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L’affaire [du cimetière] de Saint-Génois. Articles extraits des journaux : L’Echo du Parlement, L'Organe de Courtrai, Le Journal de Courtrai, ’T Jaer 30 et Le Katholyke Zondag
- 1868

L’affaire de Saint-Génois. Articles extraits des journaux : L’Echo du Parlement, L'Organe de Courtrai, Le Journal de Courtrai, ’T Jaer 30 et Le Katholyke Zondag

(Paru à Courtrai en 1868, chez Vermaut-Grafmeyer)

L’Organe de Courtrai

L’Organe de Courtrai, 21 juin 1868 (numéro 25)

(page 34) Tout le monde sait qu'un conflit existe à Saint-Genois entre l'autorité communale et le curé concernant le nouveau cimetière, mais ce qu'on ignore généralement c'est que le nouveau cimetière a été établi à l'instigation de feu Mgr Malou, évêque de Bruges, qui dès le mois de novembre 1858, réclama, par dépêche officielle, contre les abus et les inconvénients que présentaient à Saint-Genois les inhumations dans l'ancien cimetière. Situé au milieu de l'aggloméré de la commune, entouré par des maisons, incessamment foulé par les passants, ce cimetière était non seulement dangereux, pour l'hygiène et la salubrité publiques, mais il était en outre très souvent le théâtre de profanations nocturnes qui dès avant cette même année 1858, avaient bien des fois excité les plaintes du clergé. Le curé M. Vanschoebeke, dans de nombreux sermons, engagea souvent ses paroissiens à demander pardon au ciel pour les scènes inconvenantes ou scandaleuses commises sur les sépultures chrétiennes, mais alors le clergé n'avait pas songé à faire de l'établissement du nouveau cimetière une machine de guerre électorale contre l'administration communale de Saint-Genois.

Aussi, cette administration était loin de penser qu'elle posait un acte désagréable à l'évêque, lorsqu'elle fit l'acquisition d'un terrain des plus convenables pour l'établissement d'un nouveau cimetière. Monseigneur Jean-Baptiste était mort et Monseigneur Jean-Joseph, son successeur, fit sa tournée pastorale. Avant de venir à Saint-Genois, Monseigneur Jean passa par Avelghem et y bénit le nouveau cimetière que l'administration de cette commune avait créé en même temps que celui de Saint-Genois. On s'attendait dans cette dernière commune que Monseigneur en aurait agi de même. On lui fit une réception royale, mais lorsque le lendemain l'administration communale sollicita une audience de Monseigneur, au presbytère, et le pria humblement de vouloir bénir le nouveau cimetière comme il venait de faire à Avelghem, Monseigneur répondit d'une manière évasive et à double entente, il chercha, par des subterfuges, à échapper à la nécessité de donner une réponse claire et nette, bref, on n'obtint rien et Monseigneur partit.

Quelque temps après une nouvelle démarche fut faite auprès de Monseigneur Jean, en son palais épiscopal de Bruges, il lui fut exposé que la commune de Saint-Genois avait le désir le plus vif d'obtenir ce qu'avaient obtenu sans difficulté les communes environnantes de Dottignies, Mouscron, Avelghem, mais Monseigneur persista à filer entre les doigts des bons députés villageois.

L'administration communale, voyant que ses tentatives pour arriver à une solution restaient vaines, se préparait à fermer l'ancien cimetière et à ouvrir le nouveau, mais le curé, ayant eu vent de la chose, demanda une entrevue dans laquelle il s'engagea à obtenir la bénédiction du nouveau cimetière. L'administration, qui évitait avec soin toute occasion de conflit, accepta avec empressement. Ceci se passait en octobre 1867. Mais un mois, deux mois, six mois se passent et on n'entend plus parler de bénédiction, M. le curé se renferme dans un mutisme absolu. De guerre lasse, l'administration communale fait publier l'arrêté qui décide la fermeture de l'ancien cimetière et l'ouverture du nouveau à dater du 9 juin 1868.

