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Deuxième continuation à l’Essai historique et politique sur la révolution belge (1833-1839)
JUSTE Théodore - 1876

Théodore JUSTE, Deuxième continuation à l’Essai historique et politique sur la révolution belge

(Paru à Bruxelles en 1876, à l’occasion de la quatrième édition des Essais de Jean-Baptiste Nothomb)

Chapitre IV

Missions extraordinaires de M. de Gerlache à Londres et de M. F. de Mérode à Paris. - Dernière offre du gouvernement belge ; elle est repoussée. - Propositions arbitrales arrêtées par la Conférence le 23 janvier. - Elles sont notifiées dans des projets de traité aux plénipotentiaires belge et hollandais - Adhésion du roi Guillaume. - Rapport fait à la Chambre des représentants le 1er février par M. de Theux. - Trente membres proposent l'ordre du jour ; cette motion est rejetée. - Note remise le 4 février à la Conférence par le plénipotentiaire belge.- Crise financière en Belgique. - Dislocation du ministère ; retraite de MM. Ernst, d'Huart et de Mérode. - Appel du général polonais Skrzynecki ; les représentants des cours d'Autriche et de Prusse quittent Bruxelles. - Réponse de la Conférence à la note belge du 4 février. - Isolement de la Belgique. - Ni Louis-Philippe ni le ministère anglais ne veulent se séparer de la Conférence

(page 186) Comme on reprochait trop de tiédeur à la diplomatie régulière, M. de Theux voulut tenter un dernier effort. Il chargea de missions extraordinaires deux personnages connus par leur patriotisme et la part qu'ils avaient prise à la création de la Belgique indépendante. M. de Gerlache, premier président de la Cour do cassation, ancien président du Congrès national, (page 187) Luxembourgeois de naissance, consentit à se rendre à Londres ; le comte Félix de .Mérode, que le roi Louis-Philippe tenait en haute estime et qui avait de nombreuses relations en France, où il avait passé une partie de sa vie, se rendit à Paris. Dans son exaltation patriotique, .M. de Mérode croyait au succès de sa mission, tandis que M. de Gerlache, plus froid et plus circonspect, en doutait.

Le 15 janvier 1839, M. Van de Weyer, accompagné de M. de Gerlache, se présenta au Foreign-Office et remit à lord Palmerston une note dans laquelle le cabinet de Bruxelles se disait « prêt il faire les plus grands sacrifices pécuniaires pour régler la question territoriale il l'amiable et à la satisfaction commune ». Il était informé que les plénipotentiaires des cinq Cours voulaient faire peser annuellement et perpétuellement sur la Belgique une somme de 5,000,000 de florins. .M. Van de Weyer déclarait « que la Belgique ne saurait se soumettre au chiffre de 5,000,000 de florins, en l'envisageant sous le rapport du droit et isolément « ; mais « en rattachant cette question à celle du territoire, le gouvernement du Roi, si l'on reconnaissait son état de possession actuelle, n'hésiterait pas il accepter la dette ainsi fixée, et que même, dans ses vues de paix et de conciliation, il ajouterait à la rente de 5,000,000 de florins une somme capitale de 60,000,000 de francs à payer immédiatement. »

Mais déjà lord Palmerston avait laissé peu d'espoir au représentant du roi Léopold. Il avait écrit à.M. Van de Weyer, le 11 janvier : « Je ne dois pas vous induire en erreur en vous faisant croire que la mission de (page 188) M. de Gerlache pourra arrêter ou changer la marche de la Conférence. M. de Gerlache est arrivé huit mois trop tard. ». En effet, après avoir vu successivement les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne, de France, d'Autriche et de Prusse, MM. de Gerlache et Van de Weyer durent se convaincre que la Conférence demeurerait inébranlable.

Le comte Félix de Mérode était chargé d'appuyer, conjointement avec le comte Le Hon, auprès du gouvernement du roi des Français, la proposition transactionnelle du gouvernement belge. Ils échouèrent également.

