Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chroniques politiques et parlementaires du Nieuwe Rotterdam Courant (traduction) (1906-1914)
VAN DE WOESTYNE Charles - 1906

VAN DE WOESTYNE Karel, Chroniques politiques et parlementaires (août 1906)

(Paru à Rotterdam, dans le quotidien "Nieuwe Rotterdamsche Courant")

Du charbon dans la Campine (5) - Un mouvement allemand ! [dans la province du Luxembourg] (15)

Du charbon dans la Campine

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 7 août 1906)

Bruxelles, 5 août 1906

La naissance de notre nouvelle petite princesse, qui, à une date encore inconnue, sera baptisée Marie-Josée-Charlotte-Henriette-Sophie, et qui est accueillie avec enthousiasme, est accompagnée d'un événement qui fait du 3 août 1906 une date importante dans l'histoire économique de la Flandre. En effet, quelques heures avant qu'à Ostende un événement tant attendu, déjà annoncé prématurément trois ou quatre fois, ne donne à l'amour du prétendu héritier du trône une petite fille après deux beaux garçons, une annonce est parue au Moniteur, d'une importance capitale pour l'avenir de la région flamande, dans laquelle l'État, renonçant à l'exploitation directe, a accordé une première concession à la Société de Recherches et d'Exploitation Eelen Asch dans le bassin houiller situé sur une superficie d'environ 2950 hectares des communes d'Asch-in-de-Kempen, Op-Glabbeek, Nielbij-Asch, Mechelen-aan-Maas et Genk. Cette concession portera le nom d'« André Dumont sous Asch », en hommage au savant André Dumont, qui a entrepris la première exploration en août 1901, après avoir confirmé ses soupçons lors de trois forages successifs, déterminé la direction du bassin houiller et sa richesse, et qui, à la tête de la société qui obtient aujourd'hui la première autorisation, a déjà demandé une concession le 5 octobre 1901. Le fait qu'il lui soit maintenant accordé, avant toutes les autres, doit être considéré comme une récompense nationale : les services rendus par M. Dumont au pays sont en effet considérables. Les partisans de l'exploitation étatique avaient eux-mêmes reconnu l'importance de ces services, qu'ils voulaient récompenser par l'octroi d'une somme d'argent ou d'une rente annuelle. L'État, rejetant l'exploitation directe - nous ne discuterons pas ici dans quelle mesure il a raison - a préféré accorder à M. Dumont ce qu'il demandait, avant même d'accorder d'autres concessions, qui, cependant, suivront rapidement, selon ce que nous apprenons, aux demandeurs concurrents.

Il va de soi que M. Dumont et sa société ne tireront profit de leur concession qu'après plusieurs années : les couches de charbon découvertes ne seront exploitées qu'après de longs et coûteux travaux qui immobiliseront des capitaux considérables ; et bien que la superficie de la concession accordée soit très grande, ce qui constitue une compensation, l'État sait bien que M. Dumont ne profitera pas très rapidement de sa... récompense. Ainsi, outre les conséquences futures, l'État réalise une belle économie et sa reconnaissance ne lui coûte pas très cher. Une autre question se pose toutefois : un regard porté sur des horizons plus vastes, ou une moindre parcimonie et un plus grand courage, n'auraient-ils pas eu de meilleurs effets pour l'avenir...

Quoi qu'il en soit, le visage de la Flandre est sur le point de changer. La plaine aride et sans fin, qui, sous le ciel bas, évoque inévitablement la pensée des cataclysmes passés, va se transformer en une région industrielle où une forêt de cheminées d'usines remplacera les maigres bois de pins ; où à présent le bétail maigre broute parmi les bruyères qui retiennent le désert de sable dans un linceul pourpre, les fruits du nouveau travail des fourmis souterraines se dresseront bientôt comme des tas de fourmis ; car le paysan timide, chétif, rancunier et craintif, privé de tout progrès par sa propre méfiance, obstinément arrache du sol stérile et dur des légumes maigres et imparfaits - le paysan de la Campine est un enfant bâtard de la terre flamande, et il a l'appréhension des enfants bâtards - il est remplacé par le mineur vif d'esprit, qui vend son travail uniquement en échange de la reconnaissance de ses droits, et qui, aussi bien intellectuellement que matériellement, préfère ne pas être esclave.