Tous ces atermoiements, tous ces subterfuges, toutes ces fausses promesses et ces intrigues n'avaient qu'un seul but, de lasser la patience de l'administration, de la pousser à des actes que le clergé aurait fait passer pour des violences et des persécutions et qu'il aurait exploité à son profit et contre l'administration communale. En effet, rien n'a été négligé pour tromper les habitants sur la vérité des faits, sur leur caractère et sur l'intention des administrateurs de la commune. Tous les moyens imaginables pour les rendre odieux ont été mis en œuvre, mais nous sommes heureux de constater qu'ils n'ont pas réussi, et que c'est au contraire le clergé et l'évêque qui sortiront de cette querelle, qu'ils ont si obstinément et si malencontreusement cherchée, considérablement amoindris.

L'ancien cimetière étant fermé le 9 juin, le premier enterrement qui dut se faire dans le nouveau survint le 11. Le défunt, vieux célibataire borné et craintif, entièrement soumis à la domination des vicaires, avait fait consigner dans son testament reçu quelques jours avant sa mort par le notaire Opsomer, qu'il ne voulait être enterré qu'en terre bénite. On fit des démarches auprès de tous les bourgmestres des villages voisins pour obtenir la permission d'y enterrer le cadavre, mais sans résultat ; finalement on vint demander le permis d'inhumation au bourgmestre de Saint-Genois, mais cette demande cachait un piège, car, pendant ce temps le curé faisait creuser une fosse à l'ancien cimetière. Le bourgmestre répondit qu'il aurait remis le permis d'inhumation au fossoyeur communal et fit creuser une autre fosse au nouveau cimetière. Sur ces entrefaites, arriva le service funèbre ; vers 5 heures, les cérémonies dans l'église étant terminées, le curé et ses vicaires sont sortis avec le corps et se sont avancés à quelques pas hors de l'église sur l'ancien cimetière. Là, après avoir achevé les dernières cérémonies, le curé a pris la parole, et s'adressant au public, il a dit qu'il regrettait de ne pouvoir terminer cet enterrement comme on l'avait toujours fait, mais qu'il en était empêché. « Je dépose donc ici ce corps, poursuivit-il, et en enlevant. la civière et le drap mortuaire qui appartiennent à l'église, je le laisse à la responsabilité de qui de droit. » Sur ce, les gens de l'église déposèrent le cercueil sur l'herbe et se retirèrent avec la civière et le drap mortuaire, curé et vicaires en tête. Alors s'avancèrent M. le bourgmestre Mullie et M. l'échevin Delbecque, qui firent déposer le corps sur une autre civière et le recouvrir d'un drap mortuaire appartenant à la commune, et sur leur invitation, les mêmes porteurs qui avaient porté le corps à l'église le portèrent (page 35) au nouveau cimetière. La foule suivit silencieuse et recueillie. Après que la bière fut descendue dans la tombe et avant qu'on ne le refermât, M. le bourgmestre prononça les paroles suivantes : « Aenhoorders, wij bestellen hier ter aarde de overblijfsels van Antonius Lenencre ; het spijt ons te zien dat de geestelijkheid op deze plaats hare gebeden weigert. Niettemin, laat ons hopen dat de Allerhoogste de ziel van den overledene in genade zal ontvangen, en storten wij, ter zyner gedachtenis, een kort gebed. » Tout le monde s'est mis à genoux, et après une courte prière, la foule s'est écoulée silencieusement et dans une attitude pleine de respect et de recueillement.

Ainsi se passa le premier enterrement dans le nouveau cimetière de Saint-Genois. La parfaite convenance de l'attitude de la population ne faisaient pas l'affaire du clergé qui aurait voulu du désordre et du scandale. Aussi, le dimanche suivant, la procession de la Fête-Dieu ne sortit pas au grand étonnement des paroissiens, le bruit se répandit que l'église allait être fermée, le service divin interrompu, les prêtres persécutés. Momentanément, on laisse les portes de l'église fermée, les prêtres et les dévotes entrent par la sacristie, et nous verrons bientôt quelles nouvelles comédies Monseigneur Jean prépare dans l'ombre.


