(Paru à Bruxelles en 1932 (tome I) et 1934 (tome II), aux éditions L'Eventail)
La situation extérieure
(page 93) A côté de ces démarches d'une importance réelle, mais secondaire, se déroulaient, avec une gravité croissante, les événements extérieurs. La médiation napoléonienne compliquait singulièrement la situation. On ne pouvait, de prime abord, supposer à l'empereur des Français, une défaillance de volonté, une mollesse d'exécution aussi lamentable que celle qui, tout de suite, se révéla.
Aussi Nothomb, le 6 juillet, se montrait-il persuadé du succès de la démarche impériale. Il représentait l'opinion prussienne comme désabusée - et ce et ce fut sans doute la première impression qu'on ressentit à Berlin - après s'être « follement bercé de l’idée accréditée par M. de Bismarck que l' empereur des Français laisserait faire. » Certains cependant gardaient l'espoir d'une meilleure délimitation des frontières prussiennes, conformément à la promesse exprimée dans la lettre adressée à Drouyn de Lhuys le 11 juin, par Napoléon III.
(page 94) « Le roi de Prusse - poursuivait Nothomb - ne peut pas accepter une guerre avec l'empereur des Français, qui non seulement occuperait sans résistance la province du Rhin entièrement dégarnie de troupes, mais qui pourrait s'avancer au delà du Rhin où les populations du Midi l'accueilleraient sans grande répugnance... M. de Bismarck se tenait pour tellement sûr de l'empereur des Français, que la Prusse transrhénane est comme abandonnée à elle-même ; celui à qui je dicte cette lettre a à peine trouvé à Luxembourg les soldats nécessaires pour monter la garde, ce que le consul général de France, résidant à Eich, ne laisse sans doute pas ignorer à Paris... » (Note de bas de page : Dès le 29 juin, le comte de Reiset, ministre de France à Hanovre, tout en annonçant à Drouyn de Lhuys que la Prusse, victorieuse, ne concéderait à la France pas un pouce de terre transrhénane, et ne lui laisserait prendre que le Luxembourg, ajoutait que son informateur, une personne liée avec Bismarck, avait qualifié cette intention de faux calcul, car la Prusse à cette heure est à la merci de la France... Il ne faudrait en ce moment qu'un corps d'armée pour s'emparer des provinees du Rhin... » Cf. E. OLLIVIER, « L'Empire libéral, t. VIII, p. 213. Baron BEYENS, « Le Second Empire », t. II, pp. 140 et sq.)
Le baron Beyens ne parle pas, dans ses dépêches, du contre-ordre donné à la convocation des Chambres, décidée en Conseil, le 3 juillet, à la demande de Drouyn de Lhuys. Ce fut la première reculade de Napoléon III. Il signale cependant, dès le 7 juillet, l'hésitation de l'empereur qui, se contentant des réponses dilatoires de Guillaume Ier et de Victor-Emmanuel, laissait les armées prussienne et italienne continuer leur marche en avant. Notre ministre faisait, avec à-propos, remarquer que l'Italie était le côté faible de la politique impériale. Deux voies, disait-il, s'offraient à Napoléon III : « Le désintéressement avec la guerre », c'est-à-dire relever l'Autriche et rabaisser la Prusse ; ou bien les compensations, en abandonnant François-Joseph. »
Le 8, il annonçait certains préparatifs français, et y faisait, le 12, une allusion nouvelle : l'appel sous les drapeaux de cent mille hommes de la réserve, la prochaine distribution à l'armée de nouveaux fusils.
Il communiquait, le 9, des détails sur la lutte soutenue par Napoléon III contre Rouher et surtout le prince Napoléon : « Vous êtes un prince italien - avait dit (page 95) l'empereur à son cousin, ; - vous n’êtes plus un prince français. » Il avait adressé au roi d'Italie une lettre comminatoire.
