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Les débuts d'un grand règne (1865-1868). Notes pour servir à l'histoire de la Belgique contemporaine
GARSOU Jules - 1934

Jules GARSOU, Les débuts d'un grand règne. Notes pour servir à l'histoire de la Belgique contemporaine

(Paru à Bruxelles en 1932 (tome I) et 1934 (tome II), aux éditions L'Eventail)

Tome I. De la mort de Léopold Ier à la retraite du général Chazal (décembre 1865-novembre 1866)

Chapitre II. L'avènement de Léopold II

La première réception des ministres par Léopold II

(<page 21) Le jour du décès, le 10 décembre, le due fit mander les ministres, et l'officier d'ordonnance - rapporte Vandenpeereboom - leur dit que le prince les priait de ne pas l'appeler « Roi ». Il estimait ne pouvoir prendre ce titre avant d'avoir prêté le serment constitutionnel. « Son Altesse était très pâle, très abattue. Il nous a dit quelques mots, donné quelques détails, et a fini par nous prier de reporter sur lui l'affection que nous avions pour son père. »

Le lendemain, le nouveau Souverain exprima aux ministres « son désir... de voir ériger par souscription nationale, à Laeken, un monument à la mémoire du Roi... » Il leur dit « qu'il recevait les assurances les plus amicales des puissances, que plusieurs princes assisteraient au service funèbre... » Il avait « un petit air impératif qui ne présage rien de bon.3

Le programme de l'inauguration

(page 22) Le programme de l'inauguration, annoté propria mana par le prince, donna lieu à de respectueuses, mais pressantes observations de la part du Conseil. Les ministres auraient désiré voir la Famille royale réunie autour du trône. Léopold II ne fut pas de cet avis. « Le duc semble vouloir - écrit Vandenpeereboom le 13 - établir une grande distance entre la Reine et lui ; il veut qu'elle ne fasse pas son entrée avec lui, qu'elle ne siège pas sur le trône le jour de la prestation de serment. Quant à ce dernier point, le Conseil a fait les observations les plus pressantes. Le Roi, la Reine et les enfants réunis sur le trône au sein de la Chambre serait une des circonstances les plus émouvantes de la cérémonie. »

Il fut donc décidé que la Reine précèderait le Roi au Palais de la Nation, et qu'elle occuperait, avec le comte de Hainaut et la princesse Louise, une tribune, où viendraient aussi s'asseoir le comte de Flandre et les princes étrangers. (Note de bas de page : Le tableau assez médiocre de Starck, qui se trouve à la Chambre des représentants, reproduit cette disposition.).

Le Roi prie les ministres de garder le pouvoir

Le 17 décembre, après la cérémonie de la prestation du serment constitutionnel, qui d'après tous les témoignages de l'époque, confirmés par Vandenpeereboom, fut vibrante d'enthousiasme, le Roi reçut le Conseil des Ministres. (Note de bas de page : Il n'est pas sans intérêt de rapporter l'appréciation du ministre de France. « Je viens d'assister - écrit-il le 17 décembre à Drouyn de Lhuys - à l'instant au Palais législatif à la prestation de serment du nouveau Roi. Cette solennité a provoqué un enthousiasme indescriptible... »

Rogier offrit la démission du Cabinet. Le Roi pria les ministres de garder leurs portefeuilles, mais sans beaucoup de chaleur, note Vandenpeereboom. « Si le Roi pouvait, il formerait un autre Cabine... » Rogier, notamment, paraissait peu flatté.

Le premier Conseil royal

(page 23) Ce n'était probablement d'ailleurs qu'une impression superficielle. Le 20 décembre, en effet, au premier Conseil des ministres que le Roi présida, il se montra d'une affabilité extrême pour chacun d'eux. Il leur dit qu'il lui serait impossible « de trouver cinq hommes (Chazal était absent) aussi éclairés, ayant autant d'expérience et de dévouement... »

Se faisant très modeste, il les pria de l'aider, de le conseiller. « Je me suis tenu à l'écart et je ne connais rien, ajouta-t-il. Je veux être un roi très constitutionnel, car j'ai la conviction que la Belgique doit sa prospérité et sa sécurité au régime constitutionnel qu'elle pratique si bien. »

Les ministres se retirèrent charmés de cette première entrevue.

La fixation de la liste civile

La fixation de la liste civile donna lieu, le 22 décembre, à quelques pourparlers avec Van Praet qui vint représenter au Conseil l'insuffisance des 3 millions provisoirement proposés, et qu'il désirait voir porter à 3 millions 500,000 francs au moins.

Il lui fut objecté que 3 millions constituaient une augmentation de 10 p. c. sur la liste civile de Léopold Ier, que le roi défunt avait, grâce à une économie de 1 million par an, réalisé une fortune considérable, qu'une future démocratie pourrait se faire une arme contre la royauté du coût excessif de l'institution monarchique.

L'accord se fit rapidement. Une transaction intervint, qui fut agréée sur-le-champ par le Roi. La liste civile était portée à 3,300,000 francs ; un crédit extraordinaire de 700,000 francs fut accordé pour l'ameublement des palais royaux. La Chambre des représentants adopta le projet, le jour même, sans discussion, sans rapport, à l'unanimité moins la voix de Grosfils, député libéral de Verviers, qui affichait des opinions assez avancées. Le Sénat ratifia le 23 décembre, sans vote discordant.