Reçus par le comte Molé le 14 janvier, le président du conseil leur dit que cette dernière tentative dans l'état d'irritation des esprits à l'égard des Belges, tant à Londres qu'à Berlin et à Vienne, ne pouvait pas réussir, qu'elle serait regardée comme un nouveau moyen dilatoire ; que ce qu'on voulait avant et par dessus tout aujourd'hui, c'était la reconnaissance préalable et formelle de la force obligatoire du traité du 15 novembre 1831 ; qu'à ce prix seul, il y avait encore quelque chose à espérer du concours de l'Angleterre ; enfin, que la France était plus que jamais décidée il ne se point séparer de la Grande-Bretagne, qu'il y allait de son alliance et de la paix générale.

(page 189) Le roi Louis-Philippe, dans l'audience qu'il accorda, le 17, aux envoyés belges, n'atténua point les déclarations si formelles de M. Molé. En rendant compte de cette audience au cabinet de Bruxelles, le comte Le Hon écrivait : « Le Roi a dit qu'à la seule lecture de la note, la Conférence refuserait de la prendre en considération, attendu que la Belgique n'y reconnaissait pas, même implicitement, la force obligatoire du traité du 15 novembre. Sa Majesté a déclaré, sur le fond, tenir pour certain que la Conférence ne consentirait, dans aucun cas, au rachat de la totalité des territoires ; qu'en supposant la force obligatoire reconnue, elle pourrait accorder un redressement de limites dans le Luxembourg, nous laisser quelques villages, par exemple, mais non opérer la réunion complète que nous persistons à demander. Pour lui, il ne nous reconnaissait aucun droit à réclamer les territoires, il le pensait et le disait en conscience. Aucune de nos objections n'a pu ébranler Sa Majesté... Le Roi ne doute pas que l'exécution aura lieu en cas de refus de notre part ; il s'écoulera peut-être deux mois avant l'emploi des troupes fédérales ; peut-être, à son avis, la Hollande sera-t-elle autorisée à bloquer l'Escaut. Il n'en sait rien encore. Dans tous les cas, a-t-il dit en riant, la France ne prêtera pas des troupes pour occuper, ni des frégates pour bloquer ; mais elle ne s'opposera à rien de ce qui se fera pour exécuter ou faire exécuter un traité qu'elle regarde comme aussi obligatoire pour la Belgique que pour elle. Le Roi n'en excepte que le cas où la Belgique des vingt-quatre articles serait dans un danger de dissolution qui fût (page 190) menaçant pour la France ; alors, en effet, une armée française interviendrait. »

Le 22 janvier, l'ambassadeur de France donnait à Londres sa signature au protocole qui était resté ouvert.

Le lendemain, M. Van de Weyer recevait une note accompagnant deux projets de traité (traité entre S. M. le roi des Belges et S. M. le roi des Pays-Bas ; traité entre les cinq puissances et S. M. le roi des Belges). Ce projet contenait les nouvelles propositions arbitrales arrêtées le même jour par la Conférence et qui réduisaient notablement les charges financières de la Belgique : la quote-part de celle-ci était réduite à une rente annuelle de 5,000,000 de florins au lieu de 8,4,00,000, et elle était libérée de tous les arrérages. « Si le cabinet de Bruxelles, disait la Conférence, venait à se refuser aux dites propositions, tandis que la Hollande les aurait acceptées, il ne resterait aux cinq Puissances qu'à aviser aux moyens de donner suite aux titres que la Hollande aurait ainsi acquis à leur appui. » Par une autre communication, la Conférence déclarait inadmissible la proposition transactionnelle contenue dans la note belge du 14 janvier, remise le 115 à lord Palmerston.

Jusque-là le roi Guillaume - il importe d'en faire la remarque - ne s'était pas prononcé sur les propositions du :23 janvier qui réduisaient la quote-part de la Belgique de 3,400,000 florins et qui le privaient des arrérages : il accéda à ces énormes sacrifices.