Cette terre stérile et défectueuse, qui n'intéresse plus que les poètes pour son propre aspect désolé et la rudesse retirée de ses paysans - Georges Eekhoud y trouve ses meilleurs sujets et y découvre ses héros peu attrayants ; le prêtre Auguste Cuppens, l'esprit spirituel et subtil disciple de Guido Gezelle, est curé dans les environs ; et pour l'instant, le poète Prosper van Langendonck y passe ses vacances -, deviendra bientôt un centre industriel où, aux côtés des terrils, s'élèveront les hauts fourneaux, où l'industrie métallurgique connaîtra un nouvel essor, où la grande construction mécanique, déjà très puissante à Gand, gagnera en importance face à celle de la région wallonne. La Flandre, agricole et désormais industrielle, prend une prédominance définitive dans le pays, au détriment de la Wallonie, qui vit uniquement de l'industrie. Anvers, la ville la plus flamande de Belgique, située sur son fleuve et ouverte au trafic maritime immédiat, devient un point central où le commerce et l'industrie convergent.

Cependant, la Flandre, dans l'ivresse de sa nouvelle vie, de sa nouvelle richesse, ne doit pas oublier que ce nouveau bonheur menace sa propre disparition en tant que peuple se sentant indépendant, pensant indépendamment, parlant indépendamment. On conviendra que, en tant que nouveau champ de travail, il attirera non seulement le surplus de main-d'œuvre wallonne, mais aussi des estomacs affamés et des têtes ambitieuses de l'étranger. Le Flamand est jovial et hospitalier. La cohabitation avec des frères d'une tribu étrangère, plus têtue que la sienne, lui a appris à s'adapter facilement. Et on ne doit pas attendre de lui beaucoup d'initiative personnelle, surtout dans un domaine qui lui est nouveau.

Le devoir, ici, pour quiconque souhaite le bien de son peuple, sera donc de préparer ce dernier à cette nouvelle opulence ; de l'éduquer au point où il pourra en jouir. On doit apprendre à la Flandre les moyens de... conserver son propre fromage sur son propre pain. On doit écarter la suprématie des ingénieurs étrangers, du personnel minier étranger, par nos propres moyens. L'Université libre de Louvain l'a compris, en ouvrant une école pour les "porions" flamands (contremaîtres) des mines. L'État, à qui les nouvelles mines n'ont pas encore coûté grand-chose et qui préfère ne pas penser à l'avenir, doit donc continuer, et compléter et flamandiser les écoles techniques à l'Université de Gand ; il en va de l'obligation de la Flandre, s'il veut la préserver inexploitée.

Ainsi, la Flandre peut devenir ce qu'elle doit être, bénie par la nature : l'une des régions les plus riches du continent. Puisse la nouvelle princesse, notre princesse flamande, née au bord de la mer de Flandre occidentale le jour où l'exploitation de nos nouvelles richesses, le diamant noir de la Flandre, est devenue possible, guider notre pays, son pays, vers une ère de prospérité paisible !


Un mouvement allemand ! [dans la province du Luxembourg]

(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 17 août 1906)

Bruxelles, le 15 août 1906

Bien que la Belgique soit le pays où l'on pense en troupeau, - pour reprendre les mots de Baudelaire, - nulle part ailleurs la propension à la raillerie et à la contradiction, à l'obstination et à l'opposition sans but, n'est aussi répandue qu'ici : un bien commun national. Aucune ville où le socialisme gagne du terrain, où l'on ne trouve des ouvriers pour fonder une ligue anti-socialiste, qui défend pourtant le même programme économique : lutte uniquement pour un mot, lutte uniquement pour... lutter. Et il n'y a pas de village où le maire libéral fonde une société des anciens soldats de Léopold Ier, où le curé, aidé par quelques acolytes cléricaux, fonde une contre-société, tout aussi composée d'anciens soldats de Léopold Ier, qui prouvera son ancien soldatisme par des regards provocateurs et des railleries méprisantes envers ses anciens compagnons d'armes, tandis que, bien sûr, les anciens soldats du maire leur rendent la pareille ; et cela peut être considéré comme un miracle s'il n'y a pas de troisième cercle d'anciens soldats, présidé par le notaire indépendant, pour déverser son mépris sur les deux cercles précédents...