Rogier s'était empressé de prier Beyens de le renseigner sur les préparatifs militaires de la France : « ... Il est superflu - écrivait-il le 13 juillet - d'insister sur l'intérêt particulier que nous attachons à être tenus aussi exactement que possible au courant de tout ce qui se fait ou se projette en France au point de vue militaire... »
Dans une lettre précédente, datée du 9 juillet, Rogier avait signalé à Beyens diverses correspondances de Bruxelles adressées à « La Patrie » de Paris, et qui étaient « aussi fausses que malveillantes pour la Belgique. » (Cf. la dépêche du compte de Guitaud à Drouyn de Lhuys, Bruxelles, 14 juillet 1866.)
Après avoir parlé de nominations prétendument « exceptionnelles » dans l'armée, le correspondant du journal, le pseudo Van Ryk prétendait que les « masses », blâmant l'empressement officiel pour l'Angleterre, n'avaient de regards que vers la France.
Le gouvernement belge était aussi renseigné par son représentant à La Haye, le baron Du Jardin qui, le 7 juillet, faisait part à Rogier du démenti formel opposé par le ministre de France aux bruits qui couraient « d'un prétendu partage du Luxembourg dans lequel entrait une rectification de frontières qui nous était défavorable... »
C'était, avant tout. sur Londres que sc concentrait l'attention de notre gouvernement. Nous avons rappelé que Rogier avait insisté auprès de Van de Weyer pour que notre ministre obtînt du gouvernement britannique (page 96) non de vagues conseils, mais une déclaration nette relative à la Belgique. Le cabinet Derby s'était constitué dans l'intervalle. Son chef avait donné au Parlement des explications sur la crise et la formation du ministère. Van de Weyer, le 10 juillet, faisait observer que la nouvelle administration se placerait dans la même position que la précédente vis-à-vis de l'Allemagne, qu'un cabinet tory n'était nullement plus belliqueux qu'un ministère whig.
Il ajoutait ce piquant, mais peu rassurant détail : « Tous les voyageurs anglais qui reviennent de Berlin sont unanimes à représenter M. de Bismarck comme animé d'une explicable (sic) hostilité contre la Belgique. » (Note de bas de page : 1Van de Weyer a sans doute voulu écrire « implacable » ou peut-être « inexplicable ».)
Le 12 juillet, Van de Weyer rapportait l'entretien particulier qu'il avait eu avec lord Stanley, le ministre des Affaires étrangères. « J'en suis, - disait-il - en ce qui nous concerne, fort satisfait. Vous savez que l'Angleterre, après avoir contracté par traité des obligations positives, ne fait jamais des déclarations ultérieures, qui affaibliraient selon elle l'acte primitif.
Il conseillait à son gouvernement de se mettre « à l'abri d'un coup de main, de quelque côté que ce coup puisse partir, mais sans donner prétexte ni ombrage. Renfermons-nous dans une stricte et forte neutralité. »
Le même jour, il communiquait à Rogier la copie d'un extrait d'une lettre qu'il avait adressée au roi. Elle respirait un assez grand optimisme, fondé sur les convictions de lord Stanley, qui se révélèrent bientôt d'ailleurs peu solides.
II y était dit que Napoléon III s'était rendu compte de ce qu'il s'était trop avancé en déclarant à Metternich que l'Autriche ne perdrait pas un pouce de terrain. La France, en effet, malgré d'énormes préparatifs, ne semblait « point encore en mesure de faire une grande guerre » ; elle ne pourrait être prête avant deux mois. Le prince Napoléon et son beau-père Victor-Emmanuel causaient des ennuis à Napoléon III.
Lord Stanley avait témoigné au diplomate belge une vive sympathie ; il avait loué la Belgique de son attitude calme et prudente ; il était persuadé que nul danger ne la menaçait de la part de l'empereur.
Après s'être enquis de l'état militaire de la Belgique et avoir demandé si « elle était tout à fait à l'abri d'un coup de main », il avait paru ne pas s'alarmer de l'allusion (page 97) faite par Van de Weyer à « la nécessité de quelques travaux pour la défense de l'Escaut. »
Le Conseil royal du 11 juillet. Décisions conciliantes
Léopold Il, revenu de Gand un peu réconforté par l'accueil chaleureux de la population, dont l'enthousiasme eût atteint le paroxysme si elle avait pu savoir la prévoyance et l'énergie patriotique de son roi, se retrouva, le 11 juillet, à 4 heures, en présence de ses ministres. Les trois jours écoulés avaient amené une accalmie. Les débats furent moins animés, les décisions moins décevantes qu'on eût pu le supposer.
