(Continuation parue en 1834 à Bruxelles, dans la troisième édition des Essais…)
Négociations de Zonhoven, relatives aux communications de la forteresse de Maestricht et à la navigation de la Meuse. Convention de Zonhoven, du 18 novembre 1833
(page 73) Les négociations générales, dont nous venons de rendre compte, avaient été reprises sous la médiation des cinq cours constituées en conférence, comme signataires et garantes du traité du 15 novembre ; une négociation spéciale avait été presque en même temps ouverte sous la médiation des gouvernements français et britannique, comme signataires et garants de la convention du 21 mai ; elle se prolongea au delà de la réunion de la, Conférence et eut pour résultat la convention militaire de Zonhoven, du 18 novembre 1833.
Voici quelle a été l'origine de cette négociation accessoire.
L'article 4 de la convention du 21 mai est ainsi conçu :
« Immédiatement après l'échange des ratifications de la présente convention, la navigation de la Meuse sera ouverte au commerce et, jusqu'à ce qu'un règlement définitif soit arrêté à ce sujet, elle sera assujettie aux dispositions de la convention signée à Mayence le 31 mars 1831, pour la navigation du Rhin, en autant que ces dispositions pourront s'appliquer à ladite rivière.
(page 74) « Les communications entre la forteresse de Maestricht et la frontière du Brabant septentrional, et entre ladite forteresse et l'Allemagne, seront libres et sans entraves. »
On voit que cet article se compose de deux parties connexes.
Le § 1er, relatif à la navigation de la Meuse, non seulement pose le principe de la liberté de navigation, mais déclare le tarif de Mayence applicable à cette rivière.
Le § 2, relatif aux communications de la forteresse de Maestricht, se borne à poser le principe de la liberté de ces communications, mais sans déterminer de mode d'exécution.
Le gouvernement hollandais demanda que des commissaires fussent nommés pour régler par une convention spéciale l'exécution du § 2.
En accédant à la nomination de commissaires, le gouvernement belge demanda que l'application du tarif de Mayence à la Meuse fût également réglée par une convention nouvelle. .
Si cette application avait été faite de plein droit, comme elle aurait dû l'être, la demande du gouvernement belge eût été sans objet ; mais cette disposition continuait à être éludée.
Le gouvernement belge admit donc pour point de départ qu'il y avait connexion entre la navigation de la Meuse et la liberté de communications de la forteresse de Maestricht.
Les commissaires délégués de la Hollande à Zonhoven nièrent toute connexion entre ces deux objets ; le (page 75) désaccord était tel, que le cabinet do La Haye crut devoir, pour le lever, s'adresser aux deux puissances signataires de la convention du 21 mai. Ce fut l'objet de la note du 27 juillet 1833.
Le prince de Talleyrand et lord Palmerston communiquèrent cette note aux plénipotentiaires belges, MM. Goblet et Van de Weyer, sous la date du 30 juillet, et ceux-ci justifièrent la conduite de leur gouvernement dans deux notes, l'une du 1er août, l'autre du 3 septembre. Dans cette deuxième note, ils établissaient en ces termes la corrélation entre les deux objets énoncés dans l'article 4 de la convention du 21 mai :
« Une connexion, entière et incontestable, existe entre les deux paragraphes de cet article. Le gouvernement belge la regarde comme le principe fondamental de la convention à conclure : le gouvernement néerlandais, au contraire, la méconnaît, et, sans vouloir aborder la discussion du fond de l'article, il se renferme obstinément dans le § 2 qui a stipulé ces obligations à remplir par la Belgique, en réciprocité et en retour de celles que le § 1 a imposées à la Hollande, au profit de la première.