Cette manie d'imitation antagoniste, de suivi entêté, de se battre par jalousie et de trouver les raisins verts que l'on voudrait cueillir ; cette caractéristique nationale, qui ne signifie pas de dissension, aucune différence d'opinion, mais plutôt un esprit de rébellion irraisonnée, irrationnelle ; qui ne doit pas être considérée comme un esprit critique, mais plutôt comme une résistance à l'établi, au déterminé et au défini ; cette caractéristique, source peut-être de l'esprit de liberté belge, de notre déclaration d'indépendance, qui rend la ferveur flamande semblable à rien d'autre que la ferveur des opposants flamands : cette caractéristique a également été rencontrée par le mouvement flamand, non seulement confronté à un mouvement anti-flamand, mais aussi à un mouvement allemand, entravant son action, sinon combattu.

Si cette première opposition, la folie française, n'est-elle pas aussi une opposition par envie, ou l'expression d'une manière de penser qui va de pair avec celle des flamingants, la seconde, allemande, est, mieux que toute autre, un phénomène spécifiquement belge, dans la mesure où il n'y aurait jamais eu de mouvement allemand si le mouvement flamand n'avait pas été reconnu et résolu.

Qu'est-ce que le mouvement allemand en Belgique ? Chaque fois qu'une nouvelle loi favorable aux Flamands est déposée, chaque fois que les Flamands célèbrent une fête - et cela arrive souvent ! - quelqu'un est trouvé, généralement un Wallon, pour rappeler à ses compatriotes qu'il y a dans la province de Luxembourg quelques milliers de personnes, habitant les cantons judiciaires d'Arlon et de Messancy, dont la langue maternelle est un dialecte allemand, qui couvriraient quelques villages flamands et pour lesquels aucun texte de loi allemand, à côté du français et du néerlandais, n'est officiellement reconnu. Le Mouvement Allemand, représenté par une "Deutscher Verein" à Arlon, a donc pour objectif ce que le mouvement flamand précédent a parfois rendu ridicule ; il veut préserver ce petit coin de terre belge, là tout au sud, non seulement purement allemand - ce qui, compte tenu de l'étendue de son territoire et de l'importance sociale minime de ses habitants, situé au milieu d'une population francophone wallonne, est impossible, - mais il voudrait aussi pour ce très petit nombre de citoyens belges une législation allemande officielle, des boutons de veste spécialement allemands pour les facteurs de la région, et entendre la langue de Goethe aussi parfaitement entre les lèvres de tous les contrôleurs de train belges appelés à travailler au Luxembourg. En un mot : il voudrait que l'allemand, parlé par quarante mille autochtones, soit placé sur un pied d'égalité avec le néerlandais, langue d'une écrasante majorité belge, et le français, langue des Wallons, langue - hélas ! - jusqu'à il y a quelques années encore, de la culture.

Et maintenant encore - la loi Coremans revient bientôt à l'ordre du jour, et il y a une semaine, nous célébrions les héros flamands de 1302 ! - maintenant encore, un journal francophone belge publie un article de Godefroid Kurth sur la question en suspens.