L’Organe de Courtrai, 28 juin 1868 (numéro 26)

Nous avons fait connaître, il y a huit jours, par quel enchaînement de circonstances le clergé de la commune de Saint-Genois, agissant d'après les ordres de Monseigneur Jean, en est venu à frapper d'interdit le cimetière que le prédécesseur de l'évêque actuel avait lui-même réclamé, et comment l'évêque refuse de bénir le nouveau cimetière de Saint-Genois, en même temps qu'il accorde cette grâce à Avelghem et à plusieurs autres communes des environs. Les rigueurs de l'église, qui ressemblent ici à des manœuvres politiques et électorales, paraissent devoir être poussées au-delà des dernières limites, car, l'église est maintenant fermée aux fidèles, les dévotes et les affidés seuls sont admis par la sacristie ; bref, la commune est mise en état d'excommunication et frappée d'interdit. Le curé et ses vicaires refusent l'accès de l'église aux morts et n'épargnent ni intrigues ni menaces pour empêcher les voisins et les amis d'accompagner les convois funèbres au nouveau cimetière. Leur but est d'arriver à faire du scandale pour susciter des troubles et du désordre, et pour exciter le mécontentement public contre les administrateurs de la commune, que la clique cléricale cherche à rendre responsable de ses propres excès. On continue à enterrer les morts, sans le concours du clergé, au nouveau cimetière, et jusqu'ici, ces tristes cérémonies se sont accomplies avec beaucoup de décence, mais déjà un vieux fanatique de Courtrai, répondant au sobriquet de Jan in d'Olie, et un jeune zouave pontifical... manqué, le sieur Hector M..... se sont rendus à l'un des derniers enterrements, et, par leur attitude inconvenante et provocatrice, ont essayé de faire du scandale. Les gardes-champêtres ont dû les rappeler à la décence et an respect qu'on doit aux morts, car leur conduite avait soulevé l'indignation publique.

Il paraît que le curé, pour faire croire que l'autorité civile désapprouve l'administration communale de Saint-Genois, a fait exécuter avec grand apparat des mesurages et planter des jalons autour de l'ancien cimetière. Pour jouer cette comédie, il avait mandé un compère de Courtrai qui s'y est prêté avec une complaisance extrême. Ce compère est le sieur Jonckheere, conducteur des ponts et chaussées, qui est allé mesurer et niveler, jalonner et délimiter sur la place publique de Saint-Genois sans vouloir seulement répondre à l'administration communale qui lui demandait la cause de tout cet appareil. Ces simagrées se sont prolongées jusqu'à ce que l'administration communale ait fait saisir et consigner à la maison communale tous les jalons et les niveaux du sieur Jonckheere.

Ce n'est qu'après beaucoup d'excuses et de prières que ce dernier est parvenu à se faire rendre sa collection d'ustensiles avec lesquels il s'est empressé de décamper pour Courtrai.

Grâce à l'énergie et à la fermeté de ses administrateurs communaux, grâce aussi à la confiance et à l'estime qu'inspirent à leurs administrés M. le bourgmestre Mullie et M. l'échevin Delbecque, l'ordre n'a pas encore été troublé à Saint-Genois, et la population garde une attitude pleine de calme et de résignation.


L’Organe de Courtrai, 12 juillet 1868 (numéro 28)

Nous apprenons que le conflit créé par le clergé dans la commune de Saint-Genois continue à y entretenir une grande excitation dans les esprits. C'est ainsi que ces doux pasteurs des âmes comprennent leur mission de paix et d'amour. Depuis quatre-vingts ans, la loi exige que les champs de repos des morts ne soient plus des foyers d'infection pour les vivants, établis au milieu des habitations et des villages ; elle veut que partout on établisse de nouveaux cimetières dans de bonnes conditions hygiéniques ; on l'a fait, et le clergé, là où son opposition serait passée inaperçue, les a parfaitement bénis et rebénis ; mais voyant qu'à Saint-Genois il pouvait se faire une arme de guerre de la sage décision du conseil communal, le clergé s'est hâté d'exploiter au profit de ses haines et de ses passions politiques une question qui, partout ailleurs, n'en serait pas une. Il a fermé l'église, refusé son concours aux inhumations, mis la commune en interdit, surexcité le fanatisme de la populace et attisé les mauvaises passions ; et tout cela en vue de susciter quelque fâcheuse affaire à l'administration communale, pour la rendre impopulaire et odieus, pour entraîner sa chute et pour la remplacer par des instruments dociles de l'évêque et du curé. mais les Bons Ministres du Seigneur (page 36) ont compté sans le bon sens de la population, ils ne réussiront pas dans leurs saints calculs, et leurs pieux projets échoueront misérablement devant la fermeté et l'énergie de l'autorité civile qu'ils veulent braver.


