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Les débuts d'un grand règne (1865-1868). Notes pour servir à l'histoire de la Belgique contemporaine
GARSOU Jules - 1934

Jules GARSOU, Les débuts d'un grand règne. Notes pour servir à l'histoire de la Belgique contemporaine

(Paru à Bruxelles en 1932 (tome I) et 1934 (tome II), aux éditions L'Eventail)

Tome I. De la mort de Léopold Ier à la retraite du général Chazal (décembre 1865-novembre 1866)

Chapitre XXII. L'Impératrice Charlotte à Paris. Démarche de Metternich en faveur de la Belgique

L'impératrice Charlotte à Paris

(page 131) Napoléon III n'était pas seulement accablé par les soucis que lui avait attirés sa politique des nationalités. Son autre grand principe : l'union des races latines, l'avait conduit à un échec retentissant. L'empire de Maximilien était aux abois. Les Etats-Unis avaient fait comprendre à Napoléon que le maintien des troupes françaises au Mexique aurait pour conséquence une rupture au moins diplomatique. L'impératrice Charlotte, âme passionnée, ne pouvait, pas plus que son mari, concevoir l'abandon de l'entreprise qui les avait exaltés, et la fuite devant Juarez. Elle s'était embarquée pour l'Europe, venant rappeler à Napoléon ses conseils et ses promesses.

Beyens annonça de Paris, le 12 août, la réception de l'impératrice du Mexique, la veille, par Napoléon III et l'impératrice Eugénie. Il se bornait à dire que le but de la démarche était le rappel de Bazaine et l'envoi de renforts de troupes. « L'Empereur... a fait... à l'Impératrice Charlotte un accueil gracieux, quoique visiblement embarrassé... » Il prévoyait un échec certain et croyait savoir que l'Impératrice se rendrait à Bruxelles, puis à Miramar, mais probablement pas à Vienne.

Notre ministre à Paris n'a pas donné de détails ultérieurs - du moins officiellement - sur les incidents orageux qui suivirent et qui brisèrent peu après la raison de l'infortunée souveraine. Celle-ci ne vint pas à Bruxelles, auprès de sa famille. Ces débuts d'une tragique aventure (page 132) inspiraient à Vandenpeereboom, le 27 août, de sévères réflexions.

« On a dit qu'il y a trois espèces d'hommes : les blancs, les noirs et les princes. Les princes ne semblent pas être organisés comme les autres hommes. Ils ne partagent pas surtout les sentiments du vulgaire pour leur famille.

« La princesse Charlotte, impératrice du Mexique, est revenue en France, malheureuse, sur le point de devoir quitter le Mexique... Elle est à 3 heures de chemin de fer de Bruxelles, de sa famille, du tombeau de son père... et elle part de Paris pour Miramar sans venir à Bruxelles.. Et le comte de Flandre ne court pas au-devant de sa sœur... Quand on demande au Roi la cause de cette froideur, il parle de questions d'étiquette... Elle, dit-il, a voulu avoir une invitation en règle :... On lui a écrit... Elle n'a plus répondu... » (Note de bas de page : Le comte Corti a fait un récit poignant de l'entrevue dramatique de l'impératrice Charlotte avec les souverains français. Maximilien et Charlotte du Mexique, t. Il, pages 177 et suivantes.).

La démarche du prince de Metternich auprès de Drouyn de Lhuys en faveur de la Belgique

L'ambassadeur d'Autriche à Paris, le prince Richard de Metternich, eut avec Drouyn de Lhuys un entretien qui porta surtout - rapporte Beyens le 12 août - sur les négociations en cours. Le ministre français, dont on connaît la position équivoque, qui pratiquait une politique personnelle complètement opposée à celle de l'Empereur, au « secret » de qui il était étranger, jouait un rôle assez ridicule, et qui ne pouvait durer. Il assura Metternich qu'au cours des pourparlers engagés avec Bismarck, le ministre allemand avait demandé pourquoi on ne s'étendrait pas plutôt du coté du Luxembourg et de la Belgique. A cette ouverture, il avait été répondu « que cela ne regardait pas la Prusse et que si l'on avait quelque chose à nous demander, c'est à nous qu'on s'adresserait. »

Drouyn de Lhuys rassura d'ailleurs Metternich quant à la Belgique, et lui dit que, pour le Luxembourg, c'était à la Prusse à prendre l'initiative d'une négociation et à s'entendre avec les Pays-Bas.

Pas plus que Drouyn de Lhuys, qui gémissait sur (page 133) « les fautes irréparables » du 5 juillet, l'impératrice Eugénie n'était satisfaite de la marche des événements, et elle le confessait à Metternich en termes amers.

D'autre part, les ambassadeurs d'Angleterre et de Russie se montraient « fort mécontents de ces négociations secrètes avec la Prusse et du langage incomplet de M. Drouyn de Lhuys. »

Quelles sont les intentions intimes de l'Empereur, s'il en a ? se demandait-on. On ne considérait pas comme impossible un « coup de tête », à l'occasion de la Saint-Napoléon, le 15 août.