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Chroniques politiques et parlementaires du Nieuwe Rotterdam Courant (traduction) (1906-1914)
VAN DE WOESTYNE Charles - 1906

VAN DE WOESTYNE Karel, Chroniques politiques et parlementaires (février 1907)

(Paru à Rotterdam, dans le quotidien "Nieuwe Rotterdamsche Courant")

La semaine politique [enseignement obligatoire et journée des huit heures] (6) - Querelles de ménage [au sein du parti catholique] (26) - La Commission Congo (27)

La semaine politique [enseignement obligatoire et journée des huit heures]

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 6 février 1907)

Bruxelles, 3 février 1907

La semaine écoulée a été marquée par de grands problèmes, moraux et économiques ; nos politiciens semblent vouloir échanger leur tactique de chicane et de personnalités contre une large formation de bataille, engager le combat pour les nobles principes, montrer au monde qu'un petit pays ose affronter les grands problèmes. Et en l'espace court d'une semaine de sept jours, ils ont abordé, non pas touché du doigt, non pas seulement traité, mais examiné sous tous les angles, pesé et mesuré, si ce n'est abouti à une conclusion définitive, du moins approché, deux questions controversées, dont la résolution, pour ou contre, détermine tout un avenir : l'obligation scolaire et la journée de travail de huit heures.

La première dispute a été jouée entre deux champions courtois mais obstinés. Ce fut un tournoi, sinon avec des armes égales, du moins entre des chevaliers de valeur égale, tous deux aussi expérimentés dans l'attaque et la parade, aussi courtois que belliqueux, mais aussi tenaces que justes ; deux anciens combattants, par ailleurs, grisonnants dans l'arène, et qui ont appris à lier la sagesse des années au feu de la jeunesse : je veux parler des messieurs Charles Woeste et Charles Buls.

Le premier, troublé par la grande manifestation du 18 novembre (voir le N.R.C. du 20 novembre), à laquelle ont également participé quelques enseignants catholiques et un officier ordonnance du Roi, le général Chapelié, avait, comme je vous l'ai écrit le 25 janvier, passé ses vacances de Nouvel An à rédiger un mémoire contre l'obligation scolaire, paru dans « La Revue Générale ».

Le deuxième, l'ancien bourgmestre Buls, président de la Ligue de l'Enseignement (une « ligue » qui, pour autant que je sache, n'a pas de nom officiel flamand) a considéré l'article de Monsieur Woeste comme un défi, jeté à lui en tant que président de ladite Ligue pour l'enseignement ; et il a relevé ce défi avec fierté, et, dans un discours magnifique, a attaqué les arguments de son adversaire ; - avec des armes inégales, je l'ai déjà dit ; mais est-ce la faute de Monsieur Buls si le homme d'État catholique s'efforce toujours de défendre des choses qui s'effondrent d'elles-mêmes comme des ballons de papier sous le moindre coup d'épingle ?...

Ce fut un beau duel, digne mais tranché, et une victoire facile pour Monsieur Buls. Facile, car les arguments de Monsieur Woeste étaient véritablement désespérés. Ainsi, son premier argument contre l'obligation scolaire était que, appliquée en France et en Italie, elle n'avait pas porté ses fruits. Alors que Monsieur Buls pouvait facilement répondre qu'elle portait effectivement ses fruits en Allemagne, en Norvège, en Suède, au Danemark, en Suisse, en Angleterre, et enfin aux Pays-Bas, où elle avait considérablement augmenté la population scolaire, depuis seulement 1901. Ainsi, cette population à Amsterdam aurait augmenté de 36,7 % à 70 % en trois ans. De sorte que les mauvais résultats obtenus en France et en Italie ne dépendaient que de la mauvaise application ou des défauts pratiques de la loi.