« Cette divergence de vues qui divise les deux gouvernements au point de départ, mais qui place l'avantage d'un droit et de la logique du côté du cabinet de Bruxelles, a amené, dans le courant du mois dernier, une première interruption des négociations ouvertes à Zonhoven. La même cause vient de produire encore le même effet ; et l'on doit s'étonner de ce que les commissaires néerlandais se soient trouvés, lors de la reprise de cos négociations, aussi peu munis qu'auparavant des (page 76) moyens nécessaires pour traiter la question sur son véritable terrain, bien qu'ils aient eu tout le temps de demander et de recevoir des instructions moins restreintes.
« Cet étonnement est d'autant plus légitime, que le cabinet de La Haye avait dû obtenir dans l'intervalle, par l'intermédiaire de ses plénipotentiaires à Londres, connaissance des explications que ses plaintes avaient provoquées de la part des soussignés, explications qui ne laissaient aucun doute sur le désir du gouvernement de S. M.le roi des Belges d'en venir à un prompt arrangement, basé sur les justes prétentions des deux parties intéressées.
« Si, dans cette occasion, le gouvernement néerlandais avait été animé du même désir, nul doute qu'on ne fût déjà tombé d'accord, à la satisfaction des deux pays, sur l'exécution de l'article 4 de la convention du 21 mai ; nul doute que cette cause d'irritation mutuelle n'eût cessé d'exister aujourd'hui, et qu'ainsi les intentions bienveillantes qui ont dirigé les cours de Paris et de Londres, en concluant l'acte dont il s'agit, ne fussent complètement remplies.
« La manière dont les pourparlers de Zonhoven, repris le 16 août dernier, ont été rompus peu de jours après par les commissaires néerlandais, ne prouve que trop que leur gouvernement ne paraît pas disposé à exécuter régulièrement, en ce qui le concerne, l'article 4 de la convention du 21 mai. En effet, après l'échange d'un grand nombre de notes qui constatent que les parties n'étaient pas loin de s'entendre sur la question des communications militaires, les commissaires (page 77) néerlandais remirent, le 23août, un office renfermant une déclaration portant que : « Si l'introduction d'une clause relative à la navigation de la Meuse est regardée, par MM. les commissaires belges, comme une condition sine qua non, ils se trouvent dans la nécessité de suspendre la négociation. » »
« Au point où cette négociation en était venue, les commissaires belges étaient loin de s'attendre à ce qu'elle fût rompue par une déclaration dont les termes absolus ne laissaient aucun espoir et n'offraient aucun moyen de rapprochement sur la.question principale. »
Dans une note du 14 septembre, les plénipotentiaires hollandais cherchèrent à établir que les commissaires belges avaient primitivement adopté la base des négociations, et que seulement par la suite ils avaient invoqué une prétendue corrélation entre la navigation de la Meuse et la liberté des communications de Maestricht.
« La base des pourparlers qui ont eu lieu à Zonhoven, y est-il dit, se trouve explicitement indiquée dans la lettre de créance des commissaires belges. Cette lettre met en évidence que la convention à conclure a été désirée par les autorités militaires belges elles-mêmes et qu'elle devait se borner exclusivement à régler tout ce qui est relatif aux communications à établir entre la place de Maestricht et le Brabant septentrional, sur la rive gauche de la Meuse, et entre cette même ville et Aix-la-Chapelle, sur la rive droite, et vice versa. Sans sortir de ce cercle, les commissaires respectifs, dans leurs réunions du mois de juillet, s'entendaient sur la (page 78) route la plus directe et la plus commode entre Maestricht et le Brabant septentrional, savoir celle de Winterslagen et Houthalen, et de là le long de la chaussée à Valkenswaard. Si les pourparlers vinrent à être suspendus à la fin de juillet, ce fut uniquement à cause de la déclaration des commissaires belges, qu'ils ne pouvaient admettre les passages de militaires que sans armes et au nombre de 25 au plus à la fois. Ils s'engagèrent cependant à demander de nouvelles instructions sur cet objet, et à revenir à Zonhoven.
« Bien que la négociation fût seulement reprise le 16 août, le gouvernement des Pays-Bas, privé du seul avantage stipulé dans la convention du'21 mai à la charge des Belges, n'en laissa pas moins jouir ceux-ci de tout ce qui avait été stipulé en leur faveur.