Chazal - nous dit Vandenpeereboom - ouvrit la discussion. Il « montre le plan pour la défense d'Anvers, des positions à occuper par les cinq divisions de l'armée. Il faut mettre l'armée sur le pied de guerre, nommer des états-majors, faire des provisions à Anvers, etc...
« Frère est plus calme, il cherche à prouver à Chazal que sa responsabilité n'est pas plus en jeu que la nôtre, que la question politique prime tout, qu'elle ne permet pas en ce moment pareilles démonstrations militaires. Bref, on tombe d'accord qu'on : 1° dépensera les 5,000,000 pour la défense d'Anvers ; 2° que sur cette somme on pourra prélever une petite part pour faire camper une partie de l'armée, sauf à appeler ensuite une autre partie au camp ; 3° les divisions seront formées comme elles devraient l'être en cas de guerre ; 4° des officiers seront chargés de remplir les fonctions d'état-major comme en cas de guerre, mais sans nomination ; on rappellera les garnisons de petites places au camp d'abord, puis le reste. Chazal paraît satisfait quant à présent de ces dispositions.
« Il est entendu, en principe, qu'il faut remanier l'armement de l'armée et de la garde civique ; si c'est possible, plus tard ; on peut attendre pour les fortifications du Bas-Escaut et faire, le cas échéant, des ouvrages de défense provisoires.
Léopold II et le ministre de la Guerre avaient ainsi, par leur insistance, obtenu d'assez importantes concessions.
Les visites royales
(page 98) Le Roi avait continué ses visites à ses bonnes villes. L'accueil qu'il recevait le réconfortait et le soulageait de ses graves soucis.
Vandenpeereboom écrivait le 22 juillet : « On est tout préoccupé des événements du dehors. La politique intérieure chôme. Le Roi fait ses voyages de joyeuse entrée dans les diverses villes du pays... Partout les réceptions sont enthousiastes ».
Rogier, dans une dépêche du 12 juillet à Beyens, avait aussi fait allusion au chaleureux accueil de Gand. Signalant une nouvelle « élucubration » de Van Hyk dans La Patrie, de Paris, il se demandait si ce dernier aurait l'impudence de trouver, dans ces manifestations populaires, les symptômes fâcheux qu'il prétendait découvrir partout.
Les complications extérieures
La situation de l'Europe restait incertaine et grave. Nos diplomates en étaient, à juste titre, de plus en plus préoccupés. Tandis que Benedetti, courant après Bismarck, le rejoignait au quartier général prussien, Nothomb, dans ses dépêches du 14 et du 18 juillet, après avoir nettement posé la question « si le comte de Bismarck pourra ce point duper l'Europe et surtout l'Empereur des Français » n'hésitait pas à répondre par l'affirmative, et à conclure à l'inefficacité de la médiation impériale.