Un deuxième argument pour l'inutilité de l'obligation scolaire est, selon Monsieur Woeste, la situation florissante de notre enseignement et l'augmentation constante du nombre d'alphabétisés en Belgique. En effet, les statistiques officielles montrent que de '80 à '90, leur nombre aurait augmenté d'environ 10 % ; et lors du tirage au sort, on a pu constater qu'en 1850, 44 % des conscrits étaient illettrés, tandis qu'en 1905, leur nombre était descendu à 9 %. Ce sur quoi Monsieur Woeste crie victoire. Mais, répondit Monsieur Buls, comment concilier cela avec le fait quasi-officiel que, si en 1897, plus de 120 mille enfants ne fréquentaient aucune école, leur nombre avait déjà dépassé les 130 mille en 1900 ?... On pourrait aussi examiner comment ces décomptes officiels sont faits ! Si un conscrit peut signer son nom, on suppose qu'il sait écrire ; s'il peut épeler quelques mots : on dit qu'il sait lire, même s'il ne comprend rien de ce à quoi il est soumis. Monsieur Buls a ouvert une enquête approfondie de son propre chef. Il a examiné deux groupes de cent conscrits de la classe 1906 et a trouvé 54 illettrés dans le premier groupe, 40 dans le second, dont certains ne savaient pas sous quel régime nous vivions, ne connaissaient pas le nom du roi et les couleurs du drapeau national, et pensaient que les chemins de fer existaient depuis le début des temps.... On admet que, dans de telles circonstances, une petite loi ne serait pas inutile. Le ministre de l'Instruction publique, Monsieur de Trooz, n'a-t-il pas lui-même écrit : « Il reste du progrès à faire pour assurer à tous les enfants de Belgique le bienfait de l'enseignement primaire » ? Et Monsieur de Trooz est un bon ami de Monsieur Woeste....

D'ailleurs, il est prouvé, par un rapport de Monsieur Schollaert, président de la Chambre, également un bon ami de Monsieur Woeste, que, en raison des absences répétées à l'école, seuls 14 % des enfants peuvent bénéficier d'une éducation primaire complète. Les autres restent en arrière, oubliant la très petite partie qu'ils ont apprise, et arrivent à la caserne avec... l'érudition que Monsieur Buls a constatée.

Voilà la force des arguments de Monsieur Woeste. Sa crainte de l'école neutre, conséquence fatale selon lui de l'obligation scolaire, doit être grande, puisqu'il continue désespérément à brandir de telles épées émoussées. Et on comprend en effet que les catholiques orthodoxes voient avec chagrin la force morale du catéchisme de Malines bannie des écoles, et que l'enseignement et la signification de leur Dieu soient passés sous silence... Mais ces deux choses sont-elles inconciliables, et l'association de l'obligation scolaire avec la préservation de la conviction religieuse de chacun est-elle impossible à réaliser ? Dans de nombreuses villes, l'enseignement religieux est déjà libre, et les parents conservent le droit de dispenser leurs enfants de celui-ci. Une telle disposition ne faciliterait-elle pas l'adoption d'une loi en faveur de l'obligation scolaire ? Nous vous laissons y réfléchir...

La deuxième grande question, discutée avec plus de passion et moins de profondeur au cours de la semaine politique, était la réduction de la durée du travail dans les mines, portée à huit heures. Comme amendement à la nouvelle loi minière, dont je vous ai parlé il y a quelques jours, et qui doit remplacer l'ancienne loi, datant de 1810 - et non pas de 1870, comme on m'a inexactement dit -, le travail de huit heures n'a pas seulement été défendu par les socialistes, comme on pouvait s'y attendre, mais tout un groupe de la droite cléricale, dirigé par Monsieur Helleputte, a demandé l'examen immédiat, c'est-à-dire l'adoption des propositions en cours, sans attendre un nouveau projet de loi régissant la durée du travail et les méthodes de travail dans les mines et les usines. Et cela a été une querelle sérieuse, une dispute où l'on s'est pris, non plus, comme d'habitude, entre droite et gauche, ou entre capitalistes et socialistes, mais cette fois-ci, en dehors de tous les partis, entre partisans et opposants d'une révolution économique particulière ; plus de débat parlementaire, soumis à la discipline du parti et à un programme partisan, mais un combat de convictions personnelles, loin de tout étiquetage politique.

Et les vainqueurs ? Pour l'instant : personne. Mais les partisans, catholiques et socialistes, de la réforme en faveur du peuple travailleur ont triomphé dans la mesure où une motion de Monsieur Woeste, renvoyant les amendements à l'examen du comité central pour un examen plus approfondi, a été rejetée...

Que nous réserve donc l'avenir ? Les quelques catholiques qui, de manière logique et cohérente, voudront poursuivre la belle législation sociale instaurée par leur parti, accompagneront-ils les socialistes, qui reconnaissent par ailleurs la valeur de leur travail précédent et le louent, jusqu'aux conséquences les plus extrêmes ? C'est peu probable, même si les dissidents de la droite sont aussi obstinés que des mulets : une attitude qui souligne d'autant plus la scission parmi les catholiques.... Des choses étranges nous attendent probablement, après cette explosion de conscience personnelle face à la politique partisane, comme nous avons pu le constater vendredi dernier...