« A la nouvelle réunion des commissaires, il se trouva que ceux de la Belgique, au lieu de se borner au seul objet demeuré litigieux à l'égard duquel ils consentirent au passage, une fois dans les vingt-quatre heures, de 500 militaires armés, proposèrent, en remplacement de la route déjà convenue, celle sur la rive droite de la Meuse par Stein, Obbigt et Echt à Wessen, où les militaires passeraient la Meuse, à l'effet de se rendre à la frontière du Brabant septentrional, le long de la rive gauche de la Meuse, par Heersel, Stamprez et Weerd, route qui s'écartait du principe de la réunion et de la lettre même de créance des commissaires belges, où il s'agit seulement de la rive gauche, et d'ailleurs en partie impraticable pendant les pluies, et dépourvue d'un pont à Wessen. »
En outre, lesdits commissaires produisirent une (page 79) prétention entièrement nouvelle, en demandant la signature de l'article suivant, tout à fait étranger à la convention militaire qu'il s'agissait de conclure. « Quant à la navigation de la basse Meuse, depuis Mook jusqu'à la mer, au Rhin, et à l'application des dispositions relatives au Rhin, stipulées dans la convention de Mayence du 31 mars 1831, il sera incessamment nommé des commissaires pour régler de concert l’emplacement des bureaux de péage, et le montant de ce droit. » ».
« Dès lors, les commissaires néerlandais, ne pouvant s'écarter des instructions qui leur avaient été données, d'après la base même du concert proposé de la part des Belges, n'eurent d'autre parti à adopter que celui de se retirer.»
Le cabinet de La Haye alla plus loin ; il se hasarda à soutenir, dans la même note, que la convention du 21 mai n'avait pas entendu rendre libre la navigation de la Meuse dans tout son cours jusqu'à la mer, mais seulement ouvrir cette rivière au passage de la forteresse de Maestrich t ; nous transcrirons encore cette partie de la note.
« Dans la supposition que l'on eût en vue moins de naviguer de la Meuse supérieure à la mer que de se prévaloir, une fois arrivé sur la Meuse, des embranchements de cette rivière, il importera de se rappeler que cette intention ayant été exprimée dans le second article du projet de convention du 30 décembre 1832 par les termes « la Meuse et ses embranchements », le gouvernement néerlandais combattit cette rédaction de la manière la (page 80) plus formelle, avec le résultat que l'addition du terme « embranchements » disparut des projets suivants et de la convention conclue, et que dès lors la Meuse se trouva limitée à son propre cours.
« En faudra-t-il davantage pour constater la bonne foi du cabinet de La Haye, lorsqu'il se persuada que, dans l'état provisoire des choses, la stipulation d'ouvrir la Meuse ne tendait qu'à lever les entraves que la navigation de cette rivière rencontrait à Maestricht, conviction dans laquelle devait le confirmer l'expression d’ « ouverture de la Meuse », par laquelle on avait assez habituellement réclamé, depuis l'insurrection, le passage des bâtiments belges par Maestricht. Or, pour faire jouir les Belges de cet avantage très réel, stipulé par la convention, le gouvernement néerlandais n'a pas attendu ni jugé nécessaire un concert de commissaires sur lequel la convention garde un silence absolu, et dont il ne saurait être question avant la conclusion du traité définitif, comme il appert par les projets mêmes dudit traité ; mais il a procédé de suite à l'ouverture de la libre navigation par Maestricht, en percevant les droits d'après le tarif de Mayence, pris dans son acception la plus restreinte, mesure dont l'importance est suffisamment constatée par le grand nombre de bâtiments passés à Maestricht depuis les premiers jours de juillet.