Le 1er février, il ordonna à son plénipotentiaire auprès de la Conférence de signer, sans réserve, les traités sur la base du 23 janvier. (Note de bas de page : Cette nouvelle fut connue à Bruxelles dans la matinée du 3 février ; elle fut officiellement annoncée le 4, dans la soirée. Le même jour, M. Dedel annonçait à la Conférence qu'il était autorisé à signer le projet de traité. « Le Roi, disait-il, a vivement déploré d'y rencontrer de nombreuses stipulations auxquelles Sa Majesté était loin de s'attendre et inconciliables, selon elle, avec ses droits et avec les antécédents de la négociation ; mais, fort de sa conscience d'avoir suivi la voie des représentations et de la persévérance aussi longtemps qu'elle lui était tracée par l'intérêt bien entendu de ses peuples, le Roi a dû se convaincre que leur bien-être ne lui permet point de lutter, sans espoir de succès, contre l'empire des circonstances. » ). En se résignant de la sorte, Guillaume 1er ne cachait-il pas au fond de son âme un dernier espoir : c'est que la Belgique, trop engagée, ne pourrait reculer ? Quoi qu'il en soit, il fallait le laisser prendre les devants ; la prudence la plus vulgaire le commandait.

Le jour même de l'acceptation du traité définitif par le roi Guillaume, M. de Theux donna lecture à la Chambre des représentants d'un rapport où il reprenait l'exposé des différends avec la Hollande au 4 octobre 1833, et le conduisait jusqu'au rejet des dernières propositions faites à Londres par M. Van de Weyer et de Gerlache. Il communiqua ensuite les propositions de paix remises le 23 janvier au plénipotentiaire belge.

Le rapport du ministre n'avait point de conclusions ; interpellé, M. de Theux déclara que le cabinet ne soumettait aucune question à la Chambre, les négociations n'étant peut-être pas terminées. Une proposition, (page 192) revêtue de la signature de trente-quatre membres, fut alors déposée, afin de faire prononcer l'ordre du jour et d'entraîner ainsi l'assemblée, d'une manière irrévocable, dans un système absolu de résistance. Le ministre écarta le péril de cette motion en promettant de donner de nouvelles explications dans la séance du 6 février.

Le 2 février, rendant également compte au Sénat de l'état des négociations, le ministre ajouta « qu'il ne pouvait assigner encore le jour auquel la ligne politique du gouvernement serait définitivement communiquée aux Chambres. » Le ministre avait dit à la Chambre des représentants que les négociations n'étaient peut-être pas terminées, malgré l'accession du roi Guillaume. En effet, on voulut encore faire une dernière et courte tentative ne compromettant en rien la situation acquise désormais.

Les plénipotentiaires des cinq puissances avaient déclaré, le 23 janvier, « que les droits de la Confédération germanique s'opposaient à ce que l'on prît en considération la proposition de payer à S. M. le roi des Pays-Bas une somme d'argent à titre de compensation pour certaines parties de territoire. » Cette objection était relevée dans une note remise à la Conférence, le 4 février, par le ministre belge à Londres. « Comme il est permis, disait-il, de supposer que, (page 193) dans une autre hypothèse, ce projet aurait paru acceptable, le gouvernement de M. le roi des Belges fera observer que les droits de la Diète peuvent être mis à l'abri de toute atteinte par une combinaison qui aurait pour résultat de placer en dehors de la neutralité garantie à la Belgique les territoires dont il s'agit, arrangement qui, sous les rapports militaires, séparerait ces territoires du reste du royaume et qui autoriserait la formation d'un corps spécial et local de 2.,000 à 3,000 hommes, destinés à. fournir le contingent fédéral, que la Diète aurait sous son influence et à ses ordres. S. M. le roi des Belges ne serait, toutefois, liée, sous aucun autre rapport, à la Confédération germanique. Cet état mixte conserverait aux habitants les relations civiles qui existent pour eux depuis des siècles, et que les traités mêmes de 1815 n'ont point fait cesser. »

Tandis que cette suprême tentative était faite à. Londres, la Belgique frémissait d'indignation à l'idée de voir mutiler deux de ses provinces, et la crise politique était encore aggravée par une crise financière qui avait arrêté les transactions, déprécié les valeurs et laissé sans travail des milliers d'ouvriers ( Note de bas de page : Le deuxième des grands établissements financiers du pays, la Banque de Belgique, le premier des établissements industriels, la fabrique de machines et de rails de Seraing, furent forcés de suspendre leurs payements. ). Il fallait hâter le dénouement si l'on ne voulait voir tomber le pays dans une dangereuse anarchie.