L’Organe de Courtrai, 19 juillet 1868 (numéro 29)

On lit dans l'Echo du Parlement :

Nous trouvons dans un journal de Courtrai les lignes suivantes qui ont grand besoin d'être expliquées :

« L'affaire de Saint-Genois vient d'entrer dans une phase nouvelle, phase étrangement odieuse et qui doit tenir en éveil toute l'attention de la justice : Nous voulons parler du double incendie dont la commune a été le théâtre dimanche dernier et qui glace la population de stupeur et d'effroi.

« Ce double incendie s'est déclaré le même jour, presque à la même heure, et si l'on songe que les victimes des sinistres sont précisément deux des hommes courageux qui administrent la commune et qui tiennent si haut et si ferme le drapeau de l'indépendance du pouvoir civil, l'on est autorisé à croire que le fanatisme et la haine politique ne sont pas étrangers à ces persécutions d'un nouveau genre.

« L'autorité judiciaire a déjà fait son devoir, M. le Procureur du Roi, accompagné du juge d'instruction, du greffier et du commandant de la gendarmerie, a fait une descente ce matin à Saint-Genois. »


L’Organe de Courtrai, 26 juillet 1868 (numéro 30)

Dieu soit loué, la semaine s'est passée sans incendie et sans dévastation à Saint-Genois. L'état des choses doit s'y améliorer. On parle du déplacement du curé. Est-ce une reculade de sa Grandeur Monseigneur Jean, ou bien voudrait-il substituer un Pelisier à un Canrobert ? Nous verrons bientôt.


L’Organe de Courtrai, 16 août 1868 (numéro 33)

Lundi soir, vers neuf heures, les lueurs sinistres de l'incendie venaient pour la quatrième fois en trois semaines jeter l'épouvante parmi la population de Saint-Genois. Cette fois-ci le feu avait été mis à une meule de colza appartenant au sieur Samyn, conseiller communal, l'un de ceux qui, comme MM. Glorieux-Delemazure, Vanderghinste et Seynaeve, dont les récoltes ont déjà brûlées, ont voté le déplacement du cimetière.

Tout secours était inutile.

La meule a été entièrement consumée. La perte s'élève à un millier de francs.

Le lendemain, le parquet, qui déploie dans ces malheureuses circonstances la plus louable énergie, a fait une nouvelle descente à Saint-Genois.

Nous apprenons qu'une arrestation a eu lieu, celle du nommé Camille Vanderschelden, âgé de 19 ans, cordonnier et tambour de la musique cléricale de Saint-Genois.


L’Organe de Courtrai, 16 août 1868 (numéro 33)

Nous signalons à nos lecteurs ce curieux passage d'une des lettres adressées par l'évêque de Bruges à la fabrique de l'église de Saint-Genois : « Je tombe de tout mon >haut, etc...., la proscription du cimetière existant et son remplacement par un cimetière communal constitueraient la violation la plus flagrante possible des principes catholiques. C'est assez dire que je ne pourrai faire aucun accueil à la proposition de bénir. Veuillez dire à ces Messieurs... qu'ils fassent que le nouveau terrain devienne la propriété de la fabrique, je passerai volontiers sur le reste. »

Cette lettre est du 28 octobre 1867.

On voit quel est le but que poursuit Monseigneur Jean : Qu'on donne l'église le nouveau cimetière communal et il passera volontiers sur le reste. On n'est pas plus conciliant , en vérité, que ne l'est Monseigneur Jean.


L’Organe de Courtrai, 16 août 1868 (numéro 33)

Quant à l'autorité des lois, le même Monseigneur Jean s'en caresse légèrement la paupière. II en fait autant pour la question de salubrité et d'hygiène. « Sa conscience lui défend de bénir le cimetière » à moins qu'on ne donne le « nouveau terrain en toute propriété à l'église. »


L’Organe de Courtrai, 16 août 1868 (numéro 33)

Nous apprenons que M. le docteur Woedts, président de la commission médicale provinciale et le secrétaire de cette commission, se sont rendus, sur l'invitation du gouvernement, mercredi dernier, à Saint-Genois, et que ces messieurs ont de nouveau constaté que la santé publique exigeait impérieusement la suppression de l'ancien cimetière existant autour de l'église et au centre de l'agglomération de la commune.

