pressés comme M. Buyl et des calmes comme M. Woeste. Je pourrais aborder la psychologie des maigres et de M. Hijmans, ainsi que celle des gros et de M. Warocqué. Je pourrais aussi vous montrer des personnes qui sont tout simplement d'excellents hommes d'État, sans plus, sans moyens particuliers, avec tous les moyens possibles : ceux qui sont si subtils qu'on ne remarque rien, et qui prennent exemple sur M. Beernaert, consciemment ou inconsciemment... Mais pour aujourd'hui, il me semble que la leçon a déjà assez duré.

« Ce sera pour la prochaine fois, mes amis. Si cela vous convient ! » comme disent nos colporteurs.


Deux congrès [au sujet de la reprise du Congo]

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 31 janvier 1908)

Bruxelles, le 27 janvier 1908

Hier, les journalistes ici ont eu une journée bien remplie : deux congrès très importants ont exigé de votre serviteur le don d'ubiquité ; ce qui veut dire que je ne peux raconter que ce que j'ai entendu dire sur l'un des deux. Les circonstances sont toutefois telles que je ne peux pas non plus taire ce deuxième congrès.

Le premier congrès était organisé par la « Fédération Progressiste » ; le second était initié par la « Ligue de l'Enseignement ». Ce qui les rendait si importants, c'est d'abord le sujet traité, ensuite le fait que nous sommes à l'approche des élections législatives – fin mai – et enfin, la manière dont les sujets ont été abordés et les conséquences des discussions qui auront certainement un grand impact sur le corps électoral. Sans avoir l'intention directe de faire de la propagande électorale, ils ne manqueront sûrement pas d'exercer une influence très efficace sur les esprits indécis ; et quiconque connaît les Belges, en particulier les Flamands des grandes villes, sait combien une action indirecte a plus de pouvoir sur eux que de les interpellations directes ou la défense du programme d'un candidat à la Chambre, qui leur apparaît toujours suspect, en raison de leur aversion pour une politique sans conséquences immédiates et pratiques. Ainsi, le compte rendu des journaux sur les deux congrès dont je parle ici influencera davantage l'esprit de la bourgeoisie en ce qui concerne le Congo et l'obligation scolaire, que toutes les déclarations de ceux qui solliciteront leur voix pour la Chambre en mai prochain ; la politique libérale et anti-annexionniste en bénéficiera très certainement.

Ne m'en veuillez pas de parler à nouveau de l'annexion du Congo. Mais comment faire autrement ? La prise de contrôle de l'État indépendant du Congo, le fait que nous voulons ou allons devenir une puissance colonisatrice, n'est-il pas l'événement le plus important depuis notre séparation de 1830 ? - D'autant plus que la question est actuellement à un tournant. Je vous ai rapporté que le ministre Schollaert a prédit une « nouvelle modalité » dans la proposition d'annexion. Ce que sera cette « modalité » reste encore flou.

La prudence impose de ne pas tirer de conclusions trop hâtives sur les rumeurs qui circulent. Ainsi, M. De Groote aurait soumis une proposition de compromis : le Domaine de la Couronne resterait nominativement, mais ses revenus seraient gérés par la Belgique et sous la supervision du Parlement ; un fonds spécial pourvoirait aux dépenses somptuaires envisagées par le roi Léopold, mais toujours sous supervision belge. Cette proposition pourrait bien trouver une majorité à droite. Le ministre Schollaert lui-même ne serait pas opposé à y adhérer.

Mais ce que veut le roi Léopold, on ne le sait pas, et il a aussi la volonté de s'imposer et de jouer son rôle dans les discussions... On se demande également pourquoi conserver le nom de « Fondation de la Couronne », si le territoire qu'elle couvre et ses revenus, ainsi que sa gestion et son utilisation, ne diffèrent en rien du reste de la colonie. Le roi se satisfera-t-il d'une telle apparence ? Ce serait très surprenant... De plus, il y a de sérieux objections contre ce fonds spécial. Car cela reviendrait à dissimuler une triste réalité sous une fausse apparence – et cette fois, c'est le peuple belge qui en serait la dupe.

En effet : le budget du Congo n'a pas encore présenté de déficit, et ce uniquement grâce aux revenus du Domaine de la Couronne et au travail forcé des indigènes : une forme d'impôt, disait-on. Si la Belgique refuse le Domaine de la Couronne, ce n'est pas pour contrarier le roi ; c'est parce qu'elle ne veut pas assumer la responsabilité de voir plusieurs millions dépensés dans des travaux souvent inutiles, exécutés contre son gré ou contre ses souhaits, tandis que la mère patrie devrait combler le budget avec ses propres deniers durement gagnés. Et en ce qui concerne le travail forcé des indigènes : quel pays civilisé oserait, en son âme et conscience, maintenir une forme d'esclavage colonial ?... Proposer maintenant un « fonds spécial » destiné à satisfaire les fantaisies royales, revient en réalité à maintenir l'obligation de travail pour la population locale, car seule celle-ci peut garantir les fonds nécessaires sans compromettre, ou en minimisant les dommages, l'équilibre budgétaire. Tandis que la Fondation de la Couronne continuerait en fait à exister, seulement sous un autre nom.