Vous connaissez Godefroid Kurth : excellent historien, à qui l'on pourrait peut-être reprocher le côté poétique, intuitif de sa conception de l'histoire, - il est plus proche de Michelet que de Lamprecht, même si sa science repose sur des bases beaucoup plus solides que celle de l'auteur de l' « Histoire de la Révolution Française » - ; partisan opiniâtre, qui récemment, lorsqu'il a pris sa retraite de professeur à Liège, a préféré être honoré presque exclusivement par ses amis catholiques, ou du moins a permis que cela se fasse, ce qui revient pratiquement au même ; cependant, on ne peut lui reprocher la moindre partialité sur le plan historiographique ; un homme plein de travail et d'enthousiasme, plein de cette charmante chevalerie que beaucoup de jeunes envieraient à bien des vieillards, Godefroid Kurth est le père, le Jan-Frans Willems du mouvement allemand.

Mais ce qui animait Jan-Frans Willems ne peut guère avoir animé Godefroid Kurth. Les Flamands, réveillés par Willems, avaient, en gros, une histoire commune, glorieuse ; ils avaient une littérature propre, encore inexploitée mais d'une richesse incalculable ; ils possédaient un art, mieux : ils possédaient une tradition artistique, qui avait dominé le monde à deux reprises ; ils étaient un peuple inconscient de lui-même, qui gaspillait des trésors d'énergie dans un travail apatride. Ce que Willems prévoyait, c'était la place que les Flamands, ayant secoué le manteau léthargique de l'indifférence et de la francisation systématique, occuperaient dans l'art mondial, sur le marché mondial ; ce que la Flandre, se connaissant elle-même, pourrait devenir dans le mouvement européen de notre époque.

Et les Allemands de Godefroid Kurth ? Ce sont un petit nombre de personnes, dont l'élite intellectuelle est émigrée ou dispersée dans toute la Belgique, qui n'ont aucun lien de tradition, aucune histoire dont se vanter, aucun art ; un groupe de personnes seulement, qui n'ont d'autre idéal que de gagner leur pain quotidien, et... oh oui, qui ne demandent rien de plus.

Car le mouvement allemand se résume en fait à... l'inertie. On ne le remarque que par les revendications de ses leaders. Un mouvement ? Il ne remue pas plus qu'une roue de moulin abandonnée dans un fossé desséché ; il ne « bouge » pas plus que la jambe enflée d'un goutteux, et encore seulement dans la tête bouillante de ceux qui voulaient le ranimer. Ce n'est pas un mouvement populaire : où est votre Lion des Flandres ? Ce n'est pas l'expression naturelle, écrasante, redoutable d'une volonté populaire : où sont vos dents ?...

Néanmoins, le mouvement allemand n'est rien d'autre qu'un mouvement cérébral. Même si ses revendications sont défendables - et qui pourrait nier à chacun le droit de parler sa langue maternelle ? - ; si elle compte parmi ses représentants des hommes de conviction comme Godefroid Kurth - qui ne devrait pas être entraîné à dire des contre-vérités pour autant : l'auteur de La Frontière linguistique, qu'il est, sait très bien que les villages de la frontière orientale du Pays de Liège parlent le limbourgeois, et non l'allemand, comme il le prétend - ; alors elle mérite le respect : un mouvement vivant, enraciné dans le cœur du peuple, vivant du battement de cœur et du sang du peuple, comme le mouvement flamand, ne peut pas être comparé à cela.

Oui, le mouvement allemand est une imitation. Il est le résultat, je le répète, de cette maladie nationale-belge, qui doit être appelée une imitation envieuse. Et nous ne le condamnerions pas - une telle vie contre nature porte sa propre mort en elle - si ce n'était pas qu'il est entre les mains des ennemis des Flamands, et en outre, un bâton facile dans les roues de la justice flamande. La légitimité de ses revendications - qui ne sont pourtant que les revendications de trois ou quatre personnes, ce qui n'est pas assez compris - entrave facilement la réalisation des revendications flamandes. Et le résultat sera que cette prétendue puissance, qui n'est en réalité qu'une illusion, suscitera des hésitations chez des personnes qui seraient sinon totalement du côté flamand, et ainsi entravera l'opinion et l'application de la loi Coremans - sur la flamandisation, comme on le sait, des établissements d'enseignement privé. Le mouvement allemand n'est pas encore un danger. Mais le prendre au sérieux peut le rendre dangereux.