Tout cela n'empêchera pas Monseigneur Jean de soutenir que la proscription du cimetière existant constituerait la « violation la plus flagrante possible des principes catholiques. »

Nous doutons cependant grandement, quelle que soit l'infaillibilité de la parole épiscopale, que les principes « catholiques » exigent qu'on couve le typhus et le choléra au milieu des habitations.

Il est vrai de dire aussi que les « principes catholiques » fléchiraient devant le don à l'église du nouveau terrain communal. A ce prix, Monseigneur Jean « passerait volontiers sur le reste. »


L’Organe de Courtrai, 16 août 1868 (numéro 33)

En attendant que cet excellent pasteur des âmes veuille rendre la paix à ses brebis, ses bonnes ouailles de Saint-Genois continuent à brûler et à saccager les propriétés des administrateurs de la commune qui se sont permis de transgresser (page 37) ses ordres. Est-ce que la conscience de Monseigneur Jean ne lui prescrirait rien à cet égard ?


L’Organe de Courtrai, 23 août 1868 (numéro 34)

Depuis lundi soir il n'y plus eu d'incendie ni de dévastation.

Les sycophantes du parti clérical font maintenant circuler un bruit qui trouve beaucoup de croyance parmi les bigotes et la classe ignorante. D'après ce bruit l'auteur des incendies, celui qui parvient à échapper à toutes les recherches, ne serait autre qu'un revenant, l'esprit d'Antoine Lenencre ; le premier enterré dans le cimetière maudit se vengerait ainsi du déplaisir que lui cause son séjour actuel.

Le même revenant serait-il aussi l'auteur des dévastations de récoltes ? On ne le dit pas jusqu'ici.


L’Organe de Courtrai, 23 août 1868 (numéro 34)

L'instruction est longue et laborieuse. Les faits criminels sont si nombreux. Depuis mardi matin, M. Maertens, procureur du Roi, et M. le juge d'instruction Deblauwe, assisté du greffer M. Berlemont, sont sur les lieux mêmes et travaillent sans désemparer. On dit que jusqu'ici l'instruction n'a révélé aucun fait décisif, mais il va sans dire que le secret le plus absolu est gardé à ce sujet.

Au moment où nous écrivons le parquet est toujours encore à Saint-Genois.


L’Organe de Courtrai, 23 août 1868 (numéro 34)

On dit que l'évêque serait sur le point de reculer. L'effet moral de ce qu'il en coûte lorsqu'on transgresse ses ordres étant produit, Monseigneur consentirait enfin il bénir le nouveau cimetière ; le curé et les vicaires actuels seraient remplacés et tout rentrerait dans l'ordre. Nous ne publions cet on-dit que sous toutes réserves.


L’Organe de Courtrai, 23 août 1868 (numéro 34)

Hier soir, entre neuf et dix heures, le feu a été mis une meule de paille appartenant à la veuve Everaert, de Coeyghem, sœur de l'ancien bourgmestre de Saint-Genois, M. Glorieux-DeIemazure.

Tout a été brûlé en quelques instants/


L’Organe de Courtrai, 23 août 1868 (numéro 34)

Au moment de mettre sous presse nous apprenons que ce matin, cinq heures, le feu a été mis trois meules de froment, appartenant à M. Louis Seynaeve-Buysens, fils de l'ancien échevin. On craignait pour la ferme dont ces meules étaient très rapprochées. Le feu n'était pas encore éteint au moment où l'on a expédié la dépêche. Les incendiaires ont cette fois-ci choisi le moment où les gendarmes étaient rentrés, et les campagnards déjà levés et prêts à se rendre à leurs travaux.