Le 4 février, les Chambres furent ajournées jusqu'au 4 mars. Le lendemain on apprenait par le Moniteur la dislocation du ministère ; le Roi avait accepté les démissions du ministre des finances, le baron d'Huart, et du (page 194) ministre de la justice, M. Ernst, démissions déposées dès le 31 janvier. (Note de bas de page : ] Dans la séance de la Chambre des représentants du 19 février, M. Ernst donna les explications suivantes : « Lorsque les résolutions finales de la Conférence furent parvenues au gouvernement et qu'il était question de les communiquer à la législature, mon honorable ami, M. d'Huart, et moi-même nous avons pensé que le gouvernement devait avoir un système net, franc et arrêté ; que le gouvernement ne devait pas se présenter devant les Chambres avec un cabinet divisé ; qu'il ne fallait qu'une pensée, soit pour la résistance, soit contre la résistance... Quant au fond, mon honorable ami, M. d'Huart, et moi nous avons cru que la dignité et l'honneur du pays ne permettaient de céder qu'en présence d'une force majeure et pour ainsi dire au moment de subir la contrainte. »). Le ministère resta incomplet : il parut inopportun d'associer des hommes nouveaux à la résolution qui allait être prise. Le comte Félix de Mérode, chargé provisoirement du département des finances, n'ayant pas tardé à suivre l'exemple de MM. d'Huart et Ernst, tout le poids de la situation allait retomber sur les trois ministres restants, MM. de Theux, Nothomb et Willmar, et surtout, devant les Chambres, sur les deux premiers. (Note de bas de page : La démission du comte de Mérode fut acceptée le 18 février. Il se retira parce que le conseil ne voulut pas approuver un projet de note à la Conférence, projet qu'il avait rédigé et qui contenait ce qui suit : « Sa Majesté déclare que, pour des motifs facilement appréciables, son intention n'est point d'opposer de résistance par la force des armes dans une lutte inégale ; mais que, protestant par d'autres voies effectives contre toute violence, en cas d'invasion quelconque, elle n'entendra payer à la Hollande que la part exacte et calculée sur pièces probantes qui incombe réellement à la Belgique dans la division équitable des dettes du précédent royaume des Pays-Bas. ») Tous les trois appartenaient aux deux provinces sacrifiées : M. de Theux était représentant de Hasselt, M. Willmar était né dans le Luxembourg, M. Nothomb était aussi Luxembourgeois et député d'Arlon sans interruption depuis 1830.