« Aussi n'existe-t-il aucune plainte qu'on eût écarté un seul bâtiment belge qui aurait voulu se prévaloir, à l'embouchure de la Meuse, ou du côté de Mook, des stipulations de la convention, en se conformant aux règlements. Il ne sera pas nécessaire d'ajouter que cet ordre rend sans objet toute demande tendante à établir (page 81) des bureaux intermédiaires, attendu que ceux de la Brielle et de Katwyk (près de Mook) suffiront pour la perception du. droit selon le tarif de Mayence, lors du passage, infiniment peu probable, de bâtiments de la mer à la Meuse supérieure et vice versa.
« Toujours habitué à exécuter ponctuellement ses engagements, le gouvernement néerlandais poussa ses scrupules au point que le département des finances, tout en doutant que la chose fût possible, donna l'ordre de ne pas écarter, au dernier bureau sur la Meuse supérieure, les bâtiments belges venant par exemple de Liége ou de Roermonde, à l'effet de se rendre immédiatement en mer, et d'agir de la même manière à l'égard des bâtiments venant de la mer et voulant remonter la Meuse pour aller à Roermonde ou à Liége. »
Arrivée à ce point, la négociation soulevait les questions suivantes :
'-1° La Belgique peut-elle exiger que la route militaire soit accordée sur la rive droite de la Meuse, et que le nombrec1es militaires destinés à la parcourir soit limité ?
2° Faut-il borner l'ouverture de la Meuse au seul 'passage à travers Maestricht ?
3° Existe-t-il une corrélation entre les deux paragraphes de l'article 4 de la convention du 21 mai ; et une convention nouvelle est-elle nécessaire pour régler l'application du tarif de Mayence à la Meuse ?
Les plénipotentiaires de France et de la Grande-Bretagne examinèrent ces questions dans une note portant date du 29 septembre, et les résolurent à l'avantage (page 82) de la Belgique. Nous plaçons ici chacune de ces solutions.
« 1° Pour ce qui concerne le choix de la route, les soussignés doivent faire remarquer que les arrangements territoriaux, stipulés par les vingt-quatre articles et par le traité du 15 novembre 1831, assurent au Roi grand-duc une continuité de territoire entre les anciennes provinces hollandaises et la forteresse de Maestricht ; et que la principale raison pour assigner au Roi grand-duc les districts du Limbourg sur la rive droite de la Meuse a été de ne pas gêner les communications militaires de Maestricht, par l'interposition d'aucun territoire belge entre cette forteresse et l'Allemagne d'un côté, et les provinces néerlandaises, de l'autre.
« Lorsque les gouvernements français et anglais invitèrent, dans l'automne de l'année dernière, les gouvernements des Pays-Bas et de la Belgique à évacuer réciproquement les places et territoires alors occupés par chacun d'eux, et qui devaient en définitive appartenir à l'autre, le gouvernement belge se déclara prêt à accéder à cette invitation, mais le gouvernement des Pays-Bas s'y refusa ; et si cette évacuation réciproque n'a pas encore eu lieu, cela tient uniquement au refus du cabinet de La Haye.
« Si cette évacuation réciproque avait été effectuée, les communications de la forteresse de Maestricht auraient été libres ipso facto, parce que les troupes et les autorités néerlandaises auraient occupé tous les districts du Limbourg qui ont été assignés au Roi grand-duc sur la rive droite de la Meuse, en échange d'une (page 83) partie du Luxembourg, et dans le but exprès d'assurer ces mêmes communications.
« Il paraît donc aux soussignés que le gouvernement des Pays-Bas ne peut pas s'attendre à jouir d'une ligne plus avantageuse de communications militaires, entre Maestricht et les provinces hollandaises, que celle dont il jouirait maintenant, si le traité du 10 novembre avait eu sa pleine exécution ; et leur opinion, bien fondée ce semble, est que la stipulation de l'article 4, de la convention du 21 mai, relative aux communications militaires de Maestricht, n'oblige pas le gouvernement belge à assigner pour ces communications aucune autre route que celle qui existe sur la rive droite de la Meuse et qui passe au travers de districts qui, d'après les vingt-quatre articles et le traité du 10 novembre 1831, appartiendront en définitive au Roi grand-duc.