L’Organe de Courtrai, 30 août 1868 (numéro 35)

Samedi, nous avons annoncé que de nouveaux incendies venaient d'éclater à Saint-Genois ; voici quelques détails à ce sujet :

Vendredi soir, une meule d'avoine appartenant à Mme veuve Evraert, la sœur du bourgmestre, qui fit décréter le nouveau cimetière, et la tante du bourgmestre actuel, M. Mullie, était incendiée ; cette meule était placée à la limite de Saint-Genois, sur le territoire de Coeyghem.

Samedi, vers cinq heures du matin, deux meules de froment, situées près la ferme Seynaeve, brûlaient aussi et menaçaient la ferme elle-même ; mais heureusement d'énergiques secours empêchèrent le désastre de prendre de grandes proportions.

Vous devez penser, nous écrit-on, la consternation qui règne ici, surtout chez les personnes qui appartiennent au parti libéral.

Mme Evraert avait reçu jeudi une lettre jetée à la poste de Verviers ; elle n'était pas écrite, mais on avait découpé des lettres d'une affiche pour former les mots : Incendie et assassinat.

Lorsque le feu éclata samedi matin, les gendarmes venaient de quitter les postes d'observation depuis dix minutes à peine ; il faut que le feu ait été mis par une personne demeurant dans le voisinage.

Deux individus ont déclaré avoir vu un homme s'enfuir à travers champ : questionnés pourquoi ils ne l'avaient pas arrêté pour gagner la prime de 1,000 francs promise à celui qui dénoncera les coupables, ils répondirent qu'ils ne voulaient pas risquer de perdre la vie pour 1,000 francs ; chose assez drôle, ils ont ajouté que ce fuyard avait une forte barbe, et l'on ne connaît personne portant toute sa barbe dans les environs.

Les incendiaires ont tellement su répandre la terreur que, malgré toute la vigilance de l'autorité, on aura bien de la peine à découvrir les coupables par les témoignages des habitants ; il n'y a qu'un moyen, c'est de saisir les brûleurs en flagrant délit et la chose n'est pas facile.

On a encore arrêté, sous de graves soupçons, le sabotier du village, nommé Depoorter, le trompette de la musique cléricale : on sait que l'on a déjà arrêté le tambour de ladite musique.

Le détachement de gendarmes qui est ici sous le commandement du sous-lieutenant Paul, a fait un service des plus actifs et des plus fatigants ; dimanche, ces braves militaires ont reçu un renfort de seize hommes à pied et à cheval, commandés par le lieutenant Ceulemans.

(page 38) Le quartier-général du camp improvisé à Saint-Genois est installé chez M. l'échevin Delbecque, l'un des chefs actifs du courageux parti libéral de Saint-Genois, qui a, toute affaire cessante, donné les renseignements et aidé l'autorité par tous les moyens possibles ; c'est là que M. le procureur du Roi interroge, reçoit et expédie les ordres nombreux que nécessite la mystérieuse affaire des incendies de Saint-Genois.

Sans vouloir tirer aucune conséquence du fait, les hommes de patrouille ont fait cette remarque qu'alors que toutes les fermes des libéraux sont soigneusement gardées par leurs maîtres qui veillent toutes les nuits, celles des cléricaux ne le sont nullement et leurs propriétaires font la nuit bonne.

Pour vous donner une idée du fanatisme que l'on a su inculquer à cette population ignorante et abrutie, on vient de condamner, à Courtrai, à huit jours de prison, pour menaces, un individu qui avait tenu publiquement ce langage en flamand : « Si je perdrais mon frère, et qu'on l'enterrât dans le cimetière non béni, je brûlerais la cervelle à l'échevin Delbecque. »

Et le malheureux croirait alors avoir gagné le Paradis !


L’Organe de Courtrai, 6 septembre 1868 (numéro 36)

Il est intéressant de voir comment du jour au lendemain la presse épiscopale a changé de thème dans l'affaire de Saint-Genois. Les nombreux crimes étaient d'abord, de l'aveu du Bien public, vaincu par l'évidence, « des représailles » instiguées par des catholiques persécutés. Aujourd'hui on revient sur cet aveu imprudent ; les incendies, les dévastations ne seraient plus que l'œuvre d'une vieille femme idiote, libre-penseuse, agissant isolément et sous l'inspiration d'une vengeance personnelle, et ayant attendu pour l'exercer exclusivement contre les conseillers qui ont pris part au déplacement du cimetière jusqu'au moment où la destruction de Saint-Genois, à l'instar de Sodome et Gomorrhe, avait été prédite en chaire par le curé et ses vicaires.