Le baron Beyens envoyait de Paris, le 14 juillet, une longue dépêche « très confidentielle », qui mettait en relief le désarroi de la Cour des Tuileries. Après avoir manifesté une « joie enfantine » lorsque Metternich vint lui signifier la remise de la Vénétie, et s'être cru l'arbitre devant lequel s'effaceraient l'Italie et la Prusse, Napoléon III, dans un entretien émouvant avec l'ambassadeur autrichien, avait dû lui avouer qu'il avait admis, comme première condition d'un armistice, la sortie de l'Autriche de la Confédération germanique. Metternich, vainement, essaya de prouver à l'empereur qu'il n'avait qu'à « vouloir » pour imposer ses vues. Le déploiement de 40,000 hommes sur la frontière du Rhin suffirait pour arrêter la Prusse. Napoléon III prétendit alors que la France, toute à la (page 99) paix, n'admettrait pas d’être entraîné dans une guerre. On vous cache la vérité, répondit Metternich ; la France, frémissante, réclame de vous une action énergique. Beyens confirmait cette assertion. « J'ai déjà fait connaître à Votre Excellence - disait-il à Rogier - le blâme énergique et presque unanime dont la conduite de l'Empereur a été l'objet de la part du public et de l'armée... »
Notre ministre s'efforçait ensuite de s'expliquer les motifs de l'hésitation de Napoléon Ill. II les trouvait d'ailleurs sans pertinence et constatait que « l'opinion unanime (à Paris) est qu'une guerre avec la Prusse ne pourra être évitée. » Il démêlait avec perspicacité la pensée secrète et le calcul habile de Bismarck affectant de sacrifier, comme condition d'armistice, toute annexion sachant bien « que, par la force des choses, le but final sera atteint. »
Ce terme fatal, c'était l'unité de l'Allemagne : « Trente-six millions d'Allemands unis en face de la France, avec six ou sept cent mille hommes sur le Rhin et une puissanee maritime sur la Baltique. »
Après avoir dit qu'il ne croyait pas à des engagements secrets entre la Prusse et Napoléon, il insistait sur l'importance des critiques adressées à la politique d'abstention, sur « la vivacité des récriminations contre la politique antinationale et de trahison de l'honneur de la France, et les reproches de peur venus du camp de Châlons. »
Il examinait enfin la situation du point de vue belge et l'estimait d'« une incontestable gravité, sans que l'on puisse pourtant rien préciser. Si l'on parle de l'annexion de la Belgique, c'est sans trop savoir pourquoi ; mais c'est déjà trop qu'on en parle ». S'il ne constatait aucun symptôme fâcheux dans les régions gouvernementales il sentait « tout au moins un manque de bienveillance qui se révèle officieusement dans la presse. » L'article de Boniface dans « Le Constitutionnel », inséré tel quel par l'ordre de l'Empereur malgré l'observation de Lavalette « que la forme ferait croire à une sorte de menace politique » ; le peu d'empressement montré à recevoir le Roi, le silence gardé par les journaux « sur les ovations de Gand » étaient autant de manifestations d'un état d'esprit peu bienveillant. « Ce sont - continuait Beyens - de regrettables nuages, mais de là à l'annexion, il y a loin. Si la France fait la guerre, elle prendra le Rhin ; et je n'y vois pas de danger inévitable pour nous. J'en verrais un sérieux si l'on entrait dans la voie des compensations (page 100) par arrangements. Mais, comme je viens de le dire, le programme actuel prussien est rassurant. Il faudrait qu'il vint à changer par le cours des événements : alors le Palais Royal et la félonie des Tuileries pourraient être à craindre. »
Le diplomate examinait, à ce propos, quelles seraient nos chances de résistance ; il en voyait deux : « notre force morale immense » et « la force matérielle » de l' Angleterre. Mais peut-on compter sur celle-ci ? se demandait-il avec un peu de scepticisme. Il rappelait une conversation récente entre lord Cowley et Napoléon III. « Le pays qui nous préoccupe le plus - disait l'ambassadeur britannique - c'est la Belgique. - Pourquoi ? - Parce que c'est le seul qui puisse nous brouiller. » « Sa Majesté n'a rien répondu », disait le baron Beyens, qui terminait sa dépêche par cette déclaration inquiétante : « Lord Cowley estime, comme opinion personnelle, que l'Angleterre ne bougerait pas pour nous. »
Cette dernière nouvelle ne laissa pas d'émouvoir Rogier. Le 19 juillet, il insistait auprès de Van de Weyer pour obtenir du gouvernement britannique des assurances plus fermes. Il lui disait d'abord qu'il avait eu connaissance d'un extrait de la lettre de notre ministre à Léopold II. « Selon ce que vous écrivez à Sa Majesté, la Belgique, dans la pensée du nouveau ministre, ne serait point menacée pour le moment et l'Empereur ne songerait nullement à accroitre à nos dépens le territoire de la France. Cette confiance exprimée par Lord Stanley est en parfaite harmonie avec celle que Lord Cowley a souvent manifestée et nous ne demanderions pas mieux que de pouvoir y répondre. Mais, s'il en est ainsi, je ne m'explique pas pourquoi lord Stanley vous a demandé si la Belgique se trouvait tout à fait à l'abri d'un coup de main. »
Il lui faisait part ensuite de l'entretien de lord Cowley et de Napoléon III et en donnait ce commentaire :
« Cet avertissement indirect, donné à l'Empereur, aurait pour nous une assez grande valeur et nous aurions lieu de nous en féliciter si, toujours d'après le baron Beyens, le même Lord Cowley n'avait dit aussi (non plus à l'Empereur, bien entendu) que, dans son opinion, l'Angleterre ne bougerait pas pour la Belgique, et il faut (page 101) avouer que les réserves assez vagues faites, devant leurs électeurs, par les divers ministres anglais, au sujet de la non-intervention, sont peu de nature à nous donner la conviction du contraire.