Querelles de ménage [au sein du parti catholique]

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 26 février 1907)

Bruxelles, 23 février 1907

Il en va actuellement au sein de nos partis politiques comme avec l'aiguille du baromètre par temps d'orage : c'est un tremblement et un doute, une déviation vers les extrêmes, une hésitation entre politique de principe et politique opportuniste, avec, comme note dominante, comme raison principale, un malentendu tacite, un conflit latent, qui se manifeste particulièrement au sein du parti au pouvoir, ou plutôt, comme on pourrait le dire, au sein de la droite gouvernementale. C'est devenu comme des enfants d'une même mère qui se donnent des coups de pied sous la table avec méchanceté ; et, bien que personne n'ose le crier, les regards chargés de colère rentrée qu'ils échangent suffisent à montrer que ce n'est pas l'envie qui leur manque de se sauter à la gorge.

Depuis des années, nous savions que les tensions étaient vives. Monsieur Woeste et Monsieur Beernaert n'étaient plus bons amis depuis longtemps. Et dans le groupe Helleputte, Monsieur Woeste n'avait justement pas trouvé de fidèles alliés. Mais jusqu'à présent, le parti catholique avait néanmoins conservé une apparence d'unité, une façade de coopération solidaire, grâce à des concessions mutuelles. Étaient-ce les élections de 1906 qui, aux esprits frondeurs du parti, face à la diminution de confiance que le pays semblait accorder au gouvernement, leur avaient donné le courage de pousser leurs propres idées avec plus de force, et de se positionner ainsi face à un gouvernement fragile, tout en étant conciliants avec les théories socialistes, qui ne s'éloignaient pas trop des leurs ? Souhaitaient-ils, par plus de souplesse, sauver ce qu'il restait à sauver de leur parti, et s'éloigner de ce qui pourrait être nuisible à cette sauvegarde ? Quoi qu'il en soit, l'attitude des jeunes cléricaux face aux défenseurs plus directs du gouvernement était claire et courageuse. Ce n'était pas encore une déclaration de guerre ouverte ; mais la tension avant la tempête pesait néanmoins dans l'air ; et deux questions sérieuses : la reprise de l'État du Congo et le travail de huit heures dans les mines, étaient des occasions de discussions sans équivoque, qui plus que jamais soulignaient l'état de mécontentement et de méfiance qui régnait au sein du parti.

J'ai pu souligner la division parmi les catholiques lors des débats sur le Congo (dans les numéros du N.R.C. du 30 novembre au 16 décembre 1906) ; un certain nombre d'entre eux, y compris les meilleures forces du parti, s'étaient rangés du côté des socialistes, aux côtés des rares libéraux qui refusaient d'acheter « un chat dans un sac » et d'accepter sans examen préalable l'État libre comme cadeau royal. Et à partir de ce moment-là, je pouvais vous faire remarquer que dans la Chambre, une nouvelle formation de groupes avait lieu, une formation en deux nouveaux partis : la majorité catholique avec une partie des anciens libéraux (« un gouvernement de rechange », comme l'a ironiquement appelé le camarade Vandervelde), que l'on aurait pu qualifier de récalcitrants, et la gauche socialiste et progressiste, renforcée par quelques jeunes libéraux énergiques et les têtes les plus fortes du parti catholique, qui souhaitaient unanimement placer les droits de la représentation populaire face à l'autorité exécutive - roi et ministres - et, sur le plan social, semblaient vouloir mener une politique interventionniste poussée. Certes, il n'y avait pas de groupes délimités et bien définis ; en ce qui concernait les principes partisans, un libéral restait un libéral, un catholique restait un catholique, et je ne connais aucun partisan plus tenace que monsieur Helleputte dans ce cas ; mais on sentait de plus en plus que des courants profonds agitaient ces caractères, des courants qui poussaient l'un vers des novateurs, l'autre vers des hésitants ; les questions partisanes, les principes programmatiques n'avaient plus seulement à faire face à un simple trouble de conscience, mais devaient désormais composer avec eux ; les exigences de l'époque ne permettaient plus désormais de rechercher la paix dans l'entêtement d'une définition de principes...

Et là commença la fissure qui empêche pour l'instant la cloche triomphale du parti catholique de résonner aussi clairement qu'elle l'avait fait pendant plus de vingt ans. Car avec la discussion sur le Congo, la nouvelle formation de groupes parlementaires dont j'ai parlé ci-dessus devenait plus claire - une formation fluctuante et instable, il est vrai, mais qui témoignait d'autant mieux de son caractère individualiste et de son importance sociale, - la séparation des partis se dessinait plus nettement, ce qui semble avoir donné aux jeunes catholiques plus de courage et de combativité.