« Quant au nombre de troupes qui devraient être autorisées à marcher en un seul corps, on devrait certainement prendre en considération les moyens qui existent sur les lieux pour loger et faire subsister ces troupes, pendant qu'elles sont en marche ; et les soussignés croient que les égards dus aux intérêts et aux convenances des habitants du pays au travers duquel elles doivent passer exigent que les troupes en corps, qui seront dans le cas de suivre cette route, ne soient pas plus nombreuses qu'il n'est nécessaire, pour leur propre sécurité, contre toute insulte et surprise ; et il ne paraît pas aux soussignés que le nombre proposé de 500 hommes puisse être considéré comme ne remplissant pas ces conditions. Si cependant l'organisation du service militaire néerlandais rendait désirable de faire (page 84) une légère addition au nombre de 500, les soussignés sont persuadés que le gouvernement belge ne refuserait pas de se rendre à l'évidence d'une pareille considération.
« 2° Pour ce qui se rapporte à l'autre question en litige et qui concerne la navigation de la Meuse, les soussignés ne peuvent pas hésiter davantage à déclarer que l'article 4 de la convention du 21 mai 1833 exige formellement que cette navigation soit rétablie libre dans tout le cours de la rivière et que les dispositions de la convention de Mayence sur la navigation du Rhin soient appliquées à la navigation de la Meuse, en tant qu'elles peuvent l'être à cette dernière rivière.
« Les soussignés ne peuvent pas admettre l'interprétation que les plénipotentiaires néerlandais ont essayé de donner à l'article 4 de la convention du 21 mai 1833, et par suite de laquelle l'effet de cet article serait d'accorder simplement aux barques venant de Liége la permission de passer sous le pont de Maestricht.
« Cet article ne peut pas recevoir d'interprétation dans un sens aussi limité, aussi étroit : il est général et exige que la navigation de la Meuse dans tout son cours soit ouverte au commerce, en appliquant à. cette rivière les règlements établis pour le Rhin. .
« Dans tous les cas, les soussignés sont prêts à reconnaître qu’il n'y a rien dans la convention du 21 mai qui oblige le gouvernement néerlandais à permettre aux sujets belges d'entrer sur son territoire et d'y introduire des marchandises belges. .
« Les Belges ont, par cette convention, le droit de naviguer en remontant et en descendant tout le cours (page 85) de la .Meuse, mais ils n'ont certainement aucun droit de débarquer dans les limites du territoire néerlandais, à moins que le gouvernement des Pays-Bas ne les autorise à le faire.
« 3° L'accord des commissaires des deux côtés est évidemment aussi nécessaire pour établir le mode d'application à la Meuse des dispositions de la convention de la Meuse ; et pourquoi le silence de la convention devrait-il être une objection dans un cas, pendant qu'il ne le serait pas dans l'autre ? L'accord des commissaires pour établir les libres communications de Maestricht doit avoir, à la vérité, pour résultat un arrangement avantageux à la Hollande : tandis que ce même accord pour établir la libre navigation de la Meuse aura pour résultat un arrangement avantageux à la Belgique. Mais les soussignés ont trop de confiance dans la bonne foi et l'honneur du gouvernement des Pays-Bas, pour croire que cette différence dans les résultats puisse être la raison d'une différence quelconque dans la manière de voir.
« Du reste, l'argument en lui-même ne paraît pas, aux soussignés, bien fondé en raison ; car, lorsque deux parties contractantes s'engagent à l'exécution d'un acte quelconque, elles s'obligent naturellement en même temps à prendre toutes les mesures nécessaires pour arriver au but qu’elles se proposent ; et si tous les arrangements de détail qu'elles peuvent être dans le cas d'adopter pour accomplir ce but devaient être exprimés dans les conventions par lesquelles elles se sont engagées, il en résulterait que ces instruments, au lieu d'être rédigés avec une précision toujours désirable, ne (page 86) formeraient plus qu'une réunion confuse de stipulations sujettes il discussion. »
Il est à remarquer que, dans cette note, tout en déclarant que la Meuse devait être ouverte « dans tout son cours », les plénipotentiaires anglais et français restreignaient la navigation au simple transit, restriction conforme au droit public et qui rendait inutile et peut-être dangereuse la conclusion d'une convention nouvelle et spéciale pour la Meuse.