Je vous raconte tout cela « à titre documentaire ». Les journaux amis disent bien que la « nouvelle modalité » a été trouvée ; par ailleurs, seule la proposition dont il est question ci-dessus a jusqu'à présent fuité, et elle n'est même pas formulée de manière précise. Nous nageons donc encore dans le vague, et il est à craindre que tout ce qui est raconté officieusement ne soit qu’un ballon d'essai... En attendant, les progrès se font avec une extrême lenteur, et on prévoit que la question ne sera plus discutée à la Chambre avant les élections : une preuve que nos dirigeants ne sont pas très rassurés quant au déroulement de cette discussion.

Telle est la situation : le congrès progressiste n'a pas montré qu'il en était très satisfait. Bien au contraire : il y a eu des frictions. En réalité, cela a été un duel entre Paul Janson et Georges Lorand, chacun soutenu par ses fidèles lieutenants : un affrontement miroir entre annexionnistes et anti-annexionnistes.

N'ayez crainte : les annexionnistes ne sont pas très dociles. Ce ne sont pas des agneaux que Léopold II, déguisé en bergère de Watteau, mène avec un ruban de soie bleu ciel. Même ces progressistes ont appris des socialistes, avec qui ils sont alliés politiquement, à parler librement et à ne pas cacher leur opinion. Ils maîtrisent l'art de frapper fort et en font un usage abondant. Ils ne défendent donc l'annexion du Congo qu'avec des réserves clairement exprimées.

Les anti-annexionnistes vont plus loin encore. Georges Lorand, qui est presque seul à la Chambre, a dans son parti plus d'un compagnon de lutte qui, comme lui, est résolument contre toute reprise.

Hier, ces deux partis se sont querellés avec véhémence, ce qui a eu pour conséquence ce que vous allez lire, et qui n'est en tout cas pas encourageant pour la politique royale. De plus en plus, on se demande avec inquiétude comment cela va se terminer. Car un fait est certain, tous ces congressistes, qui parlent au nom d'un parti puissant, surtout en Wallonie, vont avoir une influence considérable sur l'électorat, sans arrière-pensée. Si même les annexionnistes s'opposent fermement à la fondation royale et au travail forcé, et n'épargnent pas leur aversion pour tout ce qui diminue ou offense le pouvoir de la nation, on peut être certain qu’une telle attitude influencera la position des électeurs, y compris chez ceux qui hésitaient jusqu'à présent. Leur choix lors des élections dépendra de l'acceptation ou non par les candidats de la motion qui a été adoptée par le Congrès, sur la proposition de Paul Janson, et conçue dans les termes suivants :

« Considérant que le texte du traité actuellement soumis à la Chambre est en contradiction directe avec les motions précédentes de la Chambre ;

« Considérant en outre que la Fondation de la Couronne non seulement soustrait des fonds potentiels à la colonie et nécessaires à son budget, mais a également pour principal objectif de mettre à la disposition du Roi, tant en Belgique qu'au Congo, un budget spécial qui, sous prétexte d'utilité publique, ne serait pas, comme les budgets ordinaires, sous le contrôle du Parlement ; qu'ainsi elle méconnaît l'un des principes fondamentaux de la Constitution ; qu'il est impossible de voir confirmer par traité une institution qui, en soi, va à l'encontre du régime financier des colonies, et qui, de plus, est contraire aux principes fondamentaux de notre droit public et à la règle selon laquelle le Roi n'a de pouvoir que celui que lui confère la Constitution ;

« Qu'il est donc impossible que le Parlement approuve un tel traité, sous sa forme actuelle ou sous toute forme visant à perpétuer ou atteindre indirectement les objectifs de la Fondation de la Couronne ;

« Considérant... que la masse des contribuables devra assumer des charges d'une importance considérable en cas de prise de contrôle, qu'il est donc hautement souhaitable de consulter la Nation à propos de l'annexion ;

« Le Congrès décide de s'associer à l'aile gauche libérale pour rejeter le traité tel qu'il est proposé, ou sous toute modalité visant à atteindre les objectifs de la Fondation de la Couronne ;

« Déclare en outre que la question de l'annexion doit être soumise au jugement du pays, qui n'a pas encore été consulté, soit par des élections générales, soit par un référendum consultatif visant à éclairer le pouvoir législatif sur la volonté de la Nation. »

De plus, sur proposition de Lorand, il a été décidé :

« Le Congrès estime que l'annexion du Congo serait préjudiciable à la Belgique, mais, désirant une discussion approfondie des aspects de la question, décide de reporter la discussion à la prochaine session, qui devra avoir lieu avant les élections générales, et qui décidera de la question de l'annexion... »

Je vous écrirai demain au sujet de l'assemblée générale de la « Ligue de l'Enseignement ».