« Ne soyez donc pas surpris... si j'insiste plus que jamais pour obtenir, en ce qui nous concerne, sinon des déclarations solennelles et officielles (telle n'a jamais été ma pensée), au moins des assurances qui ne laisseront pas de doutes sur les dispositions et les déterminations du gouvernement anglais.
« Vous me dites, dans votre lettre particulière du 12, que l'Angleterre, après avoir contracté par traité des obligations positives, ne fait jamais des déclarations qui affaibliraient selon elle l'acte primitif. Je ne suis pas en mesure et je n'ai pas le dessein de vérifier historiquement la parfaite exactitude de cette observation et, à la rigueur. j'en pourrais prendre note si elle émanait de Lord Stanley lui-même. J'en tirerais alors la conclusion implicite que l'Angleterre bougerait pour la Belgique... »
A cette dépêche, qui contenait d'ailleurs certains reproches, Van de Weyer ne répondit que le 22 juillet, mettant le retard sur le compte d'une indisposition. Il revint avec minutie sur les déclarations de lord Stanley, qu'il persistait à juger très favorables pour notre pays. « Comme ministre et comme ami, - me dit-il - je serai toujours heureux d'avoir avec vous les relations les plus intimes. » Je lui exposai alors les raisons qui nous avaient portés à prendre l'attitude calme et rassurée dans laquelle nous nous sommes jusqu'à présent renfermés. Il l'a fort approuvée. « Je ne crois point la Belgique menacée pour le moment, me dit-il, et je suis convaincu que l'Empereur ne veut que maintenir sa haute influence en Europe, et ne point léguer sans solution définitive la question italienne à son fils. Il ne songe nullement aujourd'hui à accroître à vos dépens le territoire de la France. »
Après avoir rappelé que lord Stanley, s'inspirant des instructions de son prédécesseur lord Clarendon, était convaincu de ce que Napoléon III savait très bien que toute tentative sur la Belgique le brouillerait avec l'Angleterre, Van de Weyer interpréta, à son tour, l'incident Cowley. « ... Si Lord Cowley m'eût parlé de cet entretien et qu'il eût ajouté que dans son opinion l'Angleterre ne bougerait pas pour la Belgique, je lui aurais à coup sûr (page 102) demandé s'il était chargé de nous faire savoir ainsi indirectement que son gouvernement entendait se dégager envers nous de toute obligation et considérer comme sans valeur la garantie qui nous était solennellement assurée... »
Vu la gravité de l'incident, Van de Weyer en avait parlé, sans nommer lord Cowley, à lord Stanley, lui faisant part de l'impression pénible que de tels propos avaient produite à Bruxelles.
L'homme d'Etat britannique s'était fort récrié, affirmant de nouveau le vif intérêt que l'Angleterre portait à la Belgique et, tout en convenant que la majorité de la nation était non-interventionniste, il assura que « les partisans les plus avancés de la neutralité la plus complète admettent qu'il est certains intérêts permanents, certains principes immuables pour le maintien desquels l'Angleterre ferait sans hésiter une guerre qui serait immédiatement la plus populaire du monde. »
Il avait ajouté, il est vrai, que dans deux cas la Grande- Bretagne courrait le risque d'être entravée dans son action : « s'il se trouvait eu Belgique un sérieux parti annexionniste », ou bien « si le gouvernement belge poussait l'incurie jusqu'au point de ne pas mettre le pays à l'abri d'un coup de main... » Alors, en effet, des « hommes dangereux » pourraient bien se dresser en Angleterre pour saisir ce prétexte de ne pas défendre l'indépendance belge...