Les plénipotentiaires hollandais répondirent à cette note par la note du 10 octobre. Les plénipotentiaires de France et de la Grande-Bretagne reproduisirent leurs arguments avec une nouvelle force, dans une note portant la date du 29 octobre. Ces notes ne renfermaient rien de nouveau.
Le plan adopté par le ministère belge était donc pleinement approuvé par les cabinets français et anglais ; nous allons voir le cabinet de Bruxelles en dévier de lui-même. Cette déviation progressive est constatée par trois procès-verbaux du conseil, du 29 octobre, du 1e et du 17 novembre, publiés sur la demande des Chambres.
Dans sa séance du 29 octobre, le conseil enjoignit au ministère de la guerre de défendre, le cas échéant, par la force le passage à travers le Limbourg, déclarant que le gouvernement persistait dans sa résolution « d'exiger, avant d'accorder les libres communications militaires entre Maestricht et le Brabant septentrional, la cessation du droit provincial perçu sur la Meuse, dans cette forteresse, contrairement à la convention de Mayence, et la (page 87) levée de certaines entraves qui, également incompatibles avec les stipulations de cette convention, n'étaient pas, du reste, exigées par la nécessité de pourvoir à la sûreté de ladite forteresse.
Ce n'était pas là persister dans la première résolution, qui consistait à demander que l'application du tarif de Mayence à la Meuse fût réglée par une convention ; le ministère belge ne faisait plus de la forme une condition sine qua non,. il lui suffisait que l'application du tarif de Mayence fût constatée en fait.
Dans sa séance du 1er novembre, le conseil abandonna au département de la guerre la partie purement militaire de la négociation, abandon difficile à justifier d'après la rigueur des principes qui supposent une responsabilité collective.
Le 17 novembre, 1e conseil prit connaissance :
1° D'une lettre du 10 novembre, par laquelle le commandant supérieur de Maestricht déclarait que, par suite d'ordres venus de La Haye, le droit provincial cessait d'être perçu ; que les heures de la traversée étaient réglées de manière à satisfaire aux besoins du commerce ; qu'il serait permis à un certain nombre de passagers non militaires de se trouver à bord dans la traversée par la forteresse ;
2° D'un procès-verbal de l'association des bateliers de Liége, constatant que la déclaration précédente avait reçu son exécution ;
3° D'un projet de convention purement militaire dans son dispositif, mais reconnaissant dans son préambule la connexion entre la navigation de la Meuse et la liberté des communications de Maestricht, et énonçant (page 88) comme un fait l'application du tarif de Mayence à la Meuse ; convention qui, d'ailleurs, fixait la route sur la rive gauche.
Le conseil, regardant les conditions dont l'accomplissement préalable avait été exigé comme remplies, et le choix de la route comme une affaire purement militaire, autorisa le ministre de la guerre à faire signer la convention par ses commissaires ; ce qui eut lieu le lendemain 18 novembre, au château de Zonhoven.
La plupart des notes que nous avons analysées avaient été successivement publiées par les journaux ; le ministère belge ayant abandonné en apparence ses antécédents, malgré l'appui qu'il avait obtenu à Londres, se présentait devant les Chambres dans une position assez embarrassante. La discussion du budget des recettes pour 1834 offrait naturellement l'occasion d'examiner le dernier acte, diplomatique ; appréciant les avantages matériels de l'arrangement de Zonhoven qui permettait de désarmer à l'entrée de l'hiver, la Chambre des représentants ne crut pas devoir s'arrêter à quelques vices de forme, et, après deux jours de débats[1], la question fut tacitement abandonnée sans qu'une proposition formelle eût été faite.