L'appel du général polonais Skrzynecki, par (page 195) l'influence du comte de Mérode, avait compliqué la position du gouvernement au moment où il rompait avec le parti belliqueux. Le général Skrzynecki avait été placé en disponibilité le lendemain même de son admission dans l'armée belge (1er février) ; non contents de cette concession, les représentants des cours d'Autriche et de Prusse, à Bruxelles, exigèrent l'expulsion du général, qui s'était signalé comme un des chefs de l'insurrection polonaise, menaçant, en cas de refus, d'interrompre les relations diplomatiques. Le gouvernement ayant rejeté cette prétention, les comtes de Rechberg et de Seckendorf quittèrent Bruxelles le 6 février. (Note de bas de page : Il résulte des explications données au Sénat par le ministre de la guerre (26 mars -1839) que « par un enchaînement de circonstances qui se succédèrent avant que le général fût informé des intentions du gouvernement, il n'arriva qu'au commencement de l'année 1839 ; et, par une coïncidence singulière, juste vers le moment où le projet de traité du 23 janvier venait d'être connu en Belgique. Or, le gouvernement ne crut pas devoir manquer à l'engagement qu'il avait pris envers lui, engagement qui se réduisait à lui assurer la position de disponibilité et ne lui garantissait un commandement que dans des circonstances déterminées. » L'appel fait au général polonais n'était connu ni de M. de Theux ni de M. Nothomb qui, ainsi que les autres ministres à portefeuille, l'apprirent en même temps qu'ils furent informés avec le public de son arrivée. D'autres officiers d'origine polonaise étaient déjà ou entrèrent au service belge ; après la signature du traité du 19 avril -1839, l'Autriche et la Prusse renvoyèrent des représentants à Bruxelles ; malgré la mise à la retraite du général Skrzynecki, l'empereur Nicolas déclara que, ne voulant pas exposer son représentant à se rencontrer avec des rebelles de la Pologne, il s'abstiendrait d'avoir une légation près du roi des Belges, tout en le reconnaissant et en autorisant même partout ailleurs les rapports des agents diplomatiques de la Russie avec ceux de la Belgique. Ce n'est qu'après que tous ces officiers eurent été mis à la pension, en présence des périls nés de la restauration de la dynastie napoléonienne, qu'en 1849 les relations diplomatiques ont été réciproquement établies. Nous renvoyons pour les détails sur ces derniers faits à notre notice sur le baron Nothomb, p. 128-9.)

On apprenait presque en même temps que la Conférence repoussait les dernières propositions.

Dans leur réponse à la note belge du 4 février (cette réponse porte également la date du 4 février), les plénipotentiaires des cinq cours avaient déclaré que l'adhésion du cabinet de La Have les avait mis dans le cas de regarder la négociation comme étant parvenue à sa conclusion à l'égard du roi des Pays-Bas ; qu'ils ne sauraient, en conséquence, rentrer en discussion sur aucune proposition nouvelle et qu'ils ne pouvaient, en aucun cas, considérer comme admissible, d'après les vues de leurs cours, le projet d'arrangement produit par le gouvernement belge par rapport à la question , territoriale. »

La Belgique se trouvait ainsi dans un isolement absolu. Louis-Philippe écrivait au roi Léopold (7 février) : « Nous sommes, pour notre compte, décidés à ne pas nous séparer de la Conférence, car la paix du monde tient à cette union. » En ouvrant la session du Parlement, la reine d'Angleterre ne laissait également aucun doute sur la solution de la question belge : « L'unanimité des cinq puissances alliées, disait-elle, donne une assurance satisfaisante pour le maintien de la paix. » Les lords Melbourne et Palmerston, ainsi que sir John Russell, répondant ensuite aux interpellations de MM. Hume et O'Connell, déclarèrent itérativement que le gouvernement de la Grande-Bretagne ne se séparerait point des autres puissances représentées à la Conférence. Le parti belliqueux plaçait un dernier espoir dans (page 197) les nouvelles élections qui devaient avoir lieu en France à la suite de la dissolution de la Chambre des députés.

Mais les débats sur l'adresse n'avaient-ils pas clairement démontré que l'opposition triomphante n'agirait pas autrement que les ministres du 15 avril ? La France, s'étant interdit les conquêtes pour elle-même, ne se serait jamais faite conquérante pour autrui. Si, dans une hypothèse peu probable, Louis-Philippe se fût laisse entraîner ; si la France se fût rangée à côté des Belges pour les soutenir contre la Confédération germanique, elle n'eût pas combattu pour la Belgique, mais bien pour son propre agrandissement. Deux fois elle était intervenue militairement sans péril pour elle-même, la première fois en août 1831 de l'aveu de l'Europe, la seconde fois en décembre 1832 conjointement avec l’Angleterre ; intervenant une troisième fois, malgré l'Europe et sans allié, elle rentrait fatalement dans la voie ouverte par la révolution et poursuivie par l'empire ; elle s'exposait aux risques et dans tous les cas aux sacrifices d'une grande guerre. C'eût été méconnaître tous les précédents historiques que de supposer qu'elle la ferait pour une idée.