Car il est indéniable : la petite fissure d'alors est devenue une crevasse. L'occasion pour Monsieur Helleputte de proposer un amendement à la loi sur l'exploitation minière, qui institue le travail de huit heures par la loi, a fait en sorte que nous nous retrouvons de nouveau, et plus menaçants que jamais, face à une confusion des partis, à une perplexité d'un côté et à une obstination de l'autre, à la véritable lutte du capital contre le travail, et ce non pas entre capitalistes et anti-capitalistes, mais entre les membres d'un seul parti bourgeois. Naturellement, Monsieur Helleputte, outre ses amis politiques personnels de la droite, a tous les socialistes et les libéraux progressistes de son côté. La « faconde » de Monsieur Vandervelde l'aide tout autant que l'érudition du professeur Denis l'a aidé. Et lui-même, mathématicien qu'il est, ne se laisse pas facilement déstabiliser. Pourtant, il n'est pas facile de répondre aux objections de ses ennemis cléricaux et d'un groupe de libéraux modérés, qui ne comprennent pas pourquoi l'amendement Helleputte ne devrait pas être rétroactif pour les mines actuellement en pleine exploitation en Wallonie, alors qu'il n'aurait d'effet que dans l'esprit de ses défenseurs, sur les mines du Limbourg, dont la valeur et le contenu en charbon sont encore inconnus. La question demeure également de savoir si cette réduction du temps de travail n'entraînerait pas inévitablement une réduction du salaire, ce qui reste non résolu dans la proposition de Helleputte. Ses partisans citent des statistiques, racontent ce qui se passe dans d'autres districts miniers, mais ils semblent négliger quelque peu la possibilité d'adaptation aux conditions belges, surtout en ce qui concerne les mines d'une importance hypothétique. Ainsi, on reproche à Monsieur Helleputte, au sein de son propre parti catholique, de plaider pour sa propre cause, pour sa propre politique programmatique, au détriment de la droite générale et du gouvernement...

Mais, même là où Monsieur Helleputte préférerait effectivement abandonner son parti pour affirmer ses propres intérêts, et ne viserait rien d'autre que, poussé par la volonté populaire, à obtenir avec ses amis des sièges ministériels : ne serait-ce pas une preuve éloquente des signes des temps, que, intelligent et prévoyant comme il est, il aurait choisi précisément cette arme : le travail de huit heures, pour ce faire ?...

L'amendement Helleputte n'a pas encore été voté. Et dans les couloirs de la Chambre, on voit les dirigeants actuels s'efforcer de le faire échouer, de donner le mot d'ordre, de se consulter, d'essayer de convaincre les indécis, de resserrer les rangs... Et peut-être qu'ils y parviendront, peut-être, à faire rejeter la proposition avec une petite majorité. Mais à quel prix ! Et avec quel sentiment de désespoir et de frustration !


La Commission Congo

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 27 février 1907)

Bruxelles, 25 février 1907

Vous vous souvenez que, lorsque la grande entente patriotique, qui avait réchauffé le cœur de chaque Belge qui n'avait pas dévié du bon chemin, avait ramené la paix en ce qui concerne le Congo, par l'unanimité avec laquelle le gouvernement et la représentation nationale demandaient la pleine lumière, la vérité complète sur la situation de l'État libre, avant même de pouvoir envisager une reprise par la Belgique (une unanimité qui n'a pas été obtenue sans quelques difficultés, comme vous le savez) ; vous vous souvenez, dis-je, comment alors, avec un cœur joyeux, parmi les meilleures forces de chaque parti, parmi les partisans comme les opposants, une commission avait été nommée pour mener cette enquête préliminaire à bien, pour négocier avec l'État libre si nécessaire, et rassurer la patrie quant au fait qu'elle n'aurait pas à nourrir un monstre colonial. Ces messieurs de la « commission d'enquête » devaient examiner minutieusement ce que vaudrait notre future province ; ils devaient nous informer de la situation financière, de l'importance commerciale de notre possession en devenir, tant dans le passé que dans le présent, afin que nous puissions évaluer les bénéfices futurs, les charges et les responsabilités pour la Belgique, les réformes nécessaires, la forme de la surveillance d'État et de l'administration directe - bien entendu, à condition que le cadeau pour les finances belges ne soit pas trop douloureux, que les exigences du roi ou les « recommandations solennelles » ne soient pas trop arrogantes, pas trop ostentatoires.