Nous ignorons où ceux qui écrivent toutes ces choses ont puisé leurs renseignements ; ce ne peut être à une bonne source, car ils sont pour la plupart faux et erronés : d'abord la veuve Morel n'est ni vieille ni idiote ; elle a 49 ans ; c'est une fanatique d'une dévotion ardente, et qui a toujours le chapelet à la main. On comprend facilement qu'une femme pareille croie, comme elle le dit : que c'est un crime plus grand d'enterrer les catholiques en terre non bénite, que de brûler les fermes de ceux qui ordonnent ces enterrements. D'un caractère impérieux et méchant, elle exerçait une influence despotique sur le vacher Vandeputte. Rien n'ayant transpiré de l'instruction, et les aveux que cette femme pourrait avoir faits n'étant connus que des magistrats, nous ignorons ce qui a pu autoriser les journaux cléricaux à dire, il y a déjà plus de huit jours, alors que cette femme, loin d'être en aveu, n'avait presque pas encore été interrogée, « qu'elle avait mis le feu à quelques fermes pour la satisfaction de ses rancunes personnelles !.... » A cette époque la veuve Morel n'avait rien dit de semblable. La presse cléricale ferait mieux d'imiter notre réserve. Laissons agir la justice, elle tient le fil..... elle saura peut-être remonter à la source première de ces grands crimes.


L’Organe de Courtrai, 13 septembre 1868 (numéro 37)

On écrit de Saint-Genois à la Vérité de Tournai, que le calme commence à renaître dans la commune ; les habitants se persuadent maintenant qu'il n'y a rien de miraculeux dans les incendies qui ont frappé coup sur coup les électeurs libéraux. Le clergé s'est aperçu à son tour qu'il jouait un jeu de dupe en refusant les honneurs funèbres aux paroissiens morts dans la religion catholique, puisqu'il perdait par le fait même les honoraires que les services lui rapportent. Il ne consent pas encore, il est vrai, à recevoir les corps dans l'église ; le décret de monseigneur s'y oppose ; mais il commence à dire des services pour le repos de l'âme des décédés.


L’Organe de Courtrai, 6 septembre 1868 (numéro 36)

Au moment où les propriétés des libéraux de Saint-Genois étaient chaque nuit saccagées et brûlées, le Journal de Courtrai engageait M. le procureur du Roi à rechercher les incendiaires parmi ces libéraux mêmes, et il apostrophait ce magistrat en ces termes : « M. le procureur du Roi doit savoir à l'égal d'un axiome social et indiscutable que si le libéralisme n'est pas entièrement composé de fripons, il est vrai que la plupart des fripons se trouvent dans le libéralisme. C'est pour mieux donner le change que les attentats criminels se portent exclusivement sur des propriétés appartenant aux membres de l'ancienne administration communale, première cause des conflits existants. »

Le Bien public reconnut néanmoins, vers le même temps que ces incendies pouvaient bien être des représailles de la part des catholiques persécutés et convint que ces représailles étaient blâmables.

Mais le Journal tint bon, et lorsqu'on arrêta le tambour et le trombone des velleploters, il tança vertement M. le procureur du Roi « sur les airs insolites qu'il se donnait. »

Les virtuoses des velleploters sont toujours encore sous (page 30) les verrous ainsi que Vandeputte et la femme Morel ; tout le monde à Saint-Genois regarde cette dernière comme une fanatique exaltée ; elle roulait toujours un chapelet entre ses doigts et répétait sans cesse en marmottant des prières : « Goed is God ! Goed is God ! » Avant son arrestation elle disait que brûler les propriétés des libéraux n'était pas un aussi grand crime que d'enterrer les catholiques au « geuzen kerkhof.» Depuis son arrestation rien n'a transpiré.