(Note de bas de page de la quatrième édition) Voyez le discours prononcé par M. Nothomb le 7 décembre 1833, p. 100 du Recueil des discours. Les mesures coercitives dont le général Goblet a été le promoteur ont porté à la cause de la maison d'Orange un coup dont elle ne s'est point relevée ; les négociations reprises à la suite de la convention du 21 mai 1833 ayant été indéfiniment ajournées le 24 août de la même année, la question extérieure devenait secondaire et il a pu regarder sa tâche comme terminée. Sa démission a été acceptée le 27 décembre 1838 et il s'est mis en mesure de prendre possession du poste d'envoyé extraordinaire et, ministre plénipotentiaire à Berlin, poste pour lequel, l'année précédente, il avait été désigné par le roi des Belges Léopold Ier et agréé par une lettre du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, en date du 5 juillet 1832. Ce qui à La Haye avait, en outre, vivement irrité, c'est la note belge du 28 septembre 1833, dont le général Goblet était un des signataires, sur les causes de l'ajournement des négociations ; le contre-coup se fit sentir à Berlin sans qu'on puisse dire même aujourd'hui par quelles influences personnelles. La réception du général, contre toute attente et malgré l'agréation royale du 5 juillet 1832, fut subordonnée par le ministre des affaires étrangères, M. Ancillon, à une démarche à faire à La Haye par la légation de Prusse pour provoquer sa radiation du cadre de l'armée des Pays-Bas, où son nom figurait indûment malgré le congé donné à tous les officiers belges à Anvers par le prince d'Orange, radiation dont on se disait certain ; ce n'était qu'une formalité. Le général ne crut pas de sa dignité de soldat et de citoyen de se prêter à cette démarche, et il aima mieux sacrifier sa carrière diplomatique en Allemagne. Il est à remarquer qu'il était et qu'i ! est resté sans fortune. Léopold 1er le chargea en 1837 d'une mission de confiance à Lisbonne. Le prince d'Orange, devenu roi sous le nom de Guillaume II, le fit rayer de son propre mouvement en 1841, mais il était trop tard. La non-réception du général Goblet à Berlin, qu'il quitta le 6 mai 1834, a eu pour conséquence que la Belgique a été représentée par un chargé d'affaires ad interim jusqu'à la conclusion du traité définitif du 19 avril 1839. M. Nothomb, paraissant trop jeune pour être nommé ministre des affaires étrangères, l'intérim., après la démission du général Goblet, a été attribué au comte Félix de Mérode, presque toujours absent. (Voyez Notice biographique du baron Nothomb, par Th. JUSTE, p. 64.) Cette situation irrégulière a cessé par la formation, le 4 août 1834, du 3e ministère du Roi, composé ainsi qu'il suit : Affaires étrangères : M. de Muelenaere et, depuis le 13 janvier 1837, M. de Theux ; Intérieur : M. de Theux ; Justice : M, Ernst ; Finances, M. d'Huart ; Guerre, le général Evain et, depuis le 19 août 1836, le général Willmar ; Travaux publics : à partir du 13 janvier 1837, M. Nothomb. C'est sous ce 3e ministère que le pays s'est rassis et qu'à l'abri de convention du 2' mai il s'est développé. L'adhésion donnée le 14 mars 1838 par le roi Guillaume aux vingt-quatre articles du 14 octobre 1831 est venue surprendre le gouvernement en lui imposant la terrible tâche de conclure sur ces bases la paix avec la Hollande. (Fin de la note)
(page 89) La convention de Zonhoven doit être considérée comme le complément de la convention du 21 mai ; c'est aussi le premier acte intervenu entre la Belgique et la (page 91) Hollande ; et, à ce double titre, il devait, bien que secondaire, fixer notre attention.