Cette commission d'enquête travaille depuis un certain temps maintenant, et ce n'est pas sans satisfaction que le peuple belge, qu'il soit pour ou contre la politique coloniale, a vu les membres prendre leur tâche au sérieux, mener l'enquête de manière impartiale et méthodique, avec la meilleure volonté du monde et une grande réciprocité d'égards.

Au début du moins, tout semblait rouler sur des roulettes. Des questions étaient posées avec dignité et regroupées en listes avec bienveillance. Des informations nécessaires sur le droit et les finances du Congo ont été demandées de manière aussi officielle que possible à l'État libre. Et il semblait que les partisans les plus acharnés de la politique royale, tout comme le gouvernement, avaient accepté la volonté de la Chambre avec une exemplaire patience, sans la moindre réticence, et étaient prêts à contribuer honnêtement au travail d'éclaircissement.

Mais après quelques séances de la commission : quantum mutata ! comme aurait crié le vieux Virgile...

Car très rapidement, les membres qui avaient dès le début pensé que nous n'avions rien d'autre à faire que d'accepter avec gratitude l'héritage royal, même avec les conditions fixées par l'État et la couronne, sans bien savoir ce qui nous était ainsi légué, ont estimé que le moment était propice pour réserver à leurs adversaires la bonne farce d'une attitude réticente, d'une politique de sabotage, d'un jeu insidieux de concessions apparentes mais de lutte cachée ; et c'est bien sûr Monsieur Woeste, qui, pour nuire à son vieil ennemi Beernaert, également peu ami du roi Léopold, a entrepris de tromper cette bonne commission d'enquête aussi habilement qu'un chat rusé...

Il faut le savoir : quelques membres avaient, comme je vous l'ai dit, dressé des listes de questions qui faciliteraient et accéléreraient l'enquête. Personne n'avait rien contre cela ; jusqu'au jour où Monsieur Woeste - qui semble avoir une conception différente de celle de la plupart de ses collègues en matière d'enquête - a trouvé que toutes ces questions, ou du moins une bonne partie d'entre elles, étaient déplacées, « impertinentes », et que ces messieurs, chargés de mener une enquête, devaient avoir honte de demander de telles informations, comme des juges instructeurs, sans offre préalable ou invitation des autorités concernées, presque aussi impolis qu'un commissaire de police qui aurait l'audace de fouiller un pickpocket sans que ce dernier ne l'y ait invité de manière aimablement insistante ; - que ces messieurs devraient se cacher de honte dans leur tombe, de simplement demander ce qu'ils voulaient savoir ; ce pour quoi ils ont été nommés, vous comprenez.

Et l'État libre s'est empressé d'aider Monsieur Woeste. À une demande sur la situation financière du Congo, une simple réponse a été donnée en envoyant les dix-sept volumineux volumes du bulletin du Congo - un bulletin que chacun peut aller consulter à la Bibliothèque nationale et où donc il n'y a rien de nouveau à apprendre.

Maintenant, on se demande : où est l'« impertinence » : chez les membres de la commission qui veulent faire leur travail d'éclaireurs en toute conscience, et qui ont ainsi été trompés par les promesses du gouvernement, ou chez le groupe Woeste, qui veut leur refuser toutes les informations nécessaires, avec de grands mots et de grands gestes et des menaces ?

Et l'attitude de l'État libre, qui semble vouloir garder secrète la qualité et les chiffres de ses budgets avec de tels subterfuges, ne justifierait-elle pas l'accusation de Monsieur Janson, et ne confirmerait-elle pas qu'une partie de l'argent congolais va aux amis de la presse belge, et qui sait à quelles autres magouilles encore, ce qui bien sûr ne devait pas être crié sur les toits ?....

Et voilà cette belle entente patriotique !

Lorsqu'il s'agissait de sortir de la peur d'un vote douteux sur l'interpellation concernant le Congo, on a vite cédé, vite baissé la tête ; et on a pris l'apparence d'avouer humblement qu'on s'était trompé...

Mais maintenant que l'orage est passé, maintenant qu'on se sent à nouveau en sécurité avec plus de liberté de discussion et sans la menace d'un vote imminent, on recommence la tactique de retranchement et de guérilla, la guerre de harcèlement, avec des piques cachées et des fusils de chasse, des pièges hypothétiques, et de temps en temps le tir bruyant mais inoffensif de quelques coups de feu...

Mais les membres sérieux et bien intentionnés de la commission se laisseront-ils prendre à cela, - même ceux qui étaient initialement parmi les opposants, ou qui hésitaient ?

Heureusement, tout indique que non, et qu'ils ne permettront pas que la lumière soit cachée sous le boisseau, même si Monsieur Woeste lui-même venait à s'y opposer.