Cependant le Journal de Courtrai, qui devrait se borner pour le moment à disculper ceux qui par des sermons furibonds ont jeté le trouble dans les consciences, les prédicants sur Sodome et Gomorrhe et les devins des songes du Jaar dertig, assure dès maintenant que les instigateurs de cette femme ne peuvent être que des libéraux, et il ajoute : « Nous croyons pouvoir affirmer que la femme Morel était une vraie libérale, libre penseuse, ne prenant le chapelet en main que très rarement et pour s’en moquer, et la maison de cette fanatique était, à ce qu'on affirme, une maison qui mérite un autre nom que maison de prières. »

Nous verrons tout cela plus tard. En attendant nous avons tenu à rétablir un peu la vérité historique et l'ordre chronologique des faits. Qui sait si d'ici à peu de temps nous ne pourrons pas prouver par des faits patents que le Journal de notre régence a, une fois de plus, lâchement et honteusement calomnié. Cette nouvelle infamie de sa part n'étonnerait personne.


L’Organe de Courtrai, 11 octobre 1868 (numéro 41)

L'affaire de Saint-Genois se corse de plus en plus, et les clameurs délirantes de la presse cléricale ne parviendront pas à égarer l'opinion publique on ne peut rien contre l'éloquence des faits. L'Echo du Parlement affirme de nouveau que l'éditeur du Jaar 30 a été mis en liberté. mais il est acquis maintenant que l'auteur de l'article, où l'on prédisait en quelque sorte les incendies, est le vicaire même de Saint-Genois, le sieur Van Eecke ; que le manuscrit de cet article, exigé probablement par l'éditeur du Jaar 30, désireux de mettre sa responsabilité à couvert, était déposé chez l'avocat de Vandenberghe, M. Boutens, neveu de l'évêque de Bruges ; enfin qu'on n'a pu jusqu'à présent donner suite à un mandat d'amener, lancé contre le vicaire-rédacteur, celui-ci ayant jugé bon de quitter son ingrate patrie, d'aller respirer l'air pur du beau pays de France et d'épargner ainsi « à la magistrature Bara » style de la Patrie, une nouvelle et déplorable occasion de persécuter la religion de nos pères. »

Le Journal de Charleroi n'est pas satisfait de l'hésitation dont la justice a fait preuve à l'égard du vicaire Van Eecke :

« Si on l'avait arrêté, comme on devait le faire dès le début, il ne narguerait pas la justice à son aise, du fond de quelque village de France. La clameur publique l'accusait d'excitation aux crimes commis à Saint-Genois. C'était plus que suffisant pour motiver son arrestation. La justice n'avait donc pas besoin, pour arriver à ses fins, de prendre le détour qui l'a amené dans les bureaux du journal 't Jaar dertig et qui a donné l'éveil au vrai coupable. »


L’Organe de Courtrai, 11 octobre 1868 (numéro 41)

La vigueur que déploie la justice dans la recherche des auteurs des crimes de Saint-Genois transporte de fureur la presse cléricale, qui soutient que la magistrature fait acte de parti, chose qui n'étonnerait pas, parce qu'elle a été radicalement transformée par M. Bara. En d'autres termes, les magistrats qui instruisent l'affaire de Saint-Genois, font du zèle politique, parce qu'ils sont des créatures nouvelles du ministre de la Justice.

Ces insolences sont réfutées pleinement par la circonstance mentionnée par l'Echo du Parlement, qu'aucun des magistrats, incriminés par la presse catholique, n'est entré dans la magistrature sous le ministère actuel.

Une remarque que tout le monde fera, c'est que la presse dévote récrimine plus vivement contre la justice qui poursuit la répression des crimes de Saint-Genois, que contre les malheureux fanatiques qui s'en sont rendus coupables.


L’Organe de Courtrai, 11 octobre 1868 (numéro 41)

Il est nécessaire à la thèse soutenue par la Patrie contre les magistrats Baratres, comme elle les appelle, que ce soit M. le juge Gondry qui ait fait les perquisitions chez les éditeurs du Jaar dertig et du Katholyke Zondag.

La vérité est autre c'est M. le juge d’instruction Deblauwe qui assistait à ces visites domiciliaires, mais il est plus que probable que la feuille épiscopale n'en dira rien. à ses bénévoles lecteurs. Son siégé contre les Baratres est fait....

Le parquet de Courtrai a passé les deux dernières journées de vendredi et Samedi, à Saint-Genois.